J 12 (suite)

Publié le 28 février 2022 à 23:00

17h : C’est rentré à un poil de cul. La grande caisse de voyage de la louve, ma grosse valise, et mon sac de trek bien casés dans le coffre, Oïkia et moi on se faufile à l’arrière de la voiture et ne bougeons pas, ou presque, jusqu’à destination.

La tête posée contre la vitre, j’ai de la musique dans les oreilles et des étoiles dans les yeux. Une nouvelle fois je réalise à quel point je suis heureuse, et chanceuse d’avoir cette vie. Je crois que j’arrête pas de rêver. Mieux : j’arrête pas de réaliser mes rêves. J’ai encore un milliard de projets dans la tête, mais je me sens portée par celui vers lequel je roule. Je suis entrain de faire la chose la plus risquée de ma vie, et j’adore ça. Partir élever des poules au fin fond du canada, dans une famille inconnue qui ne parle pas ma langue ? I do it. Le petit démon sur mon épaule me chuchote « Méfie toi, autant ils ne t’aimeront pas, ou en auront marre d’avoir du mal à te comprendre. Et s’ils sont méchants ? T’aura l’air bien bête ! C’est quoi ton plan de secours ? Nada. Va s’y continue à foncer tête baissée, bécasse. » Je le fait taire. A quoi bon l’écouter, maintenant que j’en suis là pas question de faire machine arrière. « Oui, mais souviens toi des tes angoisses, de ces crises qui te prennent et te paralysent quand tu arrives dans un nouvel endroit ». Ta gueule ! On n’a pas de pire ennemi que soit même, alors j’ai décidé de me faire mon alliée depuis quelques temps. J’ignore si c’est l’âge, mais j’ai cette impression galvanisante que depuis quelques temps le monde est à porté de main. J’aimerais apprendre l’anglais, l’espagnols, des dialectes d’Afriques, apprendre à écouter les autres et leurs besoins, aider et être à la bonne place pour ça, voyager et découvrir les dizaines de dizaines de civilisations différentes, leurs cultures et leur coutumes. J’aimerais m’épanouir en explorant le monde et les autres, grandir en faisant s’élever mes égaux qui sont tous si différents. J’aimerais être sage-femme, pompier, journaliste, guérisseuse, psychologue, assistance sociale, justicière, écrivain, cuisinière. Le monde à l'air si proche et pourtant tellement grand, qu’il parait impossible d’envisager même de réussir à concevoir espérer toucher du doigts les prémices de toutes les merveilles dont il regorge. Je rêve en grand, mais j’ai toute une vie pour essayer. « C’est le voyage qui compte, par la destination" paraît-il. Alors voyageons. J’espère quand même que Carrie sera là pour m’accueillir, par ce que je risquerais pas d’accomplir grand chose si on m’abandonnait ici, en pleine nuit, par -20°.

21h45 : Heureusement elle a eu la gentillesse de ne pas me laisser, et de venir me chercher à Cobourg, la gare la plus proche. Au premier abord on hésite toutes les deux. Hug ? Dans cette partie du monde (partout ailleurs qu'en France d’ailleurs) on ne s’embrasse pas pour se saluer. On fini par une accolade chaleureuse, le dialogue s’engage tout seul. Je la remercie une nouvelle fois d'être venue me chercher, et de m’accueillir au sein de sa famille. Au détour de la conversation elle m’avoue qu'en hiver c’est plus compliqué d’avoir du travail à partager, mais que c’est un bon compromis pour tout le monde. Son mari, John, travaille beaucoup et avoir une aide extérieur pour l’aider avec les travaux de la ferme la soulage. En plus de ça, elle semble tenir à ce que ses enfants soient ouverts d’esprits, et portée par l’envie de s’enrichir de tout ce que les rencontres peuvent lui apporter. Durant ce court voyage je peux déjà constater la bienveillance de Carrie à l’égard de ma louve, cette personne à l’air profondément gentille.

22h15 : La première ville n’est pas à moins de 25 minutes de cette nouvelle maison. C’est costaud pour aller acheter du pain. Nous sommes accueillies par John, et Oyli, et Bobo, les deux chiens de la maison. Le premier est un mastodonte d’au moins 3 fois le poids d’Oïkia heureusement il semble aussi gros que gentil. Le second paraît plus vieux, plus sur son territoire, mais c’est un vieux pépère, je n’ai aucun doute sur leur future amitié à tous les trois. Je rencontre aussi Emma, fille du premier mariage de Carrie. Le fils de cette dernière, Bryan, viendra remplir encore un peu plus cette maison posée au milieu de nulle part, chaque week-end, puisqu’il travaille sur Toronto.

22h30 : A peine ai-je franchi le seuil de la porte qu’un bol de soupe et deux scones sont posés dans mes mains. Je présume qu’ici, le risque de mourir de faim est égal à zéro, pas de soucis à te faire mamie. Une fois les présentations d’usages effectuées je peux clouer le bec de cette idiote petite voie dans ma tête, une bonne fois pour toute. Je ne peux qu’être bien ici. Un « waow » s’est échappé spontanément de ma bouche en découvrant cette maison familiale à l’atmosphère rassurante, haute de plafond, et spacieuse par ses grandes baies vitrées. Un joyeux bordel vit ici, quelques bouquets de lavandes pendent au plafond, des plantes courent sur les murs, le plan de travail est recouvert de nourriture, une grande table laisse deviner les repas d’une famille nombreuse, un salon ouvert offre un endroit un peu à part qui semble parfait pour s’y blottir avec un bon livre et un autre coin proche de la fenêtre, lui, semble idéal pour tricoter. On s’y sent tout de suite à l’aise. 

23h : Carrie me fait découvrir ses ouvrages : elle m’apprendra bientôt à tisser la laine de ses propres moutons. Une bonne cinquantaine d’heure pour un seul pull (bien chaud certe) qu’elle vend la somme dérisoire de 45$. « It doesn’t matter », me dit elle, c’est symbolique. 

23h30 : Il est tard pour tout le monde. Un grand lit, moelleux à souhaits, semble me tendre les bras. Le mieux ? Oïkia peut dormir avec moi, c’est tata Carrie qui l’a dit. 

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