J 0
7h15 : J’ai perdu l’habitude d’écrire. Comme une vieille copine je renoue sans problème avec l’écriture pour vous dépeindre mon paysage. Je ne suis plus seule cette fois, ma meilleure alliée a bien comprit qu’il se tramait quelque chose. La truffe dans les valises depuis quelques jours elle s’interroge sans perdre sa paisibilité un instant. Au lendemain du nouvel an, une nouvelle aventure commence pour nous deux. La nuit a été bonne, je m’étire et apaise mon stress naissant par la caresse d’Oïkia contre moi, ce n’est pas le moment de traîner, une fois les yeux bien ouverts je sors du lit et termine mon sac. Lui aussi c’est un bon copain. Une odeur de crêpe me chatouille les narines et m’attire en bas de notre maison de poupée. Ma petite maman est stressée je le sens bien, rien de surprenant quand on nous connaît. L’estomac noué je mange afin de prendre des forces pour ce voyage de plus de 24h.
9h15 : Il est l’heure de prendre la route pour rejoindre le train qui m’amènera à Paris. Ma grosse valise de 25Kg est hissée dans la grande caisse nécessaire pour qu’Oïkia puisse prendre l’avion. La route passe en un clin d’œil et vient le moment d’accéder au quai. Oïkia accrochée à ma ceinture tire d’un côté, la caisse roule de l’autre, mon sac me fait pencher en avant, les voitures nous encerclent, le monde s’impatiente. Pas de doute c’est un jour de départ.
10h : Ma petite maman pleure dans mes bras et ma gorge déjà nouée s’étouffe. Je sanglote comme une enfant le jour de la rentrée à la maternelle. Ce moment appréhendé se termine, un dernier baiser, un dernier je t’aime, une dernière larme et une dernière caresse puis je passe le contrôle de billet pour prendre place. Personne ne m’aide, ni ne me le propose, je suis habituée. Je demande un coup de pouce pour porter la caisse dans le range bagage pendant qu’Oïkia s’impatiente. Elle se calme instantanément à l’arrivée sous mon siège. Elle s’y couche et ne bouge plus, comme l’air satisfaite. Mes voisines de voyage me félicite : elle est belle mais surtout elle est sage : « elle doit avoir l’habitude ».
10h21 : Le train démarre, et je commence une nouvelle histoire.
13h45 : Arrivée en Gare de Lyon, Raphaël s’occupe de mon transfert vers l’aéroport. Fidèle au poste c’est lui qui m’avait emmené lors de ma première aventure en Guyane. Un peu chargée, Oïkia attachée à ma taille par sa laisse de Canicross, suit comme une championne. J’arrive à notre point de rencontre quelques minutes avant mon ami. Garé au milieu de la circulation parisienne il m’aide à charger mes affaires et on roule vers son appartement qui se trouve à quelques minutes de l’aéroport.
15h30 : Raphaël me montre ses exploits de bricolage puis on passe tous à table, la louve mange ses croquettes et moi un bon plat de pâtes. Rapidement la compagne de Raphaël rentre chez elle et je fais sa connaissance. On part ensuite promener la bête (Oïkia hein) dans les alentours pour qu’elle se défoule avant de passer plus de 12h dans sa cage.
16h45 : Mission accomplie, elle a couru comme une folle, rencontré un cygne, mangé tout ce qui lui passait sous la truffe et manqué plusieurs fois de finir dans le lac mais tout le monde est sauf. Hormis la voiture de Raphaël qui se retrouve maculée de boue.
17h05 : Débarquement à l’aéroport, je sers Raphaël dans mes bras et le remercie plusieurs fois pour son aide, la bouteille de vin offerte plus tôt dans la journée n’était pas de trop.
Une fois à l’intérieur je m’assoie à même le sol pour remonter la caisse de voyage d’Oïkia, Chose faite je commence à faire la queue pour l’enregistrement avec 4h d’avance sur le décollage.
18h35 : Je peux enfin m’enregistrer, les gens à faire la queue étaient déjà nombreux, j’ai appris au détour d’un scandale fait pas un voyageur sur son temps d’attente que le vol était complet et comptait 300 personnes. Je serais donc cantonnée à ma seule place dans l’avion pour fermer les yeux pendant ces 10h de vol. Oïkia est courageuse, après avoir reniflé tout le monde et s’être fait caressée par la moitié de la file d’attente elle monte docilement dans sa caisse après un dernier gros câlin. Elle halète, malgré les doudous, la gamelle d’eau et son gros os elle n’a pas l’air très rassurée. Je culpabilise de la voir comme ça et choisi de ne pas immortaliser l’instant, ça n’est ni un bon moment pour elle, ni pour moi. L’angoisse m’a saisie il y a quelques minutes : est ce que je fais le bon choix ? Pourquoi je fais ça ? Je peux encore faire marche arrière, il est temps, réfléchi. Non, non, je le savais, je me connais, ça fait partie du contrat, je panique toujours au départ. Une nouvelle page va s’écrire, j’ai sûrement le syndrome de la page blanche et c’est tout. Qui n’a pas peur n’a pas de courage a dit Sartre, serre les dents, ça va passer. Ma louve est une éponge, elle a bien senti que sa maîtresse n’était pas bien, alors elle me regarde et on se comprends. Je la laisse, il est temps de passer les douanes.
19h25 : Les gestes sont automatiques, les contrôles se passent sans accroc et je ne réfléchis même plus, comme si c’était naturel. L’habitude certainement. Et dire qu’il y a à peine deux ans jour pour jour j’embarquais pour le début de ma nouvelle vie en Guyane. Du chemin a été fait, il était beau, il était dur, par moment, escarpé, embusqué, aplati, tournant puis tout droit. Mais ça n’est pas la destination qui compte, le voyage c’est l’important paraît-il. Et quel voyage.
19h40 : Petit arrêt pour m’acheter de quoi grignoter, par expérience je sais que ça n’est jamais très fameux à bord de l’avion. Le vendeur me drague ouvertement mais d’une joli façon, j’apprécie le compliment puis le remercie poliment avant de reprendre ma route pour aller attendre à la porte d’embarquement.
20h40 : L’embarquement commence avec près d’une demi heure de retard. J’attend mon tour et juste avant qu’elles ne passent le contrôle j’aperçois 4 de mes « bizuths », futures consœurs. J’ai appris qu’elles venaient pour un stage de 5 mois (pré professionnel, comme moi en Guyane) par l’intermédiaire d’une connaissance mais n’en ai pas discuté avec elles, j’avais un doute sur la date de leur départ. J’en hèle une avant que les quatre ne se retourne vers moi : un sourire poli et elles tournent les talons sans chercher à prendre contact. Ok ça sera chacun pour ses pompes alors. Il est vrai que j’ai eu une histoire avec l’Ella, l’une des quatre mousquetaires il y a de ça deux ans. Il se trouve aussi qu’Elise, présente dans mes récits de Guyane et présente dans mon cœur à l’époque était aussi une de leurs copines. Visiblement elles semblent avoir pris parti. Je ne m’en formalise pas, je compte bien m’entourer de personnes qui me font du bien, si elles n’en font pas partie ça ne sera un drame.
21h10 : Mes fesses sont posée dans l’avion, j’entends les formalités d’usages, les roues quittent le sol, et je m’envole vers de nouvelles aventures.
J 1
9h34 heure locale (heure métropolitaine +2) : Les roues du gros oiseau touchent le sol. La piste d’atterrissage est tellement proche de l’eau qu’on a l’impression qu’il va s’ensevelir dans celle-ci. J’ai dormi une bonne partie du voyage, et ai même rêvé, d’un rêve très réaliste, de crash aérien. Je suis un peu dans le gaz mais j’ouvre mes yeux lourds pour coller mes lunettes au hublot. J’aperçois déjà le lagon bleu turquoise dont j’ai tant entendu parler. Mayotte abrite l’un des plus beau et des plus grands lagons fermés du monde avec une biodiversité à couper le souffle. Dans des fonds marins semblables à un aquarium cohabitent dauphins, baleines, tortues, requins, mais aussi des lamantins. C’est d’ailleurs l’un des seuls endroits de notre belle planète où ils nous laissent l’opportunité de les admirer.
J’arrive en pleine saison des pluies, les nuages brouillent vite ma vue, le commandant nous annonce un temps orageux. J’ai hâte de retrouver ma boule de poil et de pouvoir la soulager (dans tous les sens du terme, mademoiselle est propre mais du coup elle n’aura pas fait ses besoins depuis 16h30 hier).
10h : Le débarquement se fait dans le calme, je récupère mes bagages et ma petite puce sans problème. Il fait déjà chaud. Mes vêtements me collent à la peau mais je ne suis pas dépaysé, je connais ce genre de climat. Juste devant l’aéroport se trouve un petit coin d’herbe qui tombe à pic pour ses premières pattes sur Mayotte. Un gros copain poilu nous tombe dessus, un peu perturbé par cette belle demoiselle. Les derrières sont reniflés, la parade est commencée, les laisses sont emmêlées mais ici pas question de les détacher : nous sommes dans un pays musulman, et les mahorés n’aiment pas ces « animaux de satan ». J’ai déjà eu l’occasion de le sentir lors de l’enregistrement d’hier. Une fois les pattes dégourdies je me met en quête d’un taxi. Plusieurs me passe sous le nez : bon il va falloir s’imposer. Mission accomplie le chauffeur me fait comprendre que s’il me prend il bloque toute sa voiture avec ma caisse, donc que je vais devoir payer plus cher. Je pressent que je vais me faire avoir mais c’est de bonne guerre, avec un chien ici je ne suis pas en position de force. Le taxi démarre pour m’emmener à « la barge » qui m’emmènera de « petite terre » à « grande terre », en effet l’aéroport se trouve sur l’une des deux parties de l’île de Mayotte. Mamoudzou et son hôpital se trouvent de l’autre côté.
Le chauffeur ne m’aide pas à monter mes bagages, et quand il voit ma tête inquiète lorsqu’il veut faire rentrer la caisse contenant Oïkia dans son petit coffre il me dit « t’inquiète on va attacher ». Mon pauvre bébé. Je porte la caisse de plus d’une vingtaine de kilos à bout de bras puis c’est parti.
10h45 : Le voyage ne dure que quelques minutes, d’ordinaire je sais qu’il coûte quelques euros mais cette fois mon chauffeur me demande 20 euros. Je lui dis qu’il exagère, mais je ne suis pas d’ici et ne connais pas les coutumes alors j’abdique. Je découvre les prémices de ma futures terre d’accueil, Mayotte sublime et dévastée me fait penser à ma belle Guyane ainsi qu’à Tahiti. La pauvreté crève les yeux, les couleurs viennent y égayer la vie. La quasi-totalité des femmes y est voilée, voilée de toute les couleurs. Le temps est gris mais rien d’étonnant.
Arrivée à la barge je roule tant bien que mal vers celle ci avec tous mes bagages. Deux personnes me proposent leurs aides que j’accepte avec reconnaissance.
Un homme porte ma valise, je le suis, puis appelle « Abdallah » qu’on m’a demandé de contacter une fois à bord de la barge pour qu’il me donne rendez vous afin de m’emmener de la barge à ma nouvelle colocation.
Le jeune homme porte volontiers ma valise pour descendre de la barge et je l’en remercie plusieurs fois avant de croiser Lili, impromptement, aussi l’une de mes bizuths, jeune pioupiou de la promotion juste en dessous de moi. Elle me saute au cou. Son accueil chaleureux me met du baume au cœur, elle m’aide à rejoindre mon point de rendez vous avant de se volatiliser mais pas sans m’avoir donné rendez vous pour ce soir. « On ira boire un verre une fois que tu seras installée ». Elle part dans un tourbillon de bonne humeur au moment où je constate qu’ici tout le monde se salut par ce que tout le monde se connaît.
En attendant mon chauffeur je fais la connaissance du monsieur d’à côté qui s’émerveille d’Oïkia. On papote un peu, il me parle de son chien à lui, et m’apprend qu’il est médecin affecté en dispensaire sur l’île pour un mois.
11h40 : L’appartement est correct même s’il est inoccupé. Je m’attendais à partager mon chez moi mais personne n’a pris possession de la deuxième chambre pour l’instant. Je fais un rapide tour du propriétaire, tout est vide. Une table, un canapé, une armoire seule au milieu du salon et une cuisine équipée sommairement. Je choisi l'une des deux chambres afin de poser mes affaires et de servir à boire à Oïkia, moi aussi j'ai soif avec cette chaleur. Surprise : pas d'eau. Je bidouille pendant une bonne demi heure, tente d'appeler l'homme chargé de me déposer ici. Il n'en sait rien, il y a eu une coupure générale récemment parait-il, c'est peut être toujours le cas.
12h : Je ne pensais pas arriver si tard. J'avais compté sur une grande surface pour pouvoir m'acheter les premières nécessités : papier toilette, draps, victuailles, lime à ongle (pour venir à bout de se fichu vernis semi permanent qui ne veut pas partir et que je ne peux manifestement pas présenter de cette façon à ma cadre demain matin pour mon premier jour de travail.) S'ajoute à tout ça de l'eau alors. J'allume la clim (quelle chance elle fonctionne !) et laisse ma princesse dans ma chambre pour qu'elle prenne ses marques calmement. Les minutes passent, j'espère trouver au moins de l'eau, on ne tiendra pas comme ça jusqu'à demain. Je me dirige à l'aveugle en croisant les doigts pour ne pas me perdre. Est ce que ma tenue est adaptée ? J'ai mon legging de voyage mais vu la chaleur je suis restée en débardeur et il y a du monde au balcon ! J'entend l'une des cinq prières de la journée. Aucun regard déplacé dans la rue, on me salut poliment, et m'apostrophe plusieurs fois du terme "buena". il me semble que ça veut dire "jeune fille", ça doit être une façon de me saluer. Je poserais la question au travail demain. Je trouve un premier bouiboui dans lequel je m'engouffre avec enthousiasme. Je déchante vite : des sodas oui, de l'eau non. "Où est ce que je peux trouver de l'eau monsieur ? Et à manger" "Je suis pas sur que quelque chose soit encore ouvert, va tout droit, tu verras". Aller, ne panique pas Thaïs, tu vas te débrouiller pour que ta petite puisse manger même s'il faut marcher une heure en plein cagnard. Ce qui m'inquiète ça n'est pas de ne pas manger ce soir, plutôt de ne pas pouvoir le faire pendant plusieurs jours puisque je travaille demain et après demain de 7h à 19h30. Deuxième boutique, une dame est allongée par terre et me sourit la tête à l'envers. Elle comprend que je suis nouvelle arrivée et me gratifie d'un sourire radieux en se poussant de mon passage. Il y a de l'eau. Mais il n'y a que ça. Je prends une grande bouteille et j'espère pouvoir trouver mieux plus loin. Victoire ! Une supérette est encore ouverte. Elle ne vend pas de croquette mais j'achète à la hâte le strict minimum avant qu'elle ne ferme. Pas de lime non plus. Je porte mon butin dans la montée menant à mon appartement. Ici tout n'est que relief. Je donne à boire à ma chienne et redouble d'effort pour trouver une solution à ce problème : l'arrivée d'eau doit forcément être coupée puisqu'un commerçant m'a dit que la coupure était terminée. Je cherche dans tous les sens mais toujours rien. J'appelle ma petite maman à la rescousse, puis tente de sonner chez tous mes voisins. Le dernier répond. Il m'ouvre torse nu (très mignon le voisin) : "Ah oui non ici il n'y a pas d'eau le dimanche". Comment ça pas d'eau le dimanche ? Pas d'eau le dimanche. Bon. Il me propose de l'aide si besoin, mais j'ai mon strict minimum qui devrait suffire. On fait rapidement connaissance, Ravier est Infirmier anesthésiste au bloc obstétrical, il travaille demain soir on sera peut être donc amenés à se croiser rapidement.
13h30 : Je m'écroule sur mon lit, je craque. Je ne suis qu'une boule d'angoisse submergée par ces derniers détails. C'est dans ma nature cette angoisse, elle fait partie de moi, je tente de l'apprivoiser chaque jour, de la dompter à chaque voyage, de la mettre en difficulté à chaque aventure. Tu vas y arriver. Toute seule, enfin toute seule et demi. Boule de poil est là. Je sèche mes larmes, et commence à m'installer.
16h30 : Je réalise que je n’ai encore rien avalé depuis hier soir. J'ai acheté des pâtes, pour ce genre de situation c'est l'idéal. Sauf quand on manque d'eau. Boulette de blonde. J'en met le minimum et prie pour que ça suffise. Il m'en faut pour boire. Je rempli la gamelle d'Oïkia pour qu'elle ne manque de rien et fait une toilette de chat en prenant soin de boucher le lavabo et de conserver l'eau. Je songe même à garder celle des pâtes tant la denrée est rare mais d'après mes calculs ça devrait être bon. Demain matin je pourrais boire à l'hôpital et laisser suffisamment d'eau pour Oïkia durant journée.
17h : Je m'équipe du strict minimum : taser dans ma toute nouvelle banane du papa noël tout de même, laisse, téléphone et je vais repérer ma route pour demain matin. Je commence par un rendez vous à 7h avec ma cadre et il n'est pas question d'être en retard. Je fait quelques détours, flâne pour admirer les constructions. Les enfants de tous âges jouent dans la rue, des familles logent sur les hauteurs des maisons qui semblent un peu branlantes. Il faut tout de même que je regarde où je vais, il y a des trous (pas de petits, de quoi passer une jambe) un peu partout. Il me semble entendre quelqu'un râler avant de saisir que mes visiteurs ne sont pas humains. Les makis (de petits lémuriens) sont intrigués et s'approchent de ma louve interloquée. Comme je ne sais pas s'ils sont agressifs je passe mon chemin après leurs avoir volé quelques images. Je demande mon chemin, me fais aborder par des enfants craintifs de la chienne mais curieux de la toucher, me fais saluer par des sourires enfantins. Le temps est doux ici, une fois les premières semaines passées je m'y plairait j'en suis sûre.
Je trouve l'entrée principale. "Saul" le monsieur de la sécurité tente de me faire succomber à ses charmes (décidément ici les blondes aux yeux bleus ça doit être du pétrole). Il me fait gentiment rentrer dans l'hôpital malgré Oïkia pour me faire visiter les alentours. Il me demande mon prénom mais selon lui "Thaïs" c'est trop difficile à retenir, alors on verra, ça sera peut être "Tata". Je rentre à la maison vous écrire un peu, finir de m'installer puis il sera l'heure de retrouver les copains qui m'ont donné rendez-vous pour boire un verre ce soir.
20h10 : Lili propose de venir me chercher en scooter. J'accepte, j'y vais comme je suis. Je laisse la belle au bois dormant dans ma chambre sans trop de scrupule, elle est complètement ko. Lili m'attend devant, son casque enfoncé sur la tête et sa banane collée aux lèvres. On s'envole avec son scooter vers le "5/5" (five to five) par ce que le "camion blanc" est bondé. Besoin d'un masque uniquement pour rentrer dans le bar, on me fait comprendre qu'ici c'est très cool question Covid. Ils n'ont pas connu le deuxième confinement et le masque n'est pas obligatoire dans la rue. Ça m'arrange avec cette chaleur. Les copines de Lili, Léa et Manon ont l'air un peu fermées au premier abord mais n'ont pas l'air bien méchantes après quelques échanges. Mohamed le copain de Lili est aussi présent et Théo se joint à nous. Ce dernier est un copain de Guyane, il m'a contacté suite à mon poste plus tôt dans la journée sur le groupe de Mayotte signalant que je recherchais activement une colocation. Tout contents de se retrouver on va pouvoir se connaître d'avantage dans les prochains temps. La soirée se passe tranquillement, c'est agréable et j'essaye d'oublier mes peurs accompagnée d'une petite bière anxiolytique.
22h45 : Le bar ferme. Il est temps de régler, on convient avec Théo de se voir sur mes prochains jours de repos pour faire une randonnée. Il a trouvé des endroits méconnus en se perdant volontairement dans la brousse.
23h : Oïkia est ravie que je rentre, je la sors quelques minutes et passe les suivantes à travailler quelques ordres. Visiblement la saucisse elle adore. Ensuite un gros câlin lovée l'une contre l'autre dans le lit et il est déjà l'heure de fermer les yeux.
J 2
4h : J’ouvre un oeil un peu déboussolée. Il est quelle heure ? Je suis où ? A peine le temps de me le demander que la prière du matin me réveille pour de bon. Ma fenêtre est juste en face de la mosquée, ça hurle tellement fort dans mes oreilles que j’ai l’impression d’avoir le haut parleur dans mon lit.
6h : Je me réveille frigorifiée, cette nuit j’ai senti Oïkia s’agiter et haleter. Je me suis dévouée, en baissant la température grâce à la clim afin qu’elle soit plus à l’aise. Moi je n’ai toujours pas de couette, les deux prochaines nuits vont être longues sans ça. J’attrape ma boule de poil pour un câlin destressant avant cette première journée.
6h05 : Pas de temps à perdre, je m’habille, rempli sa première gamelle avec l’eau qu’il nous reste, et la deuxième avec la fin de ses croquettes. Un petit tour pour la demoiselle, on salut la mer brièvement, puis il est l’heure de rentrer pour mon départ à la maternité de Mamoudzou (capitale de l’île), en salle de naissance. On y fait le plus grand nombre d’accouchement qu’il existe en France. Une grosse maternité en métropole comprend entre 3500 et 4000 accouchements. Ici c’est 7000. Gros chalenge. Encore plus quand on pense que beaucoup ne parle pas la même langue que moi.
6h35 : Je n’ai pas de Tupperware pour emmener les pâtes d’hier soir, ce petit détail a son importance, s’il n’y a pas de cafétéria ou de plateaux repas je pourrais m’assoir sur mon déjeuner. Je marche sous la pluie quelques minutes pour atteindre ma destination. J’attends Chloé, une sage femme qui s’est dévouée pour me faire entrer avec son badge et faire mes premiers repérages dans la mater. Je suis trempée comme une souche quand elle arrive. Je chope une tenue, c’est parti pour rencontrer Zanou la cadre supérieure. Finalement la cadre supérieur est absente ce matin, elle s’est déplacée sur l’un des quatre dispensaires de l’île. Celui du centre, à Kahani. Il existe aussi celui du Nord : Dzoumonié, celui du Sud : Mramadoudou et celui de l’Est Dzaoudzi : C’est Sylvie qui nous accueille, moi et une de mes nouvelles consoeurs. Elle nous donne nos badges et nous emmène dans nos services respectifs. J’entre dans un bureau des sages femmes en pleine relève. Pas moins d’une douzaine de visage se retourne pour me dévisager. Aller on saute dans le grand bain. Un petit coucou de la main, un sourire faiblard et on croise les doigts pour que ça soit mes futures copines. Laetitia la sage-femme responsable de ma doublure du jour (personne chargée d’encadrer la nouvelle pour le premier jour afin de s’habituer aux habitudes de services, aux lieux, aux papiers, et de répondre aux questions) commence par me faire faire un tour du propriétaire; c’est un véritable labyrinthe (comme tous les hôpitaux). Je la bombarderais de question pour tout le reste de la journée, aujourd’hui c’est jour d’immunité j’ai droit aux interrogations à volonté. Le service est calme ce matin, ce qui nous offre le luxe de prendre notre temps, je gribouille frénétiquement sur mon carnet, tente de tout retenir, de tout visualiser, de tout apprivoiser. Les instruments d’urgence ok, les tables de réanimations ok, salle de césar code rouge ok. Une patiente est annoncée. Elle est transférée par hélicoptère après avoir convulsé à plusieurs reprises. Elle arrive sans qu’on ai pu savoir avant de décoller si son bébé était encore vivant. Attendue sur le pied de guerre, ça sera Laetitia, Laura et moi qui nous en chargeront avec l’équipe des médecins gynécologues et anesthésistes.
10h : Le brancard roule vers notre service, la patiente est accueillie et le diagnostic est sans appel. C’est une mort foetale in utéro. Il me suffit d’entendre le mot “annonce” dans la bouche du médecin pour le comprendre alors que je m’affaire à autre chose. Je décide de quitter la pièce. Cette femme va vivre d’une minute à l’autre le moment le plus effroyable de sa vie. La moindre des choses est de ne pas polluer son espaces d’inconnus s’ils ne sont pas vitaux. Je reviendrais dans quelques minutes. La prise en charge de cette dame est assez lourde, des protocoles médicamenteux sont mis en place pour faire chuter sa tension qui la met en danger. L’accouchement va être déclenché de manière artificiel afin de permettre la naissance de l’enfant mort. Cela sera le meilleur traitement possible puisque le problème vient du placenta. Dans ces cas là les femmes accouchent de manière naturelle (par voie basse) sauf cas exceptionnel. Je me suis toujours demandé comment on pouvait vire une chose pareille. Surmonter un moment aussi dur qu’un accouchement sans l’aboutissement merveilleux auquel on avait le droit. Le reste de ma matinée est bien occupé par cette dame. Je vaque à mes occupations et continue à bombarder mes collègues de question. Heureusement qu’elles sont cool ! Au détour d’un couloir Alice m’intercepte pour me faire savoir qu’elle et ses colocataires ont vu mon annonce de recherche appartementale sur le groupe d’expatriés Facebook et qu’elles ont quelque chose pour moi ! Elles envisageaient d’adopter un chien pour faire la sécurité dans leur jardin donc l’occasion serait parfaite pour nous. Il s’agit d’une coloc de 5, dans une maison de 170m2 avec 4 chambres à l’étage et un studio indépendant en bas. Un grand jardin fermé et pas moins de 4 tata de plus pour Oïkia. Le studio serait pour moi. Jackpot ! Je fonce et lui fait comprendre que je suis plus qu’intéressée. Elle me propose un apéro dès le soir même pour faire connaissance avec toute la maisonnée. Malheureusement par manque de voiture je dois décommander mais on remet la partie à vendredi soir. J’amènerais Oïkia pour qu’elles voient la bête. Grâce à elle c’est sur que ça sera dans la poche.
13h : Il est temps d’aller manger. En salle de naissance il faut le faire quand on peut. Finalement pas de cafétéria, mais une des sages femmes de la nuit, dans toute sa bonté, m’a ramené un tupperware de pâte/steak de chez elle quand elle a appris que je n’avais rien prévu ce matin. Vraiment touchée par l’intention je suis gênée d’autant de bienveillance. Au cours du repas on nous annonce l’arrivée d’une primipare (premier bébé) adressée du dispensaire de Dzaoudzi à 5 cm de dilatation. En temps normal ce genre de grossesse physiologique est prise en charge en totalité dans les maternités périphériques. Mais cette fois-ci le début de travail est trop long, c’est ce qu’on appelle une dystopie de démarrage, cette patiente a commencé à ressentir des contractions il y a de cela déjà 3 jours. Je saute dessus, c’est l’occasion d’apprendre à faire tous les papiers. Je file accueillir ma petite dame. Toute mignonne, mais toute fatiguée. Les choses se sont enfin débloquées puisqu’elle est passée de 3 à 5 cm (peut être le voyage en ambulance ?)
14h30 : A l’examen suivant ma patiente est toujours à 5 cm. Pour elle c’est la déception. Je tente de lui faire garder espoir, c’est un premier bébé, rien de plus normal que ce qui est entrain de se passer. Sa maman l’accompagne, elle ne parle pas ma langue mais je comprends qu’elle a eu 10 bébés. Aller madame, donne lui des conseils à ta petite ! J’entends ses prières, ce petit bout de femme coloré par ses turbans et voiles de toutes les couleurs. Dans cet hôpital tout blanc. C’est beau.
15h30 : Victoire ! 6 cm.
16h30 : Déception. 6 cm. Ma petite dame craque. Ça n’était pas dans ses plans mais elle me demande une péridurale. Je tente de lui offrir toutes les possibilités qui s’offrent à elle. Marcher, faire du ballon, prendre une douche, rien n’y fais, sa décision est prise et je la respecterais bien sur. Ça sera une péridurale pour la p’tite dame de la A s’il vous plait !
17h30 : L’installation et la pose prennent un peu de temps, ici c’est l’infirmier anesthésiste qui s’occupe d’assister le médecin anesth dans son geste de pose de péridurale. C’est toujours ça de moins à faire. Je sors de la salle pour me diriger vers mon autre patiente. Il est l’heure de lui faire son bilan (prise de sang effectuée toutes les 6 heures). Une fois chose faite je lui donne des comprimés dans le but de créer des contractions et d’amorcer le début du travail. 10 minutes après c’est la catastrophe. La patiente vomi de façon irrépressible, elle tremble comme si elle était habitée. C’est tellement impressionnant que j’appel le médecin. Il faut qu’on s’assure que ça n’est pas une mauvaise réaction aux traitements qu’on lui donne par voie veineuse.
18h20 : Le médecin et l’interne sont présentes. Il s’agirait peut être d’une mauvaise réaction aux comprimés que je viens de lui donner. On galère plusieurs longues minutes à prendre une tension, le matériel ne semble pas en très bon état ici. Je fini par changer de tensiomètre et au bout de 3 essais c’est une victoire. Catastrophique quand on pense que depuis 30 minutes nous ne réussissons pas à prendre la tension d’une hypertendue.
19h : La relève fait son entrée. La journée a été éprouvante pour moi, je suis contente de les voir. Coralie me salut avec le sourire. C’est une des filles de ma promo et sa chaleur me fait plaisir, on était pas très proches mais au moins nous ne sommes pas en guerre.
Les transmission commencent, j’en profite pour refaire le point sur mes dossiers et mes éventuelles boulettes de débutante.
19h30 : Avant de partir je passe une tête dans la chambre de chacune de mes patientes pour leur souhaiter une bonne nuit et je rentre à ma maison. Quelque chose d’autre à besoin de moi là bas, et ça n’est pas un humain.
20 : Après avoir fait 3 fois le tour du service je me suis résolue à demander de l’aide. Foutu labyrinthe. On m’accompagne et dieux merci, je ne m’y serait jamais retrouvée dans tout ce merdier. Je cherche un casier, comme partout ça semble être une denrée rare. Réussite ! Je m’habille : défaite. Mes vêtements n’ont pas séchés depuis ce matin et sentent vraiment mauvais en plus. Je rentre dans la nuit ; demain il faudra que je prévoit de prendre mon taser pour ces quelques pas quotidiens mais tardifs.
20h15 : Je promène ma bête à peine rentrée à la maison, l’avantage c’est que personne ne m’approche dans la rue. Les gens changent même de trottoir, c’est impressionnant. En cours de marche j’en profite pour appeler Célia ma meilleure amie, mon titi, pour lui raconter mes exploits. De retour à la maison je prends une douche bien méritée et à peine sortie ma petite maman m’appelle. Je répète le déroulement de ma journée puis me fait à manger, enfin à manger c’est vite dit, ça n’est toujours que des pâtes puisque je n’ai toujours que ça. Mais cette fois-ci j’ai de l’eau en quantité ! Les pâtes sont misent à cuire et moi j’écris, je tape frénétiquement les touches de mon clavier à en oublier le reste. J’oublie le reste. J’oublie mes pâtes. Jusqu’à ce qu’un bruit bizarre vienne me rappeler dans quel monde je suis. Merde mes pâtes ! Tout cramé, tout collé. Tant pis on mangera quand même, je suis trop fatiguée pour recommencer. C’est ça ou je file au lit sans rien avaler. Je n’ai même pas la force de vous écrire toute ma journée. J’en écris le résumé et m’endors comme une souche, sans me faire prier.
J 3
4h : La prière me tire de mon sommeil, je pense qu’il va falloir que j’en prenne l’habitude.
6h : Le réveil sonne, je me vêtis d’une combishort pour sortir ma princesse. J’ai demandé : c’est très bien toléré pour les “Mzungu” (Mzoungou en phonétique), les blanches quoi. La petite balade du matin n’est pas désagréable. A deux pas de la maison un parking donne sur une large vue de la baie, je m’en rince l’oeil un petit quart d’heure puis il est déjà l’heure de rentrer pour partir au travail. Bien que je n’ai pas eu l’énorme vague d’angoisse à laquelle je m’attendais hier, je suis moins stressée pour mon deuxième jour. Je passe à l’appartement et comme je n’ai toujours pas de Tupperware je met en place un système D : le sac à crotte. C’est pratique ces petits trucs. Une assiette creuse, un sachet noir un pot blédina (ben quoi?) et je me dirige vers mon lieu de travail pour l’année 2021. Mon sens de l’orientation s’y retrouve cette fois, je dépose mon repas puis me présente dans le service de la journée. Aujourd’hui ça sera le “Tri”, les “UGO” dans mon hôpital d’avant, les urgences obstétricales ! C’est ici que l’on accueille toutes les dames enceintes de plus de 22 semaines d’aménorrhées (20 semaines de grossesse) pour les prendre en charge et si besoin les transférer dans le service correspondant.
7h : Tapantes, Maélys, aussi l’une des filles de ma promo est déjà là. Je la salut mais ne sais pas si elle a l’air contente de me voir où si elle a la tête dans le derrière. La journée m’apprendra que c’était juste une question de derrière. S’ajoute à l’équipe Marion un vieux de la vieille visiblement. Elle arrive en bougonnant, et n’a pas l’air de bonne humeur. Pourvu qu’elle ne me double pas, pourvu qu’elle ne me double pas. “Bonjour, moi c’est Marion, ça sera moi qui te doublerais aujourd’hui.” Et merde. Elle a fait six ans dans la maternité de Mamoudzou et j'espère qu'elle n’en a pas marre de devoir encadrer des nouvelles parce que soûlée ou pas je vais la bombarder de questions elle aussi. Le début de la garde est calme, on en profite pour faire le tour du service et je me rends compte que j'ai peut-être eu un jugement un peu hâtif. Marion a un enfant en bas âge, qui a mal dormi cette nuit visiblement. La première patiente arrive, je suis Maélys de près afin de voir comment se déroule une des consultations d'ici. Première chose marquante, est utilisé un lit qui se trouve au beau milieu de la salle des soignants. Oui oui, dans cette salle ou pas moins de 4, 5, voir 6 personnes peuvent se trouver au même moment, alors que la sage-femme peut être amenée à examiner cette son intimité en présence de tout le monde. L'hôpital a été construit de façon tellement petite pour une population tellement grandissante que rien n’est adapté. Le nombre de boxe d'urgence et de 4. Représentant 6 lit potentiels. À Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, qui n'était déjà pas adapté à sa population, il y avait 6 box d’urgence. Pour rappel, ici 7000 accouchements sont réalisés par année, contre 3200 en Guyane. Concernant les salles d'accouchement par ailleurs, ici il y en a 7. En Guyane il y en avait 6 + 4 salle de pré-travail. Il est vrai que l'organisation n'est pas la même puisqu'ici nous n'accueillons uniquement les patientes enceintes de 22 semaines d'aménorrhée, alors qu'en Guyane toutes patientes confondues ayant un utérus venait nous voir. Mais tout de même, rien est adapté. D'ailleurs pas plus tard que cette nuit les filles ont fait un accouchement dans un des box d’urgences. Les patientes arrivent doucement, puis beaucoup plus vite. Je prends rapidement les choses en main de façon autonome et essaye de me débrouiller le plus possible sans encombrer mes consoeurs. Ce matin une difficulté supplémentaire s’ajoute au raz-de-marée de prise en charge : il manque un médecin, donc les deux médecins de l'hôpital vont devoir venir comme elles le peuvent chacune leur tour. Or, pour l'instant ils ne peuvent pas. Donc nous attendons et nos patientes aussi. D’autres, bien sûr, s’ajoutent à celles déjà présentes. Je commence par accueillir une dame venue parce qu'elle est inquiète de perdre du sang, et qu'elle a des contractions. À l'interrogatoire je me rends compte qu'elles sent moins son bébé bouger depuis ce matin. Tous ces éléments m’inquiète, je la passe sans attendre en salle de monitoring pour m'assurer que son bébé aille bien. Quelques minutes après je peux constater que le monitoring (enregistrement du rythme du cœur fœtal) et plutôt inquiétant. Je n'attends pas les 20 minutes réglementaires pour l'analyse de ce rythme avant d'appeler le médecin afin de le prévenir. Il est occupé, il viendra quand il pourra, j'espère que la situation ne va pas se dégrader d’ici la. Au milieu du bazar j'accueille une autre patiente, celle-ci se présente parce qu'elle a des signes d'hypertension ainsi qu'une baisse des mouvements actifs foetaux (bébé bouge moins). Visiblement ça sera le thème de la journée, je rassure la patiente dans un premier temps rien ne semble catastrophique. Contrairement à ma première patiente qui est enceinte de son premier enfant, celle-ci a déjà accouché trois fois dont une fois par césarienne. Dès le départ je rame déjà dans la semoule, les logiciels ne me sont pas du tout familiers, le bureau de sage-femme est tout petit et est encombré par les patientes, les médecins, les sages femmes, même les aides-soignantes ; je peine à trouver un bout de bureau afin de pouvoir déposer mon dossier et avoir les idées claires. Patiente suivante ; une dame est adressée puisque sa sage-femme libérale vient de constater que le diabète de sa grossesse est complètement déséquilibré, cela met en péril la santé de son enfant, il va falloir l'hospitaliser et faire le point avec elle. Je couche sur le papier ses antécédents et grâce à mes questions je constate que cette dame n'a pas moins de 7 filles. Amusée par les probabilités je lui fais savoir, elle me répond qu'elle a une équipe de majorettes. La journée passe mes dames attendent. Je ne sais même plus quelle patiente est prise en charge par quelle sage-femme, les poubelles dégueulent, les bureaux débordent, les dossiers attendent les patientes se plaignent. Le gros problème ici aussi visiblement c'est que toutes les patientes y sont orientées pour faire une échographie. J’apprends qu'un nombre insuffisant de professionnels de santé met en difficulté le suivi minimum des futures accouchées et que beaucoup d'entre elles n'arrivent pas à avoir accès au minimum des 3 échographies recommandées lors d’une grossesse. Se surajoute les transferts des maternités périphériques qui vont remplir des salles d’attentes déjà pleines. J’installe plusieurs de mes patientes sur des brancards dans le couloir. Ça a l'air d'être monnaie courante ici. Il manque un des capteurs des enregistrements si précieux du coeur des futurs bébés. On en prend donc un en salle A, puis celui de la salle A prends celui de la salle B, etc. Pratique. Je rame, je rame, je rame. J'ai l'impression de perdre du temps et ça m'agace ! Rien n'est simple, il faut négocier pour tout, demander des codes pour avoir le moindre accès à l'ordi, attendre les médecins déjà débordés par la salle de naissance qui a déjà effectuée 3 césariennes code orange et une code rouge rien qu’aujourd'hui. Les médecins viennent en renfort, une vague de conduites à tenir nous tombe dessus. On pique, on rassure, on accompagne, on explique, on traduit, on marche, on court, on court, con court. J’aime mon métier. Mais qu’elle galère ! Les sages-femmes ne viennent pas en renfort elles, certainement trop débordées à s’occuper de leurs propres patientes.
17h : Toujours pas mangé.
18h : Toujours pas mangé.
19h : …
19h15 : La relève est déjà là depuis un quart d’heure, on fait nos transmissions puis on reste pour finir ce qu'on a commencé, pour vérifier nos bêtises faite dans la hâte, pour fignoler nos dossiers, pour aider nos égales.
20h45 : On ne déclare pas ses heures quand on est nouvelle, encore moins quand on est jeune. Je ne réussi plus à réfléchir depuis au moins 3h. Il est temps de partir, j'ai fais le maximum de ce que j’ai pu, il faut laisser la main maintenant. J'amène moi même ma pauvre petite patiente dans son service pour éviter qu’elle n’attende encore, elle est là depuis ce matin et elle a gardé le sourire. Je cherche une aide soignante pour lui donner à manger, ça m'occupe 10 minutes de plus puisque chacune se renvoie la balle “C’est pas mon secteur”, "va voir celle qui est vers là bas”. Avant de partir je me présente à Clair une des sage-femmes de “couchou” (suite de couche ici) de cette nuit, l'une de mes potentielles futures coloc. Je n’oublie pas de récupérer ce qui était censé faire mon repas du midi et qui me servira pour ce soir. Je suis affamée. Ma petite maman m’appelle à peine sortie du service, j’en profite pour lui raconter ma journée bien remplie sur la route du retour.
21h : Oïka est un ange, elle a attendu patiemment, sagement et proprement le retour de sa maman. Je sais que les animaux n’ont pas la notion du temps et c’est bien ce qui m’a fais déculpabiliser sur mes deux heures de retard. Elle ne m’en tient pas rigueur et j’ai le doit à la fête la plus mignonne du monde quand j’entre dans ma chambre. Mademoiselle n’a même pas fini ses croquettes, au moins elle n’est pas affamée par ce nouveau régime saucisse.
21h20 : Je peux enfin faire pipi après 1L5 d’eau et une seule pause de ce genre dans la journée. Je mange (me goinfre serait plus adapté), me douche, vous écrit quelques lignes et je m’endors déjà.
J 4
4h : Mon sommeil est tellement lourd que même la prière ne me réveille pas.
6h : Oïkia elle par contre ne se gène pas pour le faire. Non ma chérie, je ne travaille pas aujourd’hui, dors encore un peu.
8h15 : Eveillées toutes les deux, on se prélasse au lit dans un câlin du matin.
8h45 : Nous partons en balade, j’ai le ventre vide, mais le sien est plein et elle a besoin de se défouler. Je pique droit vers la mer en espérant lui dire bonjour. Il fait déjà chaud, très chaud, je prends soin de rendre notre parcours un maximum ombragé pour ma petite chose qui halète déjà. Bon, une bonne chose, enfin une chose qui devrait en rassurer quelques uns: vraiment aucune chance qu’on ne m’agresse quand je promène Oïkia. Les gens changent de trottoir, s’arrête, me contourne c’est vraiment impressionnant. Je lis la peur dans leurs yeux, dans leur culture le chien est sale, il est errant et c’est un animal du diable alors forcément ils en sont terrifiés. Cependant je ne ressens aucune once d’agressivité envers elle, uniquement de la crainte. Je marche sans chercher ma route, et me laisse guider par l’instinct. Je retombe sur le 5/5 du premier soir, et sur un immense marché couvert qui resplendit de couleur. J’aimerais y aller mais impossible avec un chien. J’y reviendrais plus tard. Je m’approche de l’eau, la berge est faite de roche, j’ai hâte de voir la plage ! Quelques pas proches du marché et je crois reconnaitre une tête qui m’est familière. Tiens, madame M. ! Ma petite dame d’hier. Ma pauvre patiente a attendu une bonne partie de la journée et a fini en pleurs à cause de douleur urinaires. Elle me reconnait aussi et à son sourire je peux constater qu’elle a repris du poil de la bête. “Les sages viennent de me laisser partir madame, j’attends mon mari”. Je lui demande des nouvelles et m’enquière de savoir si elle a manger. Non. “Tu as ce qu’il faut pour t’acheter à manger ?”. “Oui, oui madame t’inquiète pas, j’ai pas faim. Mais je bois comme tu m’as dis !”. Un sourire, un regard, et je repars.
9h35 : Une bonne petite balade qui a mis la pépette sur les rotules. Au moins elle sera ko pour le reste de la journée.
10h : Je commence mes recherches de voiture de location. J’ai espoir d’en louer une aujourd’hui pour les deux semaines prochaines afin de pouvoir m’organiser. Objectifs : faire des courses pour commencer mon nid, trouver une moto, une voiture, et débuter mon exploration des environs. Je compare les tarifs puis convient d’un rendez-vous pour demain avec les locations aux tarifs les plus intéressants (30 euros par jour, et ça va jusque’à 46 !). J’essaierais de trouver une voiture pour aujourd’hui ailleurs.
11h30 : Je m’apprête à quitter ma résidence pour me diriger vers une agence de location quand un homme me saute dessus :
- Bonjour, vous êtes la location du 17?
- Oui c’est moi.
- On vous a expliqué ce qui s’est passé lundi ?
- Non du tout, j’ai vu que quelqu’un était rentré (en rentrant lundi soir dans mon appartement rien n’avais changé hormis une armoire vide qui avait été déplacée) mais on ne m’a rien dit.
- Ah, alors venez avec moi.
L’angoisse monte : qu’est ce qui à bien pu se passer ? J’espère qu’Oïkia n’a pas passé sa journée à faire le loup. Finalement non, j’aurais préféré. Il y a eu un dégât des eaux, et mon appartement a inondé la pharmacie se trouvant en dessous. “Entre 15000 et 30000 euros de perte”. Très embêtée j’espère que ça n’est pas moi qui ai ouvert un robinet dans ma recherche d’eau à mon arrivée. Il m’accuse, je ne peux que comprendre sa colère mais personne ne m’a rien dit, ni pour les évènements, ni pour le manque d’eau chaque dimanche. Une fois partie au boulot l’eau s’est rallumée et s’est déversée en dessous. Je n’ai pourtant constaté aucun changement dans mon appartement. Rien d’abimé, rien de changé. J’espère que toute cette histoire ne me retombera pas dessus, malheureusement je ne peux rien y faire et c’est bien ce qui m’embête. Je passe le reste de la journée à ressasser cette histoire. Est ce que c’est moi ? Peut être pas. Mais peut être. Pourquoi on ne m’a pas encore appelée pour me taper sur les doigts si c’était le cas ? Un peu (beaucoup) chamboulée je pars quand même en quête d’une voiture. Il se met à pleuvoir, je suis vite trempée comme une souche. Finalement impossible de trouver l’agence de location, tout ça semble approximatif ici aussi, tiens. De retour à la maison je tente d’appeler d’autres agences : rien de disponible pour aujourd’hui, ça attendra demain.
13h : Je prends un moment pour me forcer à manger malgré la contrariété, j’ai sauté trop de repas ces derniers jours. Mes pâtes tournent dans le micro-onde et je suis adossée en culotte contre le plan de travail quand j’entend la porte s’ouvrir. Il y a une sonnette mais la personne s’en est passé visiblement. Elle a frappé et je n’ai pas entendu. Un homme tombe nez à nez avec ma tête de déconcertée. Je cours me cacher dans ma chambre. “Bonjour, je vous amène une nouvelle colocataire”. Ah bah bien tiens. Sympa de prévenir. Avec quelque chose d’enfilé sur les fesses à la va vite je salut ma nouvelle collègue, Hérine, également sage-femme, toute fraichement arrivée. On fait rapidement connaissance et je propose d’aller faire des courses demain avec ma voiture de location. En attendant je vais acheter des croquettes pour Oïkia à pied et lui propose de lui ramener 2 bricoles si elle le souhaite.
14h30 : Je pars à pied pour la première supérette du coin. Pas de chance encore une fois à l’adresse indiquée il n’y a rien. Je prends la décision de me rendre au grand centre commercial du Baobab dont on m’a parlé. Comme ça je verrais à quoi m’attendre pour demain. Le chemin est tout en descente, au retour il sera donc tout en montée.
15h : Je suis agréablement surprise par le choix qui s’offre à moi. C’est presque aussi grand qu’un petit supermarché classique de métropole, par contre niveau fruits et légumes c’est la dégringolade : une immense étale de tomate, et c’est tout. Ah non, il y a du gingembre. Je suppose que tout ne se trouve qu’au marché. Ils sont pauvres en pain aussi mais rien de surprenant; je trouve quand même mon bonheur avec un pain aux céréales (bonjour les aphtes !). Avant de quitter la galerie commerçante je fais un crochet chez SFR. Mon forfait me joue déjà des tours, je vais régler le problème tout de suite et me renseigner pour une ligne internet potentielle dans ma future potentielle maison. Je repars satisfaite et le chemin du retour est entamé. En effet ça grimpe, mais les deux derniers mois de confinements sportifs ont été productifs je crois.
16h : De retour à la maison je m’affaire à trouver une moto. Mission accomplie j’ai un rendez-vous demain pour une Yamaha 125 SR. Un peu pourrie mais ça fera l’affaire, elle n’est pas chère et je veux pouvoir supporter qu’on me l’abîme sans m’arracher les cheveux. Ici les voitures sont cassées, et les scooters volés très souvent, alors autant ne pas y mettre le prix. J’écris un peu, cherche différentes choses sur les petites annonces et gère deux trois détails de paperasse.
20h : La journée est passée à une vitesse folle. Hérine me propose d’aller chercher à manger en face au bouiboui appelé “citron vert”. J’accepte, alors nous nous dirigeons toutes les trois pour manger quelque chose de local. On déguste ensemble un poulet-coco-curry (un vrai de vrai) et l’occasion est parfaite pour faire plus ample connaissance. Hérine est vraiment sympa, la même que moi à peu de chose près, je pense qu’on va bien s’entendre. Son chéri est resté en métropole et elle a un an de moins mais ses nerfs ont l’air plus solides que les miens. Elle n’a pas l’air déboussolée pour un sous.
22h : Petite douche, bonne dose d’écriture et il est déjà plus de 23h15. Une grosse journée m’attends demain, je m’abandonne au sommeil.
J 5
4h : J’ouvre un oeil. Prière. Je ferme déjà l’autre.
6h45 : Il est bien trop tôt pour commencer une journée de congé mais il paraît que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors allons-y. Je me love contre ma louve, traîne un peu puis enfile quelques chose de confortable avec mes chaussures de marche. Ce matin c’est randonnée sauvage avec Théo. Un petit tour dans la salle de bain pour me laver les dents et me tartiner de crème solaire puis je suis prête pour notre balade canine. Oïkia ne cesse de renifler tout ce qui l’entoure, pour aller d’un point A à un point B c’est plus contraignant mais elle semble curieuse de découvrir son environnement.
7h25 : Message de Théo : “Ok plutôt 8h, petit contretemps”, aucun soucis j’en profite pour vous écrire quelques lignes.
8h : Il passe me prendre et je siffle de manière admirative devant sa moto. Trop contente de rouler sur ce petit bijoux, je m’empresse de monter en tant que passagère. On évite un bon nombre de bouchons grâce à notre 2 roues (ce qui aurait pris une heure environ en voiture nous prend seulement une dizaine de minutes). En m’accrochant à l’arrière de la selle, je savoure ce moment d’évasion et ouvre grand mes yeux, ce que je vois est magnifique. Souvent j’aimerais pouvoir prendre des photos en un claquement de doigt pour que vous puissiez voir tout ce qui s’offre à moi. Un maki fait l’équilibre sur un fil électrique, le lagon nous nargue à gauche, la forêt nous salut à droite, des pagnes de toutes les couleurs habillent les rues. Les buénis étendent leur linge coloré sur les barrières du bord de route, les enfants jouent en short et pieds nus, le soleil s’amuse à taper déjà fort. Théo est tout fin, je n’ose pas m’appuyer sur lui mais sa conduite est sûre, depuis qu’on se connait je l’ai toujours vu à moto ! En s’éloignant un peu de la ville nous nous engouffrons dans un “banga” (bidon ville ici), tout le monde nous souris, chacun nous salut. Il y a de la glaise partout mais la pluie est tombée tard dans la nuit, donc le terrain reste praticable. On gare l’engin et on accroche nos casque respectifs à nos sac pour ne pas avoir à les porter. Dans le mien se trouve le strict minimum pour éviter que cela ne me pèse pendant la marche : un couteau, 2L d’eau, de la crème solaire, mon téléphone, et un Kway.
8h20 : La randonnée commence, dès les premières minutes je m’essouffle, ça commence dur. J’avais pourtant précisé à Théo que je n’étais pas douée pour ça et la difficulté des premiers pas m’inquiète. Je n’en souffle mot et prends sur moi. Théo me rassure de lui même : “Le début est difficile, mais ça vaut le coup, et après la première grosse montée ça ira beaucoup mieux”. Je ne moufte pas, par égo plus que par condition physique je m’extirpe tant bien que mal au sommet tant attendu sans m’arrêter. Et ça valait le coup effectivement ! La forêt surplombe le lagon, nous nous surplombons la forêt. Nous avons comme l'impression d’être seuls au monde. Paisibles. Il n’y a pas un bruit sauf celui de la forêt. L’endroit est idéal pour prendre le petit déjeuner : on s’installe, je sors mon sac à crotte (ben quoi ?) contenant cookies et barres de céréales, Théo lui a tout prévu : lait, jus de fruit, cacao, petit bol, petits biscuits, un véritable enfant. Je me moque gentiment de lui, le contraste est amusant entre le petit aventurier machette accrochée à la ceinture, et le combo chocolat au lait-biscuits d’un enfant de 4 ans. Je lui décroche un grand sourire. La route reprends, j’admire la beauté de ce qui nous entoure, j’apprends à reconnaître la manioc, les bananiers et leurs régimes, vois des milles pattes, araignées, papillons, buffles, rencontre les taules servies pour délimiter les champs, les maisons dans la forêt abandonnées de la civilisation. Les cocotiers, hauts de plusieurs mètres, sont taillées à la machette sur toute la longueur de leur tronc afin de pouvoir y grimper. Les pas s’enchainent, les montées et les descentes aussi. Quand l’une arrive, je me dis que l’autre est forcément derrière. Cette fichue poche à eau est difficile à magner pour étancher ma soif. Un tuyau est fait pour aspirer de l’eau, mais à part faire ventouse avec ma langue je me fatigue pour pas grand chose. On croise des gens parfois, des hommes qui récoltent le manioc, des buénis qui font leur lessive, tous nous disent bonjour. Les ruisseaux sont frais mais d’une couleur légèrement blanche, Théo m’apprend que c’est dû à ce qu’elles utilisent pour laver leurs linges plus haut, elles nettoient puis frappent leurs pagnes sur la roche. J’aimerais tellement pouvoir les prendre en photo. Presque arrivés au village j'arrive à capturer la rencontre d’un garçon et de sa mère entrain de porter d’énormes bouts de bois sur leur tête.
10h20 : Une pause bien méritée se fait. On achète un coca bien frais au bouiboui du village avant de reprendre notre route dans le sens inverse. La pluie nous accompagne au retour, je sors mon Kway pour couvrir mon sac mais ce n’est pas ça qui va nous arrêter plus longtemps. Notre progression se fait de manière plus lente par ce que la glaise habite notre parcours rendant plus périlleux le moindre de nos pas. A certains endroits j’ai des herbes jusqu’au genoux, heureusement qu’ici il y a nettement moins de bêtes dangereuses qu’en Guyane ! J’ai parlé trop vite, ma jambe s’enfonce dans un tas de ronce. Ah non, je peux constater rapidement que ça n’était pas des ronces mais des orties. Ma peau est en clafie et ça brule. Je sers les dents, ça passera.
11h45 : Une fois à la moto le chemin du retour est entamé avec la plus grande prudence à cause de la pluie. Un des chemins que nous avions pris à l’allée n’est plus praticable, des locaux nous avertissent : un vrai torrent est entrain d’y couler. On fait un détour, la roue chasse, la moto penche, même réflexe : on pose tous les deux le pied à terre et on relève la moto sans tomber. Ouf. On souffle un coup et c’est reparti. A quelques kilomètres heures seulement on traverse une dernière rue de terre avant de quitter le bidon ville. La roue chasse, la moto penche, nous tombons au ralenti. On s’enquière tous les deux de savoir si l’autre n’a rien puis on se relève. Je marche quelques pas le temps que Théo rince les roues lissées par la boue. Comme de l’argile, j’ai la moitié du corps complètement recouvert de cette glaise orange. Je n’en perds pas mon sourire, c’est dans les pires galères que se trouvent nos meilleurs souvenirs. On a été prudents et on ne s’est pas fais mal c’est le principal. La pluie n’a de cesse jusqu’à notre retour chez Théo, on est trempés jusqu’à l’os et oranges tous les deux.
12h15 : Il me donne de quoi me sécher et de quoi me changer. Habillée en Théo je repars pieds nus vers la voiture de sa coloc qui va faire des courses en ville, elle me dépose au passage.
13h : J’ai rendez-vous pour une voiture de location. Pour faciliter mon installation j’en ai loué une pour deux semaines. On fait le tour de la voiture, puis je repars clés en main. Je me perds dans la ville en peinant à retrouver ma maison. Une fois chose faite (après avoir fait 2 fois le tour de la ville) je passe prendre Oïkia et mon porte feuille puis pars pour mon prochain rendez-vous se trouvant à Bandrélé. Cela dit je n’ai pas pensé à prendre mon chargeur de téléphone et doit vite économiser de la batterie si je veux pouvoir arriver à destination. Je rencontre le propriétaire d’une Yamaha 125 SR. Elle est en sale état mais seulement à quelques centaines d’euros (compter 3000 euros environ pour un 2 roues ici). Ça tombe bien je voulais me mettre au bricolage et le plus important c’est que je suis sûre qu’elle démarrera tous les matins. Pour le reste c'est accessoire. Alors oui il n’y a plus de démarreur et je dois m’aider d’un clou pour lancer le moteur, oui la selle s’enlève d’un seul coup de main, oui la plaque est tordue, Mais. Mais je monte dessus et c'est le coup de coeur, elle est faite pour moi. Un petit tour et j’en suis convaincue, je lui fais une offre 50 euros plus chère que la dernière qui lui a été faite, puis lui donne une première partie du montant en liquide. Le propriétaire a 3 enfants, 1 chien amoureux d’Oïkia, et une femme couturière. Je visite l’atelier de cette dernière et je craque sur un sac que j'achète sans la moindre culpabilité, ça fera marcher les affaires locales.
16h : La route du retour est entamée au culot. Je n’ai plus de batterie mais c’est presque toujours tout droit, je devrais m’y retrouver. Je loupe la plage que j’avais repéré et fais un arrêt sur le dernier bout de sable encore sur ma route. C’est une plage de sable noir, à marrée basse. Rien de très joli à voir mais c’est idéal pour faire courir ma louloutte qui en avait bien besoin. Une fois bien dépensée c’est l’heure de rentrer pour aller faire les courses.
17h30 : 3ème rendez vous de la journée. Grâce à une petite annonce j’ai déniché une machine à coudre toute neuve pour la moitié de son prix initial. Sa propriétaire ne s’en est jamais servie et elle est encore dans sa boite, elle s’en sépare à cause de son départ de l’île. Je débourse 110 euros pour que cette merveille soit à moi (200 euros minimum ici pour les premiers prix).
18h15 : Après plus d’une demi-heure de bouchons pour faire quelques centaines de mètres je commence enfin à faire mes courses dans le centre commercial du Baobab. C’est une grande surface mais il y a très peu de choix, plein de choses de ma liste ne sont pas dans les rayons. Une des premières choses que j’ai envi d’acheter c’est une couette. J’ai beaucoup de mal à dormir sans mais vu le prix qui se trouve devant moi j’hésite un quart d’heure avant de craquer pour ce caprice. Je ne débourse pas moins de 80 euros pour une couette deux places. Aïe.
20h : La note est salée, pour mon caddie plein (avec la couette quand même), elle est égale à près de 300 euros. Je rentre à la maison, range mes courses, discute avec Hérine et propose d’aller acheter la même chose qu’elle hier soir, ça me servira de repas pour demain midi.
21h : Il n’y a pas de poulet coco mais un poulpe coco me fait de l’oeil. J’y jette mon dévolue. On mange ensemble, papote un peu mais je ne traîne pas. Encore deux grosses journées s’enchainent demain. J’écris un peu, et je m’endors dans une nouvelle couette toute moelleuse.
J 6
4h45 : A votre avis ? Toujours la prière.
6h : Il est déjà l’heure de se réveiller. Petit câlin matinal avec ma louve avant de sortir la balader et je file au travail.
7h : Le service dans lequel je suis doublée aujourd’hui m’annonce une garde moins stressante que mes deux premières. Les suites de couches, appelée communément “couchou” ici, accueillent les mamans dans les premiers jours suivants leur accouchement. Cependant ici c’est très particulier, du fait du très grand nombre d’accouchement (plus grande maternité d’Europe) les couchous ne concernent que les dames dont leur grossesse/accouchement/enfant présente un risque supplémentaire à un accouchement physiologique. Je m’explique : toutes les patientes dont la grossesse et l’accouchement se sont déroulés normalement sont transférées immédiatement après la salle de naissance (2h après l’accouchement donc) dans les dispensaires de l’île. Une sage-femme est d’ailleurs affiliée à l’organisation de ces transfert tous les jours.
7h05 : La relève débute. J’ouvre grand mes oreilles mais je ne suis pas très réveillée. Mon estomac endormi jusqu’ici se réveille et je me fais la réflexion que même si quelqu’un nous volait une feuille de transmission elle n’y comprendrait rien tant on utilise d’abréviation. Même pour moi c’est chinois parfois.
7h20 : Aujourd’hui nous avons 2 Sophie dans l’équipe du jour, plus Eline. C’est l’une des deux Sophie qui me double, elle est là depuis 2 ans et demi et fait partie des plus vieilles de la mater du coup (énormément de turn over, les nouvelles sages-femmes arrivées depuis 3 mois sont parfois amenées à doubler des nouvelles nouvelles). Dans l'équipe des AS c’est Soufia et Rita qui nous accompagnerons de notre coté aujourd’hui. Les aides-soignantes sont essentielles pour les traductions faites aux patientes mais elles ne semblent pas plus motivées qu'en Guyane. Rita est nouvelle dans le service et c’est une perle ! Pour un premier jour j'ai eu de la chance, elle est souriante et fait très bien son travail, c’est agréable.
8h20 : Après un petit tour des locaux et des explications sur les habitudes du service (je note, je note, je note) le “tour du matin” est débuté. Il consiste à faire un examen clinique à toutes nos patientes. On commence par examiner une dame à deux puis Sophie s’occupe d’une autre qui fait subitement un pic de température à 39,3°. Par pure logique je ne rentre pas dans cette chambre et m'occupe des autres mamans de mon service en attendant. Rien de bien différent que ce que je ne connais déjà. Sauf qu’ici il n’y a que des patientes “compliquées” puisque toutes les autres sont transférées en périphérie.
9h : Plusieurs choses me marquent déjà. Pour commencer les chambres triples. Par manque d’espace, de moyen, ou de je ne sais quoi les chambres ne sont plus doublées mais triplées. De quoi faire un joyeux RamDam quand l'un des bébés se met à pleurer. Heureusement ici, niveau sonore, les suites de couches sont beaucoup plus calmes qu'en métropole, simplement par ce que les bébés sont sans arrêt dans les bras de leur maman, dont la chaleur et le sein suffisent amplement au bien être. Ces chambres triples sont un enfer pour circuler mais je slalom tant bien que mal avec mes dossiers pour effectuer ma tâches. Autre chose marquante : les grossesses. Ici la salle de naissance est prise d’assaut par des accouchements rapides. Le tri (les urgences) est saturé en permanence, et la grossesse pathologique n’en parlons pas. La solution est évidente : mettre les patientes enceintes hospitalisées pour différentes raisons en couchou. C’est polyvalent ici au moins ! Je ne m’arrête pas là et suis interloquée (voir indignée) par autre chose. J’apprends qu’ici si la dame n'a pas de sécurité sociale et bien... Elle n’a pas de sécurité sociale (donc moins de soin, pas de médicaments…). Donc si une future maman passe la frontière du Suriname pour accoucher en Guyane elle a le droit à l’AME, mais si elle arrive des Comores pour accoucher à Mayotte elle n’a aucun droit. Ou est l’égalité ? Je reste sans voix.
10h : La dame qui s’est subitement mise à avoir de la fièvre ce matin est considérée Covid + jusqu’à preuve du contraire. Etant dans une chambre double sa voisine est cas contact. Les deux patientes ont reçu la demande explicite de ne pas sortir de leur chambre afin de ne pas contaminer le service. On s’habille en cosmonaute à chaque entrée dans la chambre, mais visiblement ça ne leur est pas venu à l’esprit que les visites des copines de grossesse pathologique (le service d’à coté) était évidement interdit. Trop tard, 2 patientes supplémentaires sont considérées cas contact puisque la fameuse copine est elle aussi en chambre double. A cette allure ça peut aller très vite ! On cadre un peu les choses et heureusement dans tout ça nous n’avons pas à gérer le coté bébé. Cette tâche incombe aux AS et à l’infirmière puéricultrice présente la journée. La nuit par contre ça sera de mon ressort, et je vais même devoir apprendre à poser des cathéters (tuyau dans les veines) aux bébés tout neufs et leurs veines fines comme des cheveux.
11h30 : L’une de mes patientes m’appelle pour me faire savoir son mécontentement, Rita traduit mais je comprends vite qu’elle veut sortir contre avis médical. Cette maman de jumeaux en a marre d’être hospitalisée depuis 5 jours et souhaite rentrer chez elle quoi qu’il en coute. Le problème c’est que ce matin nous attendons les résultats sanguins de ses deux bébés qui commencent certainement un ictère (jaunisse). Rien n’y fait elle veut partir, je tente de la faire patienter mais je sens bien qu’à tout moment je retrouverais sa chambre vide. J’en avise le pédiatre et entre temps les résultats tombent. Ils sont limites mais de toute façon la mère n’entendra rien, le médecin l’autorise donc à rentrer chez elle.
12h : Sophie me montre comment effectuer les sorties d’hospitalisation des patientes, on en libère 2 avant manger. Le service ne désempli par puisqu’en échange nous accueillons des accouchées toutes neuves. Aujourd’hui le thème c’est hémorragie de la délivrance. On fait bien attention à ce que les saignements soient raisonnables puis vient l’heure de manger.
12h30 : La salle de repos est assaillie d’AS donc les sages-femmes mangent en salle de staff (salle de réunion interdisciplinaire), profitant pour faire plus ample connaissance.
13h : L’après-midi se déroule dans le calme, au milieu de procédures dont j’ai l’habitude. Prise de sang, prélèvements en tout genre, examens cliniques, papiers, conduite à tenir etc.. Rien d’exceptionnel et comme c’est calme j’en profite pour aller proposer mon aide au tri. Les filles sont débordées, la tête sous l’eau elles n’en voient pas le bout. J’empile 3 dossiers en filant dans mon service pour cadrer tout ça avec Sophie, ça sera déjà ça de moins à gérer pour elles. Elle ont vu 40 patientes rien que dans la matinée. A deux. Cette organisation devient dangereuse, on peut oublier tellement de chose de cette façon.
18h30 : Je déleste le tri d’une patiente supplémentaire en début de travail. On ne peut plus emboliser une salle du tri qui est déjà plein, et la salle de naissance c’est la même chose. Alors même un début de travail vient en suite de couches parfois. Espérons que ça n’aille pas trop vite et qu’elle n’accouche pas dans mon service.
19h : La relève est déjà là. On fait nos transmission puis je discute avec Ninon (une copine d’Hérine, ma coloc) et Alice (ma potentielle-future-coloc) en sortant de la mater. Alice me suit jusque chez moi en scooter pour que je puisse prendre ma poulette et ma voiture avant de la suivre jusqu’à mon potentiel-futur-chez-moi qui se trouve à Iloni (25 minutes en 2 roues). Ce soir je suis reçue par Alice, Claire et une troisième potentielle-future-coloc dont j’ai oublié le nom, pour manger et faire connaissance. Si le courant passe bien on habiterait dans une colocation de 5 personnes (une quatrième arrive de métropole dans les prochains jours).
19h45 : Je me gare devant le portail pendant qu’Alice gare son scooter (premier bon point, je pourrais protéger ma moto des vols). On m’invite à entrer, je suis ébahie de ce que je vois. Une maison de 170m², en bois, dont tout un pan donne sur une vue du lagon par de larges fenêtres. Un grand jardin entoure la maison (idéal pour ma louve) et un petit studio indépendant se trouve en dessous. Le studio serait pour moi et c’est parfait. Les filles souhaitent que (toujours dans l’hypothèse où c’est moi l’heureuse élue) je participe à la vie collective comme si j’étais en haut. C’est vraiment l’idéal.
20h15 : Après un tour du propriétaire, complètement conquise, un apéro est entamé. On papote, on apprend à se connaître, c’est franchement le coup de coeur. Par expérience je sais que vivre avec les gens ça n’est pas la même chose, mais elles sont vraiment cool. 4 (3 seulement pour l’instant) jeunes diplômées Nantaises, nature-peintures, sans chichi et qui aime la vie et ses voyages. On va bien s’entendre c’est sur. Je me vends un peu, je crois les doigts. Bien évidement elles craquent toutes pour Oïkia, j’en profite pour leur montrer qu’elle est bien élevée et mon alliée joue de tous ses charmes pour avoir ces 3 nouvelles tatas.
22h30 : Le repas s’achève, je fais la vaisselle, et comme une petite maman Claire m’emballe une tranche de Carotte-cake pour le petit déjeuner de demain.
23h : De retour à la maison je reste le plus discrète possible dans l’hypothèse où Hérine dormirait. Elle ne dort pas et je vois sa petite tête pointer dans l’entrebâillement de nos portes. On discute sur le pas de celles-ci mais il est temps d’aller dormir, demain une quatrième journée de garde de la semaine m’attend.
23h20 : Je vous écris quelques lignes histoire de ne rien oublier du bazar qu’il y a dans ma tête.
23h45 : Il est déjà bien trop tard pour une semaine bien trop chargée. Je pose mon ordinateur et je rejoins les bras de Morphée en quelques instants.
J 7
6h : Complètement Ko je n’ai même pas entendu la prière de 4h. Je me lève, promène Oïkia dans la non-fraicheur du matin et file au travail.
7h : Aujourd’hui je suis doublée en service de grossesse pathologique. C’est un tout nouveau service pour moi puisqu’hormis 3 semaines de stage au cours de mes études je n’y ai pas du tout été confrontée jusque là. Je croise Salomé dans les couloirs, une autre de mes consoeurs de promotion. La garde se déroulera également avec Amélie, une autre Montpelliéraine d’une année de moins, et Ophélie une jeune sage-femme qui sera chargée de ma doublure du jour.
8h : La relève est faite. On entame le tour du matin en commençant à deux pour la première dame, puis je prendre mes propres patientes, on divise le service en 2.
10h30 : Le tour du médecin vient alors. Il vise à faire le point sur tous les dossiers, et de toutes les conduites à tenir concernant les patientes du service. C’est un nouveau médecin qui est présent aujourd’hui donc c’est un peu plus long. Il a l’air d’avoir de la bouteille mais il est très gentil. C’est agréable de ne pas ressentir ce sentiment paternaliste trop souvent éprouvé en présence de médecins hommes plus âgés. Avec nous les petites et frêles sages-femmes (s’ils savaient seulement…).
12h30 : On aimerait aller manger mais il n’y a pas assez de place à cause des AS qui prennent tout leur temps. On attend notre tour, mon ventre gronde.
13h : On mange ! Le médecin et son interne se joignent à nous. J’échange pendant toute la durée du repas avec le docteur qui a travaillé pendant 2 ans en Guyane. Il prend des nouvelles de ses anciens confrères et on s’amuse de constater que les choses n’ont pas beaucoup changées la bas.
14h : Je laisse partir une de mes dames dont l’hospitalisation touche à sa fin. Le médecin a donné son accord pour qu’elle sorte alors je lui explique tous ses rendez-vous à l’aide de mon AS, lui donne tout les papiers nécessaires à sa sortie.
14h10 : Après ça je dois me pencher sur un problème d’identité. Ici il y a beaucoup d’usurpation et c’est bien pour ça que nous devons redoubler de vigilance. Pour avoir accès au soin certaines femmes prennent l’identité de leurs soeurs / amies / voisines sans se rendre compte des risques que cela représente. En effet si Mme A, de groupe sanguin A+, se fait passer pour madame B, de groupe sanguin B- et qu’elle fait une hémorragie de la délivrance nécessitant une transfusion, l’administration du mauvais sang peut être fatal. L’une des 3 patientes de la chambre G est concernée par une erreur d’identité. Elle vient des Comores et ne parle pas un mot de français. Après 3 tours de services pour trouver mon AS je me résous à demander de l’aide à la voisine de ma dame pour la traduction. Je vérifie que l’acte de naissance obtenu est bien celui de ma petite patiente comorienne, malheureusement celle-ci ne peut pas m’aider puisqu’elle ne sait ni lire ni écrire. Dernière chance de vérification :
- Quelle est ta date de naissance madame ?
- Je ne sais pas…
- D’accord, est ce que tu sais au moins en quelle année tu es née ? Sur ton bracelet il est marqué que tu as 22 ans alors que sur ton acte de naissance tu en a 30.
- Je ne sais pas non plus…
- Bon. Est-ce que tu peux me dire comment tu t’appelles ? Tu sais écrire ton prénom ?
- Ziara.
- D’accord, avec un Z ? Sur ton acte de naissance c’est un D qui est marqué. Diara ?
- Non c’est Ziara, mais je ne sais pas comment ça s’écrit…
Pas beaucoup plus avancée j’appelle le service compétent pour l’en informer. Le bureau des accueils est habilité à faire le changement d’identité mais dans cette situation le choses se compliquent. “Je ne peux pas faire de changement d’identité s’il y a un écart de plus de 5 ans de date de naissance. Cela concerne l’identito-vigilance. Sauf que l’identito ça sera ouvert que lundi.”
Retour à la case départ.
15h : Une des 3 dames de cette même souhaite une autorisation pour sortir au cours de la journée. Son frère se marie et elle me fait bien comprendre qu’avec mon accord ou sans elle sortira. J’en informe le médecin qui me donne son feu vert.
- Tu peux partir madame mais tu rentres à 19h et tu manges pas n’importe quoi là-bas ! Pense à ton diabète.
- Oui madame, je mangerais que de la salade.
Mon oeil. Je n’aime pas le tournant maternel que prenne certaines prises en charge, mais il est nécéssaire parfois.
15h10 : Madame est partie sauf que c’est elle qui donne un coup de pouce à sa voisine comorienne pour faire ses dextro (dosage du taux de sucre dans le sang). Je m’inquiète de savoir si ça a été bien fait et j’apprends par la même occasion que de toute façon ce n’est plus la voisine qui gérera puisqu’elles se sont fâchées. Mi-amusée mi-embêtée je cherche une autre solution. La dame ne sait pas écrire et ne saura pas relever les données essentielles à son suivi médical, on va devoir venir le faire à sa place 6 fois par jour.
16h30 : La garde est assez calme. A trois sages-femmes encore plus. J’en profite pour prendre des nouvelles avec deux trois coups de téléphone succincts.
18h30 : Le tri m’appelle pour me transmette une patiente. Une petite dame s’est présentée à 25 semaines tout pile avec une sensation de pesanteur. 25 semaines d’aménorrhées c’est la limite pour la réanimation néonatale, pourtant ce petit bout est pressé puisqu’à l’examen la pesanteur pelvienne ressentie par la patiente était due à la poche des eaux se trouvant dans le vagin.
18h40 : Une fois transférée dans mon service je vais dire bonjour à ma dame : ça ne va pas du tout. Pliée de douleur, envie de vomir, je lui demande si ça pousse dans les fesses et mes inquiétudes sont confirmées. J’appelle immédiatement l’interne pour l’informer qu'il faut changer cette patiente de service sans attendre. Il refuse et me demande de lui donner doliprane et spasfon. J’insiste mais rien n’y fait. Je retourne au près de ma patiente et Ophélie me soutient : il faut à tout prix l’amener en salle de naissance avant qu’elle n’expulse dans notre service. Ca serait une perte de chance dramatique pour ce petit bout et sa maman. Quelques instants après je rappelle déjà pour présenter l’urgence de la situation. On la passe. Je cours dans le service pour trouver un fauteuil que je pousse d’une main, Ophélie tient les perfs (perfusion / poches de mécicaments délivrées par voie veineuse) et me court après pendant que je téléphone de l’autre main. On appelle l’interne, le médecin, l’anesthésiste, les pédiatres, les sages-femmes. Les nouvelles vont vite et heureusement puisqu’à peine les fesses posées sur la table d’accouchement elle se met à pousser. Ca n’attendra pas plus longtemps. Le bébé n’est pas en bonne position puisqu’il est en transverse (ni par les fesses, ni par la tête mais comme allongé sur la tranche). Normalement cette position justifie d’une césarienne en urgence mais à ce terme visiblement ça ne pose pas de problème. Il nait, la sage femme court, la maman pleure. On l’emmène tout de suite au près du pédiatre pour une réanimation, il pèse à peine 600g et il est vivant. De la taille d’une main, on l’intube et on espère tous qu’à l’avenir tout ira bien.
19h05 : De retour dans le service je perds plusieurs minutes à chercher une feuille de traçabilité perdue dans la cohue. Je fini par remettre la main dessus puis apprends qu’en prime la nouvelle maman a fait une hémorragie de la délivrance. Je me dis pour moi même qu’heureusement elle n’a pas accouché dans mon service, ça aurait été dramatique.
19h20 : Ophélie est inquiète de me voir faire quelques pas pour rentrer chez moi, même armée de mon taser. Elle insiste pour me ramener.
19h30 : Hérine et Ninon sont à la maison. Un petit repas m’attend, je n’ai qu’à mettre les pieds sous la table. Ca a du bon d’être en colocation ! On mange toutes les 3 puis tout le monde va vite se coucher, épuisé de toute cette agitation.
21h : Je me douche, j’écris, je tombe.
J 8
4h30 : Dimanche ou pas, la prière se fait entendre.
5h55 : Je suis réveillée par ma louve. Non non mon amour, encore un peu dodo je ne travaille pas aujourd'hui.
7h55 : C’est l’heure de se lever. Un gros câlin dans le lit puis je pose un pied à terre. La difficulté du jour : il n'y a pas d’eau. Le problème c'est que pour faire la grosse commission en colocation ça devient problématique. Nos maigres réserves en eau suffiront aux besoins primaires mais pas à une douche ni à une chasse d'eau.
8h15 : Attachée à la ceinture je sors promener Oïkia pour débuter cette journée ensoleillée. Je prends un nouveau parcours pour découvrir encore un peu plus et réussi à faire une boucle de 3/4 d’heure avant de rentrer à la maison pour déjeuner. Les filles viennent de finir de manger, elles se préparent à barger (ici la barge - le bateau - est tellement utilisée fréquemment qu’elle est devenue un verbe à elle seule). Aujourd’hui elle vont au lac sur petite terre. Moi j'ai d'autre projet.
9h : Je mange tranquillement puis vous écris le retard que j'ai déjà pris à cause de ses journées de folies.
10h15 : Il est l'heure de bouger, je prépare mes affaires, puis passe prendre Théo chez lui avant de me rendre à destination. Aujourd’hui c’est restau-plage dans le nord de l’île puis randonnée si la météo est clémente.
11h45 : Heureusement que c’est moi qui conduisait. Sous les instructions de mon copilote j’ai conduit une bonne heure dans les virages de cette île montagneuse. Si j’avais été du coté passager mon estomac n’aurait pas été d’accord c’est une certitude, et avant d’avoir pu y mettre quoi que ce soit je l’aurais rendu. Théo a oublié son masque, mais cela ne pose pas de problème dans la mesure où même les serveurs n’en portent pas. Ici par moment on pourrait penser que le covid n’existe pas. Les mesures sanitaires n’ont rien à voir avec celles de la métropole et j’avoue que ça fait du bien. Les restaurants et les bars sont ouverts. Seules les boites sont fermées depuis peu, mais devraient rouvrir vite. C'est vrai que même à l’hôpital nous n’avons pas beaucoup de cas.
12 : Premiers arrivés, on se plante les pieds dans l’eau en attendant les autres qui ne tardent pas à débarquer. Je rencontre Gaëlle, Marjorie, Mireille et Lilou (que j’avais croisé en Guyane), toutes infirmières en dialyse. Puis ne tardent pas à arriver 4 personnes supplémentaires (Jean, Marc et deux dont j’ai oublié le nom), qui sont elles aussi dans l’équipe de dialyse. La discussion est facile, on profite du buffet à volonté les pieds dans le sable malgré les nuages opaques et menaçants.
15h30 : L’équipe n’a pas l’air motivée pour s’en tenir au plan de base, l’idée de randonnée est abandonnée. On entame le retour et on en profite pour s’arrêter lorsqu’il y a de beaux points de vue.
16h : La fin de la journée se fait devant le film les trois frères chez les filles. Puis, quand la nuit tombe, il est temps de rentrer. Je ramène mon ami chez lui, et rentre à la maison retrouver ma fille. Si j’avais su elle aurait fait partie du voyage, mais je n’étais pas sûre de réussir à obtenir un coin d’ombre pour elle à la plage. En plus de ça la randonnée aurait pu être trop éprouvante pour elle.
19h : Les retrouvailles faites je la sors un petit peu, puis mange un bout en racontant mes aventures à ma petite maman.
21h : Il est temps de vous écrire encore quelques lignes avant de m’abandonner au sommeil. Vous n’imaginez pas tout ce que j’ai à vous raconter.
23h15 : Un message vient d’arriver : c’est parti pour une coloc de folie ! Les filles m’ont choisie comme heureuse élue. Je regarde déjà comment je vais coudre notre nouvel intérieur de tous les beaux tissus d’ici et je m’endors satisfaite.
J 9
4h30 : Prière
6h30 : La boule d’amour me réveille, mais il n’est toujours pas l’heure, je lui prie de se rendormir.
7h50 : D’accord, je me lève. Un gros câlin poilu avant de sortir de mon lit, je lui enfile sa laisse, prend un short, mes lunettes de soleil et on part faire un tour.
8h25 : On découvre le quartier jour après jour. Malgré une rencontre fortuite avec un chat teigneux (elle met sa truffe partout aussi…) la balade s’achève sereinement sous un soleil de plomb. Je déjeune en rentrant puis vous écris un bon moment.
10h20 : Je lâche mon clavier pour commencer mes tâches de la journée. Ce matin c’est marché puis mercerie. Maintenant que j’ai ma machine à coudre toute neuve il faut bien que je l’inaugure. Je me met en route pour le marché couvert en appréciant les rayons de soleil sur ma peau. Ils sont sans pitié mais je ne serais pas exposée bien longtemps mon point de chute se trouve à une dizaine de minutes de marche seulement.
10h35 : Même pas besoin de porter le masque ici. Les shops de vêtements sont bien plus nombreuses que celles de fruits et légumes. J’y fais un petit tour mais ça n’est pas ce qui m’intéresse. Arrivées devant une salle remplie d’étales de couleurs fruitées et d’épices toutes les buénis m’interpellent : “Madame, s’il te plait achète moi des tomates”. Je fais un petit tour et comme je n’ai pas envi de choisir un stand à la place des autres j’achète un article à chacune. Un kilo de mangues par-ci, un kilo de bananes par la. Je trouve aussi de l’huile de coco et hume un extrait d’ylang-ylang. Cette fleur est l’emblème de l’île, si bien qu’elle fait partie du tatouage que j’ai dans mon dos pour représenter ce voyage. La buéni me dis qu’on peut en mettre un peu partout : dans un parfum, mais aussi dans un plat. Je note. Mon sac est bien plein. Je quitte le marché et me dirige vers la mercerie “Comema” que j’ai déjà repérée.
11h45 : Je me lâche un peu et fait une petite rasia de tous les nécessaires en couture. Je reste sage sur les tissus, ici il y a tellement de choix que j’en perds la tête. Tous plus beaux, plus colorés et plus atypiques les uns que les autres, nos vêtements doivent leurs paraître tellement ternes à coté des leurs. J’achète de quoi me faire une parure de lit (ou de salon si les filles aiment) et un tissu noir pour me faire une robe à ma mesure. Je rentre bien chargée, après un détour involontaire je retrouve ma louloute toujours aussi sage.
12h30 : Un peu de rangement, de lessive, de vaisselle, je mange un bout puis cherche de bonnes affaires sur internet. Je vais devoir meubler mon nouveau chez moi et la priorité c’est mon matelas ! Sans ça je ne pourrais pas emménager. Une autre condition obligatoire que je m’impose pour ma louve : un climatiseur. C’est cher mais indispensable pour qu’elle puisse au moins dormir au frais, en plus de ça je pourrais le revendre sans problème le jour de mon départ.
14h40 : Je décolle pour passer prendre Théo. Je lui ai demandé de me donner un coup de main afin de récupérer ma moto. Il a accepté volontiers, on emmène Oïkia pour qu’elle fasse un tour sur la plage à notre retour.
14h53 : Théo grimpe dans la voiture puis on file vers Bandrélé. Pour aller là-bas on passe par Iloni (ville de ma nouvelle coloc), un peu surprise j’arrive à retrouver mon chemin (le sens de l’orientation s’améliore !) et j’en profite pour m’arrêter récupérer mes clés. Par la même occasion je fais visiter à mon compagnon de voyage. A peine entrés dans la maison j’ai le plaisir de le voir écarquiller les yeux, il va falloir que je m’habitue à cette réaction, il faut dire que cette nouvelle maison a vraiment du cachet.
15h40 : On est déjà en retard mais j’ai mes clés et les trois petites têtes de mes colocataires m’ont saluées (pour la plupart encore avec les yeux collés de sommeil).
15h50 : Après avoir réglé la paperasse j’enfourche ma nouvelle bécane et suis ma voiture de location direction la plage de Sakouli. Cette plage se trouve à 10 minutes de ma nouvelle maison, je vais pouvoir venir tous les jours pour faire courir mon petit monstre. Petit monstre s’en donne à coeur joie justement. A peine les pattes dans le sable elle s’abandonne à ses démons et court comme une folle. Je cours avec elle, joue, chahute, l’arrose, la vie est belle. Le soleil est clément et l’eau n’est pas à moins de 28°, elle n’en est pas du tout rafraîchissante. Oïkia se baigne aussi et nage sans la moindre hésitation. Mi ours-mi rat mouillé elle se défoule un bon moment et ramasse tout le sable de la plage avant qu’on ne se décide à rentrer.
17h35 : Je dépose Théo à l’entrée de Passamainty et me dépêche d’aller à mon rendez-vous de 18h. J’ai trouvé une autre annonce pour un lot de 3 : grille-pain, gaufrier, batteur, pour 35 euros. J’ai sauté sur l’occasion et il se trouve que c’est la même dame qui m’a vendu la machine à coudre.
18h10 : De retour à la maison je prends une bonne petite douche, maquille un peu ma peau, et enfile une petite robe pour la sortie de ce soir. Cette-fois c’est “Barak”, le fameux. C’est un peu comme le Tipik de la Guyane, mais version Mahoraise. J’avais mis la table et préparé un petit repas pour le retour d’Hérine après sa première journée de garde, mais les filles partent assez tôt et je ne connais pas la route. Je laisse un message à ma colocataire actuelle et rejoins mes futures colocataires au camion blanc. Elles me guideront pour la suite. Alice et Andréa, à deux sur un scooter, me guident jusqu’à Kawani où se trouve le Barakili. Nous sommes les premières arrivées, on commande un verre pour patienter et Aurore (une sage-femme que je connais de Villeneuve-Saint-Georges à Paris, mais aussi la coloc de Théo) débarque sur son bolide. On s’émerveille toute les deux que le monde soit si petit puis on prend une photo pour l’envoyer à l’une de nos aides-soignantes adorée du 94. Les filles arrivent petit à petit jusqu’à ce que nous soyons une douzaine. On commande à manger mais ça ne sera pas plus d’une bière pour moi qui prends le volant. Rien de bien local ici, je prends un burger cheese-bacon-roquefort (adieu le bodysummer !), Aurore fini mon assiette, Andréa me fait gouter sa mousse au chocolat. Je vois qu’on va toutes très bien s’entendre. La soirée passe dans une ambiance décontractée, mes deux nouvelles colocataires ont l’air autant emballées que moi par mon arrivée imminente. On commence à tirer des plans sur la comète quant à l’aménagement de notre super maison, la crémaillère sera très vite envisagée et on commence par prévoir quelque chose ce vendredi. La 5ème coloc débarque ce jour là donc on prévoit un bon repas pour commencer les choses joyeusement. Dimanche elles me proposent une randonnée que j’accepte avec plaisir : l’ascension du mont Choungui (le mont culminant du sud de l’île) au lever du soleil. Il n’y a que 45 minutes à l’allée, ce qui me permettra de faire participer notre 6ème colocataire poilue.
22h : Tout le monde reste sage, chacune paye sa consommation avant de repartir dans un concert de scooter. Travaillant au CHM en plein centre-ville, la majorité de mes consoeurs ont fait cette dernière acquisition pour éviter les bouchons interminables de Mamoudzou. Après une garde de 12h en rentrant de nuit ça serait trop dangereux de s’endormir au volant d’une voiture.
22h30 : Je regagne ma chambre sur la pointe des pieds puis fait faire une dernière balade à ma louve. Hérine me salut, on échange quelques mots mais je ne l’embête pas plus. Elle doit être bien fatiguée de sa journée et demain elle débute en salle de naissance. Je lui souhaite bonne nuit, moi non plus je ne ferais pas long feu.
J 10
6h30 : Les yeux tous collés, il n’est pas encore l’heure de se lever. Je me rendors sans peine avec le meilleur des doudous dans les bras.
8h35 : Mignonnerie du matin, je traine au lit en savourant ces moments de solitude à deux.
8h50 : Mademoiselle me fait comprendre qu’il est l’heure de se lever pour le petit tour du matin. J’enfile sa laisse, attache une robe et la descend encore dans un délicieux brouillard. Je croise le propriétaire de la pharmacie qui ne me décroche pas un bonjour, je baisse les yeux et croise les doigts pour qu’il ne vienne pas frapper à ma porte. Je n’ai toujours pas eu de nouvelles de l’hôpital quant au dégât des eaux et pense du coup que je n’en aurais pas, ce qui me va très bien.
9h05 : 2 mini bananes, quelques amandes et une barre de céréales sont élues petit déj de la journée. J’englouti tout ça en vous écrivant mes aventures.
10h20 : Ça suffit pour l’instant. J’ai plein de chose à faire aujourd’hui, même si je n’ai pas fini de tout vous raconter ça devra attendre plus tard.
10h30 : Je n’ai pas de liste précise mais je sais à peut près où aller et à peu près quoi chercher. Plusieurs objectifs d’achats aujourd’hui, je vais faire chauffer ma carte bleu mais c’est pour de bonnes raisons. D’abord il faut que je m’équipe motardement parlant. Je m’arrête devant un premier magasin nommé “Akxion cycle” mais débute mon tour par quelques courses dans le magasin alimentaire du Sofidram juste à coté. Avant tout j’ai oublié mon masque et dois faire un détour par la pharmacie pour m’en procurer un. Une fois chose faite je me dirige vers la grande surface. Grande, grande pas tant que ça. Il manque encore plein de chose que je n’ai pas réussi à me procurer, notamment des oeufs. Tous les rayons sont vides depuis quelques jours c’est fou. Je met mes premières courses dans le coffre puis me dirige vers la boutique de motard. Je choisi un casque noir et rouge, et des gants noir. La veste en S est trop grande, je me doute qu’il sera difficile de m’en procurer une à ma taille mais à ce prix là je reviendrais si je ne trouve pas ailleurs. Avec la chaine de sécurité pour ma moto je débourse déjà un total de 170 euros. Les dépenses commencent à s’ajouter mais sur l’équipement il ne faut pas lésiner, en 2 roues c’est primordial. Quand je vois les donzelles se promener en scooter en short-débardeur-sans gants j’ai les poils qui se hérissent. J’enchaîne avec “Tecma” une autre boutique de moto. Jackpot, je trouve une veste à ma taille, il y en a qu’une seule il ne va pas falloir faire la difficile. Je débourse 110 euros de plus pour cette veste noire et blanche avec protections coudes, épaules et dorsale. En revenant je m’arrête à l’Hyperdiscount pour trouver les articles manquants à ma liste de course, mais reviens une fois de plus bredouille, toujours pas d’oeufs. Dans ma tournée je m’arrête également chez “Meuble et déco” cette fois dans l’espoir de trouver un matelas. 800 euros le matelas non merci. J'enchaine chez “Mayotte meuble” pareil. Halte chez Orange pour me renseigner sur les prix d’internet et acheter le câble d’Iphone qui est entrain de me lâcher. C’est bête j’en avais un deuxième en métropole mais j’ai dû l’oublier. Ensuite je vais chez “Ctam”, magasin d’électroménager et maison. J’achète 4 miroirs pour 10 euros et deux bacs de rangements qui me serviront incessamment sous peu. Je cherche par tout les moyens une balance pour faire la cuisine mais rien à faire. J’appelle deux autres magasins pour ça mais toujours rien. Avant de rentrer je fais encore deux arrêts et je trouve le matelas élu le moins cher de Mayotte. 130 euros pour un x140. La livraison est gratuite alors ça fera l’affaire mais je reviendrais ce soir avec l’adresse.
14h30 : Ma tournée est finie. Je retrouve Oïkia, mange un bout pas très élaboré et vous dépeint encore un peu mon paysage.
16h : La journée n’est pas terminée, j’ai rendez vous à 17h30 du coté de Sada (Ouest de l’île) pour un climatiseur d’occasion à 300 euros (compter 450 euros minimum normalement). Je file chez “Ballou” mon dernière espoir pour un matelas, après être passée chez le vétérinaire. Concernant ce dernier je voulais me renseigner sur les parasites spécifiques des environs. Il y en a de très dangereux mais j’achète de quoi protéger ma princesse de toutes ces saletés. Un cachet et elle est protégée durant un mois des puces, des tiques, des vers et de tout ce qui pourrait l’embêter sur l’île, c’est parfait. Chez Ballou c’est minimum 200 euros pour mon matelas et toujours pas l’ombre d’une balance de cuisine. Je me dépêche d’aller commander mon matelas du coté de Kaweni (à l’opposé) puis c’est parti pour la clim. Oïkia fait partie de l’aventure par ce que j’aimerais profiter de la plage avant d’arriver à destination.
17h30 : Je suis dans les bouchons de Mamoudzou depuis 3/4 d’heure, pour le soleil et la plage ça sera raté à tout les coups. J’envoie un message pour prévenir de mon retard et prend les choses cools. Après tout rien n’est pressé, j’ai mon temps et tout ce qu’il me faut avec moi.
18h15 : Arrivée à destination l’engin est en très bon état donc je le prends. Le mari de la dame avec qui j’ai échangé se propose de m’aider à le descendre et à le mettre dans ma voiture. J’accepte avec plaisir. Je règle puis profite du coucher de soleil qui s’offre à moi. L’adresse à laquelle je me suis rendue donne sur le front de mer, l’endroit et l’instant son magnifiques. Oïkia court dans le sable et contre les vagues. Je me laisse chatouiller les pieds par les remous, et la peau par un soleil fatigué.
18h40 : Le jour tombe, il est temps de rentrer.
19h10 : Dans mon programme j’ai prévu de déposer des premières affaire dans ma maison d’Iloni et de mettre ma moto en sécurité avec ma nouvelle chaine. Les filles me donne un coup de pouce pour descendre la clim dans le studio et me félicitent, elles sont ébahies de mon efficacité depuis que je suis arrivée. C’est vrai que les choses vont vites mais j’ai de la chance à chaque fois ! Et autant cadrer les choses pendant que j’ai encore la voiture. Elle me propose de rester manger, alors oui, j’accepte. On s’installe à table et mange un plat de pâte en papotant de tout et de rien.
21h : Les filles sont fatiguées (elles ont passé leur niveau 1 de plongé aujourd’hui) et moi aussi. Je prends la route musique à fond, puis rentre discrètement. Je crois qu’Hérine dort déjà.
22h : Une petite douche, un petit pipi pour la miss et je vous écris de nouveau pendant qu’elle s’acharne sur un os à mes pieds.
23h : Mes yeux sont lourds, je m’abandonne au sommeil.
J 11
7h30 : Un peu tôt mais mes journées sont tellement constructives que ça ne me coûte pas. C’est l’anniversaire de ma princesse aujourd’hui. Le 13 janvier de l’année dernière j’apprenais qu’elle venait de voir le jour et qu’elle rejoindrait bientôt notre famille, c’était le début de notre foyer et c’est bien pour ça qu’elle a été nommée “Oïkia”, en grec la famille, le foyer. Finalement c’est ma famille à moi et mon foyer à moi. Elle et moi contre le monde et ça me va très bien. Je lui fais un gros bisous et la remercie d’être ma dose de bonheur au quotidien. Qu’est ce qu’on s’attache à ces petits trucs.
8h10 : Mademoiselle est flemmarde aujourd’hui, c’est moi qui la tire du lit pour une balade matinale. Même si le soleil est déjà de plomb, plus on sort tôt, mieux c’est pour elle. Bientôt elle aura son petit jardin ombragé et la plage à quelques minutes pour se dégourdir les pattes.
8h30 : Le petit tour express se termine, il fait très chaud et les premières minutes semblent déjà éprouvantes pour la miss. Je rentre et m’active un peu. Je fais la vaisselle, passe un coup de balai, vide la poubelle (pleine de vers…), range, petit-déjeune et vous écris d’avantage.
9h : Hérine se lève, elle prend son petit déjeuner à coté de moi pendant qu’on discute de notre programme respectif.
11h : Je fini enfin mon récit et vais pouvoir me pencher sur le reste de ma journée. Je brosse Oïkia qui commence à perdre sérieusement ses poils à cause de la chaleur puis je me mets à la couture des coussins d’Hérine. Elle les a décousu pour pouvoir les laver et je me suis proposée pour les rafistoler. Je ne suis pas très bien installée mais mes premiers pas avec ma machine à coudre ne me font pas regretter mon achat. Il faut que je dompte la bête puisque ces 2 derniers mois je me suis habituée à la machine de mamie. Celle-ci à l‘air moins solide et plus basique mais fera très bien l’affaire.
12h : Hérine est de retour et moi je commence à me plier. Mon premier jour de cycle est toujours un enfer, j’ai l’habitude. Je prend un Ibuprofène et attends 20 bonnes minutes en PLS dans mon lit le temps que l’antalgique fasse effet.
12h30 : Rien de bien concluant jusqu’ici. Les crampes sont telles que j’ai la nausées à cause de l’intensité de la douleur. Je prends un Doliprane supplémentaire et manque plusieurs fois de rendre mon petit déjeuner dans les toilettes.
13h : Toujours pas d’amélioration, j’attends encore un peu et je craque pour prendre un Acupan, soit je le vomis et j’aurais essayé, soit je suis enfin soulagée et j’aurais gagné.
14h30 : Visiblement j’ai gagné puisque je me suis endormie instantanément après que l’Acupan ai fait son effet. Epuisée d’avoir eu aussi mal je me suis écroulée comme une masse pour une sieste qui n’étais pas au programme. Je me réveille dans le gaz mais complètement soulagée, ma journée va pouvoir reprendre son cours.
15h : Pas de temps à perdre, femme ou pas j’ai encore plein de chose à faire aujourd’hui. J’enfile mes chaussures, me recoiffe pour avoir une tête convenable et prends la voiture pour débuter mes courses de la journée.
15h30 : Après plus d’une demi heure d’embouteillage pour faire à peine 2 kilomètres j’arrive à destination. Je souhaite régler le matelas que j’ai commandé hier mais… Mais carte ne passe pas. J’ai fais trop de dépenses d’un coup et j’ai dû atteindre le plafond. Retour à la case départ. Je dois rentrer à la maison pour avoir accès à mon deuxième téléphone et pouvoir appeler ma banque.
16h : Plafond augmenté, c’était un faux départ mais c’est reparti ! Je me dirige vers “Jumbo” une autre grande surface dans l’espoir de trouver quelques petits trucs bien précis pour la maison. Je trouve (enfin) une balance pour cuisiner, et 2-3 indispensables pour une habitation. La note est salée, pour quelques articles seulement j’en ai pour 70 euros. Je me déleste de mes achats dans ma voiture puis continu à pied vers Mr Bricolage dans l’espoir de trouver une table pour coudre. J’ai dans l’idée de faire un petit atelier dans le grand espace de vie commune qu’il va falloir habiter. Je demande une découpe et le vendeur à l’air sous le charme. Après quelques demandes de renseignements de ma part il me répond : “D’accord, mais après on fait le Maroumidzo”. Je souris voyant la bêtise arriver mais demande innocemment. “C’est quoi ?”. C’est une fête de pré-mariage. Il m’explique qu’il va falloir que je reste 1 semaine enfermée dans la maison pour respecter la tradition. J’éclate de rire et on continue notre chemin. Je vais payer ma découpe en caisse et de quoi faire les pieds de ma table. Une fois la planche découpée, le vendeur me salut et me dis comme au revoir “Je vais rêver de toi”. Quel charmeur.
18h : Je tente ma chance pour savoir s’il y a des palettes de bois à récupérer ici dans l’espoir de faire un sommier pour mon lit. Les filles ont eu plusieurs mésaventures avec des scolopendres et je ne suis pas pressée de les rencontrer dans mon lit. Il n’y en a pas ici, j’essaie au jumbo mais il faut venir le matin. J’en vois une par terre dehors, je tente ma chance et pars avec, toute contente de l’aubaine. Raté, un homme me rattrape, elle est à lui. Oups. Je m’excuse et rentre bredouille.
18h30 : 3ème essaie dans une grande surface sur ma route. Ici les palettes sont consignées, ils ne pourront pas m’en donner. Je fais quelques détours dans la zone commerciale derrière les grands magasins, hésite à prendre celle que je trouve un peu abimées dans une déchèterie puis me résonne, j’en trouverais d’autre en meilleur état. En repartant la chance me sourit, je tombe sur le paradis des palettes. Des palettes par dizaine, que dis-je par centaine. Je cherche à savoir s’il y a quelqu’un à qui je peux demander l’autorisation mais personne n’est dans les alentours. Peut être pas très légal mais je me sers alors. Je rempli ma voiture de trois palettes en les portants avec mes petits bras. Je repars toute fière, c’est encore une journée efficace malgré quelques embuches.
19h30 : Arrivée dans mon imminente colocation à Iloni Claire m’aide à tout transporter.
20h : Sur le point de partir je croise Alice et Andréa qui rentrent du travail. On ne peut pas s’empêcher de papoter un peu puis je repars.
20h30 : Je promène ma louve, ravie de me retrouver et qui a besoin de se défouler. Ensuite j’appelle ma petite maman, je mange un bout, fais quelques recherches, prends une douche, vous écris quelques lignes et reste raisonnable pour ce soir. C’est encore une journée bien remplie qui s’achève et je suis fatiguée.
00h : J’ai oublié de mettre mon téléphone sur silencieux. Je reçois un message qui me réveille d’une façon assez désagréable, je le lis par curiosité. La curiosité n’est pas qu’un vilain défaut, on me demande de reprendre une garde demain. A la place de ma demi-journée de doublure en transfert je remplace un arrêt maladie en couchou. Je me rendors avec peine.
J 12 :
2h30…
4h30…
5h…
5h30…
5h45… : J’ai mal dormi. Ca arrive mais je commence ma première journée de travail déjà à plat. Je me lève pour constater qu’Oïkia est comme sa maman, elle n’est pas du matin. Je m’habille, me prépare, petit tour routinier avec belle vue sur mer et on est déjà de retour à la maison.
6h25 : Un peu en avance par rapport à d’habitude j’en profite pour tapper encore un peu mes récits.
6h40 : Il est l’heure de partir. Je vole en solo aujourd’hui.
7h : Juste avant de débuter les transmissions, Maude, l’une des étudiantes sages-femmes de Montpellier, me rejoint, elle tournera avec moi aujourd’hui.
7h20 : Les trans sont terminées, petit point d’organisation avec ma coéquipière de la journée, finalement c’est elle qui a le plus l’habitude du service puisqu’elle tourne ici depuis une semaine déjà. Je vais essayer de lui donner le plus d’indépendance possible pour la faire progresser. Les suites de couches ça n’est pas sorcier, en 5ème année c’est les doigts dans le nez et puis moi ça me permettra de me concentrer sur la paperasse.
8h30 : J’ai peur d’oublier des choses, je tente de penser à tout. Sala (aide-soignante) ne m’aide pas beaucoup, je me débrouille avec les traductions, je mime, perds du temps mais ça ira.
9h30 : La patiente de la chambre 32 fenêtre me donne du fil à retordre. Sa situation est compliquée à tous les niveaux. Je fais le point sur le dossier et suis surprise d’apprendre que son mari l’a achetée à sa famille. Le couple a eu un premier enfant qui est décédé il y a un peu plus d’un an d’une maladie hépatique, pourtant ils soutiennent tous les deux qu’il a été tué. Empoisonné ? Toujours est-il qu’il y a déjà eu plusieurs esclandres entre le père et les professionnels médicaux. La maman n’est pas très stable non plus mais la cellule psychologique n’a pas donné d’avis défavorable à sa sortie. Selon eux elle est cohérente et ne présente pas de risque démesuré.
10h : Après 5 demandes de leur part pour sortir “par ce que vous vous rendez compte, on nous a dis qu’on sortirait le matin, moi je suis là depuis 7h.”, (Oui Monsieur, mais le matin c’est entre 7h et 13h) j’annonce à la maman que son bébé n’a pas repris de poids et que c’était l’une des conditions pour avoir un avis de sortie favorable. Sans surprise elle se braque immédiatement pour me voler dans les plumes. Elle soutient qu’elle sortira contre avis médical, que de toute façon nous avons tué son bébé et qu’il y a un assassin dans le service.
10h30 : Je cours après mon AS, passe mon temps à la chercher. Quand je mets enfin la main dessus je me rends compte qu’elles se sont cachées dans une chambre dans l’espoir d’échapper au peu de travail qui leur incombe. Ca m’exaspère mais je fais avec, ici c’est comme ça. Le papa de la 32 arrive au moment où je tente de faire signer un papier de sortie contre avis médical à la maman. Rebelote il me vole dans les plumes à son tour. Visiblement non non, ils ne sortent pas contre avis médical, j’exagère de dire ça. Je souffle un coup, retire tous les papiers de sortie donnés à la maman et retour à la case départ.
11h : Le papa m’interpelle à nouveau, il y a eu un conflit avec l’ASH qui tentait de faire le ménage et qui a demandé au père de quitter la pièce quelques instants. Je coupe court, je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de conflit, j’ai 15 autres dames dans le service qui attendent mes soins et ne peux pas perdre mon temps à le passer avec eux.
13h15 : Il est l’heure de manger.
15h : Mes tâches de la journées semblent achevées, avec une étudiante forcément ça va plus vite. Je propose mon aide au tri qui accepte. Je dépatouille quelques papiers, vois quelques dames puis retourne dans mon service. J’accueille une accouchée, sors une dame de mon service. Je croise Sala au milieu du couloir qui me fait sourire : elle porte les draps sur sa tête. J’ai toujours admiré les africains pour ça, ils doivent avoir des muscles développés dans le cou que nous n’imaginons même pas.
16h : La patiente de la 40 me demande si elle peut avoir du lait en biberon. Je me renseigne mais non, impossible aujourd’hui nous sommes en rupture de tétine…
19h : On fait les trans, je file sans tarder. J’ai rendez-vous après le travail pour acheter un frigo à un particulier. Je ne trouve pas l’adresse immédiatement, quelques détours plus tard je prends le vendeur dans ma voiture pour aller chez lui. Il me guide dans les quartiers de la ville que je ne connais pas. La maison est particulière. Sur son parvis 2 femmes avec 4 enfants en bas âge. J’entre à sa suite, nous montons un premier étage vraiment pas large, 3ème femme dans la cuisine, encore un étage, 4ème femme qui fais du ménage, 2ème étage, 5ème femme qui sort dévêtit d’une chambre. C’est une autre façon de vivre que la notre, chez eux la communauté a bien plus sa place que chez nous. Je m’amuse de la situation et le suis dans sa chambre où je trouve 4 frigos alignés les uns à coté des autres. Je constate que mon frigo tombé du camion fonctionne et m’inquiète de savoir comment faire pour le descendre. “T’inquiète pas. Mohamed !”. Un grand homme musclé débarque et le frigo est porté avec facilité dans tous les étages étroits de la maison. Mes deux porteurs dépose le frigo dans ma voiture où m’attend Oïkia, mon agent de sécurité.
20h : Je file chez Théo. On devait faire une journée couture avec quelques copines à lui aujourd’hui mais je n’ai pas pu y aller à cause de ma garde de remplacement. Il m’a donc invitée pour manger. La voisine rouspète de la venu d’un chien dans sa cour. Théo lui fait comprendre qu’il est chez lui, et que sur sa terrasse elle ne dérangera personne.
20h30 : Des lasagnes maisons ont été préparés avec amour par deux cordons bleus puisque Théo a été aidé de Manon une de ses collègues du laboratoire. Ils nous ont aussi fait une tarte aux myrtilles, le pied. On englouti tout ça devant une série puis je ramène Manon chez elle.
22h45 : Douche, écriture, dodo.
J 13
6h : Cette fois j’ai dormi presque d’une traite ! Je m’habille, sors la puce, emballe un petit dej et il est déjà l’heure de partir avec les filles. On bosse toutes les trois aujourd’hui, Ninon a dormi à la maison.
6h50 : Je me presse pour me changer par ce que je suis doublée dans un nouveau service et je ne sais même pas où il se trouve. Aujourd’hui c’est consultation. Je trouve sans trop de difficulté et rencontre Erine, sage-femme responsable des consultations du 9ème mois aujourd’hui. Léa, qui m’avait doublée lors de mon premier jour, est elle responsable des consultations GHR (de grossesses pathologiques). Je ferais la moitié de la matinée avec l’une et l’autre moitié avec l’autre.
7h30 : La première consultation commence. J’observe et prends des notes. A part étudiante je n’ai pas non plus été confrontée à ce service alors j’ouvre bien mes écoutilles. Tout est question de protocole, moi qui adore faire des listes je devrais pouvoir m’en sortir. Il faut penser à tout, vérifier tout les bilans, regarder toutes les échographies, relever tous les antécédents, trier tous les papiers. Ca prends un temps fou et nous n’avons que 30 minutes par patiente. Les 3 premières dames de la matinée ne parlent pas un mot de français, ça complique les choses.
8h05 : Dès la deuxième consultation je met la main à la patte et on se reparti le travail. je fais la clinique, Erine les papiers. La consultation suivante c’est l’inverse. Prise de sang, mesure du ventre, échographie pour la présentation foetale et les bruits du coeur, rendez-vous, conduites à tenir, examens, papier, papier, papier.
10h15 : On échange. J’attends dans le couloir que la consultation de Léa se termine pour pouvoir me joindre à elle. J’en profite pour faire le point sur mes protocoles et mange un petit bout. Je sais qu’il va falloir que j’attendre 14h30 pour le repas du midi alors j’anticipe. Quand on a faim on réfléchi moins bien.
10h30 : C’est reparti du coté grossesse pathologique. Ici c’est le même principe mais cela concerne des patientes aux grossesses particulières. Problème de tension, de diabète, de retard de croissance du bébé etc… On cadre tout ici et on surveille nos patientes et leur petit bébé comme du lait sur le feu.
12h30 : On vient vite à bout de nos patientes et ça m’arrange, ma journée va encore être chargée, au plus vite je peux partir au plus vite je peux avancer. Léa n’a pas l’air de cet avis et traine un peu. Voir beaucoup. J’attends patiemment. On propose de l’aide à nos collègues qui acceptent de nous donner un dossier. Enfin c’est vite dis puisque justement le dossier en question on ne sait pas où il se trouve. On fait le tour de la maternité pour le trouver mais c’est un échec. On fini par recevoir la dame tout de même et on se résout à “réouvrir un dossier” (c’est à dire tout recommencer : les bilans, les questions, les papiers etc…). On fait le point sur ses antécédents et premier hic : entre 2016 et 2020 elle n’a pas le même groupe sanguin. On insiste auprès de la patiente sur l’importante de sa sincérité pour ne pas les mettre en danger elle et son enfant. Elle est catégorique, il doit forcément y a avoir une erreur quelque part. Pendant que Léa s’occupe des papiers je fais un “interrogatoire” à la dame. Il consiste à retracer tous ses antécédents médicaux. Madame Boulia me dit qu’elle a trois enfants, qu’ils sont nés par voie basse et qu’elle n’a jamais eu le moindre problème de santé. 2ème Hic : Léa me fait signe, sur son dossier informatique il est noté que Mme a fait une crise d’éclampsie avec une hémorragie de la délivrance lors de son premier accouchement. Innocemment je demande à la traductrice (bien sur elle ne parle pas français, sinon ça serait trop facile !) si elle a déjà eu des problèmes de tension, ou de saignement. Rien. Plus aucun doute, c’est une usurpation d’identité. La dame s’est fait prendre à son propre jeu et malgré notre insistance elle ne moufte pas et n’avoue rien. Je tente de la rassurer sur le fait que nous ne sommes pas la pour la dénoncer mais qu’au contraire on veut pouvoir la protéger, rien y fait. Nous sommes dans l’obligation d’appeler une personne spécialement dédiée à ce genre de cas dans la mater, elle est sur place quelques instants plus tard. Après quelques phrases la faute est avouée à demi mot. La patiente fini par nous donner son vrai nom.
Tout est à refaire, les papiers, les prises de sang, les examens. Nous ne savons plus ce qui est vrai ou faux : les enfants dont elle m’a montré les actes de naissances sont-ils les siens ou ceux de la vrai Mme Boulia ? Les prises de sang correspondent à quelle patiente ? Après une heure à tenter de nous dépêtrer des papiers nous finissons notre consultation et reprenons un rendez-vous pour cette dame en début de semaine prochaine dans l’espoir de tout remettre à plat, sans mensonges, avec sa vraie identité. Les patientes sont amenées à faire ce genre de magouilles pour tenter d’avoir certains papiers. Je pense qu’elles manquent d’information puisque la plupart ignore que de toute façon leur enfant n’obtiendra pas les droits du sol en naissant sur le sol français. Cette loi a été abrogée il y a plusieurs année pour contrer ce genre d’abus. Ma petite dame est toute honteuse et moi je me sens mal, je tente de la rassurer, personne d’autre que nous personnel médical ne sera prévenu.
14h15 : Je sors de la maternité, rentre à la maison et mange avant une journée sous la pluie. Il faut avant tout que j’amène le frigo qui encombre ma voiture depuis hier soir à Iloni. Oïkia n’a pas été sage ce matin, mademoiselle s’est amusée avec mon masque pour les yeux (cache-yeux) et a déchiqueté son nouveau jouet partout dans ma chambre. Je n’ai pas eu besoin de dire un mot pour qu’elle fasse sa tête de coupable. Pas de fête de retour pour elle aujourd’hui mais tout de même, je l’emmène avec moi à Iloni dans le but de la sortir un peu.
15h : Finalement les filles sont allées chercher Louise à l’aéroport après leurs gardes de nuit ce matin. Elles se couchent à peine donc je vais éviter de débarquer avec le frigo maintenant. L’inconvénient dans une colocation de 5 sages-femmes c’est qu’il y en aura toujours une en lendemain de nuit, il va falloir qu’on s’habitue ! A la place je m’en vais chez Mr Bricolage pour 2-3 achats. Sur ma route je m’arrête au magasin de matelas, il devait m’être livré hier mais je l’attends toujours. Je fais signe de mon mécontentement au vendeur qui me dit en haussant les épaules qu’il n’a pas reçu assez de matelas et qu’il sera livré demain. Je peste mais lui fais bien comprendre que je l’attends demain sans faute. “Ah mais demain c’est samedi du coup je sais pas… Ca sera lundi ?”. Après une demi heure de remontrance et de négociation de ma part rien à faire, il ne peux pas passer avant lundi et moi je travaille en début de semaine. Seule solution : ma Fiat Panda. “Mais si ça va rentrer, t’inquiète on va le plier avec du scotch”. J’en conclu que je passe demain matin et qu’il a intérêt à bien se débrouiller pour que ça rentre.
15h45 : J’entre dans mon nouveau magasin préféré et à chaque fois je pense à mon beau-père, ça serait tellement plus facile s’il était là ! j’avoue que mon coté débrouillarde commence à me plaire et je prends plaisir à me trouver des solutions et bidouillages moi même. Une moto à réparer ? Pas de problème mon égo a dit qu’il y arriverait. Une maison à aménager ? Pareil. J’ai bien appris à coudre en 2 mois, pourquoi je n’apprendrais à bricoler ? Je sais faire des choses avec mes doigts de sage-femme que peu de gens savent faire alors pourquoi pas moi. J’achète du scotch double face pour fixer des miroirs au mur, des vis à bois pour les pieds de ma table, un traitement pour les palettes de bois qui me serviront de sommier, un pinceau pour l’appliquer et un cadenas pour fermer notre portail avec un cadena à code (à 5 c’est plus pratique que des clés).
16h15 : Je passe au Jumbo d’à coté pour acheter de quoi faire un apéro et un dessert pour ce soir. On commandera des pizzas pour notre première soirée de colocataires. Il faudra en profiter par ce que les nuits où nous serons toutes réunies vont être rares elles aussi, la troupe va être difficile à réunir et pourtant il va falloir trouver une date de crémaillère.
16h45 : Une bonne demi heure de bouchon pour rentrer puis je commence à faire mes valises. J’amènerais mes premières affaires ce soir et finirais d’apporter mes sacs demain avec mon matelas.
18h : Une fois chose faite je vous écris “quelques" lignes.
18h50 : J’appelle pour commander les pizzas, 30 minutes plus tard je passe les récupérer sur ma route avec ma voiture pleine. On décharge le tout à l’arrivée, mon emménagement est imminent, il ne manque plus que ce fichu matelas. J’espère que le problème sera réglé dès demain matin.
20h : Je rencontre Louise, la 5ème et dernière colocataire. Comme avec les autres, le courant passe sans aucun soucis, on décharge le frigo de la voiture et c’est toute une aventure ! Les déménageurs de l’extrême accomplissent leur mission sans trop d’encombre puis on discute en attendant le retour de Claire qui est de garde aujourd’hui.
20h30 : L’apéro est commencé, on trinque à notre grande coloc au complet et on se met vite d’accord sur la date de la pendaison de crémaillère. C’est fixé sur le samedi 23, dans une semaine ! Les choses vont tellement vite. On a plein d’idée pour notre nouvelle maison, je sens qu’on ne va pas s’ennuyer. On prend notre première photo de famille pour immortaliser le moment, les pizzas sont dévorées puis on mange une galette des rois en dessert, je suis la reine et Oïkia est désignée princesse.
23h30 : Il est tard, tout le monde est fatigué, nos journées respectives de demain sont toutes bien remplies. Pour Claire c’est une garde de nuit qui l’attend, pour Alice et Andréa c’est randonnée, pour Louise ses premiers pas à Mayotte et pour ma part c’est l’emménagement.
00h : Arrivée à destination Oïkia fait un petit pipi, je file à la douche et je m’éteins.
J 14
9h : Il est temps de se lever et de ne pas trainer. Aujourd’hui je déménage. J’embrasse ma louve, puis monte dans ma voiture avec quelques affaires pour passer prendre mon matelas. Sur place celui ci est scotché plié en deux et rentre à un poil de fesse dans mon coffre. De cette façon je ne pourrais plus rien charger dans ma voiture donc je prends la direction d’Iloni pour y déposer ma nouvelle acquisition.
10h30 : Louise et Clair m’aide à me délester de ce matelas, on le dépose dans mon studio et c’est le retour des déménageurs de l’extrême. Les escaliers de l’accès qui donne sur mon studio ne nous aident pas, vu de l’extérieur la scène doit être bien drôle. Je ne traine pas, j’ai encore plein de chose à faire, direction Mamoudzou ! Pour ne pas changer je subis les bouchons.
11h15 : Je charge toutes mes affaires dans ma petite Fiat panda (elle en aura vu celle là !), Oïkia avec. Je passe un coup de balais dans l’appartement avant de fermer puis débarque dans ma nouvelle maison.
12h30 : Il fait une chaleur accablante. J’accepte la proposition de mes nouvelles colocataires : elles veulent se rendre à la plage de Sakouli pour manger dans le restaurant Hololo qui est sur la plage.
12h45 : Les filles commandent, moi je vais nous trouver un table. On m’appelle tout à coup. C’est Théo qui me fait signe. Il est accompagné d’Agnès, une autre copine de Guyane arrivée hier soir. Ils ont déjà pris des couleurs tous les deux, je suis contente de retrouver mon amie. Je propose de me joindre à eux, et nous voilà installés tous les cinq à parler de choses et d’autres.
16h : J’ai commandé une salade de poisson cru et un jus baobab-passion. Après 2h d’attente le repas est englouti. Un dimanche ça n’est pas le bon jour pour venir manger ici. Il y a tellement de blancs dans les alentours que j’ai l’impression d’être en métropole, c’est un “repère de Mzoungou” mais au moins la plage est sécure. Je pourrais y amener Oïkia sans problème.
16h30 : De retour dans notre quartier, Louise et moi nous lançons dans une visite à pied des alentours. Notre 6ème colocataire poilue vient visiter avec nous et rencontre ses voisins à 4 pattes. Trop nombreux ses voisins, entre les chiens des propriétaires et les chiens du quartier (dont “Boulette”) ils se retrouvent vite à une demi douzaine autour de ma protégée. J’essaie de ne pas intervenir mais de garder un oeil sur la situation. Boulette semble ne pas vouloir partager son territoire et le fait savoir à la nouvelle arrivée. Je m’interpose avant qu’elle ne la chique d’un coup de dent. Je rentre la louve, les connaissances ça sera pour une prochaine fois quand ils seront moins nombreux. La gendarmerie est à deux pas de la maison. C’est un tout nouveau bâtiment, les gendarmes sont sur le parvis et nous salut d’un “eh bien, on est au courant que vous êtes arrivées avec tout ce raffut hein !”. Youpi, encore des gendarmes.
17h : Je ne sais pas pour où commencer. Je déballe un peu mes affaires mais le studio (comme le reste de la maison à leur arrivée) est dans un état lamentable. Marta notre femme de ménage passera dans quelques jours alors je ne m’étale pas trop pour lui faciliter la tâche.
18h30 : La randonnée de demain est difficile. Je comptais emmener Oïkia mais plusieurs personnes me découragent puisque la fin de la marche est abrupte et s’apparente plus à de l’escalade qu’à de la randonnée. Avec ses quatre pattes elle pourrait ne pas y arriver. Tout de même décidée à partager cette aventure avec elle je ne me décourage pas, on va trouver une solution. C’est une randonnée de nuit donc il ne fera pas trop chaud et elle est courte donc elle sera a sa portée. Je tente de la mettre dans mon sac à dos mais ça ne tient pas. Clair émet une idée tout à coup : et si je la portais dans une écharpe ? Comme un bébé. C’est bien une idée de sage-femme ça. Charmée par l’idée on essaie tout de suite ! Oïkia est un ange et se laisse faire, en deux temps trois mouvement elle est installée confortablement et stablement dans mon dos. Ses 15 kilos pèsent sur mes épaules mais ça sera le prix à payer si je veux pourvoir lui faire découvrir cette aventure. Adjugé vendu, c’est une randonnée déjà difficile sans contrainte, je vais en chier mais c’est pour la bonne cause.
19h : On mange les restes d’hier toutes assises à table. J’apprécie ces moments de repas, c’est tellement important dans une famille. Et cette maison sera ma famille pour mes prochains mois sur cette île.
20h : Je file me préparer pour ma soirée de ce soir, je suis déjà en retard. Pendant que les filles vont sagement et intelligemment se coucher je m’en vais fêter la crémaillère de Morgane, une autre copine de Guyane arrivée sur l’île il y a déjà plusieurs mois. Je n’y connais personne d’autre mais ça sera l’occasion de rencontrer du monde.
21h : Justement par hasard je rencontre mes voisines. Au détour d’une conversation on s’aperçoit qu’on vit dans des maisons voisines et qu’elles connaissent déjà les autres. Je les invite à la crémaillère prochaine qu’elles acceptent avec plaisir.
23h : Après les avoir ramenées au passage je me couche dans le salon. Mon studio est encore beaucoup trop habité par les insectes de la forêt qui l’entoure et sans moustiquaire avec les scolopendres et autres bêtes en tout genre je ne me sens pas le courage d’y dormir. De toute façon je n’ai le loisir que de dormir une poignée d’heures donc je m’allonge encore habillée.
00h : Je réussi enfin à m’assoupir. Demain ça va faire mal.
J 15
3h : Le réveil est sans pitié. J’ai l’impression d’avoir fait une sieste. Théo est déjà à la porte, je ne perds pas de temps pour lui ouvrir, je file me changer, emballe de quoi grignoter (mon estomac dort encore à cette heure là) et la petite troupe prend la route. Ma voiture est complète puisque j’embarque Théo, Agnès (qui dort chez lui le temps de trouver quelque chose), Louise et Oïkia.
3h50 : Arrivée à destination. Aujourd’hui nous gravissons le mont Choungui avec une vingtaine de personnes au total. Sans ce gros groupe nous n’aurions pas été en sécurité, il y a pas mal d’agressions dans les parages. Je donne mon taser à Agnès qui a oublié sa lampe torche et j’enfile le cadeau de noël élu le plus utile de l’année 2020, ma frontale.
4h : Un autre chien nous accompagne. C’est celui de Fleur qui s’appelle Biorn, après quelques minutes il est déjà amoureux de sa belle congénère. Sa maitresse me dit qu’il ne devrait pas y avoir de problème pour que nos boules de poils montent seules, Biorn l’a déjà fait plusieurs fois avec succès. Les premiers pas sont plutôt cool malgré une centaine de moustiques autour de ma lumière, mais les choses sérieuses commencent après un bon quart d’heure. La pente devient plus importante et les conversations se tarissent. Chacun est concentré à sa tâche. La troisième partie de la randonnée est sans merci. Pour grimper nos bras ne sont pas de trop, il faut se hisser en hauteur dans des chemins escarpés de racines par millier. Oïkia se débrouille comme une chef, elle jette un oeil régulier pour vérifier que je sois dans les parages et continue sa parade nuptiale. Ils galopent tous les deux à tel point qu’on se demande bien comment ils font pour avoir toute cette énergie quand nous nous suons à grosses gouttes. Le gros groupe est impressionnant quand on est en tête et qu’on regarde en bas. Toutes les loupiotes à la queue-leuleu sur plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Il fait encore nuit noire, j’espère qu’on arrivera à temps pour l’un des plus beaux spectacles de l’île.
5h : 680m ont été gravis en 45 minutes. Contents d’être arrivés à l’heure les premiers rayons de soleil se montrent timidement. A l’horizon un premier nuancié de couleur déploie sa palette d’orange pendant que j’en prends plein les yeux. Chacun immortalise le moment par des photos, moi j’essaye de les encrer dans ma mémoire par ce que ce qui se dévoile devant mes yeux est l’un des plus beaux spectacles qu’il m’ai été donné de voir. J’ai l’impression d’être privilégiée, et le sentiment d’avoir devant le monde qui s’offre à moi. C’est un sentiment de plénitude très appréciable qui nous emplis tous, chacun semble ému de ce spectacle et respecte pendant quelques instants ce moment de calme absolu, et de silence apaisant.
6h30 : Petits bidons remplis d’un petit déjeuner de sportif et il est déjà l’heure de redescendre. Il ne fait pas chaud là haut, je suis contente de m’activer à nouveau pour ne plus avoir froid. J’avais prévu un pull mais par fainéantise je ne l’ai pas pris pour ne pas m’encombrer. La sensation de froid est rare ici, et même si elle est appréciable la descente et l’activation qui va avec n’est pas désagréable non plus. Je porte Oïkia seulement à deux reprises pour des passages un peu trop compliqués pour sa progression à quatre pattes.
7h10 : Agnès, Théo et moi sommes les premiers arrivés en bas. J’en profite pour troquer ma brassière et mes chaussures de marche contrer mon maillot et mes tongs, maintenant c’est changement d’ambiance : direction la plage !
7h30 : Tout le petit groupe ne vient pas avec nous, on dit au revoir à certains et on suit les autres direction N’goujat pour faire une sieste sur la plage.
7h45 : Il est tôt, le soleil est supportable mais je reste prévoyante et protège ma peau fragile avec de l’indice 50. Je court avec ma pepette qui ne manque pas d’énergie, elle dormira bien ce soir c’est sur ! Je file à l’eau. La plage est de sable blanc, l’eau est transparente. Grâce à ça j’ai le bonheur de rencontrer une toute nouvelle chose puisqu’une tortue se nourrit à quelques mètres de moi dans les herbiers marins. Je pique en apnée pour m’approcher dans le respect le plus total. Je ne suis qu’à quelques dizaines de centimètres d’elle, de telle sorte que je pourrais la toucher. Je m’en abstiens, et comme si elle me remerciait elle continue son repas imperturbable. Je reste quelques instants coupée du temps, à l’écart du monde dans un léger remous de vagues. J’en salut une autre quelques mètres plus loin, puis encore une. Je savoure le moment puis rentre sécher sur ma serviette. Oïkia n’est pas attachée depuis tout à l’heure mais est restée sage. A part manger du sable et gober des mouches elle n’a pas fait grand chose de bien méchant, je m’assoupi à quelques mètres d’elle.
12h : On part au restaurant. Ce midi c’est Citronnelle. Nous sommes 13 à l’arrivée mais le patron me stop quelques instant plus tard, le chien pourrait poser problème, il me prévient qu’il ne faut pas qu’elle embête les clients sinon elle devra sortir. Je lui assure que ça sera le cas. Mademoiselle est mise à mes pieds, une gamelle d’eau à sa disposition.
15h : On ne l’a pas entendue du repas, à tel point que certains de mes compagnons de table ont oublié sa présence. Le patron me félicite en me demandant s’il peut l’acheter. J’apprécie le compliment mais elle n’est pas à vendre, même pour tout l’or du monde. Je règle mon repas : poulet coco, jus citronnelle et glace citronnelle. C’était succulent, il fait même pousser sa vanille lui même. On rentre à 6 et demi dans ma voiture 4 places pour rentrer à la maison.
16h : De retour à la maison, Théo vient voir le bananier dont on vient de lui parler dans la voiture. Il faut qu’on décroche le régime avant qu’il ne commence à murir mais sa hauteur nous pose problème. En bas du bananier je propose qu’il me fasse la courte échelle, de cette façon je pense pouvoir l’atteindre. Une fois en haut je constate que de cette façon c’est encore beaucoup trop haut. Je propose une autre solution, s’il tient bien je peux monter sur ses épaules pour décrocher ces bananes à coup de machette. Je me hisse sans problème et j’entame mon attaque à bout de bras. En équilibre c’est une épreuve physique pour nous deux. A bout de force, le régime tombe dans un fracas satisfaisant, et je suis rassurée de descendre de mon perchoir qui penchait tout de même un peu trop sous notre poids.
16h30 : Une bonne douche très indispensable plus tard je commence un peu de rangement. Je trouve soudain la motivation pour attaquer le jardinage qui est plus que nécéssaire pour pouvoir accéder à mon studio d’en bas. Je coupe tout sur mon passage grâce au sécateur fraichement acheté. Je coupe, Andréa et Louise ramassent, et Clair et Alice cuisinent. Une véritable petite équipe. Juste avant la fin de ma mission je met le pied dans les orties, puis la main et enfin me fait piquer par des chenilles. Je fini tout de même puis attaque la nouvelle mission de clouer une moustiquaire à la fenêtre de Louise. Elle n’a pas réussi et m’a demandé d’essayer de le faire. Je crois que j’ai été nommée bricolo de la maison.
18h30 : Dernière mission du jour avec mon climatiseur. Le chatterton ne tient pas à cause de la chaleur. Je fais quelques chose à la Mc giver avec une laisse, une corde et du scotch double face pour que ça finisse pas fonctionner. On ne touche plus à rien.
19h30 : On mange toutes ensemble. J’aborde mes peines de coeur avec elles, autant qu’elles soient au courant on va vivre ensemble, elle comprendront mieux certaines de mes réactions de cette façon. Mon petit coeur brisé et moi c’est une grande histoire mais elles qui se connaissent d’avant son contentes d’en savoir un peu plus sur moi.
20h : Une tarte est engloutie, une deuxième a été préparée pour nos petits Tupperware de demain, on fait la vaisselle ensemble puis on range tout ça.
21h45 : Epiusées, tout le monde se couche, pour ma part c’est dans le salon que je passerais la nuit.
J 16
5h30 : J’ai dû m’endormir en 3 secondes hier soir, ma nuit a été faite d’une traite. Le réveil est sans pitié, il est l’heure de se lever. Je descends dans mon studio pour me préparer, m’emballe un petit déjeuner, sors ma moto et l’enfourche pour la première fois avec une passagère. Ma mission du jour : nous emmener Louise et moi au travail en un seul morceau.
6h01 : La mission n’est pas si facile, Louise n’est pas très à l’aise sur la moto. Voir pas du tout. Dans les virages elle se penche de l’autre coté, son casque tape dans le mien, mes hanches sont bien crochetées. Je redouble de prudence, et prends mon temps, on est pas à 5 minutes près.
6h31 : Une demi heure en moto au lieu de 2h30 en voiture, ça valait le coup. Je fais visiter la maternité à Louise, c’est son premier jour. Après nous être habillées je l’amène jusque devant le bureau de la cadre. Il y a deux semaines c’était moi pourtant j’ai déjà l’impression de me sentir à l’aise ici, c’est bon signe.
7h : La relève commence, aujourd’hui je travaille en salle de naissance. D’ordinaire nous sommes 5 sages-femmes (en théorie). Aujourd’hui nous avons en plus une sage-femme doublée et une étudiante sage-femme de 5ème année. La journée s’annonce donc tranquille dans l’ensemble et ça me convient très bien, je vais pouvoir me concentrer sur les papiers.
7h15 : Ella, l’étudiante montpelliéraine, tourne avec moi aujourd’hui. Comme c’est sa dernière année je lui laisse une totale autonomie, je suis là si besoin. J’essaie d’intervenir le moins possible et de la faire réfléchir d’avantage. Ce n’est pas facile non plus d’être à ma place, il faut faire confiance mais s’assurer que les choses soit faites correctement. On prends en charge une patiente qui nous est transmise de la nuit. Un 4ème bébé, une grossesse bien suivie, une patiente soulagée par une péridurale (c’est rare ici !). Tout devrait se dérouler pour le mieux. Je me présente à la dame en même temps qu’Ella et la laisse gérer la suite, je serais là pour l’accouchement, sans mes gants bien sur, ça sera elle qui fera tout le travail.
11h : Une autre patiente nous est adressée des urgences. Cette dame a rompu sa poche des eaux depuis plus de 24h mais vient de se décider à se présenter aux urgences. Elle est à 2cm de dilatation, ça devrait se mettre en place doucement.
11h10 : J’ai laissé Ella dans la chambre après m’être présentée.
- Heu… Thaïs ? On s’installe !
Ah ben déjà ! Madame est passée à 5cm puis 9 en l’espace de quelques instants. Sont bébé est pressé alors c’est parti pour mon premier accouchement à Mamoudzou. Enfin mon premier… Pas vraiment puis que je dois laisser ma place à Ella. Ma petite patiente gère comme une championne, et ma petite étudiante comme une chef. Un petit garçon naît. Il se porte à merveille et pourrait rester au chaud contre maman mais l’aide soignante n’a pas l’air de cet avis. Elle embarque le bébé après avoir succinctement demandé à la patiente si elle était d’accord pour que nous vaccinions son nouveau-né. Elle est déjà parti avec le tout-neuf. Ici visiblement ça fonctionne comme ça. Le peau-à-peau sacré en métropole (qui consiste à laissé le nouveau né 2h contre la peau de sa mère après la naissance) n’existe pas ici, ou guère.
11h30 : Je laisse Ella réinstaller la dame et vais examiner le petit bout. A part une énorme langue il n’y a rien de particulier lors de l’examen clinique. Une fois celui-ci terminé je vaccine le loulou d’une piqure dans la cuisse (et bienvenu au monde !) avant de me plonger dans ma tonne de papier. Ici comme ailleurs c’est un enfer, peut être encore un peu plus. On écrit les choses en 3 fois, devons justifier le moindre de nos faits-et-gestes. Ella gère la clinique, moi je gère le coté secrétaire.
12h30 : Les filles vont manger, nous on finit nos papiers avant d’y aller.
13h : On y va toute les deux, ça nous permet de discuter un peu plus tranquillement de notre vie d’avant, quand on se connaissait et qu’on se fréquentait souvent. On a bien changées toutes les deux, et mettre nos histoires d’avant à plat était une nécessité.
13h30 : Depuis ce matin le rythme du coeur du bébé de notre première dame n’est pas parfait. Rien d’inquiétant mais je suis contente d’apprendre qu’elle est à dilatation complète. On attends quelques heures (3 maximum) pour que le bout-de-chou descende bien dans le bassin avant de pouvoir s’installer pour l’accouchement.
13h30 : Notre accouchée commence à avoir de la tension, on lui donne un médicament pour remédier à ça puis on la garde un petit peu, juste au cas ou.
14h : Juste avant de s’installer sur notre accouchement Ella me fait part d’un fait marquant : notre accouchée a saigné 200 ml de sang d’un coup. Tout est bien tonique à présent et les choses semblent être rentrées dans l’ordre d’elles même. On s’installe pour l’accouchement de notre future deuxième maman.
14h05 : Mazel tov ! Une deuxième bébé naît entre les mains d’Ella aujourd’hui. Tout se passe bien malgré une petite déchirure que je la laisse suturer avant de retourner voir les saignements de notre protégée.
14h15 : +200 ml de sang. Elle à perdu maintenant 640, c’est trop. Elle fait une hémorragie de la délivrance. J’en réfère à mon étudiante et lui demande “ce que je dois faire”. Elle pense presque à tout, je commence sans attendre et elle me rejoindra quand sa suture sera finie. Médecin appelé, anesth contacté, sages-femmes renforcées, je perfuse la patiente pendant que ma consoeur amène le chariot d’anesthésie dans la chambre. Je demande à l’aide soignante une rapide traduction à la dame pour qu’elle puisse comprendre ce qui lui arrive avant qu’on ne l’endorme. Comme elle n’a pas de péridurale et que la prise en charge de cette hémorragie s’annonce douloureuse et nécéssaire immédiatement elle va être endormie. Massage utérin, scope, hémocue, examen sous valve, délivrance artificielle, Nalador. Bien des choses techniques. Dommage qu’Ella arrive à la fin de la course. Tout est rentré dans l’ordre.
La fin de la journée se passe dans le calme au milieu des papiers et de la surveillance de mes deux dames ainsi que de leurs bébés.
17h : Comme je ne sers plus à rien je vais proposer mon aide au tri. Les filles acceptent, je donne donc un coup de main à ma colocataire Louise en cadrant un dossier de césarienne programmée pour demain. Examen, mesure, tension, perfusion, rythme cardiaque : je passe plus d’un quart d’heure avec cette patiente sans entendre une fois le son de sa voix.
18h50 : Ma relève ne va pas tarder à arriver, je rejoins mon service contente que ma journée s’achève.
19h15 : Louise a terminé ses trans et moi aussi, on file se changer puis après avoir cherché une demi heure le scooter d’Alice on réussi à mettre la main dessus pour rentrer. Son phare nous permettra de rentrer en sécurité en attendant que ma moto ne soit améliorée.
20h30 : Enfin de retour à la maison. Nos deux colocataires Claire et Andréa nous attendaient en préparant à manger. Petites aubergines au four et riz coco, qu’est ce que c’est agréable de vivre en communauté parfois. Je file à la douche, réapparait toute propre quelques minutes plus tard pour partager mon repas avec elle.
22h : L’annonce est tombée, nous aussi nous seront concernés par le couvre feu de 18h à partir de jeudi. Ça fait tomber à l’eau bon nombre de nos projets tout à coup, à commencer par notre crémaillère.
23h : Après une demi heure à tenter de vous écrire avec les yeux aussi lourds que du plombs je capitule. Je suis exténuée, et Oïkia qui s’est endormie à coté de moi ne m’a pas beaucoup soutenue.
J 17
5h45 : J’ai ouvert les yeux il y a 5 minutes mais il faut que je me lève. Oïkia vient me lécher le visage en guise de bonjour.
6h : Les yeux à peine décollés il est l’heure de partir. Je monte sur le scooter d’Alice dans le but d’emmener Louise à sa garde de jour. Mademoiselle n’a pas encore de permis pour conduire les deux roues et ça me permettra de récupéré mon bolide.
7h : L’aller retour est fait. Les premières lueurs du jour à la fraîcheur du matin sur la moto sont plus qu’agréables pour commencer la journée. En rentrant je m’attelle à faire le petit déjeuner pour toute la troupe. Ces derniers jours, à force de courir partout, je n’ai pas eu le temps de cuisiner, c’est un juste retour des choses. Je fais des pancakes, met la table, sors des pépites de chocolat pour Andréa (elle fait une petite fixette ces derniers temps), de la crème de marron, du sirop d’agave, du beurre de cacahuète. De quoi leur chatouiller les narines quand elles se lèveront / rentreront de garde.
8h : Claire est la première à se lever. Je lui prépare son petit déjeuner en discutant organisation journalière. J’ai encore une journée bien remplie de prévu et me lever si tôt va m’être utile. J’accroche 4 miroirs de façon à en avoir un grand dans le salon.
9h : C’est au tour d’Alice de rentrer de sa garde de nuit, je lui fais la popote le temps qu’elle me raconte puis m’en vais bricoler quand elle va se coucher. Aujourd’hui je traite les palettes de bois (qui me serviront de sommier) contre les insectes. Avant ça je cloue quelques planches de sorte qu’elles ne bougent pas et je brosse le tout pour enlever les saletés avant de passer un coup de pinceau. Je répète l’opération puis laisse sécher à l’air libre.
10h30 : De retour dans le salon c’est Andréa qui a pointé son nez en dehors de sa chambre. Spécial pancake-pépites de chocolat pour elle, elle est ravie et ça me va bien.
11h : Il ne faut pas que je traine, j’ai pas mal de courses à faire et Claire compte sur moi pour la retrouver.
12h15 : Enfin arrivée à destination après un enfer de bouchon. Mon premier arrêt se fait chez Tecma (magasin de moto) pour acheter une ampoule de phare arrière. Je repars victorieuse et accompagnée puisque Clair m’a rejoint. On va d’abord chez Mr bricolage notre magasin préféré du moment. J’y achète du scotch isolant, des liens en plastique, une lampe de bureau, du terreau, et des broutilles. On fait les yeux doux au vendeur pour avoir le droit d’embarquer d’autres palettes en bois. Ça fonctionne et on repart plus lourdes de trois de ces denrées rares. Petit passage au Jumbo d’à côté pour d’autre emplettes puis on se dirige vers l’arrière du magasin pour retenter la même manœuvre. Ça fonctionne ! Ils nous chargent même le tout dans la voiture et nous gratifie d’un « Si vous en avez besoin d’autres n’hésitez pas! ». C’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde.
13h40 : Dernier arrêt avant de rentrer à la maison afin de ne pas être en retard pour la suite du programme. C’est au Diam que j’achète ma nouvelle meilleure amie pour 20 euros seulement : une moustiquaire. Sans ça impossible de dormir sereinement dans le studio qui me sert de chambre et qui se trouve au beau milieu de la jungle.
14h30 : De retour à la maison, Théo, avec qui j’ai rendez vous pour bricoler ma moto, m’appelle. Il aura une heure de retard puisque ses pneus ont été dégonflés. Plutôt contente de la nouvelle je vais pouvoir dormir un peu : depuis plusieurs jours j’ai un capital sommeil très faible et j’ai mal à la tête depuis ce matin à cause de la fatigue. A force de dormir 5-6h par nuit et de courir partout je commence à tirer la langue. Je range nos courses, décharge les 5 palettes, fait à manger pour ce midi et pour ma gamelle de ce soir puis je vais pouvoir fermer les yeux
15h30 : Ah non. L’heure est déjà passée et Théo est déjà là alors que je n’ai même pas eu le temps d’engloutir mon repas. Une fois chose faite on s’attelle à la tache. Je donne mes clés d’appartement à Agnès de façon à ce qu’elle ai un peu plus d’indépendance. Jusqu’ici elle dort avec Théo puisque les infirmières n’ont pas la chance d’avoir un logement le premier mois de leur arrivée.
16h : L’atelier mécanique est commencé. On démonte prudemment, Théo gère le cul (de la moto) et moi l’avant avec les phares. Il redresse la plaque à coup de marteau, fixe les caches, tente de se démener avec le phare arrière et moi je retrousse mes manches pour venir à bout de celui de devant.
17h30 : Contrairement à ce qui était prévu j’ai laissé le phare déjà présent. Après quelques fils débranchés, échangés, rebranchés j’ai un semblant de phare. Entre les fils des clignotants, des phares, du klaxons, des freins, de l’accélérateur et j’en passe, l’électronique représente une vingtaine de fil qui sont un vrai casse tête. J’échoue à ma mission mais y reviendrais dans quelques temps après avoir visionné quelques vidéos éducatives sur le sujet.
18h : Je dis au revoir à mon ami avant d’attraper mon sac à la volée pour partir en garde. Sans phare réellement efficace je préfère rouler en plein jour alors je pars un peu plus tôt. J’embrasse mes colocataire et pars déjà fatiguée d’une journée trop chargée.
N 17
18h45 : Ce soir c’est salle de naissance. A notre arrivée le service est calme. Je croise les doigts pour que cette tendance des derniers jours ne s’inverse pas pendant ma garde. L’activité c’est souvent en dents de scie que ça fonctionne, par vagues très calmes puis raz-de-marées dévastateurs.
19h : Pour l’instant je n’ai personne, je prends la relève de Louise qui rentre à la maison avec un peu de retard puisqu’elle vient de partir en césarienne juste avant mon arrivée. Ahhh les accouchements 10 minutes avant la relève on adore ça !
20h30 : Le tour des salles est fait, les pleins, l’ouverture, les checks tout est ok. Une patiente arrive, je la prends. La sage femme du tri me transmet les données médicales de la dame : ça devrait aller vite. C’est un bébé trop petit mais qui a bien supporté la grossesse. Ma patiente est hépatite B positive mais le personnel médical est vacciné exprès pour ce genre de situation. Elle est passée de 2 à 5 cm en l’espace de quelques instants, je me prépare à pouvoir réagir rapidement mais sans me presser, je sens que ça n’est pas pour tout de suite.
21h30 : Mon instinct était bon. Il y a eu une erreur à son examen de passage en salle, ma petite dame n’est pas à 5cm de dilatation mais bien toujours à deux. Les choses n’avancent pas et n’avanceront pas avant un petit moment…
23h : C’est calme alors on en profite pour manger, on ne peut jamais savoir ce qui va nous tomber dessus, le vent peut virer à tout moment.
2h : Ma patiente n’a toujours pas évoluée. Le sommeil me gagne fortement, je lutte pour garder les yeux ouverts. J’en profite pour vous écrire ma journée.
3h : C’est dur. J’ai la moitié du dossier incrusté sur la joue et me dirige vers ma patiente les yeux encore fermé quand elle m’appelle toutes les deux minutes. Aller ça avance enfin ! 5cm.
4h : 8cm. Un petit accouchement ça devrait me réveiller. J’attends de voir comment évoluent les choses, mes yeux brûlent, ma tête est lourde. Plus que 3h.
5h15 : Dilatation complète. Le rythme du coeur du bébé n'est pas parfait mais ça peut attendre encore un peu. Je trouve bizarre que ma patiente ne me sollicite pas. D'habitude elles me supplient de pouvoir pousser, là elle dort entre les contractions. La nature est formidable, ma patiente a atteint un état de shoot grâce à ses hormones qui lui font supporter la douleur comme une héroïne. Par contre elle m'agace, je capte mal son bébé et visiblement elle n'en a rien à faire. Pour dormir à sa convenance elle bouge dans tous les sens malgré mes supplications. Je lui demande s'il elle souhaite pousser. Oui, alors on y va. J'appelle une aide soignante qui vient (mais pas trop vite quand même) m'aider. On commence les efforts expulsifs mais c'est un premier bébé et la dame n'a pas l'air très motivée. Entre chaque contraction elle dort, la situation est assez saugrenue.
5h45 : Le bébé commence à fatiguer, j'en informe la mère qui n'en a visiblement rien à secouer. A mon imploration de pousser elle refuse. Tout simplement non. Elle a décidé que si elle n'avait pas de contraction elle ne pousserait pas. Le coeur de son bébé ralenti, je menace d'appeler le médecin si elle n'y met pas un peu plus du sien. L'aide soignante traduit : "Oui va s'y appelle-le, il tirera le bébé". Décontenancé je ne cède pas, pour l'instant je n'y suis pas obligée et je suis bien décidée à ce qu'il naisse tout seul cet enfant, quel dommage de lui imposer des instruments par bêtise.
5h51 : Aller, dernier effort expulsif et s’il n’est pas né j’appelle le médecin.
5h52 : Hallelujah ! Petit bébé vient au monde. Il va bien, et moi je suis satisfaite de ne pas avoir appelé. La dame qui ne parlait pas un mot de français jusqu’ici se met tout à coup à parler ma langue. Elle me remercie c’est déjà ça. Comme elle s’est décidé à pousser d’un coup je suture quelques petites déchirures mais rien de bien méchant. Une fois chose faite je me dirige dans le bureau des soignants pour faire mes papiers.
6h40 : La première des cinq sages-femmes de jour est déjà là. Je me presse pour finir dans les temps. Un milliard de chose à penser, j’espère que je fais tout bien comme il faut.
7h05 : Je transmet la seule patiente présente dans le service, la mienne. Claire est de jour aujourd’hui, je l’embrasse et lui dit à ce soir.
7h30 : Je démarre ma moto sous un déluge sans pitié. Je vais rouler prudemment. Des torrents traversent les routes, je suis trempée de la tête aux chaussettes en quelques instants par de grosses gouttes tropicales.
8h : Arrivée saine et sauve à destination. Ma princesse m’accueille comme il se doit. Je me déshabille sur place tellement que je suis trempée. Je remonte prendre un petit déjeuner : gâteau coco d’Alice, reste de mes pancakes d’hier et caramel beurre salé de Clair. Parfait pour m’endormir repue et satisfaite.
9h : Après avoir déplié ma moustiquaires j’y glisse mon matelas et mon doudou pour m’endormir comme un bébé d’un sommeil lourd et bien mérité.
J 18
14h : J’ai déjà les yeux ouverts. Je n’ai plus sommeil alors je me lève. La maison est vide, j’en profite pour taper frénétiquement sur mon clavier et rattraper mon retard de ces derniers jours de folies.
15h : Le temps passe vite quand je vous écris. Louise et Alice rentrent de courses en ville. Elles me proposent de passer à table, je lâche mon ordinateur pour me joindre à elles.
15h30 : On prépare le cocktail prévu pour notre crémaillère de ce soir toutes les trois. Inspiration Thaïs et c’est pas trop mal. On y met de la passion, du sirop de passion, de l’eau, du sucre de canne, du citron vert, du citron en bouteille et de la vodka.
15h45 : Elles se dirigent dans leurs chambre respectives pour dormir un peu pendant que je m’apprête à tenter de rendre la maison plus présentable. Je range un peu, nettoie brièvement et pare notre intérieur des tissus Wax qui n’ont pas encore eu l’honneur d’être cousu en divers habillement d’intérieur. Ensuite je me dirige vers mon studio pour régler le problème de ma clim. Ça n’a pas fonctionné ce matin puisqu’à mon réveil il faisait encore beaucoup trop chaud dans la pièce. Après quelques recherches je constate que c’est un problème de vidange d’eau. Je vais devoir bidouiller quelques choses mais ça devra attendre mes prochaines courses chez Mr Bricolage (demain?). Dans mon studio on peut suivre Oïkia à la trace, elle à marché dehors et m’a dessiner un magnifique chemin de marque de patte marron sur le sol. Je laisse, de toute façon ce soir je ferais visiter mon studio et vais devoir repasser demain.
17h : J’écris encore.
17h45 : Une partie de la maison se réveille. Andréa est groggy de sa nuit, elle est rentrée tard ce matin après sa garde.
18h45 : J’écris encore. Notre soirée commence à 19h30, il serait peut être temps de m’activer un peu. Je vais prendre une petite douche et enfiler une petite robe pour commencer cette petite soirée.
19h30 : Je fais mon apparition, quelques personnes sont déjà arrivées. On commence à découper le saucisson, sortir les boissons et poser le tout sur la grande table du salon. Les gens arrivent petit à petit puis on se retrouve vite à une vingtaine, une trentaine, une quarantaine. Les chaussures s’enfilent dans l’entrée, la musique tape fort et les conversations vont bon trains. Les invités viennent de tout horizon et de toute profession. Chacun se mélange et rencontre d’autres personnes avec facilité. Mon cocktail fait fureur, j’en refait vite après plusieurs demandes. A nouveau le saladier est vide, j’en improvise un autre qui plait tout autant. Je fabrique un bière pong avec des verres en carton et une balle d’aluminium qui met en jeu la fierté des sages-femmes diplômés et celle des étudiantes qui s’affrontent dans un combat sans merci.
3h : Après m’être endormie assise puis sur une chaise je me réveille pour aider à ranger. A 7 ça va très vite, il ne nous restera que le sol à faire demain matin. Alice m’ordonne d’aller me coucher, j’ai accumulé pas mal de fatigue et je l’écoute pour m’écrouler dans mon lit. Demain il faut que je règle ce problème de clim. Il reste deux invités qui dansent encore alors que tout le monde est parti, la musique est à fond et je les entends sauter sur mon plafond, pourtant je m’endors en quelques instants.
J 19
11h : J’ouvre un oeil. J’entends la maisonnée s’activer là haut, je me lève pour partager le petit déjeuner en famille. Le café coule, et Alice prépare des pancakes dont l’odeur chatouille déjà mes narines. J’en salive mais je dois couper court afin d’être à l’heure à mon rendez-vous de 13h pour rendre ma voiture.
11h40 : Short / t-shirt enfilés j’embarque les clés de ma voiture et vole 3 pancakes au passage que j’englouti au volant. Je m’arrête à la pompe à essence, puis à la station de lavage pour nettoyage intérieur extérieur de la bête.
12h50 : J’ai même dix minutes d’avance. On fait un tour de la voiture pour l’état des lieux et là… Surprise ! J’aurais rayé le pare-choc arrière. Je suis étonnée puisque je ne l’avais pas vu et que je n’ai pas souvenir d’avoir tapé quoi que ce soit. Il m’affirme que ça n’était pas là avant et je le crois malgré tout, ici les routes sont tellement piteuses que dans une bosse c’est possible qu’elle ai frotté un peu. La facture de carrosserie me sera envoyée, j’espère que la note ne sera pas trop salée.
Je marche jusqu’au distributeur pour retirer du liquide puis me dirige vers la barge afin de trouver un taxi. J’en trouve tout de suite un qui part dans l’instant puisque la voiture est pleine à mon arrivée. Ici les transports sont des “taxi-brousses”, collectifs, mais bien moins chers que ceux que je connais de métropole. Pour un petite quinzaine de minutes je paye 1€60 et suis à destination.
14h : Chez Tecma, le magasin de moto, le vendeur me reconnait : “C’est pas vous qui avez une Yamaha SR ?”. C’est moi ! Je pense qu’une petite blondinette motarde ça doit pas courir les rues ici. Surtout une blondinette qui se met à bidouiller sa moto. J’achète deux rétroviseurs et des embouts mâles pour mon tableau électrique de phare. Théo me rejoint, il devait venir déposer sa moto après son travail par ce que sa chambre à air à rendue l’âme et on s’est décidé à aller chez Mr bricolage ensemble pour acheter de quoi bricoler mon bolide.
14h30 : Après une quinzaine de minutes de marche (heureusement le temps est couvert aujourd’hui) je rentre dans le magasin comme si j’étais chez moi. J’y achète un tuyau pour le raccorder à ma clim, une clé à molette et des boulons à écrous. Notre prochaine mission c’est de trouver des clignotants. Il n’y en avait pas chez Tecma alors on se dirige (toujours à pied) chez Mayotte 2 roues. Je m’adresse au vendeur pour savoir s’il a ce que je veux. Celui-ci se tourne alors vers Théo en répondant à son égard : “C’est toi qui va gérer ça?”. Alors non. Et je suis là. Je répond que c’est moi, en faisant les gros yeux. Ce monsieur répond alors “Ah, les femmes modernes”. J’ai l’habitude de ce genre d’insinuations mais elles m’agacent toujours autant. J’achète ce qu’il me faut et quitte la boutique sans trainer.
15h30 : On fait du stop pour rejoindre le centre, dans le but de trouver une autre voiture qui nous emmènera à Iloni. La première voiture qui s’arrête est un taxi. On monte, règle notre course et recommence notre stop. Quelques voitures passent, on croise les doigts pour que la pluie incessante depuis hier ne reprenne pas. Heureusement non, et quelqu’un s’arrête, ça tombe bien il passe par chez moi ! Musique à fond, on fait quelques détours pour éviter la nationale barrée. C’est un local qui conduit et il connait Mamoudzou comme sa poche visiblement. On passe par des quartiers inconnus, et j’observe autant que je peux. Un enfant transporté dans une brouette par son père, des bidons villes envahis d’écoliers, des bouénis transportant leur sac avec leur tête. Je me régale du spectacle et apprécie le temps qui passe.
16h30 : Déposés au bout de ma rue, on s’active à la maison pour bricoler un peu avant la tombée de la nuit. Il nous manque forcément d’autre choses, mais je m’en doutais et avais déjà dans mes projets de retourner au magasin dès demain. Théo se charge du démontage/remontage des clignotants arrières pendant que moi je gère le phare avant. C’est une affaire personnelle, j’y arriverais. Je coupe les fils puis les dénude pour les adapter dans les embouts mâles que j’ai acheté tout à l’heure. Il me manque deux embouts femelles que j’achèterais demain pour savoir si mon affaire fonctionne ou pas. Théo peste puisque les clignotants ne fonctionnent pas comme prévu. Il y a un problème de branchement dans le tableau électrique que je règlerais dès que possible. La nuit est tombée, il faut se faire une raison.
19h30 : Toute la coloc (sauf Clair en garde cette nuit) se met à cuisiner pour confectionner une salade. Concombres, tomates, fromages, lardons, et oeufs durs, ça fera très bien l’affaire. Théo et Agnès (qui vient le chercher) sont conviés mais Agnès est trop fatiguée de sa première journée non doublée et redoute les gendarmes qui semblent nombreux sur la route. Le couvre feu commence dès ce soir et les contrôles semblent fréquents.
20h : Toutes à table, on se raconte nos vies, j’adore cette vie là justement. Ça ne sera certainement pas facile tous les jours, mais c’est quand même très agréable de cette façon.
21h : Le ventre rempli, j’écris pendant un bon moment.
22h45 : Mes yeux sont lourds, j’ai enfin fini de tout vous raconter. Je reprendrais tout ça demain, il est l’heure de descendre dans mon antre pour me coucher.
J 20
5h30 : Des pas là haut ont réveillé la miss qui s’attend à ce que je me lève. J’ai les yeux grands ouverts mais il est temps de rattraper mon retard de sommeil, même un peu.
8h30 : Après quelques réveils je fais un câlin à ma louve pour me lever et me hisse de mon lit pour débuter ma journée. Je monte pour prendre un petit dèj de champion après une pesée un peu surprenante. Je monte sur la balance pour découvrir que j’ai perdu 2 kilos supplémentaires depuis noël, plutôt cool comme réveil.
9h : Clair rentre de sa garde un peu tard, elle a l’air ko. On échange quelques mots avant qu’elle n’aille se doucher et que moi je ne m’installe pour petit-déjeuner. Ce matin mangue, banane, et céréales viennent habiller mon assiette. Je donne la fin de mon repas coloré à Alice, j’écris un peu et il est déjà l’heure de partir faire les courses. L’expédition se fait en moto pour ma part et en voiture pour les filles, dans l’espoir de ramener des palettes supplémentaires nécessaires à la confection de tables de chevet et autres ameublements en tout genre.
12h15 : On mange au citron vert, à deux pas de l’hôpital et du magasin de tissu c’est l’endroit idéal pour un repas d’ici. On a encore fait des folies chez Comema, la maison va être vraiment bariolée.
13h45 : On passe à l’hôpital récupérer quelque chose, je chope Théo au passage et l’amène chez Tecma pour qu’il récupère sa moto déposée hier. Quelques dizaines de mètres plus tard le moteur toussote, ralenti, s’arrête puis redémarre… La même manoeuvre se répète jusqu’à ce que le moteur s’éteigne. Je redémarre sans problème, en chemin pour le garage la panne réitère 4 fois jusqu’à ce que je me penche un peu plus sur le problème. L’ancien propriétaire m’a parlé d’une visse qui se desserrait au niveau du moteur de temps en temps, je tente ma chance avec mon couteau suisse et tout semble repartir comme sur des roulettes. Arrivés à la boutique j’achète les deux embouts femelles qu’il me manquent encore pour le raccordement de mon phare, Théo règle son problème de chambre à air et repart un peu inquiet de me laisser seule avec ma moto. Je le rassure, le problème semble résolu, je vais me débrouiller comme une grande.
15h : Je rejoins les filles au Ctam qui sont elles aussi tombées en panne de voiture. Ma moto cale à nouveau. A l’instant où mon moteur faiblit un homme se penche sur moi pour me proposer son aide. Il me dis que ça doit certainement venir de la bougie ou de l’essence. “Va remettre de l’essence bouéni, ta bougie est en bonne état, peut être que ça réglera ton problème”. Je pousse ma moto un peu plus loin, pour rejoindre la pompe qui se trouve, par chance, juste en face. J’achète une jerricane vide que je rempli après avoir attendu mon tour en plein soleil. Je refais le plein et ma moto démarre sans problème, peut être un problème de transmission ? Mes connaissances restent encore très limitées même si j’ai fais beaucoup de progrès en la matière ces derniers jours. Arrivée au Ctam on charge tout dans la voiture et repart à 4 roues toutes les 3.
15h30 : Prochaine étape : mon magasin favori du moment : Mr Bricolage. J’y achète une clé à molette pour mon bidouillage de moto, de quoi surélever mon climatiseur pour permettre son évacuation, et un paillasson. On passe au Jumbo pour faire quelques courses puis il est déjà l’heure de rentrer. Le couvre feu nous limite dans nos projets puisque nous n’aurons pas le temps de passer chercher nos palettes.
17h30 : Redéposée devant ma moto je démarre en tête au cas où la panne subsiste. Jackpot. Un homme s’arrête à ma hauteur à l’instant où mon moteur faiblit, les filles aussi. Le garçon s’intéresse à la panne et parle en Shimaoré avec le vendeur du bouiboui d’à coté. L’homme connait un “garage” un peu plus loin, il me propose de pousser ma moto mais s’interroge pour son commerce. Celui qui parle français lui garde sa boutique en attendant, c’est parti pour l’aventure. Les filles me suivent, Alice pousse l’arrière de ma bécane, moi je pousse tout court. On traverse une première rue pour débouler dans un banga (un bidon ville) en pleine effervescence. Les enfants jouent pieds nus, les bouénis dansent en rythme et appellent les clients, les hommes nous saluent, chacun nous offre son plus beau sourire. Andréa filme, et je me trouve transportée par la beauté de la scène. C’est un de ces beaux moments de voyage, vrais et intenses qui définissent la réalité de la vie qu’on aimerait leur partager. Les mzoungous ne passent pas inaperçues, ici on dénote mais je me sens en sécurité, les gens sont chaleureux, je ne vois aucune agressivité dans leurs saluts enjoués et leur joie de vivre partagée. Une grande montée s’annonce devant moi, à bout de souffle, j’ai chaud. Je suis encore en jean (que j’ai enfilé par dessus mon short pour conduire mon deux roues) et transpire à grosse gouttes de cette situation sportive à tous les niveaux. Arrivées à destination ma moto est prise en charge tout de suite grâce à l’homme qui nous accompagne. Un mécanicien improvisé saute dessus et part avec pour vérifier son diagnostic. Je ris de ce qui nous arrive et me dit pour moi même qu’à tout moment je pourrais ne jamais la revoir. Le motard revient rapidement et appelle son congénère à travers la rue “Afooo”, l’un pousse la malade, l’autre arrive avec ses outils. Très vite quatre bonhommes m’entourent, tout est démonté en quelques instants. Ils ne s’intéressent pas qu’à la panne en question mais se penche aussi sur les dysfonctionnements qui me donnent du fil à retorde depuis plusieurs jours. En deux temps trois mouvements tout est réparé, à chaque victoire je saute de joie : un clignotant qui marche ? Victoire ! Un feu réparé ? Génial ! Malgré tout ça ils ne semblent pas vouloir m’expliquer plus que ça, ça n’est pas dans leurs habitudes qu’une mzouguette bricole, en plus je ne suis pas mariée, calomnie ! En quelques minutes j’ai déjà plusieurs demandes en mariage au compteur. Pour patienter je discute avec une voisine qui me fait signe, sa petite soeur a eu un coup de coeur et n’ose pas venir me parler. Nadia vient des comores, elle a 19 ans et a fait la traversée au péril de sa vie pour tenter de vivre un vie plus paisible en France. Elle n’est pas mariée, mais voudrais bien pour pouvoir commencer à faire des enfants. Nos deux cultures se confrontent avec interêt pendant que la petite perle haute comme trois pomme s’intéresse à mes cheveux de blonde. Je les détache et vois des étoiles traverser ses yeux. Elle grimpe dans mes bras en bavant d’envie devant mes bijoux de pacotilles; je lui offre mon collier, elle m’offre un sourire. Juste avant de partir on achète des pains fais par la mama de la maison d’à coté.
18h45 : La moto repart comme en l’an 40. Je paye 45 euros pour m’en aller avec et prends le numéro du mécano. Les filles me suivent, premier contrôle d’attestation quelques mètres plus loin. On explique la situation et heureusement ils nous laissent repartir sans amende. Presque arrivées à destination un deuxième contrôle est en court, on joue le coup de la carte professionnelle et ça passe.
19h15 : De retour à la maison on prépare à manger, je bidouille ma clim, range mes achats et bricole ma moto à la lueur de ma frontale pour changer le rétroviseur. Je n’ai pas la bonne clé, ça sera pour une prochaine fois.
19h45 : Le soleil m’a frappée, j’ai pris un sacré coup sans m’en rendre compte. Clair me file de l’Osmo gel et j’ajoute de l’Aloé Vera, heureusement j’ai l’habitude de ce genre de brulure.
20h30 : Ce soir c’est pâtes bolonaises maisons ! Alice a rapé les carottes elle même, avec une pointe de piment c’est succulent. La mousse au chocolat que je viens de préparer fait de l’oeil à Andréa mais je reste ferme : interdiction d’y toucher jusqu’à demain soir pour qu’elle prenne !
21h30 : Comme une petite maman je prépare les petits tupps pour demain. Ensuite je prends une bonne douche bien méritée, écris un peu et file au dodo.
J 21
5h45 : Le réveil sonne. Le climatiseur n’a pas du tout rafraîchi mon studio cette nuit, mais il fais plutôt bon. Je prends ma louve qui n’a toujours pas compris le principe de la moustiquaire pour un câlin du matin puis c’est parti pour une journée de travail.
6h10 : Un peu en avance mais avec ma moto qui fait des siennes je préfère être prévoyante. Je démarre juste après les filles à deux sur le scooter d’Alice, les rattrape au bout du chemin puis ne les revois plus.
6h40 : La circulation s’intensifie, arrivée à l’entrée de Mamoudzou j’embraye pour rétrograder ma vitesse lorsque la poignée me reste dans la paume. Impossible de faire quoi que ce soit de plus. Par présence d’esprit j’essaie d’aller le plus loins possible de cette façon sans caler pour m’avancer d’avantage. Une centaine de mètres plus loin, chose inévitable, je cale. J’arrive à me mettre sur le bas côté pour me pencher sur le problème mais impossible de mettre le point mort. Fort heureusement les graviers présents sous mes roues me permettent de pousser le poids mort jusque devant le parvis d’une grande surface d’à côté. Je me résous à régler le problème plus tard, le plus urgent c’est que je sois à l’heure au travail, j’espère simplement ne pas me la faire voler d’ici ce soir.
6h45 : Premier réflexe : je lève le pouce et c’est reparti pour du stop. Le premier scooter à passer me fait signe et s’arrête quelques mètres plus loin. Il me demande où je vais et s’assure que ma moto soit en sécurité. Il ne va pas au même endroit mais peut me déposer un peu plus haut. Je prends.
6h50 : Finalement mon sauveur a traversé toute la ville pour me déposer devant la grille de l’hôpital, avec un sourire en prime je le remercie chaleureusement, les galères ne sont pas les mêmes avec ce genre de personnes.
7h : Je suis prête pour la relève. La journée a mal commencé : ma Clim ne fonctionne pas, ma moto fait des siennes et j’ai reçu le devis de réparation de la voiture de loc qui monte à 210 euros. Les coups durs commencent à me peser mais j’essaie de relativiser et me dis que dans les pires galères se trouvent nos meilleurs souvenirs. Et puis c’était trop beau pour être vrai ce qui m’arrivait jusqu’ici.
7h15 : Aujourd’hui ce sera les urgences obstétricales pour moi. Je connais les urgences de jour et j’ai vraiment la flemme d’avoir 50 patientes à gérer en même temps, espérons que ça soit calme.
8h30 : Je tente le tout pour le tout et envoi un message pour expliquer ma panne à Théo, peut être qu’il pourra faire quelque chose. Les patientes sont cool pour le moment, j’arrive encore à réfléchir et à savoir comment je m’appelle.
9h : Clair me propose de venir me chercher ce soir après ma garde, ça serait déjà ça mais il faut que je trouve une solution pour la mettre en sécurité jusqu’à demain.
11h : Théo fait une première apparition, il est allé directement voir ma moto et vient chercher les clés pour régler le problème lui même. C’est un ange, je lui sauterais au cou si on était pas sur notre lieu de travail ! Il repart comme il est venu, je le remercie encore une fois, vraiment gênée de ce que je lui impose.
13h : Réapparition de mon deuxième prince charmant de la journée, il ne voulait pas que j’aille le chercher après la nuit tombée et m’a ramené mon carrosse jusque dans l’hôpital. La journée continue un peu plus légère. Les patientes s’enchaînent mais n’affluent pas d’un coup donc ça reste gerable.
15h30 : Le temps passe vite, il est temps de nous forcer à trouver un moment pour aller manger. Il a toujours un détail à régler ou une patiente à accueillir, mais on réfléchi tellement moins bien quand on ne mange pas. Je laisse ma patiente qui a rompu sa poche des eaux et qui n’avance pas depuis tout à l’heure pour aller dévorer mon tupp.
15h50 : A mon retour ma dame semble plus algique, un certain détail pas du tout sexy mais très parlant me fait dire que l’accouchement ne va pas tarder : je l’examine et j’ai tout juste, il faut passer en salle immédiatement ou elle accouchera dans mon service. Son mari vient de partir de la maternité pour aller chercher ses affaires à la maison, mauvais timing, on le rappelle tout de suite pour un retour express, avec ou sans affaires.
16h45 : Une nouvelle patiente m’est adressée par hélicoptère. Plutôt pas banal mais courant ici visiblement. Elle a eu 18/12 de tension dans l’hélico, c’est peut être une bombe à retardement. La bombe est désamorcée puisqu’à peine le pied à terre elle est redescendue à 14/9, forcément ça lui a fait peur à ma p’tite dame tout ce ramdam ! Dans le raffut de la journée j’ai hospitalisé une dame venue pour saignement, à force d’examen supplémentaires j’ai décelée une menace d’accouchement prématuré avec un col de l’utérus raccourci à 13 mm. Les urgences sont enrichissantes de prises en charge différentes si seulement elles ne concernaient que de réelles urgences justement.
18h : La fin de la journée est calme, et avec le couvre feu peu de risque que ça change. Ici les personnes sans papiers sont nombreuses, elles ne risqueraient pas un contrôle des forces de l’ordre sans intérêt majeur.
19h : La relève est fait, Alice passe dans mon service avant d’aller au vestiaire. On passe prendre la 3ème en suite de couches mais on attend 20 minutes de plus que tout se termine ici.
19h30 : Je pars devant les filles, prévoyance en cas de panne. Je croise Marie, une autre de mes copines de Guyane, qui essaie de me convaincre de passer la soirée entre Guyanais : le couvre feu m’en empêche mais c’est pas l’envie qui manque. Je rentre un peu à contre coeur mais consolée de retrouver mes colocataires.
20h : De retour à la maison Oïkia reconnait le bruit de ma moto visiblement, elle jappe pour mon retour. Gros câlin et ça va mieux. Je gare ma moto, brûle mon pied, rentre mon sac, l’apéro nous attend ! Je reste sage, pas de mauvaise habitudes, je prends un verre d’eau et 3 chips mais rien d’exceptionnel. Le repas est presque prêt, juste le temps de descendre me changer, d’étendre le linge et de vous écrire quelques lignes avant de me mettre à table.
21h40 : Repas en famille, ce soir on est toutes les 5, au menu : Riz sauce tomate et galet de manioc concoctées par notre chef Clair. La mousse au chocolat que j’ai faite hier soir fait sensation et rentre dans le top 3 des préférées de l’île d’Andréa qui fait un classement très sérieux à ce sujet.
23h15 : Le temps de faire la vaisselle il est déjà bien tard. Je vous écris quelques lignes supplémentaires et me laisse gagner par le sommeil.
23h45 : Les journées sont longues, il est temps de lâcher prise. Je me dirige vers mon antre pour une petite douche avant de rejoindre mon lit. Oïkia semble interloquée par quelque chose dans sa caisse qui me sert de rangement. Intriguée je prête attention à ce qui s’y passe et entend un grattement. Nous avons donc un visiteur. J’ouvre le toit de la caisse, pas de réaction, le petit animal doit être plus terrorisé que nous. J’espère juste que ça n’est pas un énorme rat mais vu la taille des barreaux par lesquels il est passé il y a peu de chance. Je soulève ma valise en croisant les doigts pour ne pas me faire mordre, la petite chose se met à bouger tout à coup. Elle court aussi vite que ses petites pattes le lui permettent pour sauter sur mon rideau (ça saute ces trucs là ?), Oïkia regarde la scène amusée mais n’engage aucune réaction de prédatrice. Moi j’ai mon balai en guise de défense mais la trouve plus mignonne qu’autre chose. Elle s’enfuit pas un trou qui se trouve au dessus de ma porte, vu sa facilité à trouver la sortie elle doit avoir l’habitude.
00h : Il est temps de dormir, bien bordée dans ma moustiquaire je suis rassurée de ma forteresse.
J 22
9h : Je pose un pied à terre, monte dans la coloc et sors le petit déjeuner pour la maison encore endormie. La pluie et l’orage qui se défoulent ne vont pas tarder à la réveiller. Je fais couler le café, ça fera venir Claire, je sors le Nutella, ça réveillera Andréa. On déjeune dans le calme puis j’écris encore, encore et encore. Toutes installée dans le petit salon chacune vaque à ses occupations. Bracelets artisanaux, messages au proches, écriture, petite musique, le moment est parfait.
12h15 : Mes récits sont à jour, je vais pouvoir me pencher sur le repas. Les filles sont au téléphone avec la métropole, moi je m’active doucement. Ce midi je suis inspirée par des papillotes de Mahi-Mahi (un poisson local) sur son lit de riz. J’y ajoute du sel, du poivre, du curcumin, du citron, de l’ail, des oignons et un peu de coco fraichement râpée. Le tout est enfournée pendant que je vais traiter le reste de mes palettes et que les filles s’attaquent à une petite séance de sport.
14h : A taaaable ! On mange en famille avec de la glace en dessert, puis je continu le bricolage de la journée avec les pieds de ma table à couture : Je perce, je visse, j’inspecte. Ça devrait le faire mais la batterie de la perceuse fais des siennes et les filles vont faire la sieste. Je finirais demain et vais m’attaquer au montage de mon lit qui doit être sec. J’empile les palettes de telle sorte à ce qu’elle me fasse un sommier puis tente d’ajuster ma moustiquaire au mieux. Une fois chose faite je me dirige dans le salon pour une petite sieste au frais sous la clim fonctionnelle, ici en plein journée c’est compliqué sinon. Je m’assoupi devant Friends en fermant un oeil.
17h30 : Un peu dans le patté je commence à m’activer. Quelques maki sont venus s’intéresser à Oïkia sur le pas de la porte, je tente de les faire approcher mais c’est un échec. Une douche, un petit casse croûte et j’embarque le tupp préparé pour l’occasion. Ce soir on fait du co-scoot puisqu’Alice est de garde également elle m’emmène au passage.
18h30 : J’apprécie les couleurs du ciel qui m’offrent un beau coucher de soleil sur le lagon. Je laisse mes yeux se faire porter au gré du paysage qui défile jusqu’à ce que le CHM rentre dans mon champ de vision.
N 22
19h : Ce soir c’est garde en salle. Une seule des 7 salles d’accouchement est libre mais elles ont presque toutes accouché. Je prends en charge une dame qui a donné naissance à un petit garçon à 18h15 et dont tous les papiers restent à faire. Deux heures plus tard je la raccompagne dans le service des suites de couches afin qu’elle y passe la nuit. Je reste un petit moment sans patiente et j’en profite pour donner un coup de main à mes collègues, un papier par ci, une prise de sang par là, je m’occupe avant qu’une autre dame ne me soit attribuée.
22h : Alice, qui est de garde au tri, me transmet ma prochaine patiente. Un premier bébé à 4 cm, un travail qui avance vite, ça devrait le faire. Ma petite dame est accompagnée de son mari et ne souhaite pas de péridurale jusqu’ici. Elle commence à craquer et la douleur est telle qu’elle me la demande rapidement. Je réexamine pour savoir si nous aurons le temps : le travail avance trop vite, elle est déjà à 7cm, quelques minutes après à 8. Je lui expose la situation : on peut essayer mais les choses vont vite, pas sur qu’on ai le temps, et si ça va vite elle pourra peut être supporter encore la situation puisqu’elle n’en voulait pas de prime abord. Elle souhaite attendre mais je sens qu’elle perd pied quand je quitte la pièce : l’activité me le permet, je reste avec elle. Je préviens mon équipe, puis vient rapidement le moment de m’installer pour la naissance.
22h45 : Le bébé n’est pas engagé mais la maman ne peut déjà plus s’empêcher de pousser. Je fais de ma voie une caresse, de mes conseils des soutiens, je tente de l’aider au mieux puis on se prépare à l’arrivée imminente du bout de chou. Avant que la tête ne soit sur le périnée un saignement actif commence déjà, je l’encourage de vive voix à pousser le plus fort possible pour accélérer le mouvement. Ce saignement n’est pas bon signe (probable décollement précoce du placenta) mais le rythme foetal est bon, je choisi de me faire confiance et de ne pas appeler le médecin tout de suite.
23h05 : Bon anniversaire petite crevette ! Une petite fille est née et, comme pour me remercier de lui avoir laissé le temps de venir sans aide, elle cri tout de suite. Les parents sont enchantés et lui parlent en Indien. Cette princesse portera le prénom de son arrière grand-mère. Les choses sont faites dans la physiologie jusqu’au bout, j’attends que le cordon cesse de battre pour clamper le cordon et proposer au petit couple de le couper. Je fais mes prélèvements, ma délivrance puis surveille les saignements en faisant mes dernières vérifications. Le placenta semble complet même si les saignements se font en continu. Ils sont de faible abondance et je ne m’inquiète pas jusqu’à ce que j’en fasse le compte au moment de m’assoir pour la suture. Déjà 500 ml. Je vérifie 2 fois, pas de doute elle fait une hémorragie de la délivrance et je dois appeler l’équipe pour une prise en charge immédiate.
23h22 : “Je suis à 500”. Les filles appellent, j’informe les parents de ce qui va se dérouler dans les prochaines minutes. Le papa est prié de sortir, le bébé est emmené et la mère est endormie. Maude vient me prêter main forte, nous ne somme jamais de trop avec 4 petites mains. C’est dommage par ce que ma patiente n’a pas de consultation d’anesthésie et pas de péridurale. On l’endort en quelques instants, vraiment triste quand on pense que tout était parfait jusqu’ici. Je me questionne : est ce que j’aurais pu changer ma prise en charge ? Non, pourtant je culpabilise. C’est comme ça le métier de sage-femme.
00h15 : Ma pauvre petite maman a perdu 1L300 de sang au total. Le papa est parti alors je pouponne un peu pour me faire pardonner. Le reste de la nuit se fait entre papier et coups de main jusqu’au petit matin.
6h30 : Un transfert du dispensaire de Mramadoudou est annoncé. C’est Andréa qui se retrouve face à moi pour me faire les transmission d’une “drépanocytaire hétérozygote”. En réalité si elle porte le gène de façon hétérozygote elle n’est pas drépanocytaire (c’est du chinois pour vous ?). Le transfert n’est pas justifié mais maintenant qu’elle est là on ne va pas la renvoyer. J’accueille ma nouvelle protégée à 6 cm de dilatation et met le nez dans les papiers jusqu’à l’arrivée d’une équipe toute fraiche.
7h : L’équipe a du retard à cause d’un barrage sur la route. La situation chauffe ici depuis quelques jours, opposant les jeunes de la population aux forces de l’ordre. Les travailleurs qui tentent de percer le barrage se font caillasser. Ces 3 derniers jours plusieurs morts ont été recensés sur petite terre à cause de règlement de compte entre clans ennemis. Un jeune de 13 ans a été retrouvé décapité (ou “seulement” égorgé selon des sources différentes ?) devant la maison de sa mère.
7h05 : Je commence mes transmissions et me dépêche pour filer me changer par ce que les filles m’attendent déjà pour le petit déjeuner. En voulant faire vite j’en oubli ma banane (sac) qui ne me quitte plus depuis mon arrivée sur l’île.
7h30 : Petit déjeuner entre sages-femmes au camion blanc. Un chocolat chaud, un jus de fruit frais (goyave et papaye) et un croissant sont engloutit avant de prendre le chemin du retour. Un petit crochet pour récupérer mon bien oublié puis on file à la maison pour dormir. Moi qui était en forme jusque là je sens mes yeux devenir de plus en plus lourds. Le bercement du scooter m’oblige à lutter de toutes mes forces pour ne pas m’endormir.
9h30 : Rapide douche avant de m’écrouler comme une masse sous la clim du salon. La maison est calme et devrait le rester jusqu’en début d’après midi.
J 23
12h30 : SFR doit venir à la maison aujourd’hui pour installation de la wifi. Je lutte pour ouvrir les yeux, je n’ai pas beaucoup dormi. J’écris en attendant leur arrivée prévue entre 13 et 15h. Connaissant les moeurs d’ici je reste sceptique quant à leur venue.
14h30 : Toujours personne, ça valait bien le coup de sacrifier de précieuses heures de sommeil tiens. Je m’occupe comme je peux en attendant, puis tente de les appeler sans succès.
15h30 : Je me décide à y aller, j’avais encore des achats à faire vers Kawéni, quitte à me déplacer c’est l’occasion. Je monte sur ma moto et c’est parti. Andréa a des problèmes de voiture, elle craque au bout de 2 mois à se faire balader et monte sa voiture sur Mamoudzou pour pouvoir régler une partie du soucis. Je viens lui prêter main forte mais les choses avancent lentement et SFR ferme à 17h, je ne dois pas perdre de temps.
16h30 : J’entre pour expliquer la situation en tentant de rester calme. On me répond qu’il faut attendre 2 jours supplémentaires pour être sures qu’ils ne passent pas d’ici là. Je m’énerve et lui fait comprendre gentiment que 1. Il faut prévenir les gens quand on ne vient pas -j’ai dormi seulement 3 heures après une garde de nuit pour les accueillir- 2. Je n’ai pas que ça à faire “d’attendre pour voir”, que je travaille et que nous ne sommes pas à disposition. Un responsable est appelé, il appelle lui même une responsable. Ça va finir oui ? J’entends que le délais d’activation de la ligne peut se faire sous 3 à 4 semaines contrairement à l’activation immédiate qui m’a été vendue : J’explose. “Vous vous moquez de moi ?”. Je fais savoir mon mécontentement jusqu’à ce que le vendeur arrondisse les angles en me disant que je serais rappelée demain, et que si la ligne n’est pas disponible il viendra lui même me déposer une Box à Iloni qui pourra fonctionner en attendant l’activation de la ligne. Je n’y crois pas trop, ici il faut monnayer pour tout, batailler pour un rien. Je repars fatiguée et en colère.
16h57 : Mr bricolage ferme à 18h, je suis large j’avais prévu pour ça.
- C’est fermé madame.
- Mais c’était marqué 18h !
- Ah oui, mais maintenant c’est 17h.
La frustration me montent au yeux. J’ai beau savoir que c’est la fatigue qui parle je suis au bord des larmes. Pour tenter de trouver un minimum de chose je me dirige vers le Jumbo dans l’espoir de me remonter le moral. Les filles ont aussi la vie dure, je choisi de nous faire plaisir ce soir et penche pour un plateau charcuterie / fromage, Théo nous a offert une bouteille de vin rouge pour la crémaillère, ça sera parfait.
17h35 : Mon sac à dos plein de mes emplettes je passe prendre Lisa pour la ramener en même temps. A la maison les filles sont ravies de l’idée et prépare le tout pendant que je bricole ce que j’ai à faire. La table de couture est montée, les pieds sont vissés, le rétroviseur de ma moto est changé, ma clim est réinstallée. Au moins j’ai l’impression de ne pas avoir perdu ma soirée.
20h : On attend Claire qui est de garde aujourd’hui. Elle a fait naître un bébé mort in utéro au moment de sa relève et a pris du retard. On l’attend patiemment, et tout le monde est content de se mettre à table.
21h : Pendant qu’on déguste je m’affaire à préparer une pancarte pour la grève des sages-femmes de demain. J’écris en gros “FAUT PAS POUSSER” sur un carton rafistolé.
22h : Passées à table je lutte pour ne pas m’endormir. Je fini affalée la tête entre mes bras quand les filles m’ordonnent d’aller me coucher. Je capitule, j’ai du mal à rester éveillée et demain une nouvelle grosse journée nous attend. Une petite douche et je m’endors.
J 24
5h30 : Jour de repos ? Oui ! Repos ? Non ! Le réveil est sans merci mais vraiment utile pour aujourd’hui. Je me lève pour me battre pour nos droits, et même si mes yeux me piquent je sais que c’est pour la bonne cause. Ce matin c’est grève nationale des sages-femmes. A Mayotte ou pas, on est plus concernées que jamais. Les problématiques nationales sont d’autant plus marquées ici et nos revendications ne sont pourtant que le béaba de ce que nous devrions déjà avoir acquis : un salaire à la hauteur de nos responsabilités et de notre implication. Une reconnaissance de la pénibilité de notre métier, et de notre métier tout court. Des moyens plus importants pour accueillir dignement et de façon sécuritaire les patientes que nous prenons en charge ainsi que leurs enfants. Et le statut médical dont nous avons pourtant le formation et toutes les responsabilités sans en avoir les avantages. Les sages-femmes sont en colère, ça va chauffer !
6h10 : J’embarque le minimum pour aujourd’hui : 2L d’eau, de la crème solaire, une barre de céréale, des lunettes de soleil, un short et ma pancarte bien sur ! C’est l’heure de partir, j’embarque Louise sur ma moto et c’est parti pour nous rendre devant l’hôpital où va se tenir le pied de grève.
7h : Passées par le vestiaire pour déposer nos affaires de moto, je saute dans mon short puis rejoins le groupe devant les portes du CHM. Il fait déjà très chaud, la matinée va être éprouvante mais il faut tenir alors je me tartine intégralement de crème avant d’engloutir de quoi prendre des forces. L’opération commence par une distribution de tract devant l’hôpital pour renseigner la population sur nos revendications et tenter de se faire entendre. On ralenti les voitures, on chante, on danse, on cri, la température avoisine les 35° à l’ombre sauf que nous somme en pleine cagne. Certaines craquent et rentre chez elles avant d’attaquer les choses sérieuses. Je m’hydrate le plus possible mais j’ai déjà mal à la tête.
9h : La suite des évènements commence. On débute une opération escargot en marchant sur la route de l’hôpital jusqu’au Locaux de l’ARS qui se trouve à Kawéni (un sacré bout de route). Nous sommes escortées par des policiers qui veillent à ce que les choses se passent en sécurité. On fait klaxonner les voitures, on bloque les ponts points, bref on prends un malin plaisir à ne plus être aussi sages qu’on nous connait. Les conducteurs restent très soutenant et à ma grande surprise ne s’agacent pas de notre désagrément. Une bonne partie de la circulation est totalement bloquée à nos alentours pourtant chacun garde le sourire.
11h : Notre cortège entre dans les locaux de l’ARS, les voix fatiguées deviennent encore plus fortes. Nous crions en coeur que nous sommes fatiguées et en colère. On en est toute convaincues et ça se sent. “Sages-femmes : en colère” “Responsabilité 100%, reconnaissance 0%” “Un pas en avant, trois pas en arrière, c’est la politique du gouvernement” “On a une profession médicale, on veut un statut médical” sont les slogans qui fusent des tripes de cette cinquantaine de sages-femmes qui font du bruit tout à coup. La sonnette d’alarme est tirée, on croise les doigts pour qu’elle soit entendue. J’ai d’ailleurs été exaspérée d’apprendre que celles qui se déclarent grévistes (dont moi), perde une journée de salaire, et ce même si elles ne sont pas de garde ce jour là, mais surtout même si elles effectuent tout de même leur garde (c’est le cas de tout le monde d’ailleurs, même en grève nos responsabilités médicales et notre engagement auprès du bien être de nos patientes prime sur notre révolte et nous allons toutes travailler quoi qu’il en coute)
11h30 : Physiquement totalement épuisées, Aurore et moi nous décidons de rentrer. Deux sages-femmes qui nous représentent sont actuellement en pleine réunion avec des représentants de l’ARS. Les choses ne bougeront plus maintenant, notre devoir est fait, nous pouvons rentrer. La route a été longue jusqu’ici et le soleil n’a pas fatigué, on opte pour un retour en stop. 3 voitures passent et la suivante s’arrête déjà. C’est une sage-femme d’un dispensaire qui nous dépose sur son chemin. Il nous reste encore un peu de route alors on retend le pousse quand, quelques secondes après seulement, un camion de pompier s’arrête à notre hauteur pour nous faire grimper. On s’amuse de la situation : on était jamais montées à l’avant d’un camion rouge, manque que les sirènes ! Le conducteur nous dis qu’il nous a vu ce matin, qu’ils ont klaxonnés pour nous et que nous avons tout leur soutiens. Vraiment touchées on l’en remercie chaudement avant qu’il ne nous dépose juste devant l’hôpital.
12h : Je prends la route du retour à moto, ma pancarte “Faut pas pousser” habitera mon casier jusqu’à ce que je puisse la ramener pour en décorer la maison. A mon retour je prends une douche plus que nécéssaire, et mange. Je me suis bien protégée, à part quelques couleurs au niveau du cou je ne déplore aucune brulure c’est un exploit. Plusieurs sages-femmes ont fait des insolations, j’ai été prévoyante donc ça va.
13h : Je bricole encore. Je tente de bidouiller mon phare qui me donne du fil à retordre (c’est le cas de le dire), mais c’est un échec. Les branchements sont bons, peut-être que c’est l’ampoule qui n’est plus fonctionnelle. J’essaye aussi d’attacher ma moustiquaire autrement mais c’est également un échec. Ça m’agace et encore une fois je tombe de fatigue, je lutte en vous écrivant puis fini par m’écouter, mes yeux sont tellement lourds que ce n’est plus moi qui décide. Je ferme les yeux une demi seconde avant de partir pour un sommeil lourd.
17h : Je me réveille, me douche puis tente de dompter ma crinière devenue paille à cause de la moto.
17h30 : J’embarque Oïkia pour la faire courir sur la plage. On descend dans un petit chemin caché à quelques pas du lotissement qui file à travers forêt jusqu’à la plage en quelques minutes. Je n’ai pas encore eu le loisir d’y aller mais l’accès n’est pas très difficile et à part quelques toiles d’araignées je n’ai pas rencontré d’embuches. Ma louve fait sa vie et court comme si elle y dépensait toute l’énergie accumulée ces derniers jours. Arrivées sur le sable je quitte mes tongs puis foule le sable en courant à ses cotés. Je joue avec elle, bosse quelques ordres mais surtout tente de l’amuser. La plage n’est pas si sale que mes colocataires me l’avaient décrite. Des sacs poubelles témoignent du passage de bonnes âmes qui l’ont nettoyée il y a peu.
18h30 : Je pars direction Mamoudzou où j’ai prévu de retrouver mes copains Guyanais. Sur le début de mon chemin la moto fait encore des siennes et arrête son moteur deux fois en course. Je tente une dernière fois avant d’appeler les filles pour qu’elles viennent me chercher. Finalement la panne ne réitère pas, je réussi à aller de cette façon jusqu’à destination. La destination c’est chez Agnès, dans mon ancien chez moi donc. Hérine et Ninon sont présentes également mais ne sont pas dans leurs assiettes : une intoxication alimentaire a terrassé 4 sages-femmes ayant mangé au citron vert il y a deux jours. Le poulet n’était pas frais visiblement… A peine remises elles ne semblent pas très en forme. On mange / papote tous ensemble puis je dors à quelques mètres de l’hôpital chez Marie pour ne pas tenter de braver le couvre feu.
J 25
6h15 : Je sens Marie s’activer à mes cotés. Le bon coté d’habiter à quelques pas de l’hôpital c’est de pouvoir se lever à la dernière minute. On prend un petit dej toutes les deux puis vient l’heure de partir chacune de notre côté.
7h : Ce matin je suis doublée en “transfert”. C’est un modèle unique en France qui vise à transférer toutes les dames dont l’accouchement et ses suites sont physiologiques vers les maternités périphériques. Les locaux de la plus grande maternité de France ne permettent pas d’accueillir toutes ses accouchées pendants l’hospitalisation nécessaire à leurs surveillances médicales. On achemine donc les patientes à risque des dispensaires jusqu’au CHM et les patientes physiologiques du CHM jusque dans ces périphéries. C’est un véritable casse tête d’échange d’ambulances et de chambres qui ressemble a un jeu de tétris puisqu’on essaye en plus de tout ça, dans la mesure du possible, de respecter les souhaits des patientes quant à leurs destinations. Elles n’ont pas toujours le choix d’être transférées (certaines ne le souhaitent pas puisqu’elles habitent dans les alentours) par manque de place mais peuvent choisir la plupart du temps d’être orientées vers Kahani, Mramadoudou, Dzoumonié, ou Dzaoudzi. J’apprends mon nouveau poste en notant le plus d’information possible pour pouvoir l’assumer pleinement le jour où viendra mon tour de gérer seule ces échanges. Il faut penser à tout, j’ai peur d’oublier des choses. Le fait d’être doublée dans tous les services les uns après les autres me permet d’avoir une vision globale de la maternité mais je m’inquiète d’oublier toutes ces informations le temps que je passe dans chacun des services.
14h : Le luxe de finir à l’heure. Je passe voir Louise qui se fait doubler en consultation mais elle a l’air d’être loin d’avoir fini. Je file alors.
14h15 : Direction Tecma, pour changer. Je suspecte mon ralenti de me jouer des tours et d’être à l’origine de mes pannes récurrentes. Je m’adresse au vendeur pour ça et il me renseigne à la hauteur de mes attentes. Il me montre un petit écrou sur le coté qui sert à régler ce fameux ralenti et que je pourrais tourner d’un 8ème de tour pour tenter de le modifier comme je peux. Aussi j’en profite pour gonfler mes pneus que je juge trop dégonflés. Il confirme, c’était nécéssaire. Maintenant que tout m’est arrivé l’avantage c’est que rien ne peut plus planter.
15h : Encore un fois je me dirige vers chez SFR pour cette histoire d’installation de ligne. On ne sait toujours pas si les techniciens sont passés et je n’ai pas reçu l’appel promis d’hier. Le responsable me reconnait. Il me dit ne toujours pas avoir les informations nécessaires. Devant mon air agacé il décide de me donner une box temporaire pour nous donner accès à Internet le temps que toute cette histoire soit mise au clair. Je patiente, encore, encore, et encore. 1h30 plus tard il m’avoue qu’il ne réussit pas à faire fonctionner ce fameux boîtier. C’est donc une après-midi supplémentaire perdue par leur faute. Je garde le sourire, il y a plus grave même si c’est agaçant. Il s’engage à me déposer le boitier fonctionnel à la maison demain après son travail puisqu’il habite à Iloni. J’accepte sans réellement y croire.
17h : Je fais des courses puis entame le retour. Sans panne mais presque, il faut que je fasse chauffer ma moto d’avantage avant de prendre la route. Arrivée devant la maison je m’apprête à descendre au moment où mon moteur fait un loupé puis s’arrête tout à coup. Je tente de redémarrer : aucun jus. Plus rien. Après quelques recherches furtives je hèle un des voisins du quartier qui passe par là avec sa grosse moto. Il a quelques rudiments de connaissances motardes et va chercher son matériel, il roule un peu des mécaniques mais son aide est précieuse alors je m’en amuse. C’est un problème de faux contact pour cette fois-ci. J’ai l’impression qu’une vis s’est oxydée, il va falloir que je regarde tout ça mais je m’en occuperais plus tard. Pour l’instant j’en ai marre, et j’ai mieux à faire.
18h : La poubelle devant la maison a été éventrée par les chiens du quartier. En discutant avec les voisins nous nous rendons compte que les anciens locataires, en plus d’avoir fait n’importe quoi dans la maison sont aussi partis avec la poubelle. C’est un sans faute de leur part. Yann, notre voisin d’à coté, nous donne gentiment la deuxième poubelle qu’il dégage de son jardin, elle est inutilisée et il nous l’offre en dépannage le temps que nous puissions nous en procurer une au près de la mairie (vraiment très longue à la détente) d’Iloni. Ces histoires de bricolages, de pannes et de poubelles m’ont agacé, rien ne fonctionne du premier coup et ça commence à être fatiguant de se battre pour tout. J’enfile le harnais de la poilue et nous nous dirigeons vers la plage pour une séance défoulement. En rentrant je prends une bonne douche puis cuisine un peu - ça marche toujours pour me détendre ! Par flemme j’ai acheté des cookies tout préparés. J’ajoute des oeufs et du beurre puis enfourne le tout pour quelques minutes.
19h : L’apéro est mis sur la table et Théo débarque pour partager une soirée film avec nous.
20h : Une kiche est engloutie, de la mozarella goût carton est dégustée, et les cookies sont dégommés.
VERSION CENSUREE :
21h30 : Tout le monde est Ko, les filles nous abandonnent pour rejoindre leurs lits. Nous on attaque le film “Tenets” sur les conseils de mon ami. Les première minutes du film sont déjà floues, je tente de comprendre pendant les 2 heures suivantes sans grand succès. Quelques minutes avant la fin il s’est endormi.
4h : A force de discussion on fini par s’abandonner au sommeil.
VERSION ORIGINALE :
21h30 : Tout le monde est Ko, les filles nous abandonnent pour rejoindre leur lit. Nous on attaque le film “Tenets” sur les conseils de mon ami. Les première minutes du film sont déjà floues, je tente de comprendre pendant les 2 heures suivantes sans grand succès. Quelques minutes avant la fin il s’est endormi. Depuis quelques temps une ambiguïté est palpable à force que nous passions du temps ensemble. Je me pose des questions depuis quelques temps déjà mais il ne semble pas être pressé, ni ne s’est jété à l’eau jusqu’ici. Peut être que je me suis fait des idées. J’ai l’habitude de bruler les étapes, de vivre tout à 100 à l’heure et pour une fois j’apprécie d’apprendre à le connaitre, à partager de bons moments ensemble. J’affectionne simplement sa présence, et s’il venait à se passer quelques choses, et bien pourquoi pas. Moi et mon petit coeur tout cassés n’avons rien de bien romantique à lui offrir mais je décide de ne pas partir en courant en coupant court comme me le dicte pour instinct. Il est temps que je commence à guérir.
00h30 : Toujours rien, on se couche et la discussion n’en fini plus. On est proches, il se dévoile et j’adore ça. Jusqu’à l’instant fatidique où il se permet de m’avouer “J’ai envi de t’embrasser, mais je sais pas où tu es”. Je souris de sa maladresse, et mes lèvres se mêlent aux siennes. Et mon corps se mêle au sien. Et nos nuits se confondent.
J 26
8h : La lumière nous réveille, Oïkia ne tarde pas à monter pour un câlin et pour nous faire comprendre qu’il est temps.
9h : Lisa est debout, je m’attaque aux pancakes des jours de repos et mets la table pendant que Théo fait cuire le tout. Chacun se met à table pour un petit déjeuner de champion avant d’aller en direction de la plage.
10h : Oïkia n’a pas besoin de laisse, elle connait la route et nous traversons à travers forêt pour seulement 5 minutes de marche ; la plage n’est pas très fréquentée je peux me le permettre. Elle court comme une folle au grand bonheur de tout le monde, on joue un peu avec elle sous un soleil de plomb puis vient l’heure de rentrer. Théo prends son service à 12h, il ne faut pas trop trainer.
11h30 : Ma louve est salie de la truffe aux pattes. Je lui interdis l’accès à la maison avant de me souvenir qu’un puit d’eau de pluie se trouve quelque part dans le jardin. J’y accède et trouve facilement un tuyau qui déverse un bon flux. Je rince la princesse qui fait sa boudeuse au début mais fini par capituler, ça doit la rafraichir et ne pas être si désagréable que ça. Mouillée mais propre elle montre patte blanche et vient s’affaler près du canapé.
12h30 : Je vous écris quelques lignes, et corrige de plus anciens journaux de bord pour éviter votre impatience. J’ai tellement de chose à vous raconter. Louise et moi on se met à préparer une salade de lentilles pour ce midi et ce soir. Cette après midi la maison sera calme puisqu’on se reposera toutes les deux avant de partir ensemble en garde de nuit.
14h15 : Je rejoins mon lit pour écrire encore et téléphoner à la métropole. Ensuite je ferme les yeux pour quelques heures de sommeil préventif.
14h45 : Quelqu’un m’appelle. Je décroche, c’est SFR qui vient “pour le rendez vous d’installation de la ligne”. C’est une blague ? Il m’auront tout fait mais je me lève pour permettre aux choses d’avancer, tant pis pour la sieste.
15h30 : Je peux enfin m’endormir pour quelques temps.
17h30 : C’est le réveil qui me tire du sommeil lourd qui m’habitait, il est temps d’ouvrir les yeux pour se préparer à la nuit de ce soir.
18h : Le scooter démarre, Louise m’emmène et nous nous dirigeons toutes deux vers notre travail.
N 26
19h : J’attaque ma première nuit de garde en couchou. Pour ça je suis doublée une nouvelle fois par Léa, mais ça n’a pas l’air de la déranger. Elle a l’air d’être à l’aise ici, mais ne semble pas porter de jugement à propos des nouvelles arrivées qui pataugent encore dans la semoule. On commence par les transmissions puis on débute notre tour. Elle m’explique le fonctionnement du service succinctement, puis on se le partage au fur et à mesure. C’est un peu le bazar de travailler à deux sages-femmes parfois, certaines choses m’embrouillent, le fait de ne pas tout gérer de A à Z fait que tout n’est pas très clair à mes yeux mais ça ira mieux demain soir quand je serais seule.
23h : Le tour est terminé, on a pris les constantes de tout le monde, fait toutes nos surveillances, surveillé tous nos utérus et caressé tous nos bébés. On prend de l’avance sur les autres puisqu’à deux ça va forcément plus vite, viens l’heure de manger.
00h : Cette nuit plusieurs choses sont à noter. Déjà j’ai plus l’impression d’être en grossesse pathologique qu’en suites de couches. Cela puisque j’ai 6 patientes enceintes et seulement 5 qui ont déjà accouché. Le service des grossesses pathologiques déborde et dégueule dans celui de couchou. Aussi, je note qu’une de mes patientes, à 4 jours de sa césarienne maintenant ne s’est toujours pas intéressée à ses jumeaux partis en service de réanimation. Elle s’est déplacée seulement aujourd’hui pour aller les rencontrer puisqu’il ont été emmenées tout de suite à la naissance à cause de leurs petits poids, prématurité et risques de mauvaise adaptation à la vie extra-utérine.
2h : Je suis déjà épuisée. Les nuits sont plus dures que d’habitude, je prends moins le temps de dormir ces derniers temps et j’en paie les pots cassés. La nuit est longue, d’autant plus que je fais la vérification de tous les dossiers. Je m’exécute mais je trouve ça totalement stupide. Au bout du 6ème je ne sais déjà même plus comment s’appelle la patiente dont je vérifie les moindres détails de prise en charge. Dans les établissements dans lesquels j’ai bossé jusqu’ici, les revues de dossiers sont également l’enfer des nuits de suites de couches, sauf qu’on se cantonne à la vérification des nouvelles arrivées et à la préparation de sortie des dames du lendemain. Mais jamais de la totalité des patientes.
3h : C’est le bordel en salle. Ma pauvre Louise fait sa première garde en autonomie, je pense à elle et propose mon aide à plusieurs reprise, le problème ce n’est pas l’activité intense, mais la quantité astronomique de papiers. Moitié sages-femmes moitié secrétaires, j’ai fini par l’accepter mais notre prise en charge serait tellement meilleure si nous n’avions pas à justifier le moindre de nos faits et gestes. C’est quand même aberrant d’offrir une prestation moins bienveillantes aux couples mères-enfants pour justifier que celle-ci a été bonne.
4h : La nuit les sages-femmes font double casquette et gère les bébés également. Prise de sang, dextro, phytothérapie, autant de choses que nous n’avons pas à gérer la journée, bien que ça ne me coute pas ça nous prend du temps. Ici, aussi, en cas de nécessité d’antibiothérapie je serais amenée à perfuser ces petits bouts. Je n’ai jamais fais quelque chose de telle mais après tout je suis là pour apprendre. En parlant de choses nouvelles je prends en charge cette nuit une dame atteinte de chéloïdes. Les chéloïdes sont des cicatrices qui s'étendent toujours au-delà des limites de la lésion originale, parfois par plusieurs centimètres. Cette maman par exemple se trouve avec d’énormes cicatrices au niveau des avants bras dû à d’anciennes poses de perfusion, qui rendent aujourd’hui très difficile la moindre pose de cathéter. Le soucis c’est que cette patiente est mère de 4 enfants, tous nés par césarienne. Je vous laisse imaginer la taille des lésions dermiques présentes sur la moitié de son abdomen. Sa dernière césarienne date d’une dizaine de jours mais sa maladie dermique rend compliquée la guérison habituellement rapide d’une entaille de césarisée. Une infection bactérienne étendue complique les choses et rend tous ses gestes douloureux, la purulence de ses plaies est telle qu’une odeur nauséabonde émane de la pièce dans laquelle est a été confinée et fait soulever le coeur de tous les soignants lui administrant des soins. Je me prépare à chaque entrée dans sa chambre, j’accroche bien mon estomac pour ne pas paraître malpolie, la pauvre dame n’y est vraiment pour rien. Si ce n’est qu’il lui a déjà été vivement conseillée de ne plus avoir d’enfants.
Au milieu de tout ça une nouvelle unité a vu le jour aujourd’hui : la belle et l’unique, la tant attendue, la supplicieuse unité covid ! Dès sa première journée les chambres qui constituent ce service de fortune sont déjà remplies, et la sage-femme supplémentaire affectée au service est débordée. En effet ce service appelle à une grande polyvalence et demande à sa soignante de prendre en charge les consultations d’urgences, les suites de couches ainsi que le suivi des grossesses pathologiques de toutes les patientes atteintes et potentiellement atteintes du corona virus. Des effectifs supplémentaires sont réquisitionnés pourtant notre équipe ne s’est pas agrandit. Le rush et la crise du covid se dessinent devant nous, les deux cumulés vont nous demander beaucoup d’énergie, les gardes vont s’enchainer plus que de raison et seront difficiles à tous les niveaux. Sur le pieds de guerre, toujours trop peu entendues les sages-femmes attendent d’accomplir leur devoir avec toute la passion nécessaire pour ce dévouement.
4h : C’est dur.
5h : Très dur. J’ai déjà des soins à faire alors j’en profite pour commencer mon tour du matin. Comment être de bon soignants si par mesure d’organisation du service on est obligées de réveiller les jeunes mères épuisées à des heures pareilles ? Je m’exécute bêtement, peut être que dans quelques années j’aurais mon mot à dire, pour l’instant j’apprends la discipline.
6h : Je sais d’avance que le retour va être dur. Heureusement je serais passagère, mais le transport me berce quand je suis fatiguée, il va falloir lutter.
7h : La relève débute, puis se termine. On rentre et comme prévu mes yeux sont de plomb. Je m’endors régulièrement d’un micro sommeil éludé par de grands coups de casque donnés à Louise. Ça la fait rire c’est déjà ça. Au moins pas de risque de chute, je lutte quand même des fois que je tomberais en arrière.
8h30 : Je gobe mon petit déjeuner tant je suis fatiguée. Mon lit me tend les bras, je m’y écroule sans plus aucune volonté de ne pas me laisser aller.
J 27
17h : J’émerge. Grâce à ces 8h de sommeil j’ai bien récupéré, je suis d’attaque pour ce soir. On embarque un tupp de pâtes à la hâte et c’est parti. Je profite de mon statut de passagère pour admirer la beauté du paysage, de la candeur des enfants dans leur plus simple simplicité, à la splendeur des buénis dans leurs parures drapées.
N 27
19h : Aller, première garde solo en suites de couches nuit. Maude, l’étudiante sage-femme reforme un binôme avec moi. On prend les trans et nous ouvrons grand nos oreilles quand vient l’histoire de la 29. C’est Dalas il faut que je raconte ! Ambre, la sage-femme du jour, a été appelée dans l’après midi pour une urgence : une accompagnante était entrain de faire un malaise dans une chambre. Elle s’y rend, fais le tour des constantes, un dextro : rien d’anormal. Un peu sur sa faim elle ne sait plus où chercher la cause de cet étourdissement, quand les deux hommes présents dans la pièce éclatent en conflit. “Tu sors d’ici ! C’est pas toi le père, t’as rien à faire là !”. Elle écarquille les yeux en comprenant ce qui se passe, en creusant un peu la situation la vérité se dévoile : la jeune maman a mis au monde un enfant revendiqué par son premier amant fréquenté juste avant son mari actuel. Visiblement les dates coïncident mais les deux s’estiment légitimes de reconnaître le nouveau-né. La personne qui fait un malaise c’est la soeur de ma patiente, qui vient d’apprendre que son amoureux avait mis sa soeur enceinte. Vous comprenez le méli-mélo ? Voilà les histoires de familles que nous partageons, entre infidélités, mensonges et double vie, ce n’est pas toujours simple. Toute l’histoire finie sur une violence verbale déviant petit à petit à l’affrontement physique. Fort heureusement la cadre est passée pile au moment opportun pour intervenir, elle a mis les accompagnants dehors pour gérer la situation de façon plus posée. Cette nuit j’aborde la question avec la nouvelle maman. Selon ses dires, aucun doute, c’est bien son mari le père de l’enfant. Elle me demande un test de paternité. L’idée n’est pas si saugrenue mais sauf dans les séries américaines ça n’existe pas réellement dans notre système de santé courant.
20h : On s’est divisées le service en deux, elle est grande, je la laisse gérer et je suis là en cas de besoin.
22h : La patiente que Maud devait réévaluer à 22h pour la suite de son déclenchement est algique, après son examen je la laisse appeler l’interne pour la marche à suivre : on la change de service pour une poursuite synto (hormone synthétique de contraction). Sauf qu’au moment venu la salle d’accouchement est submergée de patientes, on attend notre tour mais quand il vient notre petite dame n’a plus aussi mal qu’avant. Je constate les choses un peu gênée, finalement elle retournera en service de suite de couches pour une autre méthode de déclenchement.
22h30 : Toujours dans le même thème, la patiente de la 56 doit se diriger vers la salle de naissance pour une rupture de la poche des eaux (il n’y a pas plus efficace comme déclenchement). Visiblement il me faut l’accord de l’interne pour faire passer ma dame (je ne comprends pas pourquoi d’ailleurs, visiblement l’autonomie et la confiance c’est pas tout à fait ça ici) et bien évidement je l’obtiens. Elle est accueillie par Ella qui rompra la poche des eaux avant que la dame n’atteigne 4 cm de dilatation, puis 10, puis accouchera au petit matin. Au passage en salle pour la transmission du dossier on nous intercepte : “On a besoin d’aide en réa !”. On court. Un petit bébé, vraiment pas vieux visiblement, fait un arrêt cardiaque. Je note la réanimation, Hérine prépare l’adrénaline, la sage-femme commence le massage cardiaque et le pédiatre tente d’intuber au milieu de tout ça.
00h : Ce soir on a commandé des pizzas, pour l’occasion on mange toutes ensemble en salle de naissance entre deux papiers.
00h30 : Après ça vient l’heure des dossiers. Je les ai tous vérifiés hier soir mais dois recommencer une nouvelle fois. Je pense qu’au bout du 3ème je ne sais déjà plus ce que j’ai fais ou non, c’est vraiment pas l’idéal. Je repasse 3 fois sur chaque dossier encore persuadée que j’en oubli des choses.
4h : J’ai encore faim. Les pâtes au roquefort que j’avais prévu pour ce soir me font de l’oeil. Je craque et j’embaume tout le bureau des sages-femmes avec mon tup qui s’est fais squatter par les fourmis. Heureusement elles n’ont pas eu le temps d’aller dans les pâtes et sont même mortes grâce au micro-onde. Au pire ça fait des protéines pas vrai ?
5h : En récupérant les résultats des bilans sanguins je constate une petite erreur de la part de Maud, je ne lui en tiens pas rigueur ça peut arriver à tous le monde ! Je sens bien qu’elle ne sait plus ou se mettre mais je la rassure, ça nous arrive à tous.
5h30 : Encore un prélèvement que je n’arrive pas à récupérer, j’appelle le laboratoire pour étudié le problème de vive voix. On cherche la source du problème pendant une bonne dizaine de minutes avant de raccrocher sans succès. Je constate alors que 1. j’ai pas donné le bon IPP (identifiant patient), 2. Le tube a été mal étiqueté par mon binôme. Les nuits ne sont pas toujours très concluantes la preuve ! C’est beaucoup moins dur qu’hier mais ça reste éprouvant quand même alors je décide d’aller embêter ma colocataire au tri pour proposer à Alice de boire un café. Elle accepte, et la nuit continue. En parlant d’Alice, hier soir Claire m’a envoyé une photo montrant une fuite dans la maison, en étudiant le problème de plus près elles ont constaté avec Andréa que la fuite n’en était pas une, ou du moins pas d’eau. C’est bien Oïkia qui a fait ses besoins dans la chambre d’Alice se trouvant à l’étage. Le plancher n’étant constitué que d’un mince parquet la “fuite” s’est déversée en plein sur la table de la salle à manger au moment ou les filles s’apprêtaient à partager leur repas. Heureusement on s’amuse de la situation, mais j’espère que la fautive a baissé les oreilles.
7h : Kristen, une sage-femme de ma promotion de Montpellier prend notre relève. Maude fait ses transmission comme une grande avant de partir.
7h 30: Je tente d’embarquer les restes de pizza soigneusement mis de coté pour ce midi quand je constate que les fourmis ont aussi squatté ce repas là. Je jette le tout, c’est foutu.
8h : Louise conduit, cette fois-ci je suis bien éveillée. Pas loin de l’arrivée un scooter tombe devant nous, on s’arrête tout de suite pour prêter main forte. Pas de casse, ni physique ni matérielle, mais une grosse frayeur. Je leur donne deux trois conseils de désinfection, vérifie qu’ils sont bien cohérents tous les deux et leur recommande vivement de venir consulter aux urgences en cas de vomissements, étourdissement, perte de mémoire etc.
9h : Après un mélange fromage blanc, crème de marron, pépites de chocolat, chouchous, banane je file sous la douche et m’endors pour quelques heures.
J 28
12h : Je me réveille, aujourd’hui la troupe de Guyane propose la plage de Sakouli et plus particulièrement un repas au restaurant d’Ololo. En passant près de chez moi ils m’ont appelée pour me réveiller et me prendre au passage mais je n’ai pas entendu. Ce n’est pas très loin Théo passe me chercher avec la voiture de loc d’Agnès en attendant les commandes. Oïkia fait partie de la virée, ça lui fera du bien.
12h30 : Je retrouve les filles, qui ne savent pas qu’il s’est passé quelque chose avec Théo. On joue les innocents, je pense qu’elles ne suspectent rien et ça me va très bien comme ça, je reste frileuse par rapport à tout ce qui touche à la sphère privée. Les plats ne sont pas encore arrivés quand j’arrive, j’en profite pour aller courir sur la plage avec ma petite truffe. Pluie ou pas, de toute façon je suis déjà trempée. Je retrouve mon âme de bretonne en courant à en perdre haleine et en riant comme une enfant avec ma meilleure amie. La pluie coule à grosse goute, la mer est brulante. On joue un petit moment de cette façon puis j’enlève ma robe pour l’essorer tant je suis trempée. J’enfile ma futa en guise de paréo puis me dirige vers la table pour manger un bout. Rien d’extraordinaire puisque j’ai commandé un sandwich jambon cru-chèvre. Il m’a été offert par Marie alors je rend la pareille en payant cafés et desserts.
15h30 : Les filles me redeposent dans le sens inverse. Claire, une autre copine Guyanaise atterrit aujourd’hui pour nous rejoindre dans l’aventure durant 6 mois. Elle travaillera avec Marie pour monter le service d’Hospitalisations à Domicile qui n’existe pas ici en obstétrique. Je prends une douche, Louise va faire des courses.
16h15 : J’écris, j’écris, j’écris. Quand mes gardes s’enchaînent j’accumule du retard, il ne faut pas que je m’y perdre.
19h : Je lâche mon ordinateur. Entre temps Théo est arrivé pour profiter de ma machine à coudre pendant que je vous dépeins mon paysage. Claire ne va pas tarder à rentrer de sa garde, je vais commencer à préparer de quoi avoir un repas près pour son retour. Ce soir c’est Burritos ! Je me met aux fourneaux, fait revenir poivrons et oignons puis viande hachées avec quelques épices et un peu de crème. Bref, je fais ma tambouille qui a l’air de faire baver la maison.
20h : J’allume une petite bougie, sors une bouteille de vin, et pose l’apéro sur la table basse. Je sais que ce genre de chose est tellement appréciable après une journée de travail bien rempli !
22h : Tout le monde est ko, chacun dans sa chambre, Théo fait presque partie de la coloc tellement qu’il est présent ces derniers temps. Après une petite douche, un gros dodo.
J 29
8h30 : La lumière inonde mon studio. J’ouvre un œil ensommeillé puis traîne un peu au lit avant de me préparer pour mon brunch d’aujourd’hui. Claire et Louise devaient venir mais il a plu ce matin et elles craignent de ne pas pouvoir monter de façon sécuritaire en scooter. Théo m’emmène en moto, les filles sont un peu en avance sur nous alors on les rejoint pour 10h30. La route est agréable mais le dernier sentier est peu praticable alors je descends pour faire quelques pas puis remonte. La manœuvre est répétée plusieurs fois, et même par la voiture qui nous devance, jusqu’à ce que le gîte du mont Combani se dévoile devant nous.
Avec des airs de Guyane ce gîte offre un havre de paix aux voyageurs en quête de douceur. Le soleil nous accompagne malgré la pluie qui s’est déferlée tôt ce matin, un léger alizé notre offre le luxe d’une température idéale dans un paysage idyllique. On attaque les choses sérieuses avec un jus de maracuja accompagné de chocolat chaud, de charcuterie, de fromage, de gaufres, tout ce qui va ensemble non ? Le ventre bien plein, on roule jusque dans un hamac avant d’y déboutonner ce qui me serre la panse. Je vous écris de là, coupée du monde et pourtant au cœur de celui-ci. J’entonne une musique de fond puis on se laisse bercer par le confort d’une fainéantise apaisante.
13h30 : 5 ti-ponchs sont commandés, nous sont aussi offerts 5 ponch tout-court. Les ti-ponchs d’ici c’est juste du rhum visiblement, les 4 Guyanais que nous sommes tiquent devant cette calomnie, on résout la contrariété grâce à du sucre de canne et aux citrons chipés dans le jardin du gîte.
14h05 : Marie a déjà le ventre qui gronde, elle décide de régler le soucis à l’aide de la fontaine au chocolat dont on nous a tant parlé. Chacun accueille la nouvelle avec enthousiasme, aujourd’hui le thème de la journée c’est l’opulence visiblement. J’enlève les bouts d’ananas présents dans chaque plat d’ici.
15h30 : La suite de la journée se déroulera à la plage de Sohoa, on prend la route mais Salomé (la colocataire de Marie) qui conduit la voiture dans laquelle je suis n’a pas plus de sens de l’orientation que moi visiblement. On arrive quand j’ai le coeur au bord des lèvres, je ferais le retour en moto soyez-en sur ! Pendant ce “léger” détour on a pu apprendre à se connaître : Salomé est Pédiatre fraichement diplômée, baroudeuse dans l’âme elle voyage depuis ses 15 ans et en a bientôt 30. Elle se pose quelques questions existentielles sur lesquelles je me suis moi-même déjà interrogée.
17h30 : Après s’être baignés dans une eau pas du tout rafraichissante et avoir fait une sieste il est temps de rentrer avant de se faire avoir par le couvre feu. Théo m’embarque, et j’apprécie les kilomètres de virages qui se déroulent dans une agréable chorégraphie.
18h30 : Arrivés à destination, à peine les casques posés je propose d’emmener le fauve courir à la plage. On s’y dirige et seulement quelques minutes après nous y sommes. Oïkia connait la route maintenant, elle se dégourdit un peu les pattes mais la marée montante limite ses foulées. Nous on donne un coup de main pour pousser une voiture embourbée puis le chemin du retour est remonté à la lampe torche pour des pas plus sûrs.
19h30 : Ce soir on mange les restes de la semaine, demain j’irais faire des courses, il est grand temps. Ensuite je fais la vaisselle, Théo se remet à sa couture et moi j’appelle la métropole puis j’écris encore.
22h00 : Il est temps d’arrêter, je n’ai pas rattrapé tout mon retard mais je le ferais demain, après une journée qui sera encore bien trop chargée…
J 30
8h : Réveil en douceur, Théo part travailler, moi je descends préparer le petit dej. Il n’y a presque plus rien dans les placards mais les cookies me font de l’oeil. Je prépare tout ça dans l’espoir que ça fasse plaisir aux filles, mais je ne sais même pas s’il y a encore du monde dans la maison. Je descends discrètement : visiblement quelqu’un est dans le lit de Claire. Cette dernière n’est pas encore rentrée de sa nuit de garde en patho.
8h30 : Toujours pas de Claire, mais Alice pointe le bout de son nez. Encore un peu fatiguée elle se prépare son petit dej pendant que j’écris.
9h : Le scooter entre dans l’entrée et la porte nous dévoile une petite moue qui semble très fatiguée. Je n’ai pas besoin de poser la question pour comprendre que quelque chose ne va pas. Un “bof” du bout des lèvres, s’échappe d’une gorge nouée. Je me lève du canapé pour ouvrir la discussion dans la cuisine. Ça déborde tout de suite, Claire fond en larme sous nos yeux compatissants. C’est dur pour elle ici, et depuis quelques jours elle est dans un service qui ne lui correspond pas du tout, dans une période qui ne nous permet pas de travailler comme elle le souhaiterait. Ça fais déjà quelques temps qu’elle tente d’avoir un rendez-vous avec la cadre pour discuter d’un éventuel transfert en dispensaire mais cette nuit c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle nous raconte avec horreur les 14 patientes dont elle a pu à peine prendre soin, avec lesquelles elle n’a pu échanger que quelques mots concis, mais aussi et surtout la patiente dont elle a du s’occuper en service de réanimation et qui lui a fait écho à de douloureux souvenirs d’un proche décédé l’été dernier. Le summum a été atteint quand elle a du faire un massage cardiaque à 2h du matin, au milieu de sa course effrénée de soins, à une patiente du service de gynécologie qui s’est éteinte cette nuit. On écoute d’une oreille attentive, propose une épaule pour pleurer, mais à part ça on ne peut que comprendre son désarroi. Elle est entière, vraie, mais fatiguée ma petite Claire. Je sens qu’elle a profondément besoin de prendre soin des gens qui l’entourent, son métier n’a pas été choisi au hasard. Malheureusement les conditions de travail qu’on nous offre sont déplorables, je sens bien qu’elle a honte de participer à ce genre de prise en charge. On a toutes notre avis sur la question, mais chacune comprend les impressions des autres. Personnellement mon penchant pour l’humanitaire se dessine par ce que j’ai envi d’aider les populations qui se trouvent le plus dans le besoin. J’ai envi d’apporter le plus auquel elles n’auraient pas le droit si je n’étais pas là. J’aimerais offrir un “mieux” à ces femmes qui n’ont pas grand chose, même si ce “mieux” n’est pas parfait il est toujours “mieux" que rien.
9h15 : Les premiers maux passés, les dernières larmes versées on tente de lui changer les idées et de parler d’autre chose. Après quelques heures de sommeil et la semaine de vacances qui l’attendent elle y verra déjà plus clair, avec un oeil plus serein. Je descends faire un peu de ménage dans mon studio ravagé par les pattes de chien boueuses puis m’habille et remonte écrire mes dernières gardes.
11h30 : Je dois rendre ma moto fonctionnelle pour pouvoir me rendre à la formation Covid à laquelle je me suis inscrite en début d’après midi. Je lâche mon clavier pour me pencher sur le problème. J’amène ma moto devant la maison dans le but d’embêter Claire le moins possible avec le bruit du moteur, j’installe un coussin par terre, quitte mes tongs, pose mes lunettes de soleil sur le bout de mon nez et déballe mon attirail. Je commence par enlever la selle, démonte le cache de la batterie puis m’attaque aux clignotants, je perds quelques minutes à essayer de faire fonctionner celui de droite qui était fonctionnel jusqu’à présent. Sans succès, il doit y avoir un problème de fil selon mon diagnostic. Je passe à autre chose de plus urgent : le faux contact. Je fais plusieurs tests, puis retire la vis qui pose soucis dans le but de la nettoyer. Je la met dans un verre avec du vinaigre et frotterais plus tard. En attendant j’en installe une autre à la place et ça fonctionne à merveille ! Fière de ma réussite je fais tourner le moteur pour le faire chauffer, quand j’en aurais fini avec tout ça je repeindrais le chrome avec une peinture noire mate qu’on m’a donné. Je règle aussi ce problème du bouton de démarreur qui m’oblige à appuyer sur le bouton avec un bâton - une vis - n’importe quoi qui rentre dedans. Pour une solution plus durable je colle un bout de crayon de couleur après l’avoir limé à même le sol, avec de la colle forte en prenant la précaution d’enfiler des gants de ménage. Je vous avais pas dit que j’étais Mc Giver ? Le tout fonctionne. Plutôt pas peu fière j’attache mon bolide le temps d’engloutir la salade qu’Alice vient de préparer pour nous deux avant de m’envoler vers Mamoudzou.
13h30 : Pile à l’heure pour la formation Covid qui nous a été proposée. Une quinzaine de mes consoeurs se réunissent à mes cotés dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur la prise en charge de nos patientes diagnostiquées positives, ou suspectées contaminées. Malheureusement on nous annonce le programme une fois installées : l’information ne concerne que l’habillage / déshabillage. Un peu déçue j’ouvre tout de même une oreille attentive, ça fera des rappels, mais à mon sens c’est dommage de se focaliser sur quelque chose d’autre primaire. On sait déjà toutes le faire.
14h : Ça n’a duré qu’une demi heure, je sors en discutant avec Hérine de choses et d’autres. Elle a trouvé un appartement dans lequel elle emménage incessamment sous peu, aussi je l’ai rancardé sur notre potentielle inscription pour faire du bénévolat dans une association qui opère sur l’île pour faire de la prévention au choeur de la population.
14h15 : J’entame des courses au baobab. En flânant le long des rayons un petit garçon m’accoste. Pensant qu’il est perdu, je lui demande s’il cherche sa maman. Il me demande d’une petite voix si je peux lui acheter un jouet. Avec cette bouille d’ange il doit faire craquer un sacré nombre de mzougous dans mon genre. Je choisi d’être un peu plus censée et lui propose de lui acheter à manger à la place. Je le laisse choisir plusieurs choses à grignoter, paye en caisse puis retourne faire mes emplettes.
16h : Après un passage a la pharmacie chargée comme une mule j’entame le chemin du retour à moto. J’ai un gros sac sur le ventre, un autre énorme dans le dos, et au milieu de tout ça j’ai rangé les derniers achats inrangeables dans ma veste et dans mes poches. 16h30 : Marta (la femme de ménage) est à la maison mais les filles sont parties quelques minutes avant moi. Je la salut et nous faisons rapidement connaissance pendant que je range mes courses. Je file faire du ménage en bas, le temps de remonter et j’entends déjà Louise franchir le portail. Je lui propose d’aller promener Oïkia à la plage, elle accepte, on enfile nos tongs, pose nos téléphones, prend mon taser et c’est parti. Quelques minutes plus tard nous sommes sur le sable. Ma louve avait besoin de se dépenser, elle court comme une dératée, beaucoup moins fainéante qu’hier. On longe la plage en courant un peu avec elle, on lui lance quelques bâtons, puis vient l’heure de rentrer.
18h : Encore une de mes idées farfelues : et si on montait sur le toit ? La vue doit y être imprenable ! En véritable petit singe je me hisse avec aisance sur mon perchoir, passe des barreaux de la fenêtre au toit de l’entrée, puis à celui d’a coté, et enfin celui de la maison. J’avais raison ça valait le coup, aucun doute le lever de soleil doit être époustouflant puisqu’il se couche actuellement de l’autre coté de l’île que nous ne voyons pas. Si un jour je veux draguer je pourrais même venir mater les étoiles ! Le soir le ciel est dégagé, la pollution lumineuse est très faible et les étoiles se dévoilent oubliant leur pudeur. C’est l’instant confession avec Louise, on aborde notre enfance, nos voyages, nos pensées. Je lui confie qu’Alex est encore revenu aujourd’hui. Il n’arrête pas de m'envoyer des messages depuis plusieurs mois cette fois-ci j’ai franchi un cap : j’ai utilisé le mensonge pour lui demander d’arrêter de me retenir constamment à lui, en lui disant que j’avais rencontré quelqu’un. Le message est passé visiblement.
19h45 : Chili con carne est sur la table, on attend Andréa pour attaquer, elle rentre de garde, il est l'heure de manger.
21h30 : A force de discussion le temps passe vite, je me repenche sur mon clavier pour arriver à bout de mes récits avant d’aller m’éteindre dans mon lit.
22h45 : Mes yeux se ferment, à demain pour une nouvelle aventure.
J 31
7h15 : J’ai prévu de me lever tôt pour mon rendez vous de 8h chez l’esthéticienne. J’embarque une barre de céréale au cas où puis enfourche ma moto direction Chirongui.
8h01 : Pile à l’heure ! Il faut que je pense à faire le plein avant de partir mais au moins je ne suis pas en retard, le salon n’est même pas ouvert. Plutôt fière d’avoir trouvé sans difficulté, les adresses ici c’est comme en Guyane, inexistant.
9h45 : Avec des ongles de pied tout luisants et une sieste au compteur je sors pour aller retirer du liquide en face. La machine à carte bleu fait des siennes alors je fais plusieurs minutes de queue pour payer mon du. J’en profite pour acheter des timbres mais ça me vaut une heure d’attente de plus. Elles sont trois derrière le comptoir, nous sommes 4 derrière la porte à mon arrivée, et plus d’une dizaine quand je rentre enfin dans la boutique. Seulement deux des trois s’occupent des clients visiblement, les guichetières sont d’une lenteur extrême, on croirait qu’elle le font exprès tant leurs gestes sont alanguis.
10h45 : Je règle, puis décolle pour rejoindre les filles dans le sud de l’île. Alice et Claire sont en vacances cette semaine, elles devaient se rendre à la Réunion mais Covid oblige elle est modelé leurs vacances. Elles ont choisi de se faire plaisir tout de même et ont passé la nuit dans un bungalow sur la plage d’N’goujat.
11h : Au croisement d’une route je sens mon moteur crachoter, la panne est proche. Tout à coup ça fait tilte : le plein d’essence. Sans compteur on se fait vite avoir. Avant que le moteur ne s’arrête je stop ma route sur un terre plein le temps de faire le point. J’ouvre mon réservoir, à sec. J’ouvre mon gps, trop loin. 5km c’est ce qu’il y a de plus proche et c’est sur que je n’arriverais jamais jusque là. Bizarrement pas paniquée pour un sous je tente ma chance en hélant l’homme qui se trouve à deux pas : « Dis monsieur, la station essence la plus proche c’est Chirongui ? ». Il me répond qu’il n’est pas d’ici au moment où un autre garçon prend la parole. « Bouge pas Buéni. », j’obtempère bizarrement confiante. On s’en sort toujours non ? Il part en courant, disparaît quelques dizaines de mètres plus loin, réapparaît et me fait signe de venir. Je m’exécute. J’engage ma moto dans un Banga, fait quelques mètres prudents et me stoppe quand je ne peux plus avancer. Un autre homme souriant apparaît avec deux grandes bouteilles d’essence et une dizaine d’enfants de plus en plus nombreux. Il en sort de partout. J’ai de grands sourires, et des plus timides. « Tu les vends combien tes bouteilles monsieur ? » 5€. Parfait, je viens de retirer 10 euros de plus « en cas de coup dur ». Il ordonne à l’un des petits d’aller chercher un entonnoir et met le carburant dans ma bécane le temps que je fasse connaissance avec les enfants. Mes cheveux de blonde émerveillent une fois de plus. Ils sont tous frères et sœurs, ou presque, c’est pareil de toute façon visiblement. Ils s’amusent de la moto et je régale ma galerie en envoyant de grands coups d’accélérateur à leur plus grand bonheur. Je pars en faisant de grands coucous et en bénissant ce genre de rencontres éblouissantes.
11h15 : Il fait beau, les routes sont belles, les virages sont grands. Je m’exclame toute seule de la beauté du lagon se dévoilant devant mes yeux, je suis tellement chanceuse.
11h20 : Je me gare à l’entrée de la plage et rejoins les filles dans leur bungalow. Je troc mes affaires de moto contre un short et des pieds nus. Les filles ont dormi dans un coin de paradis, les vagues pourraient presque chatouiller le lit si de gros baobab habités de Maki ne leurs barraient pas le passage. On se dirige vers la plage pour une baignade prédigestive, ensuite quelques minutes de langueur au soleil avant de se diriger vers le restaurant de la plage.
12h15 : On commande les entrées en attendant les filles qui doivent nous rejoindre. Pour changer, quelques sages-femmes se joignent à nous pour l’après-midi. Je demande un Carpaccio de thon, Claire des nems de poisson et Alice un tempura de crevette, comme à chaque fois on partage tout pour gouter, c’est un véritable délice. Les pieds presque dans le sable on déguste notre repas chatouillées par un petit vent très agréable. Les maki viennent nous rendre visite attirés par la nourriture, pas timides pour un sous l’un d’entre eux se pose sur l’épaule de l’une d’entre nous.
15h : Le service a été long, c’est une habitude sur l’île. On sort à peine de table, il nous reste 2h avant de prendre le chemin du retour, à cause du couvre-feu. Je passe 10 bonnes minutes à me tartiner de crème puis petite baignade. L’eau est transparente et très chaude, j’ai l’impression d’être dans un jacuzzi. Je rejoins ma serviette pour une légère exposition au soleil, écouteurs enfoncés dans les oreilles.
16h30 : Je sens que ça chauffe. Habituée à devoir être raisonnable par rapport au soleil je me mets en retrait à l’ombre de l’arbre le plus proche. Une dizaine de sages-femmes nous ont rejoints pour l’après-midi mais elles ne semblent pas vouloir faire plus connaissance que ça. Elles sont arrivées à peu près toutes au même moment et c’est souvent de cette façon que les clans se forment. Pour nous, arrivées un peu plus tard les choses sont différentes, le contexte du Covid nous oblige à restreindre plus nos sorties / évènements, et rendent moins facile les rapprochements et liens. Heureusement que j’ai mes 4 petites colocs mignonnes comme pas deux.
17h : J’ai écris un peu en attendant, maintenant vient le moment du retour. Je me rhabille chaudement (ça ira mieux en roulant) puis prends la route de 45 minutes qui m’attend.
18h : Théo est déjà là. Ce soir les voisins sont invités pour une soirée jeux de société. Notre 6ème colocataire prépare une tarte au fromage, nous on prépare l’apéro.
19h30 : Carole, la voisine, entre précédée de Yann. On s’assoit autour de la table basse et les discussions vont bon train. Nos invités sont des baroudeurs, Yann de son coté est un prof de français d’une quarantaine d’année qui a déjà travaillé au Laos, en Chine, et en Inde. Il vient de postuler ce matin pour l’Arménie. Sa conception de la vie est marginale mais très enrichissante, les discussions avec lui sont intéressantes, j’aime beaucoup sa façon de voir les choses. Carole quant à elle est assistante sociale. Attachée à son sac à dos elle prépare un road trip en Europe de l’Est pour les prochains mois.
21h : On passe à table après un jeu de carte. En dessert Yann a apporté une tarte tatin et un peu de cidre. Le tout engloutit, chacun reprend le chemin de sa maison / sa chambre pour une bonne nuit de sommeil.
J 32
9h30 : Grasse matinée ce matin ! Elles ne sont plus ce qu’elles étaient mais j’aime me lever tôt maintenant. Je me réveille avec un appétit de loup alors je me met au fourneau pour toute la petite troupe. Claire et Alice sont parties pour une journée catamaran, Andréa et Louise dorment à point fermés de leur nuit, ce qui laisse la maison dans un silence de cathédrale. J’essaie de rester le plus discrète possible pendant que je confectionne pancakes et muffins au chocolat.
12h15 : Une des mes activités principales du moment : réparer ma moto. Je replace mon rétroviseur puis démonte la selle bien décidée à régler ce problème de clignotant. Mon diagnostic est sans appel : celui de droite ne fonctionne plus. Je l’ai acheté il y a seulement quelques jours et je sais que le vendeur ne les reprends pas. Vraiment de la daube. Je le remplace par un autre que j’ai en stock - tant pis pour l’esthétisme, on va favoriser la sécurité - puis rebranche et refixe celui de droite qui était tombé. Le tout fonctionne ! Je me dirige vers le hamac pour écrire à nouveau.
14h30 : Les filles se lèvent. On papote un peu avant que j’aille dormir. Elles s’amusent de suivre mes aventures, et les dernières nouvelles font mouche. Théo semble s’attacher un peu, voir beaucoup trop. Il m’a avoué hier soir qu’il tombait amoureux, j’essaye de ne pas partir en courant mais ça n’est pas facile ! Elles suivent l’évolution des choses comme une série et ça semble les amuser. J’en profite pour leur demander conseil, je ne veux faire de peine à personne moi, mais pourtant au vu de nos choix de vie et de nos situations actuelles rien n’est envisageable à ce niveau là. Encore moins avec ce qui m’est arrivé il y a peu de temps.
15h : Il est temps de faire la sieste, je suis de garde cette nuit et pour une fois j’ai le temps de prendre le temps.
17h30 : Le réveille sonne. Je n’ai pas la moindre envie d’aller travailler. Ce foutu sentiment d’angoisse est revenu. Je l’accepte comme un vieil ami, surprise qu’il n’est pas réapparu plus tôt. J’ai prévu large pour emmener ma ponette se défouler quelques minutes à la plage. J’entame le chemin qui y mène et chronomètre : 5 minutes chrono ! C’est un luxe dont elle profite en courant à toutes pattes.
18h15 : J’ai fais chauffer le moteur, je prends la route du travail en tentant de canaliser ce vieux sentiments beaucoup trop habituel à mon gout. J’essaie de l’apaiser avec la vue du coucher de soleil, j’ai de la chance de vivre dans un cadre idyllique, quoi qu’il arrive je ne dois pas oublier d’en profiter.
N 33
18h55 : Je suis en salle de naissance, persuadée d’y être affectée ce soir. Visiblement il y a erreur puisque nous sommes trop à arriver en même temps. On check le planning : suites de couches pour moi ! Un peu déçue je relativise, avec l’état d’esprit dans lequel je suis ce soir c’est peut être pas plus mal d’avoir un peu moins de responsabilité et de stresse pour la nuit.
19h : Maéva, une sage-femme de ma promo, me fait la transmission de sa journée. Le service est presque plein, il ne me reste qu’une place. Toutes les chambres ont été triplées pour l’occasion. Le “rush is coming” visiblement, et le covid arrive en force alors on tente de palier à tout ça, mais on sait d’or et déjà que nos locaux seront bien trop petits et que les patientes en pâtiront.
19h45 : J’ai donc 5 chambres de 3 patientes. J’ai fais pire, sauf qu’ici quand les dames restent sur l’hôpital sans être transférées c’est qu’il y a une bonne raison et que leur suivi médical demande une attention particulière. “Heureusement” pour moi les mamans de mon service vont bien dans l’ensemble, malheureusement pour elles ce sont souvent leurs petits bouts qui ne vont pas fort. Plusieurs bébés nés à 7 mois de vie, beaucoup d’hospitalisés. L’une de mes patientes compte 8 grossesses, 4 se sont soldées par des fausses couches, un accouchement a donné vie à un bébé polymalformé décédé par la suite, et pour cette grossesse-ci, une trisomie 21 + anasarque (oedème généralisé du tissu cellulaire sous-cutané, avec épanchement dans les cavités serveuses comme les poumons ou le coeur) a été décelée avant la naissance. Certaines personnes n’ont vraiment pas de chance, ou oubli parfois de s’estimer heureux de ce qu’on a. J’aime que mon métier me le rappel de temps en temps.
20h : Rapide organisation du secteur, rangement du chariot, plein de médicament puis c’est parti pour un tour. Je commence mes examens du soir, ajoute des examens complémentaires si besoin. Pour l’instant elles sont toutes sages, espérons que ça continu.
23h : Le reste de la nuit se confondra dans un océan de papier et de vérification, d’organisation et de secrétariat.
00h30 : Il est l’heure de manger. Morgane la 4ème sage-femme de la nuit ne semble pas sortir de l’eau. Elle est tombée de haut quand elle a appris en début de garde qu’elle était affectée au service Covid. Un peu décontenancée elle semble se laisser dépasser par la peur de mal faire. On propose notre aide mais je sens bien qu’il n’y a pas que ça. Elle parle facilement, et visiblement il y a quelques soucis à la maison. Des problèmes de colocation.
1h : En salle de naissance et au tri elles ne semblent pas s’ennuyer. Pas débordées mais bien occupées, le problèmes c’est que nous n’avions déjà presque plus de places en début de nuit pour accueillir les mamans en chambre. Résultats 4 patientes attendent sur des brancards aux urgences, 3 autres dans une chambre de pré-travail convertie pour l’occasion, 2 autres en SSPI (salle post-opératoire), prochaine étape les fauteuils devant le bureau de la cadre. Malheureusement ça n’est pas une blague. Quand je pense qu’en métropole certaines scandent de ne pas avoir leur chambre seule.
2h : J’ai 2h30 pour faire mes dossiers avant d’attaquer mes prises de sangs et examens du matin.
4h25 : Ça n’a pas suffit, j’ai vu à peine plus de la moitié des paperasses du services. Entre les prescriptions, le classeurs, les examens, les rendez-vous, le dossier vert, le carnetti, le dossier informatisé, le dossier bébé et les bilans on peut facilement perdre un temps monstre. Je priorise, à la fin de ma nuit j’aurais vu 11 dossiers sur 13, mon enceinte nous accompagne dans notre travail de petite main.
4h30 : Une prise de sang maman, une prise de sang bébé, un vaccin. Le petit monstre se m’est à régurgiter de façon abondante en plein prélèvement. J’ai déjà eu beaucoup de mal à atteindre sa veine, si ça pète c’est perdu ! Foutu. Pour ne pas qu’elle s’étouffe je dois tenir l’aiguille d’une main, tourner l’enfant de l’autre, essuyer d’une troisième, tenir mon tube d’une quatrième. J’aime bien voir la sage-femme comme une pieuvre, souvent on aurait pas trop de 8 bras. Je commence à m’agacer, la petite crevette n’y est pour rien mais la fatigue de l’heure avancée et le ronflement de l’aide soignante (ce n’est pas une métaphore…) à 2 mètres de moi m’exaspèrent.
7h : Une autre prise de sang bébé plus tard, 2 cycles tensionnels et 3 dossiers supplémentaires il est temps de faire mes transmissions. Après ça je rentre en moto sans encombre. Enfin presque.
8h : Je me gare devant la maison. A l’instant où je souhaite tourner ma clé pour éteindre le moteur mon attention se bloque sur le rotor (là où la clé est insérée). Absence de cette dernière. J’ai perdu mes clés en roulant, mais visiblement ça n’a pas posé de problème pour rouler. J’ai donc perdu celles-ci entre Mamouzdou et Iloni. Rien que 13 km pour les chercher. J’explose d’un rire nerveux. Je pensais avoir tout fait avec cette moto, queneni ! J’éteins le moteur grâce au coupe circuit mais même de cette façon le contact est présent et ma batterie va se vider. Je ne sais pas pour quelle raison mais c’est bien la première fois que j’avais accroché mes clés de maison à part, grâce à ça j’ai accès à mon lit, mais pas question d’aller me coucher avant d’avoir trouvé une solution.
8h30 : Un éclair de génie jaillit : je dois avoir un double quelque part. Je retourne la maison en quête de se petit bout de ferraille si précieux, sans ça ma moto de 91 va être inutilisable pour un bon moment. J’ai vidé tous mes sacs, cherché dans toutes les coins, retourné toutes mes armoires, rien. Mon dernier espoir réside dans mon sac de bricolage là haut. Toujours rien. Je flâne dans la maison sans grande conviction. Je trouve d’abord la clé du cadenas, puis tombe sur la précieuse clé. Parfois on a le cul bordé de nouille, ou pas (question de point de vue), mais de toute façon on trouve toujours des solutions. J’apprends chaque jour et ne plus m’inquiéter comme je l’aurais fais avant.
9h : Bidon bien rempli, je m’endors repus dans un lit que me tend les bras.
J 34
15h : Je n’ai pas bien dormi. Je me décide à émergé. La maison est vide, je déjeune seule en appréciant de le faire. Je range le linge, lance une machine, fais la vaisselle, range un peu, écris toujours.
17h30 : Atelier couture en vue. Je vais enfin avoir le temps de m’y mettre. Le salon commence à ressembler à quelque chose, on va faire en sorte que ça soit encore mieux. Le soleil commence à faiblir, je me décide à sortir ma princesse avant qu’il ne disparaisse totalement. Pas besoin de laisse, j’enfile mes tongs et mes écouteurs et descends pour notre balade quotidienne.
18h : Le spectacle est splendide. Certains locaux se baignent, moi je flâne dans une détente absolue. Le ciel offre un dégradé d’orange somptueux, l’eau est lisse et chaude, Oïkia est heureuse, alors moi aussi. Théo vient d’arriver à la maison, “descend sur la plage”. La musique est belle, le moment est parfait. A son arrivée je lui prête un écouteur et on reste là, chanceux, silencieux, suspendus en dehors du temps.
18h45 : A notre remontée les filles sont rentrées de leur plongée, elles ont acheté des brochettis et des fruits à pin sur le chemin en guise de repas du soir. Théo coud, moi j’appelle les Canaries.
20h : Tous à table puis tous au lit. Enfin nous on joue les enfants rebelles et on se dirige à nouveau vers la plage. Une lampe étanche, une serviette et le sable est regagné. Un bain de minuit à la lueur des étoiles maoraises c’est pas désagréable. C’est même à couper le souffle. La forêt est bruyante, les animaux endormis le jour s’en donnent à coeur joie, on progresse furtivement puis on se laisse glisser dans l’eau tiède. Le ciel a changé de teinte pour un noir profond, la pollution lumineuse presque totalement absente nous dévoilent la voute étoilée comme je l’ai rarement observée. On peut deviner la voie lactée et des étoiles filantes s’ajoutent au spectacle époustouflant. Emerveillée je n’ai même pas fait attention à l’eau quand Théo me dit “regarde autour de toi”. Je m’exécute : des planctons luminescents par centaines m’entourent de leurs lumières. “Les étoiles sont aussi dans l’eau” je chuchote stupéfiée. Le temps s’est arrêté pour quelques instants, je crois qu’on se sens privilégiés, et qu’on souhaite honorer notre chance.
23h : Il est temps de fermer les yeux.
J 35
7h : Théo s’active, il travaille ce matin. Un rapide baiser sur ma bouche endormie puis il se sauve de mes draps froissés.
7h45 : Tant qu’à faire je suis réveillée. Je me lève pour un petit déjeuner, puis j’écris, pour changer. J’organise aussi en parallèle notre confinement du week end. Le couperet est tombé hier, nous serons confinés à partir de ce soir 18h pour 3 semaines. Comme nous vivons déjà les uns sur les autres les Guyanais ont lancé l’idée de se séparer ensemble. Je m’occupe donc de la location d’une villa avec piscine pour le week end. Je propose l’aventure à mes colocataires mais avant tout ça la journée va déjà être bien ensoleillée puisque notre programme n’est autre que restau/plage entre filles. J’ai la vie dure ici.
10h30 : On prend la route pour le restaurant de Jimawéni, les indications sont sommaires mais on trouve notre bonheur avant les filles qu’on attend sur le petit bout de plage du restau. C’est un petit coin de paradis coupé du monde, une photo de carte postale : notre table est seule au milieu d’une terrasse sur piloti, isolée au milieu de la verdure elle donne directement sur le lagon.
12h15 : “Jus ou bière?” Comme il y a (encore) de l’ananas, je me cantonne à la bière que je boirais à moitié puisque je prends le volant. Le repas est divin, nous n’avons pas de carte puisque c’est un menu unique fait maison évidement : Brochettes de crevettes et de poissons accompagnés de fruit à pin frits et de riz mahorais. En dessert c’est une assiette de fruits (toujours sans ananas pour moi) : banane et papaye. Par contre on s’est faites avoir ils ne prennent pas la carte bleue. Les filles sont missionnées d’aller retirer pendant que Claire et moi on tente de remonter les deux roues dans la pente boueuse et sinueuse qui nous a menée jusqu’ici. C’était déjà tendu à l’allée, mais depuis il a plu, c’est pire. Je reste bloquée alors ma colocataire vient m’aider pour pousser. Une fois là haut je redescends à pied pour régler le tout.
15h : Cette après-midi on s’étale sur Tahiti plage. Le temps n’est pas idéal puisque quelques minutes seulement après notre arrivée il se met à pleuvoir. C’est folklo mais ici pas le choix, il faut faire avec ou arrêter de vivre. On rencontre Louis un médecin que j’ai rencontré à notre crémaillère. Il est venu profiter de la plage après son travail et se joint à nous.
16h30 : On a une heure de route pour atteindre notre destination de ce soir, Le temps ne semble pas s’arranger alors on salut notre amis et on démarre dans un concert de moteur. Je fais un arrêt à la pharmacie pour Alice, un autre pour acheter des fruits et légumes pour ce week-end puis un dernier pour prendre de l’essence.
18h : La route a été longue, j’ai chaud, les gens conduisent mal, je n’ai aucun sens de l’orientation, je suis énervée. Je me calme tout de suite à la vue de la villa et son panorama sur la ville et le lagon, c’est idyllique ici. Théo, Claire, Alice et Louise sont déjà arrivés, Agnès nous rejoins quelques minutes plus tard et Marie et la deuxième Claire (de Guyane celle-ci) nous rejoignent après leur boulot. La villa louée pour le week end comporte 4 chambres de deux places, une cuisine américaine et une piscine avec sa grande terrasse. Le tout donne une très jolie vue qui nous offre les lumières du coucher de soleil. On trinque à notre dure vie en profitant de la piscine et d’une apéro-musique avant d’entamer quelques pizzas.
21h30 : Théo a dû manger quelques choses qui n’allait pas puisqu’il est malade. Il salut tout le monde et va se coucher tôt, le ventre patraque.
23h : Je me fax dans le lit après un rapide douche, pour éviter de le réveiller.
J 36
9h : Plusieurs fois réveillée dans la nuit mais j’avais oublié qu’un matelas pouvait être aussi moelleux, alors je me rendors sans difficultés.
10h : Il est temps que la marmotte sorte de son trou, je regagne la terrasse inondée de soleil pour prendre un petit déjeuner de privilégiée. La vue sur le lagon est magnifique, le temps est clément alors on en profite. Marie et Claire ont quitté le nid tôt se matin pour un caprice : acheter un matelas gonflable. Après leur acquisition on traine dans la piscine et au bord, fainéants de langueur.
11h30 : Je prépare une salade de pâtes pour un régiment. Quand je mets le nez dehors les maki sont de sortie. J’arrive à les attirer avec des bananes, ils ne sont pas farouches.
14h30 : On mange, et le reste de la journée se confond entre sieste, soleil, et coups de soleil pour certains. Andréa nous a rejoint pour la journée qu’on achève tous allongés sur l’herbe mêlant massages, papotages et musique.
19h : On commande à manger pour ce soir, personnellement ça sera un magret de canard.
21h : Andréa repart, nous on s’est avachis sur les canapés toutes lumières éteintes pour avoir le loisir d’admirer les éclairs qui fusent dans le ciel.
22h30 : Je suis de garde demain, la soirée est calme, alors je regagne pour lit pour profiter d’une bonne nuit de sommeil.
J 37
5h30 : J’ai mis un réveil un chouilla plus tôt pour profiter du lever de soleil. Avec une vue pareille ça serait dommage de le manquer et pourtant les nuages ne se montrent pas très coopératifs.
6h20 : J’allume mon moteur dans un bruit de “pot pot pot” agréable pour prendre la direction du travail. Louise démarre en cacophonie pendant que le reste de la troupe regagne ses draps.
7h : Nous sommes de jour toutes les deux en suites de couches. On prend les transmissions d’un service plein. J’ai un peu de mal à connecter deux neurones ce matin mais vu ma feuille de trans il va falloir avoir la lumière à tous les étages.
8h45 : Pas de temps à perdre, mon service déborde et mes dames ne sont pas les cas les plus simples. J’ai d’ailleurs une patiente qui en théorie devrait être en réanimation si elle a réellement ce qu’on appelle un “Hellp Syndrome”.
9h30 : Ma première patiente m’a pris un temps fou, à peine revenue de sa césarienne son retour en chambre et la barrière de la langue ne me simplifient pas la tâche. J’essaie d’aller à l’essentiel mais quand je lui demande d’habiller son bébé pour ne pas qu’il est froid et qu’elle me demande de le faire à sa place je me vois dans l’obligation de refuser quelque chose d’aussi simple. Avec la montagne de tâches que j’ai à accomplir au plus vite je ne peux pas perdre de temps de cette façon, la voisine s’y colle. Je trouve la situation désolante. Dans un coin de ma tête j’ai constamment mes autres dames à gérer, je tente de récupérer les résultats des bilans sanguins du petit matin entre deux examens mais après 3 vérifications ils ne sont toujours pas techniqués alors qu’ils ont été prélevés à 5h30. J’essaye d’appeler le labo, visiblement ils ne sont pas débutés puisqu’ils n’ont pas été acheminés jusque là-bas. Qu’est ce que les AS ont foutu avec mon “bilan urgent” fait dans la nuit ? Je me déplace moi même dans le service de salle pour en avoir le coeur net : elles ne les ont pas descendu. Pas par ce qu’elles étaient occupées, ah non non pas la peine. Elles ont tout bonnement refusé. Au moment de mon arrivée un coursier vient de descendre le tout. Je souffle un coup, elles n’auront pas cette satisfaction.
13h30 : On attend le médecin pour la visite depuis deux bonnes heures. Bien que bien occupées pendant son attente on se décide à lui retéléphoner pour savoir quand il passera pour les conduites à tenir, traitements, et avis. “Je vais manger là, donc après”. 4 sages-femmes à disposition du grand médecin, que demande le peuple ? On est donc dans l’obligation de faire en fonction de lui.
14h : La chambre 21 me donne du fil à retordre avec sa tension. Je cours après depuis ce matin et ça me prend un temps monstre. J’ai absolument besoin d’une prescription médecin pour la faire baisser mais celui-ci refuse de se déplacer. Pour la sécurité de ma patiente je me retrouve dans l’obligation de lui administrer un médicament anti-hypertenseur alors que je n’en ai pas le droit de prescription. Ce cher monsieur fini par venir nous accorder quelques minutes à travers un “va à l’essentiel, que ce qu’il y a de très urgent”. Dans tout ça il me manque des conduites à tenir, et des avis médicaux alors je m’improvise médecin pour la journée et j’espère que ça ira. Foutu docteur.
18h30 : L’un de mes bébés fait peut être une jaunisse, l’infirmière puéricultrice est partie alors je fais la prise de sang avant de demander aux AS de la salle d’accouchement de le descendre avec tous les bilans des urgences accumulés. Le week-end il n’y a pas de coursier, mais visiblement elles ne sont pas décidées à remplir ce rôle qui leur incombe. A ma demande on me répond du tac au tac “ T’as qu’à le descendre toi”. J’ai pris 20 minutes de pause déjeuner, et une pause pipi aujourd’hui. Il me reste, 2 examens, 2 dextro et un implant à poser en une demi heure après 12h de garde :
- Moi j’ai pas le temps.
- Eh bien il restera là.
- Mais les filles y a rien eu en salle de la journée et là vous êtes toutes assises ! (Dans le couloir à parler)
- Il restera là. T’es pas en salle toi, t’es en suite de couches.
- Oui mais c’est tous les bilans du tri là.
- Ils resteront là.
Pas le choix, un bilan de Hellp Syndrome ça n’attend pas. Je jette le reste des bilans dans la banette, rouge de colère, on a vraiment pas la même conscience professionnelle ni le même esprit d’inter-équipe. Je ne descendrais que mon bilan du coup, et je les emmerde. A mon retour j’en touche un mot aux filles. Personne n’est surpris, visiblement “elles testent les nouvelles”.
19h : Dans un fracas de mauvaise ondes une sage-femme qui ne se présente pas rentre dans le bureau. Après un succinct “bonjour” elle s’active à changer les secteurs, répartir les patientes, changer les trans. “C’est qui elle ?” Je pose la question mais j’en ai tellement entendu parler que je connais déjà la réponse. Anne, le dragon. Du haut de ses 5 ans de diplôme elle se prend pour ce qu’elle n’est pas et fait sa petite loi en se faisant un malin plaisir d’exprimer la moindre de ses réflexions à ses consoeurs. Pourtant nous sommes égales.
20h : Tout se ramdam a pris du temps, elle aurait au moins pu attendre qu’on ai fait nos trans pour qu’on puisse partir dans les temps. J’ai fais ma relève à Morgane, ravie de ne pas avoir à les lui faire à elle. On entame le retour à deux, Louise sur son scooter, moi sur mon bolide.
20h30 : Un petit plat nous attend à la maison après un accueil canin chaleureux on s’installe à table pour un couscous revisité. La table est mise, un fond sonore est consciencieusement calculé. Le tout est englouti, je descends dans mon studio ranger mes affaires puis remonte écrire un peu les yeux lourds.
22h30 : Je capitule et regagne mon lit.
J 38
8h30 : Mes yeux s’ouvrent. Je câline ma louve, me hisse hors de mon lit, puis monte pour le petit déjeuner. Un pancake, un fruit, j’attaque un peu d’écriture.
10h : Je lance une machine, fais la vaisselle, place les 2 palettes de bois manquantes pour mon lit puis midi arrive déjà.
11h45 : Ce midi c’est moi qui me colle aux fourneaux pour des pâtes carbo. J’émince, fait revenir, concocte, cuit et 30 minutes plus tard le déjeuner est servi. Les filles font la vaisselle pendant que j’ouvre une noix de coco à emmener ce soir. Je commence par faire un trou dans l’un des 3 points noirs pour vider l’eau puis tape le fruit sur une des marches de l’entrée. La noix est passée, je tente la deuxième, pareil. Un peu déçues on se rabat sur une pomme-cannelle (un autre fruit exotique).
13h : Mon tupp pour ce soir est prêt, je propose une balade à la plage pour défouler la bête, Alice accepte, 15 minutes après on a les pieds dans l’eau. La poilue a la truffe pleine de sable en 5 minutes, elle se baigne un peu, court beaucoup, et on remonte sur une pente très glissante à cause de la pluie de ce matin. On fini par enlever nos chaussures pour avoir plus de chance d’arriver à nos fin mais la réussite n’est pas flagrante. La glaise c’est bon pour la peau parait-il.
14h : Une bonne douche pour tout le monde (y compris Oïkia) puis je me met au lit pour quelques lignes avant de m’endormir.
17h30 : J’ai dormi 2h30. De quoi tenir cette nuit pour ma garde en suites de couches et l’enfer de ses dossiers.
18h15 : Après un “petit-déjeuner” à 18h je monte sur le scooter de Louise pour du co-scoot.
N 38
19h : On attaque les transmissions d’un service toujours plein. Je ne risque pas d’être débordée d’entrées puisqu’il ne me reste qu’une place, et c’est pareil dans les autres ailes du service. Aujourd’hui la sage-femme affectée Covid a été débordée, la vague est ravageuse et plus d’une vingtaine de patientes sont positives ou suspectées. Dès demain matin une nouvelle organisation sera mise en place pour la répartition des secteurs mais pour l’instant j’ai encore un coté “normal”.
20h : Je commence mon tour du soir. Les examens sont rapides, je distribue les médicaments pour demain puis je regagne pour bureau pour commencer la gestion de mes dossiers.
1h : On mange, ensuite j’attaque sans attendre la tonne des paperasse qui m’attend, 1h plus tard je fais un examen, un dextro bébé, donne un antibio puis m’y recolle jusqu’à mon tour du petit matin.
6h : J’ai les yeux qui piquent. A force de regarder les dossiers j’ai mal à la tête, j’en ai vérifié 11 et n’aurais même pas tout fait. Malgré tout ça je m’active pour finir la nuit dans les temps : deux prises de sang maman, une prise de sang bébé, un examen d’accouchée et la relève arrive déjà. Louise est prise par le temps et se trouve en difficulté pour un prélèvement sanguin, je viens lui prêter main forte puis l’aide à finir son dernier dossier avant qu’on ne commence les trans.
7h : On entame le retour sous la pluie, après un deuxième contrôle d’attestation de déplacement on déjeune toutes ensemble puisque les filles se sont déjà levées et qu’Andréa est elle aussi déjà rentré de sa garde.
9h45 : Le temps passe vite, il est un peu tard mais je ferme les yeux, bien fatiguée.
J 39
14h30 : Je ne réussirais pas à dormir plus mais l’avantage c’est que je réussirais à m’endormir ce soir. J’écris un peu dans mon lit avant de me lever. Théo vient après son travail, on monte pour faire la popote tout les deux. Il prend les commandes, moi je suis le commis. Ce soir nous savourerons un filet mignon en croute accompagné de son lit de salade, et nous terminerons le repas sur la note sucrée du cheesecake mangue-spéculos.
17h30 : Un peu de couture pour m’y remettre doucement. Je confectionne deux housses de coussin pour le canapé, validées à l’unanimité.
20h : On passe à table puis on opte pour un soirée film, ce sera “Slumdog millionaire”. On pousse les canapés, rapproche la table basse, se reparti les coussins, moi je prends mon doudou dans mes bras. On se blotti les uns contre les autres et le silence est fait.
00h : J’ai lutté sur la fin mais ne me suis pas endormie avant que le film ne se termine. Chacun va dans son lit respectif, Théo et moi on se livre à une discussion sans fin : je tente de remettre les choses au clair, par peur qu’il ne s’emballe un peu trop. C’est bien ce que je craignais, il m’avoue certains ressentis, certaines décisions que j’ai pu influer. A partir de ce moment là je sais ce qu’il me reste à faire mais je repousse le moment pour l’instant.
4h : Il est temps de dormir, la discussion tourne en boucle, il n’est pas prêt à entendre ce que j’ai à lui dire, ça attendra demain.
J 40
10h30 : Encore fatigués il est temps de se lever pour que Théo puisse aller au travail pendant que je m’installe pour déjeuner.
12h : Louise a cuisiné du poisson pour ce midi, en papillote. On déguste du filet de requin avec du riz coco-curry. Un peu trop citronné à mon goût mais je mange pour rester polie.
13h : Il ne fait pas beau dehors. Il a plu toute la journée alors elle se confond entre musique, cuisine et couture. Je ne peux même pas promener Oïkia, mais confinées à 5 il y a pire.
18h30 : Je me met au fourneaux pour cuisiner le dessert et un poulet rôti. Andréa s’occupe de confectionner un dahl de lentilles qui mettra nos papilles en émoi. Justement aujourd’hui ça n’est pas la grand forme pour elle. Depuis hier elle présente quelques signes du fameux virus qui circule en ce moment. On sait toute ce que ça implique : si elle est positive on l’est toutes.
20h : Yann, le voisin, est invité pour le dîner. Théo devait faire partie du repas mais j’ai décommandé malgré mon envie de le voir pour lui faire comprendre qu’il faut qu’on réfléchisse un peu tous les deux. Je sais déjà très bien ce qu’il faut faire même si je n’en est pas la moindre envie. On s’échange malgré tout quelques messages et il est convenu que je passerais le voir demain après ma formation du matin.
22h : Je termine mon oeuvre de couture encore en cours puis vais me coucher.
J 41
6h30 : Avant que mon téléphone ne sonne, je me réveille, les yeux grands ouverts, l’estomac au bord des lèvres. Une envie de vomir me prend tout à coup, et mon ventre se tort. Une bonne journée s’annonce.
7h30 : Je me fais violence pour me rendre à la formation informatique qui a été programmée, une fois arrivée sur place (après 2 contrôles gendarmes) on m’annonce que ça n’était pas 8h mais 8h30 et que le formateur n’est pas au courant de ma venue. J’attends quelques minutes, il fini par venir et m’octroyer une heure pour cette formation peu nécéssaire étant donné que je travaille déjà sur le logiciel en question depuis un mois. J’apprends quand même quelques détails utiles avant de me rendre au baobab faire des courses. C’est vraiment pas la grande forme. Je suis fatiguée, comme dans une bulle. Une sensation de grippe commence à gagner du terrain, j’ai mal à la tête, c’est pas bon.
10h30 : Andréa nous annonce la nouvelle. Sans grande surprise son test est positif. Je sens que le mien se résoudra par le même résultat. Je passe quand même voir Théo qui dit être immunisé. Il fait la sourde oreille et veut passer la journée avec moi malgré notre conversation d’hier. Je fini par réussir à lui faire entendre raison, je refuse de prendre le risque de m’attacher d’avantage. Lui qui fonce tête baissée me dit qu’il ne pourra pas faire autrement que d’aller dans cette direction, je ne pourrais pas lui donner ce qu’il attend. Je l’embrasse dans un au revoir, et repars en moto le coeur serré. Foutu Alex. Journée de merde.
11h30 : Je vais me coucher.
13h30 : Les filles me proposent de manger. Malgré mon petit déjeuner sauté je n’ai toujours pas faim, je monte quand même pour émerger un peu mais mon assiette et mon estomacs restent vides. Mon état ne s’améliore pas, je fini par prendre un doliprane qui me soulage de certains maux, et réussi à manger quelque chose pour prendre des forces.
15h : J’écris.
16h : Je couds.
18h : Je craque et je répond aux messages de Théo. Confinée, malade et et dépitée j’ai déprimé toute la journée. J’essaie de le raisonner puisque c’est bien la seule raison de ce qui se passe, la raison. Je sens que ça ne va pas fort pour lui non plus, il insiste un peu, je craque : “Aller vient, on réfléchira plus tard”. Je suis encore dans un beau merdier tiens. J’ai pas envi de prêter mon coeur à qui que ce soit, pourtant j’ai écris quelque chose aujourd’hui, comme à chaque fois que j’ai le coeur lourd. Les filles m’ont dit de lui envoyer alors j’envoie, et il vient quand même. “Je savais que je prenais un risque. J’ai refusé, terrorisée à l’idée d’aimer. Tu fais partie de ses gens qui redonnent confiance à aimer trop fort. Ceux qui en pâtissent des bêtises des autres. Moi toute cassée, et toi prêt à réparer sans sourciller. Avec ton putain de sourire qui brille trop fort et ton putain de cœur tout propre. Tu m’as traversée de ton honnêteté, j’en suis contente bien que blessée. Comme une plaie que j’essaie de refermer depuis un moment mais qu’il faut d’abord nettoyer, ça fait mal mais c’est pour aller mieux. Je crois qu’il reste des petits cailloux à l’intérieur, par ce que j’ai encore mal, bon sang ce que j’ai mal. Mal d’avoir aimé trop fort, d’avoir fait tomber toutes ces barrières dont on a parlé et qui te gênent. De les avoir fait tomber j’ai du les reconstruire, plus fortes, plus hautes, plus solides pour ne pas succomber à nouveau.
Je crois que je préfère rester blessée, c’est douloureux mais moins surprenant. La douleur n’est pas une surprise au moins, elle est là, lancinante, je ne l’oubli pas de cette façon, et elle ne me reviens pas en plein visage quand je me mets à sourire.
T’étais beau dans ton sourire, j’aurais voulu t’aimer, casser mes premières barrières pour toi, peut être que tu m’aurais pas obligé à reconstruire une forteresse.”
20h30 : Visiblement il a passé une bonne journée de merde lui aussi. Ça se passe mal au boulot (les mahorais n’ont aucune volonté pour travailler de façon efficace), une histoire de litige (à cause d’une erreur de l’administration Guyanaise) le met dans une mauvaise posture avec des huissiers sur le dos, et pour finir il s’est fait caillasser en venant ici. Mauvaise pioche, il a fait demi tour et a mis à terre un des trois jeunes qui se sont amusés à faire ça avant de remonter sur sa moto. Je le dispute un peu pour son imprudence mais je sens bien que le moment est mal choisi. On se met tous à table pour le dîner, moi je repousse mon assiette, toujours pas faim.
21h : Tous alignés c’est tournée générale de test PCR ! Andréa prend un malin plaisir à prendre sa revanche et nous enfonce ce cher coton tige au tréfonds de nos cerveaux. Y a pas à dire : la coloc ça rapproche.
21h30 : Tout le monde va se coucher. Je prépare mon tupp pour demain, malade ou pas je travaillerais. Selon le mail de la cadre reçu dans la journée “la septaine ne s’applique pas aux agents du CHM”. Bon bah go contaminer les équipes et les patientes alors ! Par ce qu’aux urgences c’est idéal pour ça.
J 42
5h30 : Tin tin tin tin tin tin tin tin tin tin tin. Ok, je me lève. J’embarque un petit dèj et on démarre un peu après 6h. Aujourd’hui on est 4 en garde de jour à Mamoudzou : Alice en salle d’accouchement, Louise en suites de couches, Claire en grossesse patho et moi aux urgences.
6h45 : En croisant la cadre au détour d’un couloir, on en profite pour lui toucher un mot à propos de la situation de notre colocation de 5. Un cluster à elle toute seule puisque déjà une des 5 a été testée positive, et que je présente déjà des symptômes. Elle décide de me changer de service et de m’affecter à l’unité Covid, tout comme Maud qui se trouve dans la même situation.
7h10 : On s’assoit en salle de pause pour débuter la relève du fameux service. “Les filles, code rouge en 47”. C’est possible ça ? Apparemment oui, on court. La patiente est positive au Corona Virus et actuellement dans une chambre avec deux autres patientes positives. Ça complique grandement les choses puisque son lit est celui qui se trouve contre la fenêtre, rendant le brancards inaccessible. On s’habille dans un branle-bas-de-combat sans savoir qui-quand-ou-pourquoi cette dame est là et on s’exécute. Maud sonde, je la sers, on s’assure que tout soit enlevé, qu’elle est pris son Tegamet (médicament empêchant les remontées gastriques), qu’elle soit rasée et habillée pour le bloc. La dame doit marcher pour sortir de cette pièce infernale, où tout le monde s’est entassé pour aider tant bien que mal. A l’instant où elle pose ses fesses sur le lit roulant Alice et moi on pousse en courant vers la salle de césarienne. Il n’est même pas 8h et c’est déjà une garde de merde. J’achemine la petite patiente jusqu’au bloc opératoire puis redescend pour enfin commencer les transmissions.
8h30 : Fin relève, on commence dans la galère. 3 patientes covid + ou suspectée attendent déjà d’être vues dans le couloir en face de la seule salle de consultation urgences covid obstétricales, et ce à coté des bébés. C’est logique non ? On s’habille en cosmonaute (surblouse, masque canard, lunette de protection, charlotte, tablier) pour entrer dans la chambre de chacune de ces patientes mais avant leur hospitalisation elles attendent assises toutes ensemble au milieu des personnes non contaminées. Ah oui, petite précision dans ce fameux service on s’occupe de tout, c’est à dire des urgences, des suites de couches et des grossesses pathologiques.
8h35 : J’ai englouti mon petit déjeuner par ce que vu la journée qui m’attends je ne suis pas prête de faire une pause. Je commence par voir deux patientes en urgences, l’une d’entre elles a du mal à respirer. Je dois ouvrir un dossier en récoltant toutes les informations médicales de ma patiente mais ne peux rien rentrer dans cette pièce qui puisse ressortir ensuite. Comme de toute façon elle devra attendre dans le couloir je fais donc mon interrogatoire de données médicales et confidentielles en plein milieu d’une salle d’attente. Je continu dans ma lancée mais ne connais pas les protocoles, je tâtonne, m’habille, me déshabille, me rhabille entre chaque patiente. Je perds du temps, fais des erreurs d’aseptie. Mon infirmière vient me chercher 3 fois pour me dire que la dame de la chambre 25 est inquiétante, je fini par y aller : elle perd complètement les pédales. Je suspecte une psychose puerpérale. Il s’agit d’une décompensation psychologique dû à l’accouchement ou à la grossesse en général. La patiente présente un nystagmus (les yeux qui bougent dans tous les sens) et passe d’un comportement tanto prostré à tanto hystérique. Elle s’époumone dans le service et sort de sa chambre (où elle est sensée se cantonner puisqu’elle est Covid +) pour déambuler dans le couloir, parfois même nue. Je tente d’appeler le service psy qui n’a pas l’air de vouloir se déplacer “pour si peu”. Tant pis, ça attendra, à mon niveau je ne peux rien faire de plus. Les cadres et personnels compétents sont au courant.
11h : A l’heure où je suis sensée le finir je n’ai même pas commencé mon tour du matin.
14h : Manger n’est clairement pas la priorité, je n’ai pas encore bu ni fais pipi depuis ce matin mais ça attendra aussi, j’ai encore trop de choses à faire. Le médecin n’a pas donné signe de vie, à cette heure il aurait déjà dû m’appeler 3 fois pour qu’on fasse le point sur les dossiers de la journée. Heureusement l’infirmière est là, grâce à elle le minimum syndical est surveillé, et je sais que mes patientes sont encore toutes en vie et le seront au moins pour quelques heures. J’ai faim, j’ai soif, j’ai envi de faire pipi.
15h : Toujours pas de médecin. Elle m’a dit il y a une heure qu’elle arrivait mais je n’en ai pas vu la couleur, et je n’ai clairement pas le temps de l’attendre. Je rappelle. En attendant qu’elle vienne je fais la sortie de la 21, m’occupe de ses papiers, ses rendez-vous, pose un monito, fais un prélèvement. Le temps passe vite, mais j’ai toujours faim, j’ai toujours soif et j’ai toujours envi de faire pipi.
16h : Je rappelle une 3ème fois ce foutu doc. Sans elle je ne peux même pas vider la seule chambre que j’ai pour y installer la dame qui attend dans le couloir depuis ce matin. Tout ça alors qu’elle a du mal à respirer et qu’elle est covid +. Je passe régulièrement voir si elle va à peut près bien quand même. Le médecin “m’avait oubliée” et a le toupet de me le signifier. Elle fini par venir pour faire le tour et se présente d’une lenteur extrême pour lire les bilans. Je fini par m’impatienter et faire son boulot à sa place. J’ouvre les bilans : “ça c’est bon.” Aller hop, je ferme. Suivant.
17h : Je pose deux monito, fais une prise de sang, un guthrie, une sortie. J’ai toujours pas mangé, toujours pas bu, toujours pas fais pipi. De toute façon j’en suis au stade où maintenant ça ne sert plus à rien, étant donné que ma garde est finie dans 2h.
17h30 : Maud a géré les urgences, maintenant que j’y vois plus clair je m’y colle à mon tour. Une salle d’attente improvisée a été organisée par les cadres devant l’affluence des patientes inattendues. Je me dirige vers la rangée de chaises et organise les venues. Je demande à chaque dame qui est elle, pourquoi elle est là et depuis quand. Il nous reste 6 dames à voir. Je fais la consultation de l’une d’entre elles, toujours habillée en cosmonaute, je lui pose un rythme et…
18h45 : La relève est déjà là. C’est foutu pour aller plus loin et faire les choses bien aujourd’hui. Je limite la casse, fais mes trans, puis finirais une fois que mes transmissions seront faites. Je m’excuse au près des filles qui me disent que je n’y suis pour rien, heureusement elles sont compatissantes.
19h30 : Je continue mes dossiers mais Alice m’attend et semble vouloir rentrer. La salle d’accouchement a fait 16 accouchements au total aujourd’hui, elle est exténuée aussi. Louise nous a rejoint, on s’est changées, mais Claire n’est toujours pas dispo alors on va donner un coup de pouce en patho. Sa relève est déjà au bout du rouleau quand elle a vu ce qui l’attendait pour la nuit. On lui donne du baume au coeur en y mettant toutes un peu du notre. Alice prépare un médoc, Louise un dossier, moi des bilans, Claire examine une dame. Clarisse est touchée de se petit coup de main qui l’aidera à commencer sa nuit plus sereine.
20h : Je repasse en suite de couches pour donner un coup de main aussi tant qu’à faire. 20h30 : Les filles finissent pas venir me chercher, il est temps de rentrer à la maison.
20h40 : A 4 sur 2 scooters on part de l’hôpital dans un éclat de rire. Fatiguées, vidées, épuisées, frustrée mais satisfaites à la fois. Sur la route on manque de percuter deux gros zébus qui dorment en plein milieu de la route.
21h15 : Premier pipi de la journée.
21h45 : Premier verre d’eau de la journée. On se met à table pour dévorer des choses simples mais personne n’a l’énergie nécéssaire pour cuisiner. Pizza, pain, fromage et tout le monde est ravi.
22h30 : Dodo. Parfois j’ai honte de travailler comme ça. Qu’elle est la qualité de la prise en charge qu’on offre à certaines femmes aujourd’hui encore en France ? Une de mes patientes a attendu plus de 10h en salle d’attente aujourd’hui. Je ne sais plus s’il faut être fière ou honteuse de travailler dans de telles conditions.
J 43
7h15 : Trop tôt, on est confinées, les filles dorment je ne pourrais rien faire dans la maison.
8h : Je suis de garde ce soir, autant dormir encore un peu.
10h : Bon ok, là faut sortir du lit. Oïkia vient mettre sa petite truffe dans ma main pour demander des caresses, j’ouvre la moustiquaire et on fait un gros câlin du matin. Je monte déjeuner puis flâne sur le canapé en écrivant doucement.
11h40 : La maison s’est réveillée petit à petit. Chaque frimousse est sortie d’en bas à gauche, en haut à droite, puis re-en bas à droite. Manque qu’Andréa qui dort encore après sa garde de nuit. La maison est calme, on respecte son sommeil comme on aimerait que le notre soit respecté. On part faire un tour à la plage, Oïkia pigne d’impatience alors je la fais attendre sur le pallier.
13h : Salade de pâtes ce midi. Je prépare le repas puis on passe à table. Ensuite je continu à écrire.
15h : Il est temps de se recoucher pour dormir un peu avant ma nuit.
17h30 : L’heure de se lever pour aller travailler.
18h10 : La troupe de 4 part sur 2 scooter, moi je suis dans mes pensées, un peu chafouin ce soir.
N 43
19h : La sage-femme d’aujourd’hui s’excuse d’avance de l’état du service qu’elle me rend. Je patiente pendant qu’elle fait ses dossiers : je bois un café, je vais en avoir bien besoin. On fait la relève et effectivement ça va être chaud mais je ne désespère pas. Le service est plus plein de jour en jour, de moins en moins suspi covid et de plus en plus covid avéré. Concrètement ça ne change pas grand chose à notre prise en charge mais ça représente bien la situation actuelle de l’hôpital dans cet état de crise. La patiente en chambre 25 est toujours là, toujours perdue et instable mais ce soir elle est calme. Elle s’est deperfusée pour la 3ème fois et l’infirmière du jour n’a pas réussi à reposer une voie veineuse donc je commence par appeler l’infirmière anesthésiste pour qu’elle s’en charge. Une fois chose faite je fixe le cathéter à l’aide de 3 pansements prévus à cet usage et fait comprendre à ma petite dame qu’il ne faut pas qu’elle y touche. Elle est totalement retombé en enfance et je me retrouve à devoir expliquer à une enfant de 4 ans ce qu’il est entrain de se passer. Elle me fait tout à coup un sourire sans aucun filtre et me gratifie d’un “gentille !” avant d’éclater de rire. Bon, la sortie c’est pas pour tout de suite hein.
20h : Deux des résultats PCR de patientes de mon service covid sont sorties négatives aujourd’hui. J’avais espoir de les changer de chambre pour rejoindre le service “normal” mais en ce début de nuit on manque déjà de place, toutes les chambres sont prises et les accouchements de la nuit n’ont pas encore eu lieu.
20h30 : Je commence par le plus urgent : une des mes patientes n’est pas stable. Je la vois en priorité puisqu’elle est hospitalisé pour difficultés respiratoires et qu’elle est dépendante de 6L d’O2 actuellement. A partir de 5L d’oxygène les patientes sont censées être admises en réanimation mais ce service là aussi déborde, alors je la garde ici, en chambre double, à l’autre bout de mon service, en croisant les doigts pour que rien n’arrive. Je la surveille comme du lait sur le feu.
22h : Je commence à peine à poser les rythmes cardiaques foetaux du soir. Un des monito est en panne alors je me contente de 2 machines pour 7 patientes. Au milieu de ce jeu de jongle je m’applique à voir mes patientes le mieux et le plus vite possible.
00h : J’administre des antibiotiques via un cathéter veineux à un bébé. Heureusement le cathéter en question est déjà en place mais il faudrait que je le surveille pendant une demi heure et je n’ai clairement pas ce luxe. Je sollicite mon aide soignante qui est en pause depuis un bon moment déjà, pour le faire à ma place, puis continue sur ma lancée.
1h : Je fini enfin mes enregistrements. Dans seulement 4h je recommence les premiers de la journée et je m’interroge : est-ce que c’est moi qui suis maltraitante dans ce cas de figure ? J’aimerais pouvoir faire autrement.
2h : J’ai la chance de pouvoir manger.
2h20 : Pas de temps à perdre, j’ai 2h30 pour faire 11 dossiers. Impossible. Mais j’essaierais de voir au moins deux des sorties de demain et les dames arrivées dans la journée d’hier. J’ai peu d’espoir, la musique m’accompagne pour me tenir éveillée.
5h : La sage-femme volante (heureusement qu’elle est là cette nuit : elle gère les urgences et fais la petite main) commence mon tour, je la rejoins. J’accroche les bilans que je prépare à la porte de chacune des patientes correspondantes pour n’avoir qu’à glisser les tubes dans le sachet à la sortie de la chambre contaminée avant d’enlever ma tenue de cosmonaute. L’habillage / déshabillage à l’entrée / sortie de chaque pièce est très chronophage mais à deux on avance bien, grâce à elle je vais finir en retard mais pas trop.
6h45 : Le temps passe vite, la relève arrive bientôt. Pour faire gagner du temps à ma collègue de jour je pose un dernier rythme à la chambre 40, elle le récupérera à la fin de la relève si tout va bien. Mais tout ne vas pas bien, quelle idée j’ai eu : à l’instant où je pose le capteur ce que j’entends ne présage rien de bon. Le coeur du bébé bat beaucoup trop lentement. Le “boum boum” résonne dans mes oreilles pendant que le mien s’accélère. J’appel tout de suite l’interne, contact la sage-femme volante pour qu’elle m’apporte le dossier de la dame. Evidement il fallait que ça tombe sur la seule chambre covid double du service. Quelques instants plus tard le jeune médecin est là, il appelle le chef de garde immédiatement. Ça sent le roussi alors je m’active : dans une gymnastique de règles d’hygiène je sonde la dame, lui donne un inhibiteur gastrique indispensable, la déshabille, l’habille, lui explique, enlève ses bijoux, la rassure. Tout ça en gardant le capteur bien en place. Une fois que le médecin est sur place on se questionne tous : le rythme a l’air trop parfait pour que ça soit un ralentissement. Pourtant son rythme hier étant bien plus élevé. Un dilemme mène la vie dure aux médecins qui ne savent pas comment se positionner : s’ils césarisent ils donnent naissance à un enfant trop jeune de 2 mois qui pourrait très mal s’adapter à la vie extra utérine. S’ils ne césarisent pas, ce bébé pourrait très mal s’adapter à la vie intra-utérine et entrer en souffrance. Après avoir appelé un autre médecin, qui en a lui même appelé un autre, il est décidé de ne pas faire de césarienne code rouge. A la place on la passe en salle pour une surveillance rapprochée avec retransmission du rythme dans le bureau de soin (ce qui n’est pas le cas en suites de couches). Pas de place en salle. Bon. On la passe aux urgences, sous oxygène, les filles vont être ravies.
7h15 : Le temps de passer la dame et de la transmettre à l’équipe concernée la relève est déjà la depuis plus d’un quart d’heure.
8h : On commence les transmissions.
8h30 : On fini les transmissions, puis je m’attaque à tout ce que je n’ai pas fais. Je demande aux filles de rentrer sans moi, je me débrouillerais mais je n’ai pas envi de me presser et de faire les choses de façon incorrecte. Je me penche sur les dossiers, traces mes actes, mes rythmes, mes bilans, mes constantes, fais le plein du chariot, gère deux trois dossiers.
9h30 : On fini par me mettre dehors. Je n’ai pas fais tout ce que j’aurais voulu mais il faut lâcher l’affaire. Théo, qui passe me prendre, m’attends déjà devant l’hôpital. Je dormirais chez lui aujourd’hui. Je lui apprend la nouvelle : à la surprise générale je suis négative au Covid selon mon test PCR.
11h : Une douche rêvée, un petit déjeuner englouti et je suis prête à dormir. A l’instant où je ferme les yeux les voisins me font savoir qu’ils ne sont pas de cet avis : ils entament des travaux bien bruyants. Et c’est parti pour plusieurs heures de marteaux sur taules, scie à métaux et visseuse.
J 44
14h : Je me réveille, j’ai peu dormi mais Théo attend sagement depuis tout à l’heure, je ne vais pas lui imposer de rester sans faire de bruit toute la journée. Je me force à ouvrir les yeux, je dormirais mieux ce soir.
15h45 : On va chez Jade, une infirmière qu’il connait pour faire de la couture et pour goûter.
16h : Je suis jalouse de sa machine à coudre, la mienne reste la plus basique possible : sans lumière, sans ralenti ni accéléré, c’est vraiment primaire par rapport à la sienne mais ça fera l’affaire pour le peu de temps que j’ai ici. Le reste de l’après-midi se passe dans le calme, Jade est vraiment sympa et je fais plus ample connaissance avec Laura une sage-femme (sa colocataire) qui était de garde cette nuit aussi et que j’avais croisé au détour d’un couloir.
18h : On repart. Après être repassés par chez lui on se dirige vers chez moi.
19h : On arrive à la maison. Je suis épuisée depuis ce matin, mon lit me tend les bras mais devra attendre encore un peu. Théo nous cuisine du poulet-coco ce soir. Je me charge du riz et de quelques lignes d’écriture.
20h30 : On mange.
21h30 : Je ne lutte pas longtemps. Rapidement vaincue par la fatigue qui ne me quitte pas depuis ce matin.
J 45
8h30 : Debout. Toujours fatiguée, je pense que ça finira par passer. Je petit-déjeune, range, m’occupe du linge, écrit.
11h : On prends la voiture d’Andréa pour faire des grosses courses “à la capitale”. Le caddie est vite plein et la note est salée. On a également fait les courses du voisin mais 325 euros ça fait mal.
13h : On mange, puis je prends le temps de faire les choses dans le calme. J’ai encore peu d’énergie alors je ne me précipite pas pour le reste du programme de ma journée.
15h30 : Malgré le confinement aujourd’hui Aurore fais un gouter chez elle pour son anniversaire. On s’est toutes cotisées pour lui offrir une carte cadeau à la mercerie du coin, elle va pouvoir s’éclater avec tout ça ! Je tente de démarrer ma moto et fini par y arriver non sans quelques difficultés habituelles.
16h : Crêpes, macarons, bonbons, chantilly, M&Ms : oui oui nous fêtons bien les 25 ans d’une sage-femme. D’ailleurs on se pète le bide. On papote entre SF, et je reçois dans l’après midi un appel à candidature qui m’intéresse fortement pour une mission au Togo d’une durée de deux semaines avec l’une des associations pour laquelle je suis bénévole. Je pourrais peut être poser deux semaines de congés en mars pour cette mission, je verrais ça demain mais je vais tenter ma chance, et si ça passe j’espère que ma cadre me laissera partir.
17h : Théo rentre du boulot (c’est le colocataire d’Aurore), une heure plus tard je pars avec lui au QG des makis (chez Marie et Claire) pour une petites soirée improvisée.
23h : On est bien, que tous les 4, comme à la maison. Ici pas de faux semblants, juste nous. Vient déjà l’heure de rentrer, et moi je suis toujours si épuisée.
J 46
8h30 : Réveillée par un baiser, on quitte le nid pour déjeuner après une douche rapide.
9h45 : Théo part au boulot, moi je rentre à la maison. Sur la route il fait beau, et la perspective de la mission au Togo me donne du baume au coeur dans cette période où tout semble figé par l’épidémie, je suis de bonne humeur. En rentrant la fatigue du réveil ne m’a pas quittée, je ferais une sieste dans l’après midi certainement mais d’ici là j’ai mieux à faire : rangement, jardinage pour enlever la faune qui gagne encore du terrain, écriture, et candidature à la mission de Gynéco Sans Frontière. La postulation me prend du temps, et mes changements de poste à répétition me force à mettre mon CV à jours sans cesse.
12h45 : La femme de ménage a bien changé. Marta ne fais plus partie de la maison malheureusement et sa remplaçante ne semble pas mettre autant de coeur à la tâche. Elle part aujourd’hui avec 3/4 d’heure de retard après n’avoir fait que les vitres. Bon ok on a des vitres toutes propres et c’est sympa. Mais bon.
13h : Louise s’est occupée du repas : écrasé de patates et saucisses de volailles. Basique, très bien.
14h : J’écris encore et toujours. J’ai les yeux lourds mais la sieste attendra j’ai plein de chose à faire.
16h : Ménage, rangement, confection de table basse, écriture, linge, couture. Je ne m’ennuie pas, le soir arrive vite.
20h : On passe à table, aujourd’hui et depuis quelques temps j’ai un petit moral, je ne traîne pas, je suis fatiguée il est temps que je me repose. La période n’est pas facile, le Covid nous épuise, le confinement ne nous permet plus de distraction, je suis loin de chez moi. Je suis dans une coloc de 5 et Théo est presque tout le temps à mes cotés, pourtant je me sens seule. Les épreuves d’un voyage, des hauts, des bas, des couleurs et du noir et gris. La vie quoi, même ici.
J 47
5h45 : J’ai passé une bonne nuit. Je n’ai pas la moindre envie d’aller travailler mais c’est pas comme si le choix s’offrait à moi. Je mets un pied devant l’autre et reste dans ma bulle grisâtre. Les filles me font comprendre qu’il faut que je prenne ma moto, elles comptaient y aller toutes les deux sur le scooter de Louise : croisons les doigts pour que ma moto ne fasse pas des siennes. Je la fais chauffer 10 minutes avant de partir.
6h15 : Un ou deux ratés par ce que le moteur est froid mais je commence à la connaître et réussi à ne pas caler. J’arrive jusqu’au CHM sans encombre. Toujours dans mon humeur massacrante.
7h : Anne la sage-femme dragon débarque. Elle est de garde en suites de couches avec moi aujourd’hui, manquait plus que ça. Par-fait. Je commence les trans, en tentant de garder le sourire. J’ai fais le point avec moi même sur ma moto en venant : tout est question d’état d’esprit, le bonheur est un choix parfois, alors je vais faire celui là. La sage-femme s’excuse des trans un peu brouillons qu’elle me fait. Je ne lui en tiens pas rigueur et lui fait savoir que chacune fais de son mieux, c’est déjà très bien comme ça.
7h45 : La tournée infernale commence, je prends 5 minutes pour organiser mes pensées et prends de l’élan pour cette grosse journée qui m’attend. Je vais faire au mieux, une chose après l’autre, dans le bon ordre et tout ira bien.
8h15 : Une première dame fais de la tension. Une deuxième. Une troisième chauffe, une quatrième revient de césarienne. Une cinquième est suspectée Covid à cause de son ancienne voisine de chambre qui a déclaré le virus aujourd’hui. Bordel ! A chaque problème une solution et un examen complémentaire. Je perds beaucoup de temps mais je fais au plus vite. Au milieu de tout ça une dame qui a eu sa césarienne hier me fais perdre beaucoup de temps “gratuitement”. Elle me demande 3 fois les mêmes choses par empressement, me fais déplacer pour son mari qui est là mais en fait ne l’est pas, me fait patienter pour répondre au téléphone. Je fini par lui faire savoir mon impatience tout en restant courtoise mais ça me démange de lui coller ma main dans la figure quand celle-ci ose me rappeler pour “lui donner le drap qui est à ses pieds”, alors qu’elle s’est levée seule 5 minutes avant pour aller aux toilettes. Cette patiente me rappellera d’ailleurs dans ma tournée infernale “par ce qu’elle a mal au genoux”. Ma réponse ? “Je suis sage-femme madame, pas kiné”.
14h : Ça fait 20 minutes qu’une de mes collègues me tanne pour qu’on aille manger, j’ai encore un truc à faire et je la rejoins, promis ! 3-4 “trucs à faire” plus tard je les rejoins, elles en sont au dessert et mon autre consoeur mange devant l’ordinateur. Avoir le temps est un luxe auquel nous n’avons pas le droit ici. J’englouti mon tupp, me fais couler un café, que je boirais froid, plus tard, entre deux dossiers.
14h30 : Le médecin est là pour faire le tour des dossiers. Il m’accueille par un “bon tu fais vite tu vas à l’essentiel j’ai pas que ça à faire”. Ok, bonjour. Je commence la présentation d’un dossier quand il me coupe au milieu de ma phrase “non non mais là j’ai pas le temps, va plus vite que ça, je m’en fou là, que ce qui est urgent”. Décontenancée j’en oublie la moitié de mes conduites à tenir et des mes avis médicaux nécessaires à la prise en charge de mes patientes. Au milieu de mon discours chronométré je lui demande un courrier d’adresse pour l’organisation d’une patiente atteinte d’un lupus. Réponse de l’intéressé : “Mais qu’est ce que j’en ai à foutre de ton lupus, j’y connais rien moi, j’ai pas que ça à faire”. Par ce que tu crois que j’y connais quelque chose moi ? On est sage-femmes quand ça vous arrange hein. La gentille petite infirmière soumise quand ça vous plait, et la très indépendante médecin quand vous n’avez pas envi de faire votre boulot.
15h30 : Ma patiente suspectée Covid à cause de sa voisine de chambre n’est plus suspectée puisqu’elle est positive. Son résultat vient de tomber, malgré l’absence de symptôme elle a été contaminée. Nous n’avons plus de place dans les services, pour tenter de libérer la chambre seule dans laquelle elle se trouve j’essaie de la basculer en chambre triple. Comme elle est Covid avéré ça ne changera rien si elle est avec deux autres dames dans la situation. Elle y va à reculons mais elle y va. 5 minutes après mon aide-soignante m’informe que cette même personne attend devant le bureau, elle souhaite sortir contre avis médical. Sa voisine de chambre sous oxygène refuse de mettre son masque et cette nouvelle maman est inquiète que son bébé soit infecté. J’ai beau lui expliquer que le risque ne vient pas de la voisine mais bien d’elle il n’y a rien à faire pour lui faire attendre raison. J’expose les risques, c’est cette même patiente qui est atteinte d’un lupus : lupus et covid ça donne quoi ? Trop peu de recul pour le savoir, en plus de ça son suivi n’est pas organisé, son bébé n’a pas été testé. Rien à faire elle veut partir, je n’en ai pas le temps mais pas d’autre choix que de gérer sa sortie dans l’immédiat. Qui dit sortie contre avis médical, ne veut pas dire “sortie sans suivi médical”. J’essaye de limiter la casse au mieux, d’organiser les choses, de donner des rendez-vous. Elle fini par s’en aller, et moi je fini par être dans la merde. La relève ne va pas tarder, je n’ai eu le temps de rien. J’accélère le mouvement, prépare des bons, effectue une sortie, fais des prélèvements, met à jour mes dossiers, modifie mes trans.
19h : Léa est déjà là pour me succéder, je m’excuse de ne pas avoir eu le temps de tout faire. Mes excuses semblent lui passer au dessus, elle ne montre pas d’agacement mais pas d’empathie non plus. Je finirais plus tard ce que j’ai à faire. Après l’échange d’équipe.
20h15 : J’ai dis aux filles de partir sans moi, heureusement vu l’heure. Je met le contact, monte sur ma moto, démarre. Pas de phare. Si j’en avais l’énergie je jetterais ma moto par terre. A la place je me résigne : Théo voulais venir dormir à la maison ce soir, je lui demande de faire un détour pour passer me chercher.
20h40 : Il ne me demande pas si ça va. Me fais un sourire compatissant, démarre sa moto, et on roule vers mon lit.
21h : Je suis de plus en plus tentée de vendre et de racheter un deux roues plus sûr. Je commence à en avoir marre de devoir compter constamment sur les autres. J’essaie de garder le sourire : un état d’esprit vous vous souvenez ? Rien n’est grave, tout fini par s’arranger.
22h30 : Tout le monde au lit.
J 48
9h : Le réveil sonne mais les rayons du grand soleil d’aujourd’hui nous on déjà réveillés. Théo file au travail, moi je prépare des douceurs. J’anticipe pour mes repas pré-post garde, et je sais que ça fera plaisir à tout le monde.
10h : Je papote avec Andréa et Claire, de retour de leurs gardes de nuit. Andréa a joué les cow-boys cette nuit, elle a fait un accouchement du siège (fesses en premier) sur le parking de son dispensaire. Je bave d’admiration, j’aurais tellement aimé que ça tombe sur moi ! Sur le coup je pense qu’elle n’a pas dû réaliser sa chance, et certainement que je ne l’aurais pas fais non plus, mais c’est une sacré expérience. On débrief, elle y verra certainement plus clair après avoir dormi quelques heures. Claire, quant à elle, subit ses dernières gardes. Elle a déposé sa lettre de démission il y a quelques jours par ce que le travail ici ne lui convient pas, et ça ne va pas en s’arrangeant puisque cette nuit elles ont réalisé par moins de 3 accouchements aux urgences par manque de place en salle d’accouchement. Elle aussi ira mieux après avoir dormi un peu. Surtout si des muffins au chocolat les attendent à leur réveil.
11h : J’écris mes derniers jours.
12h45 : L’heure passe à toute vitesse, je vais préparer à manger avant de n’avoir plus le temps de rien faire. Après ça j’irais profiter du soleil et promener Oïkia, je coudrai tout à l’heure, puis dormirais un peu.
17h30 : Il est temps de se lever. J’englouti deux pancakes sirop d’agave-pépites de chocolat (mes préférés), saute dans mon jean, et c’est parti pour la route en scooter. Demain matin je rentrerais en moto, mais il faut que je résolve ce problème de phare, et vite.
N 48
19h : Elle en a chié aujourd’hui, mais elle a cadré les choses, et malgré les 15 patientes de mon service plein je devrais pouvoir m’en sortir. Le problème c’est que je perds du temps à chercher des dossiers, et avec des détails insignifiants. Mon tour est plus chronophage que prévu. En plus de ça j’ai 4 suspi covid. La chorégraphie d’habillage / déshabillage à chaque entrée/sortie de la chambre me faire perdre un temps monstre. Mme X. a agacé toutes les sages-femmes d’aujourd’hui : n’ayant pas du tout fait suivre sa 1ère et 2ème grossesse elle a accouché à domicile d’un bébé de seulement 1,9Kg dans l’après-midi. Ce petit bout s’en retrouve hospitalisé en néonatalogie pendant qu’elle a débarqué en chambre triple après avoir omis de nous parler de ses signes de corona virus. Elle tousse, chauffe, n’a plus de goût ni d’odorat. Qui c’est qui va contaminer ses voisines et leurs bébés ? Les voisines en question ne sont pas ravies de la nouvelle et du confinement qui leur est imposé en conséquence, je sens que l’atmosphère pèse dans la chambre 23. Ma patiente casse-pied d’hier soir fait partie de cette même chambre de l’ambiance, ça va être folklo.
3h : Je commence à peine mes revues de dossiers. C’est tellement mal cadré que j’y perd un sacré bout de temps et ne peux en voir que 4. Agacée de faire les choses à moitié une fois de plus je prends sur moi pour faire au mieux. Je crois qu’il faut simplement accepter que je ne pourrais pas rendre les choses aussi bien faites qu’à mon habitude.
5h : Je commence déjà mon tour du matin. 3 cycles de tensions (dont un chez une suspi), 5 prises de sang (dont 2 en suspi), 2 pots à pipi (dont 1 en suspi), et 2 relevés de glycémie plus tard le petit matin arrive déjà.
6h30 : J’ai le temps de cadrer un autre dossier mais j’hésite parmi les 11 qu’ils me reste.
7h : Maéva prend ma relève, pour une fois je ne fini qu’avec 20 minutes de retard.
8h30 : Dodo.
J 49
14h30 : “Thaïs ?” Claire chuchote mais je me réveille dans un sursaut. Je lui ai fais peur avec cette réaction et on en rit toutes les deux. Elles partent sans moi, personnellement je dois m’occuper de ma louve et la faire se dépenser avant mon départ. En plus de ça j’aimerais passer faire des courses avant de m’y rendre. Je sors de mon lit pour grignoter quelque chose puis descends vers la plage profiter du beau temps entre mère et fille.
16h30 : J’arrive en bas de notre destination du week-end. J’appelle pour qu’on vienne m’ouvrir, gare ma moto et vais rejoindre la petite troupe qui barbote dans la piscine. Théo arrive quelques minutes après moi, on découvre les lieux ensemble. Ce petit coin de paradis s’appelle “les bangas”, il abrite une dizaine de bungalow en bois montés sur pilotis, au milieu de la végétation luxuriante de cette île aux merveilles. 3 bungalows de deux personnes ont été réservés pour l’occasion alors on prend possession de l’un d’eux en y installant nos affaires. Le lit drapé d’une jolie moustiquaire blanche trône au milieu de la pièce qui laisse filtrer quelques rayons d’un soleil de fin de journée. Dans cette ambiance calfeutré s’ouvre une porte qui donne sur un balcon aussi silencieux qu’apaisant.
17h : On profite de l’eau chaude de la piscine avant que la nuit ne se lève puis regagne le plus grand des 3 appartements pour y passer la soirée.
20h : Saucisson, chips, noix de cajou, téquila, on ne se refuse rien mais l’ambiance reste sage. On profite du balancement des deux hamacs installés pour l’occasion, on papote puis nos lits sont regagnés. Seul gros point négatif : pas de clim dans ce logement qui est pourtant haut de gamme. Ici ça ne pardonne pas.
J 50
3h : Ça éclate au dessus de nos têtes. L’orage est si violent qu’il a du réveiller tous les lits. La pluie n’a de cesse, le déluge est d’une telle violence que je ne réussi pas à me rendormir avant un bon moment.
9h : Je suis réveillée par des dizaines de baisers. L’atmosphère dans la pièce est sereine et agréable, l’expression “après la pluie le beau temps” semble se confondre dans notre ambiance matinale. On traîne un peu puis on s’habille pour passer à la boulangerie, puis faire deux trois achats avant de retrouver ma princesse. Les rats ayant élu domicile dans notre maison les filles ont décidé de mettre du raticide durant notre absence. Pour cette raison j’interdis strictement sont accès à Oïkia pour qui seul mon studio reste habitable dans les prochaines 24h. On prépare un moelleux au chocolat, et allons prendre notre petit déjeuner dans le quartier, vue sur le lagon en attendant qu’il cuise. Ensuite le chemin de la plage est engagé pour un dégourdissage de pattes canines.
13h : Notre escapade nous a pris la matinée. Les filles sont à la piscine, on mangera des pâtes pour ce midi et le reste de la journée se perdra dans un élan de fainéantise générale, au gré des rayons du soleil, d’une sieste au bord de l’eau, et même au fond d’un hamac pour certains.
15h : Le soleil est tellement caché par les nuages qu’ils me permettent de ne pas mettre de crème solaire. Je n’aurais même pas de coup de soleil malgré la demi-journée passée sans la moindre protection.
18h : L’épaisse couche de coton se dilue dans un ciel orangé. Théo et moi quittons nos transat pour aller en photographier les couleurs.
19h : La lumière du soir s’est tarie, notre jeu s’éteint avec elle. Je commence à lire “ne le dis à personne” (mon premier thriller) quand Marie et Claire nous rejoignent pour la soirée. On joue au time up, boit un verre ou deux mais restons calmes aussi ce soir.
22h : Un film, et je m’endors déjà.
J 51
10h : J’ouvre un oeil. On prend un petit déjeuner dans le bungalow principal avant de regagner la piscine puis Julianne, son copain et Clarisse nous rejoignent. Ce sont des copines de travail, et justement elles ne tardent pas à rentrer par ce qu’elles sont de garde cette nuit. En plus de ça Clarisse a chuté en scooter et est très algique au niveau de ses chevilles couvertes de brulures. Je serre les dents pour elle, je sais à quel point ce genre de blessures peut être douloureuse.
14h30 : Claire rentre à la maison avant nous pour se coucher aussi avant sa relève de ce soir. Nous on range puis on entame le retour.
16h : On découvre un nouveau jardin tout dégagé, les jardiniers ont bien travaillé ce week end et nous ont enfin rendu un terrain dont les limites sont définissables. Oïkia est toujours aussi sage : aucun pipi, aucun caca, aucune bêtise. Je l’en félicite et m’assure que tous les raticides soient enlevés méticuleusement avant de les jeter dans la poubelle de dehors accompagné du rat retrouvé mort dans notre cuisine.
16h30 : Je profite d’un petit moment de répit pour écrire, ranger, et donner un petit coup de ménage dans mon studio.
18h10 : Je pars avec Claire pour qu’elle me dépose sur son chemin au rond point de Passamainty. Arrivée avant Théo je salue sa colocataire qui m’accueille comme si je faisais partie de la maison et je lis un peu avant son arrivée. Ce soir on est attendus chez Lilou pour un poulet-maroil entre copains. J’y retrouve les infirmières de dialyse rencontrées lors de mes débuts sur cette île. Je fais également la connaissance de Stéphanie, une amie de Théo qui semble beaucoup lui plaire. C’est un charmeur, je m’amuse de la situation au lieu de le piquer avec une jalousie infantile. J’essaie de ne plus m’encombrer de ce genre de sentiments négatifs, ça fait trop mal.
21h45 : Le poulet est bon, la soirée aussi mais on part pas trop tard puisqu’on travail tout les deux tôt demain matin. Pour monter sur la moto, comme à mon habitude je troc short contre jean et tong contre baskets. A deux sur la 400 cm2 de Théo, on est prudents dans les virages, il dépasse une patrouille de police à allure modérée puis accélère sur la rocade : seule ligne droite de notre trajet. J’ai les yeux rivés sur la route, et me dis comme souvent qu’il suffirait d’un faux mouvement de mon conducteur pour nous couter la vie. Théo conduit bien, aucune raison qu’il nous arrive quoi que ce soit, il n’y a même personne sur la route. Je me résonne, me sers à lui et apprécie cette pointe d’adrénaline qui couve au fond de mon ventre.
22h05 : Un amas inerte apparait brutalement devant notre moto lancée à 80 km/h. Le deux roues ne freine pas, je perd pied en un instant. J’entends Théo crier, moi je reste sans voix mais j’ai le sentiment que quelque chose de grave est entrain de se passer. L’instant me paraît long, comme figé, mais les choses vont tellement vite que le temps me glisse entre les doigts sans que je puisse le ralentir. Je me sens projetée dans les airs juste avant de ne plus sentir le contact de mon Théo. Mon corps est comme un pantin inanimé, je ne maitrise plus rien et ne sais même plus où se trouve le sol. Ma tête heurte le goudron dans un second fracas assourdissant. Les bruits autours de moi son calfeutrés. Malgré le brouillard épais dans lequel je me trouve j’entends Théo hurler, ça résonne dans ma tête. J’ouvre les yeux pour le voir venir vers moi. Je crois qu’il va bien, il veut savoir si je suis blessée. Je n’en sais rien. Je crois que je suis sous le choc. Mon corps est en coton, je m’inquiète pour lui. Je le vois courir et disparaitre de mon champ de vision. Ou est ce tu vas ? Reste avec moi. J’ai peur, j’ai froid, j’ai mal, mais je ne sens rien. Tout est flou. J’oubli que je me lève pour me mettre en sécurité sur le bord de la route ; j’ai dû rouler sur une bonne dizaine de mètres pour atterrir là où je suis. Je ne supporte pas d’être assise, je serais mieux couchée sur le coté, comme on m’a appris, là, c’est mieux, j’ai presque sommeil. Le sol est froid, mouillé, il me semble que je suis sur un lit de terre. Théo va bien, je crois, j’espère. J’aimerais qu’il revienne pour en être sure. Un homme apparait devant moi, il a l’air inquiet et bienveillant. Il me donne quelque chose que je prends sans comprendre. Mon casque, je veux enlever mon casque. Le téléphone qu’il vient de me tendre me parle, mais aucun son ne sort de ma bouche pour y répondre. Je crois que l’homme en face de moi ne parle pas ma langue, mais il veut m’aider. Théo est à nouveau a coté de nous, j’espère qu’il va bien. Il boite, mais il parle. Il est blanc comme un linge, je ne sais pas pour quelle raison mais j’ai la trouille qu’il fasse une hémorragie interne. Je ne pense qu’à ça. Il y a du monde autour de moi, mais j’ai l’impression que personne ne prête suffisamment attention à lui. Je vais bien pourtant, c’est fou mais croyez moi. J’ai mal mais je ne sais pas vraiment où. Occupez vous de lui, même s’il joue les forts. Je fini par reconnaitre les personnes qui m’aident : Stéphanie et Jade me parlent depuis quelques instants sans que je ne les ai reconnues. Les policiers qu'on a dépassé il y a quelques instants sont présents également, et les pompiers ne tardent pas à l’être. On ne me laisse pas me lever, je m’impatiente et souhaite enlever ce qui me gène. Après quelques refus je semble claire, quelqu’un accepte de retirer mon casque et m’aide à ôter mes gants. J’ai mal au pouce et mon genou droit a pris un sacré choc mais je pense n’avoir rien de cassé. Les soldats du feu me portent sur un brancard après avoir fixé ma jambe dans une civière puis tentent de me faire monter dans le camion rouge. A cet instant précis je me sens plus seule que jamais. Je suis livrée à moi même et ne pourrais pas me reposer sur mes proches qui se trouvent a des milliers de kilomètres. Je veux ma maman, je veux mon titi, je veux mon chez moi, douillet, sécuritaire et confortable. Les larmes s’échappent de mes paupières et je les cachent avec mon bras gauche, seule main valide.
Le brancard butte à l’entrée des portes battantes, une fois, deux fois, trois fois, huit fois. Faut lâcher l’affaire au bout d’un moment, ça bloque, regarde ce qui cloche au lieu de percuter à chaque fois ! Je passe de l’intense solitude à l’agacement. “Ah, c’est la ceinture qui bloque.” Gros malin. Au même instant j’entends la raison de ma présence sur ce lit : une bête agonise à quelques mètres de nous. Tout devient plus clair, la masse inerte devait être un zébu qui dormait sur la route.
Rapide tour de constante, Théo s’installe sur le fauteuil à coté de moi et je m’en trouve soulagée. Il n’a pas retrouvé ses couleurs et ses yeux sont hagards mais il me tient la main. Le pompier tente de prendre sa tension une bonne dizaine de fois avant que je ne propose de le faire moi même. Dernier essaie réussi, on éclate d’un rire nerveux. Après quelques faux pas l’un des professionnels cherche à faire l’état des lieux de mes maux. J’indique de façon plus précise où se trouvent mes douleurs : aux genoux et au pouce.
- Au pouce ?
- Oui au pouce.
- Au pouce du pied ?
- Non au pouce droit.
- Ah ! Le pouce droit du pied ?
- Non le pouce de la main…
- Le pouce du pied gauche ?
Théo : “Le pouce de la main, là, à droite !” Véritable sketch malgré lui, je montre avec de grands signes au pompier la main qui me pose problème pendant tout ce dialogue de sourd. Le regard de mon ami croise le mien, et nos éclats de rires s’entremêlent.
Je décide de ne pas alerter tout le monde maintenant, je suis encore sous le choc, j’expliquerais les choses de façon plus calme demain matin. Demain matin ! Mais je travaille moi demain matin ! On me fait gentiment comprendre que non, je n’irais pas travailler demain, alors j’appelle la salle de naissance pour prévenir de mon absence. Mon ami prévient ses parents, je lui interdis de prévenir les miens. Ça attendra et ça viendra de moi quand on en saura plus.
Notre arrivée est attendue, nous sommes pris en charge immédiatement par Louis, infirmier urgentiste qui fait un rapide check. Je tremble tellement que mes sursauts pourraient s’apparenter à des convulsions, il m’offre de prendre un ararax, un tramadol et un doliprane. J’évalue ma douleur à 1/10 mais l’adrénaline y joue sans aucun doute. Théo suit une infirmière pour se faire examiner mais à force qu’on nous voit nous inquiéter l’un pour l’autre on nous propose rapidement de l’assoir à mes cotés. Mon ami craque à son tour, je le prends dans mes bras, l’embrasse du bout des lèvres, lui interdit de s’en vouloir et accepte ses excuses inutiles.
23h : Le moment de vérité approche, je ne supporte pas le moindre drap sur mes jambes mais je suis convaincue que rien n’est cassé. J’espère tellement fort que mon pouce n’ai rien que je réussi à m’en convaincre. Le manip’ radio est un ange, d’une douceur rassurante il photographie mes deux genoux et mon pouce avant de m’annoncer ce qui fait recouler mes larmes. Le verdict est sans appel : fracture interphalangienne du pouce. Je suis sage-femme, mes doigts c’est mon outils de travail, les blessures sont ma plus grande hantise. Je réussi à relativiser quand on nous annonce que le dernier accident de ce genre n’a pas eu de fin si chanceuse puisque le conducteur est décédé sur le coup. Le médecin fini de me rassurer quand il m’annonce que la guérison et l’arrêt maladie nécessaire à mon rétablissement ne prendra qu’une dizaine de jour. J’en suis presque contente tellement la nouvelle a été rude. On attend encore quelques instants avant que quelqu’un soit disponible pour nettoyer mes plaies. Quand je dis nettoyer c’est pas juste un coup de bétadine hein, imaginez ma tête quand l’infirmier que j’aimais beaucoup jusqu’ici a sorti la brosse qu’on utilise pour récurer les ongles des chirurgiens avant qu’ils n’opèrent au bloc. En plus d’une détersion en profondeur façon Shining j’ai le droit à un point de couture version coco chanel. Une piqure, 3 points de sutures et un malaise plus tard une petite réunion se déroule dans mon box, les infirmiers ont l’air de bien rigoler avec nous et il n’est jamais trop tôt pour en rire : on se promet de faire un méchoui tous ensemble du zébu achevé par notre course si on réussi à en récupérer la carcasse.
00h30 : Après un atelier art et couture, Ninon (infirmière), Louis et deux autres confrères nous salut chaleureusement après nous avoir donné nos arrêts de travails, résumés d’hospitalisation et certificats d’ITT respectif et nous laissent rentrer. Un peu embêtée de n’avoir personne vers qui vraiment nous tourner, Théo a contacté Jade pour qu’elle vienne nous chercher à la sortie des urgences direction Passamainty.
1h30 : Encore tout énervés de ce qui vient de nous tomber dessus, on s’estime chanceux de s’en retrouver s’y peu amochés alors que toutes les statistiques étaient contre nous. A une vitesse pareille c’est un miracle qu’on soit ici, maintenant, tous les deux, entiers.
2h : Après une douche qui s’apparentait à une mission périlleuse, on s’endort l’un contre l’autre devant une série.
J 52
8h30 : J’ai dormi en pointillé mais bizarrement je n’ai pas cauchemardé comme toutes les dernières nuits. La douleur est vive, je commence par prendre un tramadol avant d’envisager de poser un pied à terre. J’insiste pour aller acheter le petit dej avec Théo mais le simple trajet lit - salle de bain m’arrache des cris de douleurs. Je me rends à l’évidence : pas de folies pour moi. Je reste au lit et j’en profite pour donner des nouvelles a tous les inquiets.
10h : Théo m’a acheté un gros paquet de bonbons. Il me connait bien ! Touchée par l’attention je mange un biscuit ou deux avant d’être rassasiée.
11h30 : Direction l’hôpital : j’ai appelé mes cadres pour connaître la démarche à suivre en cas d’arrêt. Selon la secrétaire il faut que je vienne déposer mon arrêt maladie. Pas super intelligent comme démarche mais je m’exécute. Géraldine (la coloc de Théo) nous emmène. On se sépare à l’entrée de l’hôpital pour nos démarches respectives : à mon entrée boitillante dans le bureau des cadres l’une d’entre elles me signifie “Ah mais c’était pas la peine de venir !”. Merci la secrétaire, mon genou s’en souviendra. J’apprécie cependant leur prévenance, elles vont même jusque refuser ma proposition (mon imploration serait plus juste) de revenir avant la fin de mon arrêt.
12h : Je passe prendre du tramadol en suites de couches puis retrouve Théo dehors avant que nous ne nous dirigions vers le commissariat pour porter plainte. Après m’être renseignée au près de mon avocat (Maître Minier) je peux porter plainte pour “blessures involontaires ayant entrainées un ITT de moins de 3 mois”. Ça a du bon d’avoir un frère avocat.
Une fois présentés à l’accueil on attend une plombe. J’en profite pour appeler le vétérinaire afin de tenter d’avoir plus d’informations sur le propriétaire de la bête responsable de tout ce bazar. C’est un coup dur quand celui-ci m’apprend que le zébu en question n’était pas identifié. Heureusement ce n’était pas le seul animal à nous avoir mis en danger : pas moins de quatre déambulaient non attachés sur la chaussée. L’un d’entre eux - fort probablement la mère de celui que nous avons percuté - avait des bagues aux oreilles, on l’a même prise en photo hier soir ! Après vérification les numéros sont illisibles. Première piste abandonnée, je suis dépitée. Je ne veux pas qu’il s’en sorte comme ça, on a eu tellement de chance, mais ça aurai pu être si dramatique.
15h30 : Ma plainte est reçue mais celle de Théo ne le sera pas aujourd’hui puisque l’homme qui se trouve en face de nous “a bientôt fini son service”. D’ailleurs il ne sera pas présent les deux prochains jours, alors la suite de nos démarches devra attendre jeudi.
15h45 : Retour au bercail, la journée a été éreintante pour nous deux, on s’endort pour une sieste imprévue.
18h30 : Les filles sont déjà là. On se réveille à la suite d’un de leurs messages. Marie, Claire et Agnès viennent à notre rescousse pour une hospitalisation à domicile chez les deux premières. Elles sont inquiètes et nous serrent dans leurs petits bras comme pour s’imprégner de nous. Les étreintes finies, les premiers récits sont débutées pendant qu’on passe chercher mes chaussures (dans un sale état, sans elles je n’aurais plus de pied droit) chez Jade et qu’on dépose la première tournée chez les filles. Marie et moi on passe à Iloni chercher ma pepette et mes affaires. A la maison Claire et Andréa m’embrassent, mi-inquiètes mi-rassurées.
20h30 : Le diner est déjà arrivé. Pizza pour ce soir. L’heure de la douche arrive mais je ne suis pas bien vaillante. Le moindre mouvement m’arrache une grimace (ci ce n’est un grognement), et les petites manipulations de pansement m’ont déjà values quelques malaises. On préfère en rire qu’en pleurer alors on se dit qu’à l’hospice on sera pareil. Et évidement comme j’insiste pour prendre une douche une chaise est installée dans la douche. Je m’en débarrasse pour plus de confort mais la tête me tourne déjà. Marie me porte assistance pour finir des gestes aussi simples que ceux-là, et me sèche, comme une enfant. Heureusement qu’on a des amis parfois.
21h30 : Il est temps de faire les pansements, je m’allonge pour éviter tout réflexe vagal, et prend sur moi. Je serre les dents, la tête me tourne. Putain de fragilité. Il est temps de dormir, incapable de plier ma jambe je me jette presque en arrière pour adopter la position convenue sur un matelas au sol. Et m’endors en seulement quelques instants, Théo à ma gauche, Marie et Agnès dans le lit, et ma princesse à quelques centimètres de ma tête.
J 53
9h : Foutus rotophiles. Ils tournent à plein régime depuis 6h ce matin et m’ont bien réveillée 4 ou 5 fois. Je fini par me lever, après avoir eu l’impression d’avoir dormi 15 heures mais de ne pas être reposée. Je commence par me hisser avec peine en bas des escaliers pour ouvrir la porte à ma louve qui s’impatiente. Ensuite je prends plusieurs minutes à répondre aux messages dans le but de rassurer tout le monde. Les autres se lèvent et Marie sort pour acheter de quoi faire un bon petit déjeuner. Je vais dévorer la moitié d’un pain-au-chocolat et l’autre moitié d’un croissant avant de tomber de fatigue. Il est à peine 11h et je lutte déjà pour garder les yeux ouverts.
11h15 : Je contacte la DAS (Déchets d’Activité de Soin des vétérinaires), et finis par m’écouter en m’écroulant quelques instants plus tard sur le lit.
13h15 : La sieste est finie. On a encore des histoires de papier à régler. On tente d’y comprendre quelque chose, on s’arrache les cheveux avec l’assurance, l’expert, les factures, la fourrière, le vétérinaire… Rien n’est fait pour nous faciliter la tâche.
15h15 : On s’octroie un petit temps de pause en attendant Mélanie (une amie de Théo) qui doit passer nous prendre après son travail. Elle est préparatrice en pharmacie et aura du retard par ce qu’elle doit gérer la préparation de deux cents vaccins covid aujourd’hui.
15h45 : On part à l’autre bout de Mamoudzou direction le garage Tecma à Kawéni. Il ferme ses portes à 16h45, connaissant la circulation de la circonscription on se dépêche et on croise les doigts pour arriver a temps.
16h25 : Le garage est fermé. On y a amené tous nos équipements de moto ainsi que leurs factures (que j’avais gardé pour une fois !) pour l’expertise mais la porte est close. Visiblement les horaires “Covid” ne sont pas les mêmes mais ils ne leur est pas venu à l’idée de l’indiquer quelque part, ni par téléphone aux personnes qui doivent venir. Par chance le patron n’est pas encore parti et nous ouvre la porte de service. Il nous informe qu’il va de notre responsabilité de joindre l’expert pour le presser, sauf que malgré nos appels répétés nous ne réussissons pas à le joindre depuis ce matin. L’homme refuse la demande de Théo de voir sa moto, ça devra attendre, mais selon lui elle n’est peut être pas bonne à jeter. Sauf si la fourche est tordue. A votre avis un choc frontale à 80km/h dans un poids mort ça tort la fourche ? Il nous reste peu d’espoir mais heureusement l’assurance était tout risques.
16h35 : On part à la chasse aux zébus bien décidés à identifier la mère du veau qu’on a malencontreusement zigouillé afin de mettre la main sur le propriétaire. On sait à quoi elle ressemble et qu’elle est baguée, la photo est de trop mauvaise qualité pour lire la bague de son oreille mais la police a noté les quatre chiffres sur le procès verbal. Sans le savoir ils nous ont donné les informations nécessaires à notre enquête, qu’on devra mener à leur place visiblement. On s’arrête prudemment le plus au bord possible de la rocade. Je suis dans l’incapacité de gambader alors je resterais dans la voiture mais Mélanie monte sur un perchoir et Théo va faire le tour des bestiaux. Si le propriétaire n’est pas trop bête il devrait avoir bougé ses bêtes mais on garde espoir, visiblement l’intelligence n’est pas son premier trait de caractère. Par chance on identifie ce qu’on pense être la mère mais ce fils de p*** a retiré les bagues de l’animal. Pas si con que ça visiblement. On rentre en rogne, j’ai envi que cet inconscient soit puni pour ce qui aurait pu nous couter la vie à tous les deux. Dernier arrêt à la pharmacie pour changer l’attelle de mon pouce, effectivement celle-ci m’empêche de le bouger mais pas de le plier. Sauf que c’est la première phalange qui est cassé, donc ce type d’attache ne sert strictement à rien.
17h30 : La pharmacie a fermé il y a une demi heure. Bande de branleurs. On s’avachie épuisés devant une série et un peu d’écriture en attendant le soir. J’ai besoin de mettre des mots sur mon accident alors je le couche sur le papier et propose à Théo de lui en lire l’extrait. Il refuse. Je sais qu’il aime entendre mes récits, et il m’a avoué plus tôt dans la journée qu’il n’avait pas d’appréhension à remonter sur une moto, pourtant il semble éprouvé à l’idée de me lire ou de l’entendre. J’ai peut être tendance à en parler beaucoup, lui beaucoup moins. Il se peut que je prenne trop de place, il faut que je fasse attention, comme je suis plus blessée physiquement on me donne plus la parole, mais lui aussi dois être sous le choc même s’il choisit de ne pas le montrer.
18h30 : L’assurance nous appelle pour avoir le récit des faits. La personne à l’autre bout du fil est compatissante, elle nous souhaite un bon rétablissement après nous avoir annoncé qu’ils prendraient tous mes soins en charge.
19h : Agnès et sa coloc débarquent au QG des makis pour une soirée raclette, je mange sans grande conviction en faisant la connaissance de Géraldine, il faut reprendre des forces.
21h : Le dîner touche à sa fin, c’est l’heure de la douche et des soins. Agnès est chargé de la désinfection mais l’eau seule m’a déjà mis les genoux à vif. La douleur est lancinante, la première compresse effleure à peine une des plaies et je saute déjà au plafond. Je craque, je ne supporte plus, ne veux plus qu’on me touche, je suis fatiguée. Je peine à contenir mes larmes, ça déborde. Je m’énerve de craquer pour si peu, mes plaies sont superficielles et j’ai eu beaucoup de chance, je n’ai vraiment pas à me plaindre.
21h30 : Théo est distant depuis tout à l’heure. Depuis l’accident il semble en colère, je tente un rapprochement puis baise les bras. Je ne vais pas l’embêter, on a tous les deux nos humeurs et je ne peux pas lui en vouloir. Je décide d’aller me coucher, ça ira mieux demain.
21h45 : Quelques instants plus tard le voilà qui se colle a moi. Il m’avoue être en colère contre lui même. En colère de me voir avoir mal. Quelques baisers pour la déculpabilité mutuelle et on s’endort déjà.
J 54
6h : Après plusieurs retournements dans le lit, une nuit en pointillée, et des makis qui font du boucan en sautant sur les toits, Oïkia me lèche la truffe pour me faire comprendre qu’elle aimerait bien se lever. Le jour commence à peine à se lever, les rayons du soleil sont encore timides mais j’abdique, de toute façon je suis trop mal à l’aise dans le lit.
Je descends les escaliers avec moins de peine qu’hier, puis fais quelques pas avec elle le temps qu’elle fasse ses besoins. C’est une chance, la résidence est entourée de jardin, grâce à ça je peux participer aux sorties de ma poupette, et ses taties sont ravies de se charger des grandes balades. Je discute avec Claire, qui vient de se lever pour partir au travail, pendant qu’elle déjeune. J’avale un café au lait le temps qu’elle parte et vous écris quelques mots. J’ai besoin d’écrire, c’est comme un exutoire, faute de pouvoir faire du sport, le corps abimé, je lâche tout sur mon clavier. Oïkia s’est apaisée, elle qui transpirait l’inquiétude en arrivant dans notre résidence d’hospitalisation elle semble bien plus sereine ce matin. Elle doit commencer à s’habituer au lieu et sentir que je vais mieux. C’est fou tout ce qu’elles comprennent ces bêtes là. J’ai beaucoup de retard dans mes récits mais voyons le coté positif des choses, je vais avoir tout mon temps pour le faire et les prochains jours ne vont pas être passionnants, ils seront donc vite racontés. Je suis fatiguée, mais je sens bien que je ne dormirais pas plus pour l’instant, de toute façon je suis constamment fatiguée ces derniers jours, selon Théo c’est mon corps qui met toute son énergie à ma guérison. Comme si j’étais une grande blessée… Pas de quoi en faire un fromage je n’ai qu’un pouce cassé et un genoux en vrac, on a vu mieux comme blessure de bikeuse. J’aimerais que ma petite maman soit là, pour prendre soin de moi comme elle sait si bien le faire. Et je sais que ça lui coute d’être loin de moi.
6h50 : Claire part au travail, je fais un brin de ménage pour tenter de me faire pardonner de la tonne de poil qu’Oïkia perd depuis notre arrivée. C’est assez sommaire mais ça fera l’affaire. Je me remet devant mon clavier en attendant la levée de mes deux endormis pour déjeuner avec eux.
8h30 : Mon prince au bois dormant est réveillé. On déjeune tous ensemble puis je me remets à mon écriture pendant que l’un lit et que Marie s’occupe d’aller jusqu’à la poste envoyer nos arrêts maladies, et à la pharmacie changer mon attelle. Mon pouce n’est pas beau à voir mais j’ai le plaisir de constater que je peux le bouger sans une douleur extrême. Le pied de Théo a doublé de volume, je l’oblige à y appliquer de la glace et il me gronde d’enlever mon attelle. Je crois que c’est notre façon de prendre soin l’un de l’autre. J’écris à une vitesse d’une lenteur difficilement soutenable, mais on s’occupe comme on peut, allongés tous les deux comme deux handicapés dans le lit là haut. Marie nous a laissé là, le temps de gérer l’intendance.
12h30 : 2-3 parts des restes de pizza feront l’affaire. Je tombe à nouveau de fatigue et vais me coucher, de toute façon je n’ai rien de mieux à faire.
14h15 : La sonnerie de mon téléphone m’extirpe de mes songes. La D.A.S à l’autre bout du fil m’apprend une bonne nouvelle : les 4 chiffres du zébu ont réussis à identifier 3 propriétaires potentiels. Un seul peut correspondre à notre heureux élu. Il habite à M’Tsapéré (lieu de notre accident) et détient plusieurs bêtes encore aujourd’hui. Je note consciencieusement nom, prénom, adresse et numéro de téléphone puis descends pour annoncer la bonne nouvelle. Théo en a bien besoin, il vient de raccrocher d’un appel avec l’expert : en cause du covid il ne se déplacera pas pour l’expertise. C’est soit nous qui nous déplaçons pour faire les photos nécessaires à l’expertise à distance, soit après le confinement. Etant donné qu’on va être prolongés pour au moins 2 semaines supplémentaires le choix ne s’offrent pas vraiment à nous.
15h30 : Manon, Amanda, Chantal, et Jeff (des copains de laboratoire) viennent nous rendre visite. On fait connaissance, et nos échanges s’accompagnent d’un rhum arrangé offert par Manon. L’après-midi passe vite, chaque profil est différent, passant de Chantal, mère de famille quinquagénaire à Jeff, pas même trentenaire et finlandais. On refait le monde jusqu’à ce que le soir pointe le bout de son nez.
19h : Marie et Claire rentrent à tour de rôle et sortent chacune leur tour une Oïkia ravie de l’aubaine : deux taties et deux fois plus de balade.
20h30 : On mange tous les quatre les restes d’hier soir avant de filer au lit.
J 55
6h15 : Marie est déjà levée depuis un petit quart d’heure. Elle nous dépose à l’hôpital, il ne faut pas trainer. On charge la voiture après une caresse à ma louve qui restera là pour quelques jours. Je ne peux pas l’emmener chez Théo à cause de ses propriétaires et je ne veux pas m’imposer plus longtemps chez nos amies. Je devais rentrer à la maison dès aujourd’hui pour l’anniversaire d’Andréa mais Louise m’a annoncé hier soir qu’elle était positive au covid, et vu son test elle est sacrément contagieuse. Dans mon état ça ne serait pas intelligent de rentrer tout de suite, autant rester loin d’une possible contamination et de l’énergie supplémentaire qu’elle me couterait.
7h05 : On commence par faire un passage par le labo pour imprimer nos preuves. Tels deux agents d’NCIS on monte notre dossier pour qu’il soit solide puis on file au commissariat pour un complément de plainte.
8h45 : De nouveau installés dans le fauteuil se trouvant en face du brigadier en chef on apporte les compléments d’informations nécessaires à la mise en cause du propriétaire de zébu. On porte également plainte contre la mairie qui est responsable de la divagation des animaux sur la voie publique mais à chaque nouveau mot une nouvelle faute d’orthographe. De cette façon le zébu n’a pas été “euthanasié” mais “états-nazié” selon le brigadier qui a déjà écrit juste avant “animeau”. Aïe.
11h : Théo a déposé sa plainte également et avec une personne qui tape à deux doigts sur son clavier forcément ça prends du temps. On descend (avec peine pour ma part) jusqu’à barge en deux fois le temps habituelle avec nos jambes folles puis on penche pour du stop. Un taxi nous amène à destination. On règle notre dû de 3 euros puis se dirige vers l’intérieur du garage pour faire des photos de la moto. Le réservoir est quasi inexistant, le phare a épousé la forme du guidon, la poignée de frein et les rétroviseurs on été arrachés mais l’arrière de la moto semble presque normal. Etonnant après une telle chute. On photographie également nos équipements ainsi que leurs factures puis on rentre à la maison grâce au même processus qu’à l’allée.
12h15 : 6€40 plus tard on fais quelques courses au Sodifram du bout de la rue avant de rentrer préparer une tarte au thon pour le repas de ce midi. Théo est occupé à autre chose alors je gère la préparation puis m’endors éreintée le temps qu’elle cuise.
15h : J’ai faim. Il parait que c’est une bonne maladie, il est temps de manger alors je me réveille pour remplir mon estomac. Le reste de l’après-midi se confond en lecture / écriture / film. Je m’impatiente : rester immobile et inutile de la sorte je n’y suis plus habituée. Ça fait seulement 4 jours qui m’ont parus une éternité. Ma prochaine garde n’arrive pas avant 12 jours j’en suis malade d’avance. Théo me rappelle à l’ordre, il va falloir que je prenne mon mal en patience et que je bouge le moins possible si je veux guérir rapidement. Je boude comme une enfant, et tente de perdre mon temps dans les mots.
20h : Encore manger. Encore écrire. Encore dormir.
J 56
11h30 : Des mois que je n’avais pas fais une grasse matinée pareille. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il peut bien être mais le jour semble s’être levé depuis un moment.
12h : J’enfile une robe pour aller acheter une brique de lait en bas de la rue puis on petit déjeune devant Pékin Express. Je rêve d’y participer et envie les personnes que je vois à la télé.
13h30 : Ecriture pour moi, lecture pour Théo, notre programme ne va pas être bien varié pendant les 2 semaine qui nous attendent. Au moins il a la chance de reprendre le travail lundi lui.
J 57
8h30 : Je sens Théo quitter le lit. Il va chercher la voiture de location qu’il a réservé hier. Malgré son assurance tout risque un véhicule de remplacement n’est pris en charge qu’en cas d’automobile, pas pour les motos. Résultat des courses il se trouve sans moyen de transport pour un bon moment et doit tout de même trouver une solution pour se rendre au travail. S’ajoute à ça la fin de sa colocation qui tombe à pic : Géraldine (seule sur le bail) a décidé d’écourter son contrat pour rentrer en métropole. Elle met donc tout le monde dehors un mois avant la date prévue. Vachement pratique avec ce qui vient de nous arriver tiens. Coup de chance Théo a trouvé une colocation pour deux mois à Majicavo hier soir ! Piscine, jacuzzi, terrasse, en plus ce sont des copains à lui, c’est parfait.
9h : J’écris pour attendre son retour, on déjeunera ensemble avant d’aller retrouver ma boule de poil qui me manque beaucoup.
10h : Avec une nouvelle voiture de location pas si nouvelle que ça, Théo rentre avant qu’on ne se mette au travail. Un peu mis sur le fait accompli il doit gérer son déménagement en deux jours et avec une jambe en moins. L’avantage c’est qu’en location plus la voiture est naze moins on a de chance de l’abimer. Ca tombe bien on la remplie déjà d’un bon nombre d’affaires avant de partir pour un premier voyage. Il déposera ses affaires chez moi le temps de pouvoir retomber sur ses pieds.
11h : On passe récupérer Oïkia et prendre Marie pour la déposer au Baobab.
11h45 : De retour à la maison Claire et Louise sont en garde pour la journée, on retrouve alors Andréa et Alice fraichement réveillées. Les récits sont faits, ça me fait du bien de rentrer chez moi.
15h : Théo est fatigué, il s’endort dans mon lit pendant que je téléphone à ma petite maman, il est temps de tout lui raconter aussi. Je prends une petite demi heure pour mon récit puis regagne mon lit pour une petite sieste.
17h : Heureusement que j’ai mis un réveil, on était bien partis pour la nuit. Je file prendre une douche puis me fait jolie pour une première soirée depuis bien longtemps. Le thème de la soirée de départ de Lilou est “en rouge et noir” alors j’enfile une robe puisqu”on ne se trompe jamais avec une petite robe noire”, et applique mon plus beau rouge à lèvre. Théo est sous le charme, lui qui soutenais “me préférer au naturel” n’en a plus l’air si convaincu.
17h45 : On décolle d’Iloni direction Passamainty pour vendre quelques affaires.
19h : Le lave-linge est vendu. L’interlocutrice toute mignonne du téléphone est sorti de sa voiture accompagnée de 3 golgoths qui ont porté la machine à laver comme une vulgaire table pour la mettre dans le coffre de leur voiture. Faute de quoi faire à manger on englouti une soupe chinoise avant de se mettre en route pour l’évènement de la semaine (du mois !).
19h45 : On avait rien de mieux à faire alors on est venu un peu tôt. Plus tôt que tous les invités d’ailleurs, même Lilou n’est pas encore là. La soirée ne se déroule pas chez elle comme prévu puisqu’une de ses colocataires s’est déclarée Covid +.
20h30 : Les premiers invités commence à arriver et Antoine, grand idiot chauve se permet une réflexion sans même m’avoir dit bonjour. En voyant mes genoux il me gratifie d’un “Encore une qui a fait connaissance avec les scooter à Mayotte”. Connard. En effet les accidents de deux roues et les nouvelles conductrices sont nombreux ici, mais évite de m’étouffer de ce genre de réflexion avec ta fierté de mâle dominant. Je le remet à sa place comme il faut et détourne mon attention de ce genre d’individu. J’apprends à connaître Amanda, puis Stéphanie, et visiblement un jeu de séduction apparaît. Théo n’en perd pas une miette et je fini par déceler la jalousie derrière son comportement. Pour me faire pardonner (ou pas) je le bas à plat de couture à deux reprises au bière pong. Et tout ça avec un pouce cassé ! Lors de la première partie c’est même moi qui marque la totalité des points au grand damne de mon binôme.
1h : Le gang des makis sauvages (Marie, Claire et Agnès, la Guyane quoi!) s’en va, pour nous la soirée continue.
3h : C’est notre tour de rentrer. Après avoir salué tout le monde, on prend la direction de la voiture pour dormir à Passamainty. Une remarque d’un ton qui se veut provocateur fuse du Duster stationné devant la fête. Avant que je n’ai eu le temps de le retenir ça ne loupe pas et Théo réplique : “ Répète pour voir ?”. Loupé. 3 bouledogues sortent du véhicule sans se faire prier, toutes dents dehors. “POLICE” est écrit en gros sur leurs brassards et polo, l’un deux porte la main à la ceinture, l’autre tien déjà ses menottes. Ma voix se veut douce pour calmer tout le monde. J’explique rapidement : “il a pensé que vous me manquiez de respect et à voulu prendre ma défense”. Je connais les loustics, ce genre de mec défend sa nana et son honneur coute que coute, ils comprendront. Ils comprennent effectivement, et nous laisse partir après un rapide contrôle de papiers. A cet instant Thomas sors de chez lui pour monter sur son scooter. Pas conscient du tout des personnes entrain de l’observer il trébuche complètement ivre et manque de faire tomber son scooter sur une autre moto. Théo lui fait signe discrètement d’arrêter ses bêtises et de rentrer tout de suite. Le pire est évité, les policiers n’ont pas envi de s’embêter puisqu’ils partent déjà devant nous, sans verbaliser la vingtaine de personne bravant le confinement, en plein tapage nocturne et consommant de l’alcool. Ils ne font même pas souffler Théo qui prend le volant pour nous ramener (pas d’inquiétude il est sobre de toute façon, et n’aurait pas pris le volant sinon.). De retour à la maison, on s’endort sans plus attendre.
J 58
8h30 : Théo se lève pour nettoyer son frigo avant de pouvoir le vendre également. Je propose mon aide qu’il décline, puis me rendors sans me faire prier.
10h : Vendu. Je me lève pour la suite du déménagement, donne un coup de pouce puis charge la voiture du reste de ses affaires avant de prendre la route d’Iloni.
13h : La maison est vide, les filles ne sont pas rentrées de leur soirée dans le sud de l’île. Je descend dans mon studio récupérer Oïkia pendant que Théo ouvre à Souafi la porte des toilettes dans lesquelles les filles l’ont laissé pour la nuit (la maison étant trop grande pour un si petite bête).
13h05 : Je retrouve Théo tout paniqué avec notre nouveau chaton frigorifié et trempé des pattes à la truffe. Cet aventurier a voulu jouer les cascadeurs et a été retrouvé au fond des toilettes. J’ordonne à son sauveur d’enlever son t-shirt pour faire du peau à peau et installe les deux p’tits mâles dans le canapé pendant que je me charge du repas. Elle est pas belle la vie ? 20 minutes plus tard je reviens chargé d’un plat de pâte carbo et retrouve la petite boule de poil endormie dans le cou de Théo.
14h : Ma louve ne semble plus avoir peur de cette petite chose, une nouvelle amitié pointe le bout de son nez.
19h : Après une grosse sieste, bien fatigués de la veille on part pour rejoindre la nouvelle colocation de Majacavo. Invités pour l’apéro je vais faire la connaissance des copains qui accueillent Théo pour les deux prochains mois.
19h45 : A l’opposé de Mamoudzou je rencontre Gaëlle (Sage-femme), Tom, Marine, Thérence, et Corentin infirmiers respectivement au bloc chirurgical, chirurgie, et urgences autour d’un rôti de boeuf et d’une mousse au chocolat.
22h : Après le repas Marine propose gentiment de jeter un oeil à mes plaies, comme elle est en chirurgie et qu’à chaque infirmière son conseil je ne sais plus à quoi m’en tenir. Finalement les 4 infirmiers s’y penchent et l’avis général n’est pas bon : ici avec le climat les collections infectieuses ne sont pas rares, ils parlent de me mettre sous antibiotiques “pour être surs”. Je refuse, on attendra quelques jours pour voir comment ça évolue.
22h30 : Tout le monde est ko, chacun dans son lit. Nous avons la seule chambre de la maison avec une salle de bain, mais également la seule à manquer de clim.
J 59
? : Je sens Théo s’agiter, il a froid, se lève, fait tomber une ampoule qui se brise en mille morceau. Dans un demi sommeil j’entends un animal hurler. Il n’a pas l’air si loin mais la forêt est proche, j’espère qu’il n’est pas blessé.
Beaucoup trop tôt : Il fait un sacré raffut et les chiens avoisinants l’accompagnent d’aboiement. J’espère que ce n’est pas comme ça toutes les nuits.
6h30 : “Merde”. Théo vient de se réveillé en retard, il s’est rendormi contre moi et va être en retard pour sa reprise. Je me rendors.
9h : Premier réveil.
10h : Deuxième.
10h20 : Troisième, aller debout. Je voulais pas être dans les pattes des autres colocataires mais il faut se lever quand même. Je regagne la terrasse inondée de soleil et me sens tout à coup privilégiée. Le cadre est splendide mais à quelques mètres seulement on peut apercevoir les bidons villes. Je rencontre un petit intrus : certainement l’auteur des appels de cette nuit. Un petit chiot me regarde, oreilles tombantes, tête penchée sur le coté, taché de marron et de blanc, innocence incarnée. Je craque instantanément et lui pardonne ma nuit agitée. Maude me narre son récit pendant que je déjeune et j’apprends que ce petit a été repêché en contre bas par les 3 garçons de la coloc. Il hurlait et est monté dans le hamac à l’aide de bouts de pâtés avant d’être hélitreuillé sur notre terrasse. Cette petite boule de tendresse ne semble pas en être à son premier rapport avec l’humain, il n’a pas peur de nous et ne semble pas avoir été maltraité c’est déjà ça. Pas contre il est négligé et gagne une toilette 8 mains pour son arrivée. On enlève la tique qu’il a sur la nuque, et les puces qu’il a partout sur le corps grâce à un bon shampoing. Vagabond se laisse faire même s’il n’a pas l’air très confiant.
12h : 5 minutes après un grand soleil le déluge se fait entendre. J’écris à coté de mon compagnon de la matinée.
14h30 : Théo rentre du travail. On mange un bout puis nous partons pour notre programme de la journée. D’abord quelques courses pour l’aider à s’installer dans son nouveau chez-lui temporaire, puis un tour chez l’opticien pour de nouvelles lunettes de beau-gosse (un enfant !), ensuite un passage par son ancien appartement pour récupérer son matelas, et enfin nous prenons la route de Combani pour la visite d’une moto. Bien que ça soit la sienne qui soit HS les évènements récents m’ont fait réfléchir, je n’ai pas confiance en ma moto et préfère en prendre une plus sûre, avec une bonne assurance.
17h30 : La moto est bien, en bonne état (hormis un rétro cassé que je remplacerais), et récente (2019) pour un prix très intéressant (2200€). Le propriétaire est déjà parti et ses voisins, qui s’occupent de la vente, sont aussi pressés que lui de s’en débarrasser. Petit hic : la moto ne démarre pas. Elle n’a pas servi depuis quelques mois, la batterie a l’air HS. Je leur fais tout de même savoir mon interêt et reste disponible quand ils auront réglé le problème pour revenir la voir.
18h45 : Théo me dépose à la maison avant de rentrer chez lui. On ne s’est pas séparés depuis plus de 10 jours et n’avons pas passé une nuit séparée depuis l’accident. J’ai beau ne pas vouloir l’admettre je m’y attache à cette belle gueule. Il m’embrasse, me fais son fameux sourire et puis s’en va.
19h : Alice est de garde cette nuit mais le reste de la colonie est conviée chez Yann notre voisin. On embarque un paquet de chips, des noix de cajous, et un gâteau au citron avant d’aller frapper à la porte d’à coté. Après un apéro et une moussaka revisitée on s’installe devant le thème de la soirée (que je déteste par dessus tout) : un film d’horreur. Je n’ai pas passé de temps avec les filles depuis un moment, alors je rattrape le temps perdu en m’infligeant “the cercle”.
21h30 : On se love dans les fauteuils et canapés, se cache derrière les coussins, on rit de la débilité des dialogues et scénarii, du mauvais jeu des acteurs, et Yann s’amuse à nous faire peur comme a des enfants de 8 ans.
23h30 : Même pas peur. Je regagne mon lit pour une première nuit toute seule depuis presque 2 semaines.
J 60
9h45 : Je me lève et commence à déjeuner quand Claire profite du fait qu’on soient seules pour engager la conversation. Elle s’excuse d’avoir été maladroite avec certains messages et tente de briser la glace qui s’est formée depuis mon départ de la maison. J’apprécie le geste et la rassure, je suis bien dans cette colocation. Quelques maladresses ne vont pas tout gâcher si vite. En effet le soir du drame, à l’annonce de ce qui venait de se passer elle avait répondu rapidement avant d’ajouter “Oïkia a fait pipi et caca dans la maison, ça devient difficile à gérer”. Ne comprenant pas l’urgence de la situation ni le terme “difficile” je m’en suis un peu offusquée. Ma louve a fait ça pour la nouvelle arrivée du chaton dans notre maison, rien de bien surprenant même si elle est propre.
11h : Je profite de mon temps libre pour ranger, faire du ménage, échanger mon matelas avec celui qu’à déposé Théo hier, et trier quelques papiers.
12h30 : Repas en compagnie d’Andréa et Louise, Claire étant occupée à sa formation et Alice dormant encore.
13h : Claire se forme en naturopathie. Elle met à profit son arrêt de contrat pour élargir ses connaissance et tenter de mettre le doigt sur ce qui lui plairait pour la suite. Pour le reste de la journée je ne suis pas très efficace puisque je n’ai rien de bien urgent à faire.
16h : J’entend une voix d’homme dans l’entrée. A la place à laquelle je me trouve je ne peux pas le voir mais je sais déjà qui se présente. Théo apparait souriant, il est venu m’apporter une attelle efficace soucieux d’une guérison optimale. Il repart presque aussitôt, attendu pour son état des lieux.
19h30 : Je prépare le repas pendant que les filles sont au téléphone avec la métropole. Petits pains au four, oignons émincés, tomates coupées, fromage fondus et steak poêlés, oui oui nous mangeons des burgers. Avec une moutarde au miel ça sera parfait, mais pour la salade on repassera, elle est toujours portée disparue en ce moment sur l’île. Tout comme la crème fraîche que j’ai fini par dégoter à 9 euros les 2 pots de 33 cl. On mange toutes ensemble puis on s’installe pour une autre soirée film dans nos canapés cette fois. Notre choix se porte sur “l’amour dure 3 ans”.
23h30 : Au dodo !
J 61
9h45 : Je n’ai pas la moindre idée de l’heure qu’il est. De toute façon c’est pas comme si j’avais un programme chargé aujourd’hui. Je regagne la maison pour un petit déjeuner et une matinée peu productive.
12h : On mange sans Claire, toujours occupée à sa formation, du riz au lait de coco, du poisson et des petits légumes avant qu’elles ne partent toutes dans le sud de l’île pour profiter de ce grand soleil et de la plage. Il ne serait pas responsable de ma part d’y aller. L’eau, le soleil et le sable sont les pires ennemis de mes plaies. En plus de ça j’ai encore quelques difficultés avec les escaliers, alors le chemin sinueux et escarpé descendant jusqu’à la plage serait un enfer.
13h : Elles ont même embarqué ma fille. J’écris pour oublier ma solitude, pas si solitaire que ça puisque Soifi dort dans mon cou.
16h : Après une après-midi d’écriture dans la moiteur de mon salon je m’active pour une douche peu rafraichissante avant d’aller tendre mon pouce au bord de la route.
16h30 : Faute de pouvoir conduire ma moto et n’ayant pas de voiture je prends mes dispositions pour rejoindre les copains. Mon taser dans la main je lève le pouce pour tenter d’arrêter un véhicule en direction de Mamoudzou. Après quelques courtes minutes je trouve mon bonheur, l’homme s’arrête, m’apostrophe d’un “Mamoudzou ?” auquel je répond “Passamainty”. Il acquiesce, et voilà notre seul échange de covoiturage. Il me dépose à l’entrée du village, je prends quelques minutes supplémentaires pour attraper un taxi au vol, qui m’amènera de l’autre coté de l’agglomération.
17h : Claire et Théo se sont déjà retrouvés et ont l’air bien en forme. On confectionne un gâteau si tôt englouti puis on traine en attendant le retour de Marie.
19h : Celle-ci rentre du travail, on commande des sushis d’une qualité douteuse et portons notre dévolu sur le dessin-animé “Soul” qui fera l’unanimité pour la soirée. Un paquet de bonbon, des copains, deux canapés et la soirée est garantie. On retombe en enfance pour plusieurs dizaines de minutes, captivés et convaincus par cette nouveauté Pixar.
23h : Sans excès les filles se couchent chacune dans leur chambre après un brossage de dent collectif. Théo et moi dans la chambre d’amis, comme chez nous quoi.
J 62
10h : Il fait chaud. La fournaise de la pièce exposée plein soleil me réveille en m’assommant. Marie est une lève tôt mais ce matin elle se réveille en même temps que moi. On petit déjeune toutes les deux alors qu’elle me raconte un peu plus de sa vie. Elle fait partie de ce genre de personne qui ne semble jamais être à court de ressources. J’apprends qu’elle parle allemand couramment et qu’elle a fait du piano à haut niveau. Elle me parle de sa tournée au canada et des cours qu’elle a donné. Du chant qu’elle a fait, de la photographie qu’elle fait encore. Et de la peinture aussi. Quelques choco-princes dans l’estomac j’entame la route du retour - toujours en stop -. Je croise Clarisse au coin de la rue, elle rentre du travail à cet instant et je sens qu’elle a une petite mine. Elle déballe vite ce qu’elle a sur le coeur et me confie sa nuit.
11h30 : A peine rentrée de garde de nuit elle en a encore gros sur le coeur. J’accueille ses tourments comme si c’était les miens et ne peux que les comprendre. Un petit bout est mort hier soir, c’est la première fois pour elle, ça ne m’est jamais arrivé à moi. Elle semble voir mes blessures après une quinzaine de minutes de discussion et s’excuse de ne pas s’en être inquiétée avant : moi je vais bien, je la rassure, et lui enverrais un petit message une fois à la maison pour lui dire qu’après ses quelques heures de sommeil rudimentaires appréciées elle pourrait m’appeler en cas de besoin.
11h45 : Je reprends la route et croise une deuxième sage-femme. Marie (de Montpellier) me dépose à l’entrée de Passamainty en faisant un petit détour pour m’arranger. Je la remercie, et continue mon chemin. Quelques voitures passent, l’une d’entre elles s’arrête : le monsieur devait s’arrêter à Tsounzou mais me déposera à Tsararano pour m’avancer. Remercié chaudement il me dépose finalement à l’entrée de ma rue, encore un village plus loin. Certaines personnes sont profondément gentilles, j’en suis convaincue.
12h30 : Je retrouve Alice et passe l’après midi entre papotage, tâches ménagères, écriture et plans sur la comète. En effet le voyage prévu à Madagascar en mai semble plus que compromis à cause de la crise actuelle. On se doute que l’improvisation sera surement de mise mais notre dévolue se portera peut être sur la Tanzanie.
16h30 : Fini d’écrire, petite douche, j’embarque un sac et recommence le même cinéma qu’hier. Ce soir c’est barbecue chez Agnès, je dors sur place comme ça je pourrais me rendre tôt au centre de radiologie demain matin.
17h30 : J’ai trouvé sans difficulté et me trouve déjà à destination. Agnès me fait visiter les lieux, l’intérieur est un peu renfermé à mon gout mais je sais qu’ici on ne peut pas souvent se permettre de faire la fine bouche quant à nos colocations. En revanche la vue qu’offre la terrasse est soufflante. L’appartement se trouve au milieu d’un banga, pour y accéder une belle montée pleines d’enfants joyeux fait suer les courageux venus, grâce à cela la vue surplombe les autres maisons et le lagons s’offre à perte de vue. Le coucher de soleil accompagne notre humeur chanceuse, il se couche sur l’océan alors qu’une bière ou deux sont entamées, et que les conversations sont élancées.
22h : Le repas touche à sa fin, j’apprécie qu’avec ce genre de personne les discussions ne tournent pas uniquement autour du travail. Les sages-femmes fréquentent souvent des sages-femmes et notre métier peut être tellement prenant qu’on a vite tendance à choisir la facilité de s’étendre sur le sujet. J’embrasse Agnès et salut ses colocataires avant de repartir avec Marie et Claire qui m’hébergeront ce soir.
J 63
6h15 : Un bruit en bas me tire de mon sommeil, tant mieux par ce que je m’étais plantée sur mon réveil. Je descends, embrasse Claire et avale un yaourt avant qu’on ne prenne la route. Elle elle va au boulot, moi je vais tenter de passer une radio.
6h55 : Le seul centre de radiologie de Mayotte est très difficile à trouver sur internet. Les renseignements sont flous comme à leur habitude et je ne suis pas sure d’être au bon endroit pour attendre. Plusieurs personnes font déjà la queue, moi qui supporte encore mal d’être debout je m’assoie sur le trottoir en espérant qu’il ne se mette pas à pleuvoir.
7h10 : Raté. Le temps capricieux de cette saison des pluies fait déjà des siennes en crachant de grosses gouttes chaudes, je ramasse mes jambes, seuls mes pieds seront mouillés.
7h30 : La salle d’attente ouvre ses portes. Des petits bouts de papiers sont distribués pour déterminer notre ordre d’arrivée et j’apprends que je suis là 8ème. 8 sièges sont à disposition dans cette salle jaune et bordélique, une 9ème personne se présente le pied dans le plâtre. Tout le monde semble se regarder sans vouloir laisser sa place, par réflexe je me suis déjà levée et laisse donc mon fauteuil alors même que je suis là seule personne présentant des blessures apparente. La station debout est difficile mais personne ne semble s’en inquiéter, je prendrais sur moi.
7h40 : J’ai de sérieux doutes quant à l’endroit auquel je me trouve. Je crains d’attendre au mauvais endroit depuis 3/4 d’heure et demande à la buéni qui se trouve à côté de moi : le centre de radio est juste derrière le bâtiment. Aller je bouge. Je trouve, et la... avec 20 minutes d’avance sur l’ouverture je tire déjà la 22ème place. Dépitée de mon erreur et de la patience qu’elle va me couter je prends mon mal en patience et observe le monde qui m’entoure.
8h : Les personnes à mes côtés sont habillées de salouva multicolores. Pas une seule ne se ressemble dans les motifs ni dans les couleurs. Certaines sont travaillées, d’autre moins, j’essaie d’en dissimuler les coutures. La salouva est un habit traditionnel de la femme mahoraise qui l’entoure d’un tissu coloré de la tête aux pieds. On pourrait croire à un bout de tissu s’apparentant aux panguis guyanais mais c’est beaucoup plus travaillé. Fait de telle sorte à envelopper le corps, enrouler le torse et couvrir la tête.
8h15 : Dans un jeu d’échange habile de numéro je passe de la 22ème à la 18ème. En plus de ça le décompte ne commences qu’à partir de 6 et les premiers appels ne répondent pas.
10h : je fais mon plus beau sourire pour la photo mais grimace quand il manipule mon pauvre petit pouce. J’ai peu d’espoirs mais espère quand même de bonnes nouvelles. Encore un peu d’attente avant de récupérer les clichés et de me rendre chez le généraliste de la rue d’à côté.
10h15 : Dans un petit renfoncement caché par la végétation le coq chante pendant que j’entreprends de descendre au secrétariat. 11 personnes sont devant moi, mon temps d’attente est évalué à 2 heures environ. J’en profite pour aller acheter un petit déj et pour passer à la pharmacie.
11h40 : Un peu d’écriture sur mon téléphone, de lecture, et le temps passera plus vite.
13h30 : La consultation a duré 5 minutes à tout casser, avec un médecin dont je ne comprenais pas les paroles. J’ai compris le principal :
- Une fracture du pouce ? Ah oui, ça fait mal. Un arrêt maladie, on va faire un arrêt maladie. Ah oui, c’est cassé. Faut pas bouger. Voilà, au revoir.
Un examen ? Non ! Une prescription ? Non ! Un suivi ? Aucun ! Je repars tellement pressée que je ne m’aperçois même pas qu’il me faudrait une radio pour mon rendez-vous chez l’orthopédiste dans 2 semaines. Je suis dépitée de la nouvelle. “Minimum un mois.” Et si c’était plus ? “Opération si ça se déplace” Pourquoi ça se déplacerait ? “Peut-être de la kinésithérapie.” Je vais avoir des répercussions sur le long terme ? C’est bien cette dernière question qui me fait garder la raison. J’aurais bien repris le travail mais j’ai trop peur que le problème persiste plus longtemps que prévu. Un pouce ça sert à tout le monde, encore plus à une sage-femme. Mes mains c’est mon métier.
13h55 : J’ai marché en direction de l’hôpital et retrouve Théo à la sortie de son service. J’englouti une partie de la pizza qu’il avait commandé pour nous deux puis nous passons dans mon service pour annoncer la mauvaise nouvelle à l’une de mes cadres.
14h15 : Sandra, l’une d’entre elles, accueille l’information avec un acquiescement bienveillant. Elle s’inquiète de mes blessures et prends des nouvelles sincères, c’est une maman avant tout elle aussi. Elle m’avoue que pour le mois de mars ça ne posera pas de problème au vu de tous les congés qui ont été annulés (covid oblige). Mes gardes seront reprises sans problème, par contre en avril ça sera une autre histoire dans l’hypothèse où mon arrêt persiste. J’offre d’annuler mes congés du mois prochain : après un mois d’arrêt j’ai eu le temps de me reposer, c’est peut être dommage d’utiliser mes repos qui seront peut être nécessaires en fin d’année, fatigue accumulée. Sandra me propose d’attendre avant de prendre une décision, on verra plus tard.
14h25 : Direction Miréréni pour essayer mon potentiel-futur-nouveau bolide. Le problème de batterie a été réglé. Théo monte dessus, non sans quelques difficultés liées à ses douleurs de genoux, puis part pour un test. Mon pouce cassé m’empêche de me faire mon propre avis mais je lui fais confiance et il semble être convaincu. Il m’avoue même qu’il est jaloux, et que si je ne l’achète pas il le fera. Je règle la première moitié de la somme et repart avec les papiers en laissant ma nouvelle acquisition jusqu’à ce qu’on vienne la chercher dans les prochains jours. Nos blessures nous empêche de faire une route aussi longue en sécurité, elle pourra bien attendre encore quelques temps, de toutes façons je ne pourrais pas la conduire dans l’immédiat.
16h30 : On rentre chez moi pour passer l’après-midi au calme avant un apéro au QG des makis.
17h40 : Théo vient de s’endormir comme un gros bébé au moment où un message s’affiche sur mon téléphone “Venez vers 18h !”. Ah. Du coup on sera surement en retard. Je préviens puis passe un peu de temps avec mes colocataires que je n’ai pas beaucoup vu ses derniers temps.
19h30 : Je réveille mon prince au bois dormant pour qu’on ne nous attende pas d’avantage et nous prenons la route en direction de Mamoudzou.
19h50 : A hauteur de Tsararano les policiers arrêtent les voitures. Je pense d’abord à un contrôle des attestations de déplacement mais un uniforme bleu nous informe : un grave accident comprenant une moto empêche tout passage du fait des nombreux secours sur place. Mon sang ne fait qu’un tour et la question sort toute seule : “Avec un zébu ?”. L’homme rit : “Vous savez madame ils dorment à cette heure.” Oui justement, je sais. S’il pouvait éviter de le faire sur la route je partirais peut être pas dans un fou-rire nerveux. Traumatisée des zébus.
20h15 : On a pas attendu trop longtemps, l’intervention avait déjà commencé il y a un bon moment. Au vu de l’état du pick-up et de la moto pliée que nous voyons à notre passage, la collision était violente. Je me sens toute drôle, j’espère qu’ils s’en sortiront s’ils sont encore en vie…
20h30 : Désolés de notre retard on rencontre les voisins de quartier de nos amies. 3 phénomènes hauts en couleur par leurs différences d’esprits et de personnalités. Les 3 mahorais, le premier petit et fin, le second de corpulence et de taille moyen, le dernier gros et grand. La conversation n’est pas difficile avec eux, c’est un véritable spectacle que je regarde avec des yeux fatigués. Ils se sont chargés des grillades et la plupart ont déjà été englouties. Je mange une cuisse de poulet et accompagne le tout d’un rhum arrangé en très petite quantité, juste pour gouter. On rigole pas avec ça ici.
22h30 : Théo est éteint ce soir. Parfois il est dans un monde qui ne semble appartenir qu’à lui. J’admire sa bulle, et sa façon de faire abstraction des conventions sociales. Pas envi de parler ? C’est rare mais il ne s’empêtrera pas de faux semblant pour se forcer à la discussion. Derniers arrivés, seconds partis. Il est temps de rentrer se coucher.
J 64
8h30 : Réveillée en douceur, nous n’avons pas le luxe de trainer au lit aujourd’hui. L’aventure est l’option choisie alors on se bouge le popotin et moins de 3/4 d’heure plus tard on est partis, sac à dos remplis. On passe nettoyer la voiture de location chez total puis allons la rendre chez Tropik location à l’heure convenue.
10h05 : Le ménage n’était pas une nécessité au vu de la vérification peu consciencieuse de la vendeuse. Son état des lieux consiste plus à regarder si on a volé la roue de secours ou si n’a pas fais de tonneaux, remarquez au vu de l’état du véhicule ça ne m’étonne qu’à moitié.
10h10 : Nous ne sommes pas très loin de Passamainty. On s’y rend à pied, après un arrêt crème solaire, dans l’espoir d’y trouver une première voiture. Notre programme de la journée consiste à traverser la moitié sud de l’île en stop tout en se laissant porter par le moment et les lieux.
10h30 : Un samedi de confinement à deux avec un garçon c’est plus compliqué que prévu de trouver une voiture qui veuille bien nous emmener pour un petit bout de chemin. A force d’avancer on traverse presque le village à pied. Non loin de la sortie de la ville une voiture nous empêche d’être deux sur le trottoir, je m’éloigne un instant sur la route pour contourner le véhicule et garde le pouce en l’air. La voiture qui passait par là a du penser que j’étais seule et s’arrête à mon niveau pour m’offrir son aide. Tout de suite une fille “seule” ça va plus vite ! Théo manque de tomber en trébuchant pour me rejoindre, je ris de la situation et de la mine déconfite du conducteur qui vient de s’apercevoir que je n’étais pas seule. Alors oui, j’accepte son aide et on roule vers la ville de Combani.
Notre premier compagnon de route nous dépose au coin d’une rue avant de nous saluer et de reprendre son chemin. Théo prend le relai et sera notre guide pour la journée. Il a une première idée en tête, je le suis bien volontier et notre voyage débute par une traversée dans les bangas. Je salue les enfants, contemple les maisons, savoure le soleil et contemple ces vies pleines de couleurs et de chansons. Les quartiers sont pauvres, mais leur façon de vivre et de partager semblent tellement riches. J’admire d’avantage la vie côtoyant les rues de déchets, à celle des pièces aseptisées, privée de poussière et de soleil. Je slalome entre les flaques en tong (seule bémol oublié de la journée, mes chaussures ne sont pas du tout adaptées), ris de la boue qui recouvre mes jambes et prends le temps d’observer mon ami photographier le monde. Une abeille qui butine, une libellule qui virevolte, un arbre qui surplombe : la nature qui nous entoure est luxuriante, on a beau tenté d’en appréhender les couleurs, d’en écrire les contours, tout ne sera que partiellement retranscrit. Ce que je vois est tellement plus riche que ce que j’arrive à vous écrire. Notre marche se poursuit en direction du barrage de la réserve collinaire et passe par quelques habitations reculées, où jouent des enfants dans un arbres escarpé, par un champs d’ylang-ylang (fleur emblématique de l’île), et par la maison Guerlain, celle-ci appartenait au propriétaire des parfums bien connus de cette marque. Au retour un camion nous dépasse, chargé de 5 buénis dans sa benne. Si j’avais pu j’aurais photographié cette image pour la mettre en première page de ma mémoire.
12h30 : On marche encore un peu pour retourner sur un axe allant vers notre prochaine destination puis retendons le pouce pour tenter d’avancer. 2 jeunes nous dépose à l’intersection de Coconi, à 300 mètres du marché que nous avions prévu de parcourir pour notre repas.
13h : J’ai une faim de loup. On fait un premier tour pour tenter de trouver un jus de fruit sans ananas, la mission n’est pas facile ici mais on fini par y parvenir et portons notre dévolu sur un jus mangue-passion-banane. Un délice glacé. Ensuite on achète plein de petits mets locaux pour en déguster les saveurs, accompagnés de mataba, un plat à base de plantes séchées et de lait de coco. Je ne suis pas fan.
13h30 : Le marché est plus petit qu’à son habitude. Il a lieu tous les premiers samedi du mois mais à cause du confinement il ne présente pas l’opulence des plats habituels. On s’assoit sur un coin d’herbe à l’ombre, malgré nos genoux cabossés, nos pieds apprécient ce répit et nous mangeons avec les doigts, faute de couverts. C’est local au moins. Appuyés l’un sur l’autre, repus, il faut qu’on reparte avant de s’endormir. A quelques mètres de nous deux buénis font leur vaisselle grâce au point d’eau, je les salue et demande à passer ma tête dessous pour prévoir tout risque d’insolation avant de reprendre la route.
14h15 : Je lève le pouce quand un camion blanc s’arrête à notre hauteur : c’est la Police des frontières, aussi appelée PAF ou police basket. Amusés de la situation (se faire prendre en stop par les pompiers puis par la police c’est quand même qu’ici que ça arrive) on réussi à engager la conversation. Les deux hommes sont en service et nous expliquent en quoi consiste leur métier. Sans leur jeter la pierre j’admets déjà avoir entendu parler d’eux puisqu’en maternité plusieurs de mes petites dames se retrouvent sans mari ni papa lorsque ceux-ci, sans papiers, se font surprendre au mauvais moment et ramener gentiment aux frontières des territoires français. Le conducteur nous informe qu’on les surnomme souvent “les guépards” puisqu’ils sont souvent amenés à prendre en courses les citoyens qui tentent de fuir. Théo et moi nous regardons du coin de l’oeil avec un sourire qui se veut moqueur ; au vu de sa condition physique il ne doit pas beaucoup courir celui-là.
14h30 : Arrivés à Sada ils nous déposent à l’entrée de la ville où se trouvent quelque uns de leurs collègues. “C’est bien la première fois qu’on voit des blancs sans papiers” plaisante l’un d’eux, super raciste comme réflexion. On continue notre marche avant de se faire klaxonner par les mêmes fanfarons quelques centaines de mètres plus loin. Théo envoi un message à son contact de l’après-midi pour une visite de moto. Finalement il ne se trouve pas sur Sada mais sur Poroani, le prochain village. Pas plus pressés que ça on retrouve une voiture de plus pour nous y rendre. Ils passent nous déposer au point de rendez-vous convenu, un terrain de foot sans l’ombre d’une ombre. On opte pour une petite pause sur un tronc d’arbre pour attendre notre rencard et profitons de ce repos.
15h : L’essaie de la moto est concluant, c’est une 125 certes, mais elle reste présentable même si Théo a du mal à l’admettre. Il n’a pas d’autre choix que d’en acheter une puisque les réparations de la sienne vont prendre des semaines et que malgré son assurance tous risques aucun moyen de transport de substitution n’est proposé.
15h15 : Un couple s’arrête pour nous emmener un peu plus loin, jusqu’à Mzouazia. La voiture est impeccable, très récente, climatisée, c’est le grand luxe. On s’arrête au croisement puis prenons la décision de nous arrêter acheter les ravitaillements pour ce soir. En sortant du Doukabé j’observe l’entré du musée de l’artisanat et du mariage, juste devant nous mais malheureusement fermé pendant ce confinement.
15h30 : Dernière étape, mais pas des moindres. A cette heure et sur cette route il n’y a plus grand monde. Alors quand un chauffeur s’arrête à notre niveau on ne fait pas la fine bouche malgré la dégaine de la voiture dans laquelle nous montons. C’est tout l’inverse de ce que nous venons de quitter, mais le couple devant nous à l’air beaucoup plus joyeux. La note est drôle, on remercie notre dernier conducteur de la journée à l’entrée du village de Moinatrindri pour finir à pied.
15h45 : On cherche un peu, et nous voyant un peu perdu un homme se propose spontanément de nous indiquer le chemin. Notre hôte n’est là que depuis 3 semaines pourtant le monsieur connait déjà la colocation en question.
15h55 : Arrivées à destination on est subjugués par la beauté de la vue qu’offre la terrasse. Encore plus belle que la notre, la maison est plus spacieuse mais a tout de même moins de charme que la mienne (faut pas exagérer non plus !). La terrasse en bois contemple le sud de l’île et son lagon, encore bercé de lumière à l’heure actuelle. Un plat de pâte est préparé et je me joins à eux volontiers après avoir marché j’ai un sacré petit creux. La fatigue de notre longue balade mêlée à la digestion montrent le canapé me tendant les bras pour une petite sieste au creux du cou de Théo. Je m’assoupi sans plus attendre.
19h : La soirée commence doucement, les invités arrivent et nous sommes un certain nombre. La musique monte, les braises chauffent, les conversations s’échauffent. Tous les deux fatigués nous ne faisons pas de vieux os et montons nous couchez assez rapidement.
00h : Au détour d’une conversation sur l’oreiller :
- Je t’aime Thaïs tu sais.
- Tu fais chier.
Il m’avoue s’en retenir depuis un moment, et s’en retrouver soulager maintenant, malgré ma réaction. J’ai été claire dès le départ et il sait que ses mots ne viendront pas de moi, il souhaite juste que j’en sois informée. Il me demande de ne pas partir pour autant, de le laisser gérer ce genre de chose. C’est un grand garçon, j’accepte, même si mon instinct me crie de partir en courant. J’ai déjà vécu cette situation, une fois, pas deux. De toute façon il partira en juillet, pour sa formation d’infirmier en métropole.
4h30 : Claire, un peu éméchée, vient s’allonger au près de nous pour dormir quelques heures.
J 65
10h30 : Claire est déjà partie pour la plage. Toujours pas assez cicatrisés pour y aller on se lève à peine.
11h30 : Un rapide petit déjeuner et nous reprenons la route qui devra se faire également en stop puisqu’à notre réveil nous avons appris les péripéties de la veille : toutes les voitures des participants de la soirée ont été vandalisées. Roues crevées, pare-chocs abimés, vitres brisées, 3 voitures attendent la dépanneuse.
11h35 : A peine le pouce levé une première voiture s’arrête. Le monsieur qui conduit fait un détour pour nous déposer à un endroit plus propice au stop. Nous le remercions avant de descendre à Chirongui et de retenter notre chance.
12h : Jackpot, un taxi s’arrête et nous emmène jusqu’à Iloni. Avec seulement 5 euros nous faisons environ une demi heure de voiture.
12h45 : Les filles partent en randonné à l’instant où nous débarquons, elles emmènent Oïkia pour le plus grand bonheur de cette dernière ainsi que le mien. Théo s’est fait voler ses tongs pendant la nuit, un des fêtards a dû les embarquer et l’a obligé à revenir du bout de l’île pieds nus. C’est drôle un moment mais le pauvre ne peut mettre que des tongs à cause de ses plaies. A peine arrivés nous entamons donc le chemin à pied vers le village pour lui en trouver de nouvelles.
13h15 : Tout semble fermé ce dimanche, mais en vérité, après avoir demandé notre chemin, plein de petites boutiques clandestines sont ouvertes dans les petites rues des bidons villes. Nous nous arrêtons dans l’une d’elles sur indication d’un passant et Théo porte son dévolu sur ce qu’on appelle “des tongs de buénis”, bleu ciel, à 1€50, tout juste à sa taille.
13h30 : Sur le chemin qui mène à la maison je manque de me prendre un avocat lancé à pleine vitesse en plein crâne. Au lieu de ça je le prends sur ma hanche, qui le fais rebondir sur Théo. Nous avançons vite, au cas où les plaisantins qui ont fait ça se décideraient à recommencer en visant mieux.
14h : On mange un bout puis passons l’après-midi au calme devant le dessin-animé “Vice versa” en trainant au lit.
17h : Je prépare un gâteau et pendant se temps j’établi une liste des choses que je souhaite faire sur l’île en co-écriture avec mon ami. La liste est longue comme mon bras et je sais d’or et déjà qu’elle ne fera que s’allonger mais tant pis, ça nous donnera des idées pour les journées qui arrivent, déconfinées, ensoleillées, plaies guéries.
19h30 : Les invités arrivent. Ce soir les sages-femmes qui ont recueilli Soifi lors de ses premiers jours viennent lui rendre visite profitant d’un repas entre amis. On grignote dans le salon puis un Time up est lancé. Ce jeu consiste à écrire des mots sur un petit papier, et les faire deviner lors de 3 tours à son équipe : le premier avec des mots, le deuxième avec un mot, le dernier seulement à l’aide de mime. J’ai pris un fourire en mimant un poivron, puis un second lorsque vient le tour du nom d’Hitler. Les conversations vont bon train puis chacun rentre chez soit.
00h30 : A l’instant de vouloir aller me coucher, à moitié habillée j’entends un nouveau bruit proche de la cage d’Oïkia dans laquelle j’avais découvert le rat de la dernière fois. Je tends l’oreille, le bruit recommence. Pas de doute, l’habitant est revenu. Vint alors une scène hilarante pendant laquelle Théo armé d’un balai, en caleçon, et moi de mon taser en petite culotte nous efforçons de garder notre sérieux pour chasser l’animal. Le rat fini par sortir de sa cachette et cours se cacher sous mon lit après m’avoir grimpé sur la jambe dans sa course. Surprise je cris comme une fillette, au bord des larmes de rire nous voilà à vouloir la déloger du dessous de mes palettes. Elle fini par s’enfuir par le même trou que la dernière fois. Des recherches plus poussées nous permettent de découvrir qu’elle nous a laissé un cadeau, de jolis petits ratons encore aveugles de leurs petit âge sont logés dans ma valise, pas plus grands que deux des mes phalanges. Attendris nous n’arrivons pas à nous résoudre à les tuer, alors pour donner le change nous les mettons dehors, en espérant qu’ils partent dans la nuit, où à défaut que la nature fasse son travail de prédateur.
1h15 : On s’endort.
J 66
6h : Le réveil sonne.
6h20 : On est déjà partis.
7h : Heureusement que nous sommes toujours confinés, sans ça on aurait mis des heures à rejoindre la capitale pour réussir à avoir un rendez-vous chez un généraliste. Deux cabinets sont à quelques rues, après vérification nous sommes 13ème sur liste d’attente d’un coté, et 25ème de l’autre.
7h30 : Nous avions une demi heure d’avance sur l’ouverture pourtant. La secrétaire vient d’ouvrir les portes et annonce qu’elle ne pourra pas accepter tout le monde. Pour cause, Théo doit grossir ses maux pour voir son nom inscrit sur la liste des heureux élus.
7h45 : Je passe à la pharmacie acheter de la crème solaire indice 50 puis file au Baobab prendre de quoi déjeuner.
10h : Le médecin ayant 1h30 de retard nous ne sommes pas de retour à la maison comme prévu pour rendre la voiture à Louise qui souhaitait aller faire des courses. Je m’en excuse aux moyens d’un message sur son téléphone mais celle-ci ne semble pas très compréhensive. Je tente d’expliquer les choses, tente de me faire pardonner, et puis après tout je n’y peux rien, fais ce que je peux, et ce ne sont que des courses, même si ce n’est pas ce qui était convenu il n’y a rien d’urgent.
10h30 : Toujours entrain d’attendre, pourtant on était 4ème.
11h : C’est à nous. Le rendez-vous ne prend que quelques minutes mais le médecin à l’air de savoir de quoi il parle. Le genou de Théo est le motif de notre venu, il lui prescrit une IRM et des anti-douleurs, puis je demande un avis sur mon pouce. Le docteur me répond “On aurait dû plâtrer dès le départ”. Super. Il me conseille de faire une radio avant mon rendez-vous du 18 mars avec le chir, mais sans m’en donner la prescription.
11h45 : Théo repasse rapidement par chez lui puis nous partons. On se retrouve vite bloqués dans les bouchons alors que nous sommes encore au dessus de Mamoudzou. Au lieu de faire 2h de trajet supplémentaires il décide de faire un détour par le Nord pour pouvoir rendre la voiture au plus vite. J’envoie un message à Louise que je sens agacée par la situation. Notre détour passe par Combani, on devait y récupérer ma moto en y allant en stop, mais l’occasion est trop belle pour passer à coté. Un arrêt de 5 minutes supplémentaires et nous rentrons. Théo gère ma moto puisque je ne peux toujours pas la conduire, et moi je trace direction Iloni. Il s’occupe d’aller regonfler le pneu arrière, et nous nous retrouverons directement à la maison.
13h : Je sens que l’accueil est glacial à la maison. Les premières réflexions de la part de Louise m’hérissent les poils mais je prends sur moi et présente mes excuses malgré mon manque de responsabilité. Théo arrive au moment où ça pète, mes 4 colocataires semblent se lier contre moi pour me reprocher ce qui ne me semblait pas si important, je demande à mon ami de descendre, ça ne le regarde pas, je vais gérer ça toute seule.
Les filles passent les prochaines minutes à m’expliquer que j’aurais du rentrer plus tôt, le laisser la bas et renter avec la voiture (je n’y ai pas pensé, je n’étais même pas sûre de réussir à conduire seule). J’explose moi aussi, je gère tout toute seule, ne demande jamais rien à personne, me blesse et ne me plains pas une fois, et le seul jour où je demande un vrai service (un service n’est pas censé arranger forcément tout le monde, c’est bien pour ça que s’en est un), on me tombe dessus au premier “faux pas”. Elles finissent par s’excuser, et par me dire que la façon dont elles se sont liées contre moi n’était pas la bonne. Je sens bien qu’il y a une frontière entre elles et moi. Je suis la seule nouvelle de leur groupe, elles se connaissent depuis des années, j’ai un studio indépendant et fréquente des personnes différentes. Mais je trouve leur façon d’agir puérile, d’autant plus que Louise est une grande personne et ce conflit ne nous concernait que toutes les deux.
13h30 : Je descends dans mon studio, Théo s’apprêtait à partir mais fini par choisir de rester. Je suis en larme, lui est en colère. Déçu de leur réaction il tente de me réconforter. J’ai de la peine, ça finira par passer.
13h45 : Il fini par prendre sur lui pour m’accompagner manger afin de ne pas me mettre en mauvaise posture plus tard. On mange puis on retourne dans mon petit nid pour le reste de l’après midi. Théo s’endort, je fini par l’imiter.
18h15 : La luminosité est déjà baissée. Je le réveille pour qu’il ne rentre pas dans la nuit noire. Il part à contre coeur. J’ai le coeur lourd quand il s’en va. Ce soir c’est dur, je préfère rester dans mon coin. Je n’ai pas envi de voir les filles je préfères écrire. Je monte voir Yann qui est de passage pour lui demander un avis sur les rats, il me prête sa cage pour tenter de capturer la maman des deux petits encore dans ma valise. S’ils ne sont pas partis demain je les emmènerais plus loin, dans la forêt. Les filles me proposent de rester là-haut prendre l’apéro, je refuse. Alice m’envoie un message pour s’excuser à nouveau, j’y répond sans grande conviction. Elle me fait un câlin, mais je n’ai pas le coeur à faire d’effort pour sourire.
19h : Je me replonge dans mon écriture et ma solitude.
22h : J’ai faim. Je monte, la maison est déserte, tout le monde est déjà couché, c’est parfait.
22h30 : Je m’endors péniblement.
J 67
8h15 : Les rayons du soleil filtrés par mes rideaux m’ouvrent un oeil, la truffe d’Oïkia qui quémande des câlins dans la main m’ouvre le deuxième. J’apprécie ce petit moment de solitude à deux, puis me lève pour déjeuner. Après quoi je passe quelques coups de fils avant de m’équiper pour une escapade au village. Ma louve m’accompagne évidement et se fait une joie de courir dans le sentier qui longe la route au coeur des végétations.
10h : Un peu moins d’une dizaine de personnes patientent devant la poste, il va falloir attendre. Je me fais remarquer à mon arrivée, rien ne m’étonne ici ma petite poilue ne passe pas inaperçu ce n’est pas nouveau. Je respecte l’appréhension de ces gens et mets un point d’honneur à me tenir à l’écart. Je trouve une place à quelques pas de l’entrée à l’ombre, j’y fais assoir Oïkia qui m’écoute au doigt et à l’oeil aujourd’hui. Elle est toute mignonne et ne moufte pas mais sa présence semble incommoder le vigile qui ne manque pas de me le faire savoir. Je sens grâce aux regards qui pèsent sur moi que les paroles échangées en shimaoré me concerne. Je fais mine de rien jusqu’à ce que l’homme engagé par la poste me demande d’éloigner ma protégée, et de la faire patienter là-bas, en plein soleil. Je refuse, il insiste. Je m’y oppose, je suis dans mon droit, nous sommes dehors et elle ne bouge pas d’un poil, malgré son argument du “risque qu’elle fasse ses besoins” je ne compte pas me laisser faire. Il doit faire 45° en plein soleil, et nous sommes sur la vie publique, il n’en est pas question.
11h15 : J’écris comme un cochon l’adresse sur le recommandé qui acheminera ma prolongation d’arrêt maladie.
12h : Je suis de retour à la maison, toujours dans ma bulle de retrait. Dans les moments durs j’ai souvent du mal à communiquer, ça ne me rend pas beaucoup service mais du coup je n’ai aucune envie d’aller vers Claire seule présente à la maison aujourd’hui. Sans plus m’étendre je lui propose de manger, reste polie et décroche quelques mots. Elle ne fait pas beaucoup d’effort non plus, ça me va très bien.
Le reste de la journée se passe entre appels interminables d’interlocuteurs injoignables et paperasses inintéressantes. Au milieu de tout ça Théo passe me déposer ma moto avant d’aller chercher la sienne et propose de revenir ce soir en voyant mon petit moral. Je refuse, dans ces moments là j’ai souvent du mal a échanger, rester un peu seule ne me fera pas de mal.
18h : On fini la journée par un peu d’écriture avant de manger avec tout le monde. L’envie n’est toujours pas là mais je vais faire un effort, pour ne pas être impolie.
20h30 : Sentie totalement exclue du groupe je préfère aller me prostrer dans mon studio que de voir leur indifférence. Je passe la soirée à ruminer et à taper sur mon clavier.
22h30 : Je ferme les yeux péniblement. Je suis fatiguée, et même si j’ai très peu avancé ça ne sert à rien de s’acharner. C’est un jour sans.
J 68
7h50 : Mon studio baigne dans la lumière matinale. Je ne suis toujours pas fixée sur mon choix quant à mon programme de ce matin mais je finis par mes faire violence et me force à accepter la randonnée proposée par les filles hier soir. Je ravale mes mauvaises ondes et prépare mon sac à dos avant de monter déjeuner.
9h : Je monte ma nouvelle acquisition de la nuit pour montrer ce joli rat à la colonie. Sa capture au cours de la nuit ne m’a même pas réveillée et je l’ai trouvée atterrée, prise au piège dans la cage de notre voisin. Elle fait la taille de mon point et sa queue au moins le double mais elle reste sacrément mignonne. Je n’ai rien contre elle, sauf quand elle ronge la cage de ma louve.
9h15 : On est parties pour le sentier des crêtes de Bandrélé. A 5 dans la voiture d’Andréa plus les deux miss à quatre pattes dans le coffre : la cage emmenée me permet de relâcher le rongeur plus loin, sans lui faire de mal.
9h44 : Début de la randonnée. Je n’ai sur le dos que mon sac de 10L contenant 2L d’eau, de la crème solaire, une casquette et une gamelle pour Oïkia. Le plus dur en randonnée c’est le début. Une fois les muscles chauds et la respiration mesurée le plus dur est fait. On avale les mètres sans trop s’arrêter, la nuée de moustiques à chacune de nos courtes pauses nous en dissuade fortement. Le paysage est beau et le temps est clément. Pas trop chaud, pas de pluie, un peu de nuage, pourvu que ça dure. Mon seul regret est de ne pas avoir bandé mes genoux, nous marchons dans des hautes herbes et bien que le sentier soit dessiné chaque brin, chaque feuille, chaque branche qui m’effleure les plaies me demande de la force mentale pour ne pas hurler. Je prends sur moi, j’ai vu pire et de toute façon on ne pourra rien y faire à ce stade. Ça m’apprendra pour la prochaine fois.
10h : Une des choses que je n’aime pas dans la randonnée c’est que nous devons constamment faire attention à nos pas si on ne veut pas finir dans les orties. Faute de quoi les alentours ne sont pas observés comme je l’aimerais, si je pouvais je passerais mon temps le nez en l’air mais mon instinct de survie me supplie de faire le contraire. Oïkia ne se fait pas attendre, elle est souvent en tête et ne semble pas souffrir le moins du monde de la chaleur ni même de l’effort que représente la marche. Je suis contente qu’elle soit avec nous, la colonie est au grand complet, et même si quelques tensions sont encore palpables ça ira de mieux en mieux avec le temps.
12h19 : Notre parcours de 8 kilomètres est terminé. Ça ne vaut pas le mont Chungui, et ce n’est pas un incontournable à mon goût mais de beaux points de vus sont offerts et c’est le chemin le mieux balisé de l’île alors ce n’est pas déplaisant pour une fois de ne pas chercher.
12h25 : La pluie a accompagné nos derniers pas, résultats nous sommes trempées de la têtes aux pieds et aux pattes. Oïkia monte sagement dans le coffre, tout le monde se met pied nu et on embarque pour le chemin retour !
12h45 : Une bonne douche, je ne rêve que de ça. Chacune met la main à la pâte pour préparer à manger et on se met toutes autour de la table pour partager le repas. Après un énième appel sans espoir envers le service d’orthopédie je réussi enfin à obtenir confirmation : j’ai bien rendez-vous le 18 mars à 10h avec un médecin qui pourra me renseigner d’avantage sur la marche à suivre pour mon pouce. Après quoi je descends écrire, blottie dans mon lit.
15h15 : La petite frimousse de Théo pointe au coin de la porte de mon studio. Il me rejoint et s’endort pour une petite sieste dans laquelle je l’accompagne, fatiguée de ma matinée pédestre.
18h : “La moto est toujours en vente ? Je peux passer dans 15 minutes !”. Je viens de poster l’annonce, c’est parfait. J’accepte le rendez-vous et rencontre quelques instants plus tard cet acheteur potentiel. Il repart plusieurs minutes plus tard semblant intéressé.
18h15 : Il est temps de remonter en scelle. Ce soir on dort chez Théo et maintenant que nos guérisons respectives ont bien avancées et que ce dernier est véhiculé, il faut prendre le taureau (ou le zébu) par les cornes et affronter ses peurs. J’enfile ma veste de motarde à peine abîmée, des chaussures fermées, et un seul de mes deux gants (mon pouce cassé ne rentre pas dans celui de droite) puis on démarre. Je serre les fesses par ce que la route est mouillée mais il fait encore jour (c’était le but) quand nous arrivons (entiers) à destination.
19h : On se met aux fourneaux en arrivant. J’adore pâtisser et c’est un point commun que nous avons, alors on opte pour une tarte tatin. Je lui apprends comment faire sauf que d’ordinaire j’utilise une pâte toute faite (bouuuh l’imposteuse). Théo n’est pas de cet avis et se lance dans la préparation d’une pâte feuilletée à la dernière minute qui échouera à son grand désarrois. Evidement si on saute la moitié des étapes pour aller plus vite ça fonctionne moins bien. Je m’en amuse et le taquine, la tarte reste très bonne. Je sauvegarde même une tasse du caramel dans lequel j’ai fais revenir les pommes pour les pancakes de demain matin.
21h30 : Un dessin animé, et les deux enfants que nous sommes s’endorment bien vite.
J 69
10h : Un grand soleil inonde notre bulle de sommeil. On traîne au lit et s’en laisse sortir par la faim qui nous grignote délicieusement l’estomac. Aujourd’hui c’est un jour férié ici, puisque c’est Miradji. Miradji commémore la nuit durant laquelle le prophète Mahomet, guidé par l’archange Gabriel, serait allé de la Mecque à Jérusalem sur un cheval ailé appelé Buraq puis monté au ciel pour rencontrer Dieu et négocier le nombre de prières quotidiennes que doit accomplir tout musulman.
11h : Après un petit déjeuner de champion, une fois fin prêts on s’apprête à partir au moment où il se met à pleuvoir.
11h30 : J’avais espoir que ça passe rapidement mais c’est raté pour l’instant. Alors on patiente.
12h30 : Le temps n’est toujours pas de notre coté mais semble s’améliorer. La randonnée choisie pour aujourd’hui est accessible en moto et ne nous permet pas d’y aller quand les sentiers sont mouillés. On mange donc, des lasagnes et des gambas (ben quoi?)?
15h : Mélanie, qui surveille ma plaie depuis quelques temps, m’offre de retirer les points de sutures qu’elle juge à présent inutiles voir délétères pour la cicatrisation. “Il faudra les enlever de toute façon.”. Bon, alors on y va. Pour plus de confort on s’installe dans sa chambre et je m’allonge pour éviter de regarder, ou de tourner de l’oeil comme à ma grande habitude. Premier point : la douleur est vive, la plaie est à vif et Mélanie se trouve dans l’obligation de creuser la blessure à la recherche des noeuds. A force de trifouiller j’étouffe le hurlement que je n’ai pas réussi à réprimer dans mon bras, Théo a dû m’entendre il arrive pour me tenir la main. Je ne bouge pas, de toute façon ça ne changerait rien. C’est bien pour ça qu’on ne met que des fils résorbables dans ce genre de plaie, surtout quand elles sont profondes. Une fois les 3 points retirés (et la main de Théo broyée), l’infirmière qu’elle est me dit que les parties noires sont des tissus nécrosés et qu’ils faut gratter pour les retirer. Elle tente de nettoyer en superficiel mais la manipulation précédente a réveillé la douleur, je ne supporte plus qu’elle me touche. Je tente de me faire une raison quand mon ami lui précise “tu sais d’habitude elle arrive à prendre sur elle, là si elle hurle c’est qu’elle a vraiment mal.” Ouf. Il faudra quand même les retirer, mais plus tard, quand la douleur sera plus calme.
15h15 : Quelques minutes après on est partis pour le “chemin du gouverneur” qui donne sur les hauteurs de la ville et l’ancienne maison du gouverneur comme son nom l’indique.
15h55 : Le chemin devient trop boueux pour qu’il soit praticable. On décide de se garer et de continuer à pied. J’accroche mon casque à mon sac et serre les dents à chaque pas douloureux à cause de mon bandage.
16h10 : Une première rencontre nous oppose à la culture de cette belle île française. Un homme, son garçon et sa buéni, tout trois chargés de ballots de feuilles portés à même la tête marchent en tenant en corde deux zébus comme on pourrait promener deux chiens. On les salut silencieusement, et tente d’en photographier la beauté. Malheureusement nos clichés ne peuvent être faits que de dos, pas respects pour eux. Comme souvent, prendre un cliché de leur intimité semble délicat, et de belles images ne peuvent être que vu, non immortalisées.
16h35 : C’est le drame. Théo fait une drôle de tête. Aucun son ne sort de sa bouche. “Tu as mal ?” Il fait oui de la tête. “Ca va ?” Il fait non de la tête. Je souris de la situation mais fronce les sourcils quand j’aperçoit la branche qui lui a entaillé le pied. Une toute petite branche s’est enfoncée d’un bon centimètre et demi entre deux de ses orteils. Il a fait la randonnée en tong à cause de ses plaies datant de l’accident, et saigne beaucoup. Une artériole a visiblement été touchée et bien que ça soit assez impressionnant rien de bien grave. Je lui propose de jeter un oeil après lui avoir donné la seule et unique compresse que j’ai dans mon sac. Il refuse, et m’avoue qu’il faut faire demi tour.
16h40 : Après quelques pas boitillants il fini par remettre sa tong tant bien que mal et marcher en direction de la moto en rouspetant. “On est trop cons”. J’avoue, un peu. “Y en a pas un pour rattraper l’autre.” Bon d’accord… “Les aventures c’est fini jusqu’à ce qu’on soit guéris”, Ah non !
17h25 : La tempête est passée, un bisous et tout semble déjà aller mieux.
17h40 : Théo fait un arrêt imprévu. Il veut terminer la journée sur une joli note et a décidé de s’arrêter dans l’un de ses endroits favoris. On admire donc le soleil de fin de journée sur le lagon de passamainty, là ou se baignent plusieurs familles de locaux avec de nombreux enfants en bas âge. J’adore ce genre de moment privilégiés, c’est beau. Il n’ a rien a ajouter alors on se tait, et on profite.
18h15 : De retour à Iloni je commence à faire à manger pendant que Théo se douche.
18h45 : Mes ribs au miel sont au four, et pendant qu’elles dorent j’accueille deux personnes pour une nouvelle visite de ma moto. La jeune femme est intéressée et ne souhaite pas que l’occasion lui passe sous le nez. On conclu un accord et voyant qu’elle n’est pas en position de force, au vu du nombre de messages que j’ai déjà reçu, elle ne négocie même pas le prix. Je la vends donc 100 euros plus cher que ce que je l’ai achetée. C’est vrai qu’elle a de la gueule ma titine.
19h15 : Le repas est prêt. Yann sera des nôtres ce soir. Il nous a fait un cadeau pour le moins original : une boule de ses cheveux fraîchement coupés pour amuser Soifi. Mi-amusées mi-écoeurées, on accepte sans avoir le coeur à refuser cette offrande plus que bizarre. On passe au salon pour un petit apéro avant de se mettre à table une demi heure plus tard.
19h45 : Une julienne de légume et des flageolets pour accompagner la viande et tout le monde se régale.
21h10 : Le dessert est assuré par Andréa. Elle fait une vingtaine de crêpes pendant un petit moment, qu’on dévore en seulement quelques minutes. Pour ma part j’opte pour une première à la crème de marron, une seconde au caramel beurre salé et une dernière (c’est pas très sage tout ça !) beurre-sucre-citron.
21h30 : Après s’être bien régalés, il est l’heure de dormir. Chacun dans son lit. Théo s’endort comme un gros bébé en quelques instants.
J 70
6h30 : Théo part au travail.
10h20 : Je me réveille après une grasse matinée, me lève pour ranger un peu puis je monte pour petit-déjeuner. Les filles sont déjà debout et partent faire des courses en ville. Moi je porte mon choix culinaire sur une tartine de guacamole, une part de gâteau au chocolat et un biscuit à la cannelle fait par Claire.
11h : J’essaie de bidouiller ma nouvelle moto pour la seule chose à changer : mon rétroviseur. J’en ai un de celle que je viens de vendre et c’est Jackpot puisqu’elle s’adapte. Manque de pouce je ne réussi pas à dévisser le chmilblick comme il faudrait, ça devra attendre encore un peu, de toute façon je ne pourrais pas la conduire dans l’immédiat.
11h15 : Toujours dans le thème de la moto je redescends dans mes quartiers pour gérer les histoires d’assurances. La mutuelle des motards a cessé d’assurer les 2 roues sur Mayotte depuis le 1er Février 2021 à cause du fort taux de vol et d’accidents. Manque de chance pour moi, ça va être un vrai casse tête pour trouver quelqu’un qui veuille bien m’assurer tout risques.
13h30 : Je remonte préparer à manger en attendant le retour des filles. J’opte pour une tarte épinards, poireaux, chèvres puis met la table avant d’écrire un peu.
13h50 : La coloni est de retour, il ne manque qu’Andréa, de garde aujourd’hui. On range les courses, et à notre grand désarroi toujours pas d’oeuf.
14h45 : La nouvelle femme de ménage se présente. Anane vend des fruits et des légumes ainsi que des petits plats au village. Nous lui avons proposé de venir travailler chez nous et avons négocié pour qu’elle nous ramène un peu de ses plats 2 fois par mois. En échange nous acceptons le tarifs de 100 euros par mois qu’elle nous demande (12,5€ de l’heure).
15h30 : On se met toutes les 4 à table pour manger un peu tard mais la journée passe à une vitesse folle aujourd’hui.
16h : J’écris encore.
16h45 : Ça fait déjà plusieurs minutes que j’ai cru entendre la moto de Théo entrer dans la cours mais ne le voyant pas arriver je fini par me lever pour aller voir. Sa moto est bien là, et lui je le trouve dans ma douche. Après avoir installé quelques affaires dans mon armoire il s’est amusé à faire “comme chez lui”. J’explose de rire devant la situation incongrue et l’embrasse tout mouillé pour lui dire bonjour.
17h : On part en ville acheter des oeufs pour faire un gâteau. Oïkia est de la sortie et le village a beau être fait en long et en large il n’y a pas l’ombre d’un oeuf. Quand on voit le nombre de poulet en liberté sur cette île c’est quand même fou cette pénurie ! Comme a notre habitude on se perd dans les bangas volontairement, et les enfants nous suivent. Les jeunes du quartiers tapent des pieds et sifflent comme pour énerver un taureau : ma louve a été repérée mais ne se laisse pas distraire. Malgré sa laisse et le bruit elle écoute, je l’en félicite.
18h30 : La nuit tombe plus tôt désormais. A l’inverse de la métropole les jours se raccourcissent et nous rentrons juste avant qu’il ne fasse trop noir. Les filles ont trouvé des oeufs alors on s’active à faire un brownie pour le repas auquel on est invités ce soir, ainsi que du guacamole avec un des gros avocat d’ici (environ deux fois la taille de ceux qu’on voit en métropole). C’est enfin la saison, pour mon plus grand plaisir ! Je demande a Théo de surveiller la cuisson du gâteau pendant que je vais me préparer.
19h45 : Pas si bien surveillé que ça, le brownie n’en est plus un mais ça ira pour un “gâteau au chocolat”.
20h : Les flics sont de sortie ce soir. On apprendra par la suite qu’un des gendarme s’est fait prendre son arme aujourd’hui, lors du débarquement d’un bateau d’immigrés. Les forces de l’ordre sont sur le qui-vive pour retrouver ce bien qui pourrait s’avérer très dangereux pour tout le monde. A notre entrée chez Héline, notre hôtesse de ce soir c’est une surprise : le “petit apéro dinatoire” s’est transformé en soirée de 25 personnes facile. On passe une très bonne soirée au cours de laquelle je rencontre Max son chéri dont elle m’a déjà beaucoup parlé. Au vu de la situation actuelle il a préféré quitter la métropole pour rejoindre sa dulcinée et son aventure.
00h30 : Déjà bien fatigués tous les deux on se décide à rentrer dormir chez Théo à Majicavo. Ce n’est qu’une fois en sécurité que celui-ci me demande “t’as pas vu le mec avec une énorme pierre et celui avec une machette sur le bord de la route ? Je sais pas pourquoi ils nous ont pas arrêtés, on a eu de la chance !” De quoi dormir bien tranquille.
J 71
10h30 : Le week-end c’est grasse matinée pour Théo alors pour moi aussi.
11h30 : Aujourd’hui c’est repos a-t-il dit. Alors on se lève pour bruncher. Gaëlle et Corentin se joignent à nous. Chacun s’occupe de son petit plat : je prépare du pain perdu et des oeufs brouillés, Théo une tarte et du chocolat chaud fait maison, Gaëlle des pancakes, Corentin du jus d’orange pressé. Après ce petit festin rien de mieux qu’une sieste devant un dessin animé, alors cette fois on regarde “Coco” jusque’à ce qu’il soit l’heure de partir.
16h45 : On se prépare pour ne pas louper le coucher de soleil à Sada.
18h15 : Raté. Le coucher de soleil est passé, on a le droit aux dernières lueurs du jour sur les hauteurs de la ville. Elle est plongée dans l’obscurité rapidement et le rooftop sur lequel notre soirée se déroule offre une vue panoramique sur la baie étoilée. Une coupure de courant généralisée à toute l’île nous permet même d’admirer la voie lactée grâce à l’absence temporaire de pollution lumineuse.
19h : Le hic de la soirée : le lieu doit être rendu pour 1h-2h du matin. Personne n’était au courant et on comptait dormir sur place. Venus en moto, le retour de nuit n’était pas du tout prévu au programme, si on avait su on ne serait pas venu. Alors on reste encore un peu pour voir les filles qui ne vont pas tarder mais on ne s’éternisera pas.
21h : Morgane et son amie partent les premières. La soirée n’est pas du siècle et on reste uniquement pour faire plaisir à Marie et Agnès qui arrivent d’une minute à l’autre.
22h30 : Un chaton me fait de l’oeil depuis un moment et fini dans mes bras. Son propriétaire se manifeste et engage la conversation. Il habite juste au dessus et devant notre problème d’hébergement propose d’ouvrir sa porte (ou son lit visiblement). Son parcours de vie est plus qu’intéressant et la conversation naturelle. Prof d’anglais actuellement il a été vivre en Australie quelques temps et a donné des cours de français en Amérique du sud. Je sens le regard de Théo qui commence à s’impatienter. On fini par s’en aller, cette nuit on dormira chez moi, c’est moins loin et ma fille me manque.
J 72
9h30 : Théo me réveille. On se lève et on y va. Une caresse matinale à ma poilue préférée et on s’en va faire du courses au Sodifram du quartier d’Haut-Vallon. Au vu de la population dans ce supermarché c’est le quartier des bourges et des gendarmes ici.
10h30 : On croise Mélanie qui nous apprend qu’aujourd’hui c’est l’anniversaire de Tom, et qu’il fait un barbecue chez eux ce midi avec une vingtaine d’invités. Notre programme de la journée vient de tomber à l’eau ça tombe bien.
11h30 : Pour l’occasion on s’active à faire un gâteau au chocolat (encore ?), mais cette fois réussi et nappé d’une ganache chocolat-coco. C’est facile et ça fera plaisir à tous le monde. Manque de bol Tom vient de nous apprendre qu’il est le seul homme que je connaisse à ne pas aimer le chocolat.
13h : Les invités commencent à débarquer. J’essaye de me mêler aux autres mais je suis profondément fatiguée depuis une heure. Je fini par me laisser aller, je vais faire une petite sieste et je reviendrais plus réveillée.
13h30 : 25 minutes plus tard Théo me lève pour manger. Bien plus en forme je discute en mangeant, et raconte une énième fois notre accident après quelques questions des intéressés par mon attelle.
14h : Très frustrant de participer à un barbecue-piscine en ne profitant que la moitié du programme. Mes plaies ne me permettent toujours pas de me baigner, alors je me contente de profiter du beau temps, et du cadre idyllique.
17h : Il faut qu’on passe à l’hôpital et j’ai dis aux filles qu’on cuisinerait à la maison pour ce soir.
19h : Andréa et Claire rentrent de leur week-end à Tchapou alors que nous sommes aux fourneaux. Ce soir poulet rotî-pommes. J’apprends à Théo comment faire cuire un poulet puis ça sera un petit moment de lecture en attendant que le four fasse son oeuvre.
20h : Le reste de la troupe rentre de garde.
20h10 : On passe à table.
21h15 : Le tout a été englouti, ou presque. La soirée se prolonge en lecture mais l’affluence des moustiques nous dissuade de rester là-haut. On décide de se mettre à l’abris dans ma moustiquaire.
22h15 : Théo s’endort, moi j’écris un peu puis le rejoins au pays des rêves.
J 73
5h50 : Je sens Théo se lever, mais ne manque pas de me rendormir.
10h : Je quitte les bras de Morphées pour revenir dans le monde réel. Vu l’heure et ce qu’on a prévu aujourd’hui les filles doivent déjà être levées il faut que je m’active. Je m’habille, me prépare, me tartine de crème puis monte dans la maison.
10h20 : il faut croire que j’étais la première réveillée, Louise a encore les yeux collés et les autres filles ne donnent pas signe de vie. Je prends mon temps pendant que la colocation se réveille petit à petit.
11h : Andréa n’est toujours pas levée, Alice pointe sa frimousse la haut pour la secouer et revient quelques instant après avec la belle au bois dormant. Chacune se prépare puis c’est parti pour un petit tour à Sada toutes les 5.
12h : Je déteste toujours la voiture. Les virages en tête d’épingle successifs de cette île sont beaucoup moins plaisant avec quatre qu’avec deux roues. L’auto s’arrête enfin, je respire un grand coup le cœur au bord des lèvres puis nous nous dirigeons vers le restaurant dans lequel nous avons passé commande pour le repas de ce midi. Le confinement a été levé aujourd’hui, malheureusement ça ne suffira pas pour lever toutes restrictions et les restaurants restent fermées jusqu’à nouvel ordre, il nous reste les commandes « à emporter » c’est déjà ça, et ça nous permet de porter notre dévolu sur un tartare de poisson frais. En attendant notre commande on s’installe, les filles boivent un verre.
12h15 : Le patron nous informe qu’il fait une exception pour nous : d’ordinaire il refuse ce type de commandes à emporter avec du poisson frais pour éviter qu’on ne lui reproche des intoxications alimentaires dues à la chaleur extrême ne faisant pas bon ménage avec ce genre d’aliments frais. Pas très rassurées on accepte de prendre le risque avant d’aller déguster le tout sur la plage de la baie de Sada, magnifique ville construite sur la hauteur d’une colline, colorées de soleil et de maisons joyeuses, qui apportent à ce havre de paix la parfaite compagnie d’une plage affrontée d’un îlot et de ses bateaux. A marée basse cet îlot peut être rejoint à pieds, à marée haute on peut en faire le tour en PMT (palme-masque-tuba).
13h : Ce délice englouti nous reprenons la route en nous laissant guider par notre état fainéant. On lézarde dans les rues, arpente les petites boutiques et en salut ses habitants. Cette ville est vraiment belle, elle nous change des bidons villes trop répandus ici.
13h40 : Une buéni d’une soixante-dizaine d’année est assise à même le sol, jambes tendue (certainement bien plus souple que moi la mamie) et s’applique à tresser quelque chose. On s’y intéresse mais cette dernière ne semble pas parler un mot de français. Un peu perdues on rigole entre nous : à part « shuka damou ? » (tu perds du sang?), « scoza mimba ? » (tu as mal au ventre ?) et « moinazaza fania cojo? » (ton bébé fais pipi?), notre vocabulaire n’est pas très étendu. La mama hèle un habitant de son bouiboui qui ne paraît pas venir, un passant vient à notre aide. Le sourire au lèvre il nous avoue être la pour les vacances, il est originaire d’ici mais habite à Lyon. On s’exclame, amusées de la situation et le remercie pour sa traduction. La petite mamie devant nous tresse des paniers, et en préparera à notre commande pour 40 euros si on le souhaite. Sinon il existe la maison de l’artisanat à quelques pas avec ce genre d’œuvres. Nous nous y dirigerons après un petit tour de la ville et de son front de mer.
13h50 : Un canapé abandonné fait face au lagon. On saisi l’opportunité pour une photo de famille, un peu comme dans la série « Friends » on marque ce souvenir d’un cliché amusant.
14h : A l’entrée d’une maison dans laquelle nous n’avions pas osé entrer tout à l’heure 3 buénis sont assises sur le sol dans une ambiance calfeutrée. Elles tressent elles aussi. Nous sommes invitées à entrer et découvrons le résultat de leur travail quotidien : des chapeau, des paniers, tapis, sacoches, mais aussi produits cosmétiques à base d’ylang ou bien de coco, ou encore des tissus cousus en kimono waxés. On passe un bon moment à se perdre dans nos décisions et denrées d’ici avant de jeter notre dévolu sur un panier chacune. Moi j’opte pour une bougie de massage coco, et une bougie senteur ylang-ylang ainsi qu’un tissu. Finalement je n’ai pas assez d’espèce sur moi, je reviendrais de toute façon, il faudra qu’on amène nos visiteurs ici pour faire des emplettes touristiques c’est parfait !
14h30 : Il est temps de reprendre la route. Je monte sur le scooter de Louise qui est de garde cette nuit et souhaite faire la sieste avant d’aller travailler.
15h09 : On a pas dépassé les 50km/h et la plupart du temps seulement 30km/h s’affichait au compteur. J’arrive avec une petite dizaine de minutes de retard à mon rendez-vous de 15h et m’excuse pour ce désagrément. Alexandra, la nouvelle acheteuse ne s’en formalise pas, et nous entamons les papiers pour finaliser la démarche de vente.
15h25 : Même si je ne suis pas mécontente de m’en être débarrassée ce n’est pas sans un pincement au cœur que je vois repartir mon bolide. J’ai passé un certain nombre d’heure à la bricoler en plein soleil, et j’ai apprécié ces petits moments rien qu’à nous. A nous et à Théo d’ailleurs, qui est déjà là, après son travail pour m’emmener faire du shopping. Les magasins viennent de rouvrir et il est impatient de pouvoir satisfaire sa coquetterie.
16h15 : On commence par sa boutique favorite. De toute façon le choix qui s’offre à nous reste très limité puisque nous nous trouvons dans la seule galerie commerçante de vêtement de Mzungu (blancs) de l’île. Théo se rachète les tongs qu’on lui a volé lors de notre dernière soirée dans le sud mais ne trouve pas son bonheur pour ce qui est du reste. La prochaine boutique est trop chère à mon goût, je n’ai besoin de rien mais me laisse tenter par une chaîne de pied qui me fait de l’œil et que je cherchais depuis un bout de temps. Ensuite direction « adopt’ » l’enseigne de la petite boutique en question me dis quelque chose mais ce n’est qu’une fois dedans, en retrouvant le même collier que j’ai offert à une petite des Bangas que je réalise avoir visité ce commerce à la gare de Marseille avec mon titi. Je rachète ce même pendentif, qu’on a toutes les deux, et me laisse tenter par des eaux de parfums à bas prix. J’ai prévu d’annuler mes congés d’avril n’étant pas sure de pouvoir rentrer en métropole à cause du virus et ne sais pas dans combien de temps je pourrais me racheter du parfum qui commence à manquer.
17h15 : Dernière boutique dans laquelle Théo insiste pour qu’on aille faire un tour : Jennifer. Bizarrement le style n’est pas le même qu’en métropole et je trouve pas mal de chose. Il s’amuse à faire de moi sa poupée et je joue le jeu, me laissant tenter par une jupe, une salopette (encore?), une combishort et un t-shirt (tout ça?). Déjà que mes valises étaient pleines à craquer à l’allée, le retour va être costaud.
17h30 : La boutique n’est censée fermer qu’à 17h45, et après un mois de fermeture on pourrait s’attendre à ce qu’ils tirent un peu sur la corde pour gratter tous les clients possibles. Mais un quart d’heure avant on se fait déjà pousser doucement mais sûrement vers la sortie. On se dirige vers le jumbo pour faire quelques courses pour ce soir.
17h45 : A la vue des framboises on tombe d’accord tout les deux, il faut qu’on fasse une tarte pour l’anniversaire de Tom. Il n’aime pas le chocolat, et n’ayant pas cette information j’ai fait un gâteau pas du tout adapté hier du coup. J’offre de m’occuper du repas de ce soir, au menu « pattes sauce Alfredo, et tarte framboise-crème pâtissière improvisée ».
18h15 : De retour dans la maison de Théo nous avons de la chance l’eau vient de revenir. Sans plus traîner je m’attaque à la cuisine en commençant par la crème pâtissière. Pendant que mon ami remue sans discontinuer (c’est ça le secret!), je profite des blancs d’œufs qu’il me reste pour faire des meringues. Mes œufs bien montés j’improvise une poche à douille avec une pochette plastique et fait de belles petites crottes sucrées que j’enfourne 1h au four doux pour des meringue croustillantes et fondantes à la fois.
19h40 : je débute la préparation de ma sauce italienne en grande quantité (au cas où). 30 cl de crème chauffée à la casserole, une plaquette de beurre (Théo m’a demandé de répéter mais oui oui, c’est bien une plaquette entière, et oui oui, du beurre salé of course). 200g de parmesan, 4 gousses d’ail écrasées, du basilic, sel, poivre et vous pouvons nourrir un régiment heureux (testé et approuvé par les gendarmes de maison Alfort) !
20h : Au milieu de tous ses préparatifs j’ai fait cuire ma pâte sablée piquée seule et ai fait refroidir ma crème pâtissière.
20h15 : 500g de pâtes à 6 sont englouties, 500g sont recuites par ce que tout le monde veut se resservir.
21h : Déjà pleins à ras bord, je dresse le gâteau : quelques petites meringues parsemées dans la crème pâtissière recouverte de framboises (denrées rares ici même si elles étaient congelées !). Tom souffle une bougie, et nous roulons jusqu’à nos lits respectifs.
J 74
6h : Le réveil est dur, je sors du lit à contrecœur.
6h30 : J’ai dormi chez Théo parce que je dois me faire vacciner aujourd’hui. A partir de 9h, et comme je ne peux plus me véhiculer je vais profiter du transport pour aller faire ma radio du pouce avant mon rendez vous durement obtenu chez l’ortho de jeudi.
7h00 : Pile à l’heure. On passe à la cafétéria pour un café (pas réveillés tous les deux) puis je m’installe devant la radiologie pour patienter. Vu la pile de dossier déjà présente je vais patienter un moment justement. J’ai une heure d’avance sur l’ouverture et déjà une dizaine d’ordonnance sont placées avant la mienne.
8h45 : L’attente a été plus courte que prévue, les personnes devant moi ne venaient pas que pour des radios mais également pour des scanners et IRM. Le manipulateur radio le reconnaît tout de suite, il plisse les yeux (beaux yeux !) penche la tête et me dis « c’est toi ! ». Oui oui c’est moi, l’accident de zébu. Décidément tout le monde s’en souvient. La radio semble plutôt concluante, il me confirme que c’est en bonne voie. Suffisamment pour reprendre le travail ? Je ne saurais que jeudi.
9h : Je passe pour un coucou dans le bureau du Dr Love (celui là alors ! Théo n’en manque pas une, et ce nom est vraiment affiché sur la porte de son labo) puis me dirige vers le centre de vaccination à côté de Jakaranda. Jakaranda est un dispensaire distribuant des soins et médicaments gratuitement aux personnes sans ressources. J’en ai souvent parlé à mes patientes sans savoir où il se trouvait réellement, eh bien je sais.
9h15 : J’entre.
9h20 : Je ressors vaccinée. Un rendez-vous m’est donné pour le rappel dont les effets secondaires seront beaucoup moins drôles, le 8 Avril.
9h30 : Je repasse dans le bureau du Dr Love pour dire au revoir et prends la route à pied vers le vétérinaire chez qui j’achèterais les cachets nécessaires à la protection de ma boule de poil, et puis un os, pour le plaisir de mademoiselle. Par ce que je ne peux rien lui refuser et que les rats ont dû grignoter toutes ses friandises, je ne veux plus qu’elle y touche.
10h : J’en profite pour faire un arrêt à la pharmacie afin d’acheter des anti-histaminiques et de l’anti-moustiques. Ma plaie du genoux droit ne va pas en s’arrangeant, je tente un nouveau pansement pour en voir les effets.
10h20 : J’attrape un taxi au vol, et le premier est le bon, direction Iloni chauffeur ! Pour 2,5€ je suis chez moi 25 minutes plus tard. Oui oui vous avez bien lu, 2,5€.
10h45 : Je tente de joindre la GMF, seule assurance à encore accepter d’assurer les 2 roues sur Mayotte à l’heure actuelle. La mutuelle des motards ayant arrêté depuis le 1er Février je n’ai pas d’autre choix que de payer 100,07 € par mois pour une assurance tout risques. L’interlocuteur me dit même que si je n’ai pas d’autres contrats chez eux, il ne pourra rien faire pour moi puis se ravise par la suite en apprenant que je suis fonctionnaire de la fonction publique ET que j’ai mon permis moto depuis 3 ans déjà (non pas une attestation 125 comme souvent ici).
11h15 : Je monte pour rejoindre les filles que j’ai entendu se réveiller. En discutant autour de leur petit dèj j’apprends que le motif impérieux d’Andréa pour rentrer en métropole la semaine prochaine et retrouver son amoureux a été refusé. Pourtant appuyé sur un contrat de remplacement travail, ce motif à été exclu au contrôle exercé par le préfet pour les accords de vols Mayotte-métropole. Avec une raison aussi solide que celles-ci nous étions persuadées que ça fonctionnerait pour elle. On est donc bel et bien coincés ici jusqu’à nouvel ordre. C’est le coup dur pour Andréa qui travaille aujourd’hui. J’en suis désolée pour elle et me met à sa place : si on m’avait annoncé l’année dernière que je n’avais pas le droit de rentrer chez moi lors de mon voyage en Guyane j’aurais été au bout du rouleau.
11h40 : Les filles partent jusqu’à demain pour une après midi et matinée plongée. Moi et mon corps tout cassé on reste ici, seuls pour la première fois depuis bien longtemps. J’en profite pour faire tourner une lessive, plier le linge, laver la vaisselle et faire du rangement. Ensuite je mange et je m’attèle à cuisiner les bananes qui vont se perdre si je n’en fais pas quelques chose rapidement. Je porte mon dévolu sur un banana bread, m’inspire d’une recette et rajoute deux-trois trucs à moi puis remets le nez dans quelques papiers avant d’écrire un peu.
16h30 : Petite pause gouter avant de me replonger dans mon écriture pendant un bon moment.
20h30 : Je suis dans un autre monde quand je vous écris. Comme à mon habitude je n’ai pas vu l’heure passer. L’écriture suffira pour ce soir, j’écoute un sketch de Blanche Gardin pendant que je mange des restes, puis rejoins mon lit le ventre plein et les yeux fatigués.
22h : Ça fait bien longtemps que je n’ai pas été seule. Vraiment seule je veux dire. Environ 2 mois, et ça n’est pas désagréable. Seule avec ma meilleure amie poilue qui en profite pour avoir toutes les caresses qu’elle demande.
23h30 : Il est temps de fermer les yeux.
J 75
8h50 : L’heure de se lever. Je monte déjeuner, fais la vaisselle, me lave les cheveux, m’occupe encore de papiers, rien de passionnant. Ensuite j’écris puis prépare mon sac pour rejoindre Théo à sa sortie du travail.
11h30 : Enfin fini d’écrire. Il ne me manque plus que la phase de correction avant de vous envoyer de nouveaux écrits. Théo m’a donné son accord pour que je joigne ses photos à mes récits. A nous deux on pourrait faire de vrais reporters. J’ai d’ailleurs eu quelques conseils lors d’une soirée quant à l’envoi de certains de mes écrits aux journaux locaux. Je laisse murir l’idée, pourquoi pas.
11h45 : J’emmène ma princesse se promener dans le quartier. L’accès à la plage est trop pentu, et le sable n’est toujours pas une bonne idée, nos virées devront attendre encore un peu alors je visite les alentours de notre petite rue.
12h30 : Un peu des restes de riz, de poulet et de salade feront l’affaire. Après quoi je me met dans mon lit avec un peu de lecture.
13h30 : J’entends des pas dans la maisons, les filles sont rentrées. Je monte les saluer et pars en stop pour rejoindre Théo à Passamainty.
13h55 : Une dizaine de voiture passe seulement avant que l’une d’entre elles ne s’arrête. Une mzungu me sourit et me dit de monter : c’est l’une des personnes que j’ai rencontré lors de la soirée d’Héline. Je n’ose pas demander son prénom mais elle me rappelle qu’elle est dentiste. La conversation est vite engagée et je ne fais même plus attention à la route quand elle me rappelle « tu sais si on continue comme ça je te ramène jusqu’à chez moi ! ». J’éclate de rire, c’est juste là, je descends.
14h14 : Théo arrive quelques instants plus tard, fais le plein, m’embrasse puis me fais monter sur sa moto. On démarre direction le marché couvert, il lorgne sur mon huile de coco depuis un moment et souhaite s’en acheter. On flâne dans les allées remplies d’épices et de senteurs, de buénis et de couleurs. Les commerçantes ne sont pas comme les autres ici, souvent allongées, elles vous saluent d’un signe de tête pendant qu’elles parlent à la voisine d’à côté.
14h45 : Nos achats effectués je propose d’aller faire un tour chez Comema. Le confinement est enfin levé et par conséquent la boutique de précieux tissus en enfin ouverte. J’y rachète 3 mètres du tissu grignoté par le rat de mon studio, un peu de fil et on reprend la route direction Kawéni.
15h15 : Après un arrêt karcher pour nettoyer la moto on se dirige vers jumbo pour acheter la glace qui fais envie à Théo.
16h30 : Un petit goûter, un moment lecture et le soir est déjà la.
19h30 : On sort de sa chambre pour se mêler à ses colocataires. Ils ont invités des amis ce soir et nous nous retrouvons à une petite douzaine pour manger des plats du Citron vert (poulet coco pour moi).
21h15 : Plus que repus, je m’écroule dans le lit pour m’endormir devant Toy story, comme une enfant.
J 76
7h30 : Le réveil est dur ce matin. Je suis dans le brouillard et bien grognon jusqu’à ce que mon estomac soit plein.
8h20 : Théo ne commence qu’à 10h. Ça tombe pile au moment de mon rendez vous chez l’orthopédiste à l’hôpital. Avant ça on passe au garage pour faire tendre sa chaîne et en attendant nous allons déjeuner à la boulangerie (qu’elle chance il y en a une !) juste à côté.
9h20 : Le travail est terminé, on remonte en selle direction l’hôpital.
10h30 : C’est mon tour. Le médecin m’accueille avec un bel accent du Sud. Il me demande d’où je viens et à ma réponse s’exclame qu’il est né à Toulouse mais que sa maman l’ayant quitté petit, il a été élevé par sa grand-mère de Bézier. Après mon récit il me dit ne pas être inquiet pour ma fracture, m’assure qu’il n’y a aucun risque de déplacement et qu’il n’y a pas de doute, je ne me ferais pas opérée. Soulagée d’être enfin prise en charge par quelqu’un qui semble s’y connaître il précise qu’en plus de ça il est spécialiste de la main. Rien de dangereux pour ma reprise du travail mais au vu de la douleur résiduelle et de la perte de la mobilité c’est moi qui voit. En me disant tout ça il manipule mon pouce et c’est tout juste s’il ne m’arrache pas une larme. Bon c’est compris, je ne serais pas apte à réagir dans l’urgence avec un pouce comme ça. Sa dernière phrase me rassure : “Avec une fracture comme celle-ci, c’est au bout de 6 semaines qu’on voit enfin le bout du tunnel. La fracture est belle, tu enlèves ton attelle et je ne te reverrais plus.” Victoire ! Mais j’ai encore deux semaines d’arrêt supplémentaire à aller présenter à ma cadre.
11h : Je rentre dans le bureau la queue entre les jambes. J’essaye un sourire penaud “Bonjour, je suis désolée, encore une mauvaise nouvelle…”. La cadre n’a pas l’air ravie mais reste bienveillante, je lui affirme que le docteur m’a promis d’être en forme dans 2 semaines ! Avec tout ça plus mon retour en métropole impossible (à cause des avions bloqués) je souhaite annuler mes congés arrivant juste derrière. Un compromis est fait : ils sont presque tous annulés mais elle en conserve 2, au cas où, puisqu’elle préfère que je sois en congé qu’en arrêt (pas très légal tout ça…)
11h30 : Je repars de bonne humeur pour prendre un taxi direction Iloni.
12h15 : 4€ plus tard je suis devant chez moi, Claire et Louise rentre juste après. Je descends ranger mes affaires et me joins à elles pour le repas.
13h : Je passe l’après-midi à lire et faire la sieste.
18h15 : Louise partie à la plage passe nous secouer pour aller admirer les couleurs du ciel dans le quartier. On s’exécute et le spectacle est sans pareil, le ciel orangé semble avoir pris feu sur l’immensité du lagon.
19h30 : Toujours dans ma lecture je propose mon aide à Claire qui a prévu de s’occuper du repas de ce soir. Elle décline mon offre alors je replonge dans mes lignes.
20h30 : Alice est rentrée de sa garde, Andréa est revenue de sa sortie d’aujourd’hui, nous nous attablons donc toutes à table pour savourer le plat préparé à base de riz, de poisson et de dodoki. Le dodoki est un légume malgache de la famille des cucurbitacés Il peut mesurer jusqu'à un mètre de long, son fruit est proche du concombre ou de la courgette et on le retrouve dans les plats locaux de mayotte ou des comores. N’étant pas fan du concombre je suis quand même agréablement surprise, une fois cuit il ressemble plus à de la courgette.
21h30 : Je descends dans mon studio prendre une petite douche avant que Claire ne me pose mon stérilet. A ma remontée je retrouve Théo, et souris de sa venue. Il a mangé avec les Marie et Claire et a décidé de dormir avec moi après ça.
21h45 : Il m’attend en bas pendant que commence la torture. Une pose de dispositif intra utérin peut faire mal. Il est conseillé d’anticiper sur la douleur et de prendre un anti-inflammatoire avant l’acte. Ce que j’ai fais.
22h : Allongée sur le lit de Claire je ris de la situation. Je me trouve actuellement en position peu avantageuse, sur une serviette de plage, avec ma colocataire à genoux sur le sol, me voyant sur un tout nouvel angle. Heureusement nous sommes sages-femmes. Ce genre de pudeur nous parait superflu quand on est tant habitué à voir le corps des femmes sous toutes leurs coutures.
22h15 : Finalement aucune douleur. Hormis quelques sensations désagréables je n’aurais pas non plus mal au ventre cette nuit. Mes fortes douleurs type endométriose habituelles sont peut être à l’origine d’un seuil de résistance à la douleur plus élevé. On constate d’ailleurs ce genre de chose chez les patientes en début de travail. Tellement habituée à devoir gérer ce genre de douleurs quotidiennes elles se présentent souvent à la maternité avec un travail plus avancé que la moyenne des femmes.
22h45 : Théo s’endort fatigué, moi je lis encore.
J 77
6h20 : “Il faut que je me lève, il est déjà 6h20”. Un dernier bisous et Oïkia profite d’une faille pour se faufiler contre moi. Un câlin du matin et elle file faire ses besoins avant de se rendormir près de moi, au départ de Théo.
10h : Debout ! Je monte pour dire bonjour aux filles qui partent sur petite terre. Mon genoux m’empêche toujours la moindre extravagance, j’ai dû décliner leur offre de les accompagner hier soir. Louise et Alice sont déjà parties pour leur garde, moi je reste à la maison sans avoir quelque chose de précis au programme.
10h30 : Je déjeune, gère quelques taches de la maison, lis, écris, mange, lis, écris, et la journée passe rapidement.
15h : J’ai du bricolage à faire sur ma moto. Rien de bien méchant, juste quelques vis à enlever pour me défaire de mes top-cases et du carénage avant qui m’embête pour manipuler et garer ma moto. Ça sera idéal pour une petite rééducation du pouce alors je m’y mets et me laisse prendre par le jeu. C’est ainsi que je me retrouve les mains couvertes de cambouis, pendant plusieurs heures, en petite robe à fleurs. Vu de l’extérieur le contraste dois faire rire les passants mais je profite de la vie du quartier pour demander une clé de 7 à l’un de mes voisins. Cette rue paisible me fait penser à celle de Wisterialane : une grande boucle, des maisons colorées, de jeunes parents et des familles qui se sourient en se croisant tous les soirs, c’est vraiment un quartier privilégié. D’ailleurs c’est ici que le maire de la ville loge.
18h : Surprise par le temps la nuit commence à tomber quand je me dirige vers l’intérieur de la maison pour prendre une bonne douche en attendant le retour des autres. Théo sera des nôtres ce soir, il nous rejoint après avoir passé la journée avec les filles (les makis sauvages comme on les appelle). A présent je vais pouvoir être autonome moi aussi, j’ai essayé ma moto aujourd’hui et peux vous dire qu’elle est sacrément bien.
19h30 : Ce soir c’est pizza de chez Manureva. On mange dans le salon puis on improvise une soirée ciné en ayant porté notre choix sur Hunger games.
22h : Tout le monde pique déjà du nez, il est temps de mettre pause et d’aller dormir.
J 78
8h30 : Pendant que Théo fera la grasse matinée moi je serais au yoga. Le réveille tonne, je me hisse hors de mes draps pour enfiler ma tenue de sport et des tongs, j’embarque mes lunettes de soleil et me tartine de crème solaire indice 50 puis monte dans la voiture pleine direction Bandrélé.
9h15 : L’accès au cours de yoga est pour le moins peu commun. Après s’être garées au bord de la route on entame un chemin de terre pour lesquelles nos tongs ne sont pas du tout adaptées. La saison des pluies n’a pas fini de faire des ravages et nous choisissons de faire un détour par la plage qui sera moins marécageux.
9h30 : Après avoir atteint une petite maison isolée donnant directement sur le sable, et avoir salué les habitants d’une maison ouverte, nous escaladons par des escalier en bois (s’apparentant d’avantage à une échelle d’ailleurs) pour accéder au toit de la maison. Ce toit en béton est l’endroit idéal pour ce genre d’activité. On est immédiatement subjuguées par le charme du lieu, coupé du monde, face à l’océan, propice à la brise, à l’abris des végétations et de la tonnelle faite main.
11h : Toujours blessée je n’ai pas réalisé les postures nécessitant un appui sur le genou droit mais j’ai pu réaliser au moins les trois quarts de la séance. Après avoir pris des positions nommées par tous les animaux de la forêt (la grenouille apeurée, l’oiseau en colère et j’en passe) la séance se termine par plusieurs minutes de calme, au son du clapotis des vagues régulières, et du silence de l’océan.
11h30 : Les filles ont trainé un peu, moi qui suis peu réceptive à ce genre de détente ne me trouve pas du tout dans le même état de paresse que le leur. Je prends mon mal en patience et on fini par rentrer.
11h45 : Nous sommes de retour sur Iloni. Théo a trainé au lit en m’attendant. Une petite douche puis on monte manger avant de prendre la route pour la plage d’N’goujat. Ma plaie n’étant pas totalement cicatrisée je ne pourrais pas profiter de la baignade mais le décors paradisiaque de la plage me suffira amplement pour une après-midi de calme.
15h : Claire est déjà sur place avec quelques copains de la réserve sanitaire que nous ne connaissons pas. Nour arrive en même temps que nous. Elle aussi vient de Guyane et nous a accueilli chez elle lors d’une soirée récemment. Ce n’est pas le genre de personne que j’apprécie, elle prend beaucoup de place, parle fort, surjoue beaucoup, je ne suis pas à l’aise avec ce genre de personnalité mais reste polie tout de même. Le hic c’est que Théo a beaucoup de mal lui aussi, et s’agacera rapidement en silence dans l’après-midi quand nous l’entendrons discuter vivement à quelques pas de nos serviettes étendues sur le sable brûlant de paresse. Pendant qu’il profite de sa baignade pour bouder, moi je m’en vais téléphoner à la métropole.
18h30 : Après 1h30 de moto pour traverser une bonne partie de l’île nous arrivons les fesses très douloureuses à Majicavo. La victoire de la journée : aucun coups de soleil. Ma peau semble commencer à s’habituer malgré mon bronzage inexistant.
19h30 : Une bonne douche, un petit repas et au dodo.
J 79
11h : On se lève tard mais on s’active tout de suite pour aller faire les courses. Ce midi au programme c’est un brunch, on achète tout ce dont nous avons besoin avant de nous mettre aux fourneaux.
14h : Tout le monde a mis la main à la pâte. On s’attable à un peu moins de dix pour dévorer le festin qui se trouve devant nous. Dans nos assiettes et sur la table plusieurs plats salés et sucrés sont là pour nous rassasier : guacamole, fondue de poireaux aux oignons, andouillette, pain frais, jus de fruits, pancakes, gâteaux au chocolat-smarties, caramel beurre salé, pain perdu, tout y passe !
14h30 : C’est le ventre plein que nous nous replions vers la chambre pour une sieste digestive. Uniquement pour Théo, moi je me plonge dans mon livre et n’en ressort qu’une fois l’heure de partir arrivée.
16h30 : On se prépare pour prendre la route afin d’arriver à temps pour sortir le fauve.
17h30 : Pile poil pour le coucher de soleil sur la plage. Je ne peux pas courir à mon grand désarroi et à celui de ma boule de poils, mon genoux m’a déjà fait mal dans la descente menant à la plage, ça ne serait pas prudent.
19h30 : Les filles souhaitent manger une soupe. Ça sera donc soupe en brique, à défaut de pouvoir la confectionner avec des légumes frais comme j’ai pu le faire pour mes petits vieux cet hiver. A cela j’ajoute une tortilla et tout le monde est content.
21h : Au lit ! Comme des petits papis.
J 80
4h30 : Le réveil est dur, et voir Théo rester endormi encore plus. Mais le jeu en vaut la chandelle, aujourd’hui c’est “sortie grand matin”.
4h55 : On prend la route avec 3 de nos deux roues. Andréa est partie en avance pour pouvoir y aller en voiture.
5h30 : Tout le monde est là, alors on embarque vers le paradis.
5h45 : Les premières lueurs du jour apparaissent. J’ai peur que nous ne rations le lever de soleil mais Ned, capitaine du bateau sur lequel nous nous trouvons, nous promet d’être pile à l’heure. En effet quelques minutes plus tard nous sommes au large de l’île, n’ayant que l’horizon à perte de vue. Le lever de rideau ne va pas tarder, mais au dernier instant notre marin décide de reprendre le cap vers petite terre pour tenter d’y apercevoir des dauphins.
6h : Dans un instant de quiétude totale, sur un lit d’eau lisse comme un lac, la grosse boule de feu semble s’élever des tréfonds de la terre à l’instant où plusieurs dauphins se décident à venir nous saluer. Ils sautent pour notre plus grand plaisir, et aucun objectif d’aucun appareil ne pourrait immortaliser l’instant comme nous le voyons. Tout le monde reste silencieux, comme pour donner à cet instant suspendu dans le temps toute l’importance qu’il mérite.
6h15 : Nos amis sont partis, et le soleil est levé, une merveilleuse journée ainsi qu’une belle semaine commence. Nous reprenons la route vers le nord de l’île pour le reste de la matinée.
7h30 : On tente d’aller voir les raies dans une des baies connues pour leur présence mais sans succès. On tutoie encore les dauphins qui s’amusent de notre courses et s’appliquent à nous offrir un spectacle époustouflant.
8h : Après toutes ses émotions il est l’heure de prendre un petit déjeuner. Ned a mis le paquet et nous offre un plateau rempli de fruits frais de toutes les couleurs. Ananas, passion, papaye, citron, orange, banane, pastèque, une véritable palette multicolore accompagné d’une viennoiserie et d’un café nécessaire à l’heure matinale.
9h : L’eau est transparente, les profondeurs sont d’un bleu profond, le sable est blanc, le soleil est seul dans un grand ciel bleu, et le bateau est rempli de 12 nanas (11 sages-femmes). Toutes les conditions sont réunies pour un décor de rêve. On se baigne dans l’eau cristalline, j’aperçois une raie de sable, descends en pic pour m’approcher de la barrière de corail et de ses poissons colorés puis on palme pour regagner le bateau qui s’est éloigné à cause des courants.
10h : Une rapide recherche a permis à Ned de refaire une mise à l’eau accompagnée cette fois-ci. Et nos visiteurs ne sont autres que nos copains les dauphins (encore !). Les unes après les autres nous nous glissons dans l’eau délicatement pour ne pas les effrayer, et nageons dans leur direction. Ils ont changé de cap, je donne le signal et me retrouve aux premières loges pour les voir s’approcher de nous. Ils sont si près que j’entends leur sonar, petit bruit crépitant dans mes oreilles, résonant dans mon corps. J’en reste bouche bée. Personne dans mon champ de vision, j’ai l’impression d’être seule au monde en leur compagnie. A mes cotés le moniteur pique en apnée pour les filmer de plus près, je fais de même et mon action les intriguent, ils s’approchent un peu plus. Je ne suis qu’à quelques dizaines de centimètres d’eux, le moment est unique, j’en ai le souffle coupé. A grand regret je remonte à la surface par manque d’air, je serais restée là, le temps suspendu, pendant des heures si j’avais pu.
10h30 : Bandes de chanceux que nous sommes, une autre famille est en approche, nous nous remettons à l’eau et cette-fois rencontrons pas moins de 13 dauphins à portée de main. Le respect est mutuel, aucun geste brusque de notre part, quand ils s’éloignent nous suspendons nos mouvements, eux par curiosité reviennent échanger avec nous quelques instants.
11h15 : La plage du préfet. La plus belle de l’île selon Théo. On y est seul au monde puisque le seul moyen d’y accéder est une randonnée unique, laissant à tous les racketteurs le loisir de dérober leurs biens à des proies facile. En y accédant par la mer le problème ne se pose pas et nous profitons d’une plage de sable blanc, contrastée avec le vert profond de la forêt qui l’entoure.
11h30 : Ned a prévu un apéro, un tissu étendu sur le sable nous attend, comportant des acras et petits légumes à croquer accompagnés d’un ponch.
12h45 : Il est temps de rentrer, le bateau accélère sur l’eau. Je profite de l’aubaine pour me mettre tout au bout de l’avant du bateau, les pieds fouettés par le remous des vagues, musique dans les oreilles, et je laisse mes pensées vagabonder.
13h55 : J’ai rendez-vous à la GMF pour l’assurance de ma moto. Tout se déroule rapidement puis je retrouve les filles chez Comema dans le but d’aller ensemble dans une boutique de wax par la suite. Je ne regarde même pas les tissus, j’ai déjà trop à faire à la maison, mais les filles se sont fais plaisir et elles ont bien raison. Une pile astronomique de tissus en tous genres s’accumule près de ma machine à coudre, il va falloir s’y mettre ! Mon pouce me le permet enfin.
15h : Je vais faire des courses de survie au Baobab. La moto m’empêche de faire de grosses réserves mais je rentre chargée comme une mule, une bouteille de rhum (pour la cuisine promis !) sur le coté de mon sac dont le poids repose sur la selle.
16h30 : Au lieu de faire le détour que je fais actuellement par le rond point je coupe une ligne blanche de façon prudente pour éviter tout ce monde, encombrée comme je suis. C’est la première fois que je le fais mais les filles m’ont assuré le faire constamment. Le genre de signalisation que personne ne respecte. Evidement, au moment de le faire une voiture de police passe par ici. Jackpot Thaïs, ça t’apprendra. Je me fais rappeler à l’ordre par un policier qui veut jouer les caïds paternalistes (tout ce que j’aime!). Il pense m’impressionner alors je joue l’innocente et moi aussi je joue un jeu : celle de la blonde perdue. Moi aussi je sais jouer, et ça fonctionne. Il me somme de ne pas recommencer après une petite leçon de moral et l’un d’eux me laisse repartir sans même contrôler mes papiers. A plusieurs reprise ils s’inquiètent de savoir si je sais conduire ce genre de moto. Je fini par lâcher un “j’ai le permis gros cube” les dents serrées et le sourire crispé : si tu t’étais pas garé juste devant moi dans une pente je n’aurais pas autant de mal à faire marche arrière gros malin. Je m’en vais, agacée de ce genre de comportement machiste habituel dans ce milieu là.
17h : Je range les courses, les filles arrivent presque en même temps que moi. Ensuite je m’occupe de quelques papiers pour l’assurance, écrit un peu, et prépare à manger.
20h : Aubergines au four (huile, sel, poivre, cumin, ail, oignons et le tour est joué !) avec un peu de boulgour puis au lit !
20h30 : J’attends de pouvoir lire depuis ce matin, je ne quitte plus mon récit.
22h30 : Il faut bien que je me résigne à fermer mon bouquin, je lutte depuis plusieurs minutes, il est temps de dormir.
J 81
6h50 : Déjà réveillée, je n’ai rien de prévu aujourd’hui et préfère me rendormir quelques heures.
10h : Il est temps de se lever. J’ai laissé Oïkia profiter du jardin ce matin, je l’appelle, lui dis bonjour, et monte prendre un petit déjeuner avec les filles que j’entends être déjà réveillées.
11h : J’écris, papote, cuisine, chapote la couture d’Alice puis me replongerais dans ma lecture dès que mon écriture sera quelque peu rattrapée.
13h : Je confectionne une piémontaise revisitée pour mon repas et en fait en plus grand quantité pour que les filles puissent en emmener lors de leurs prochaines gardes.
13h58 : Je lis jusqu’au dernier moment et pars juste à temps, après avoir lu la toute dernière page.
14h05 : Je prends la route pour mon rendez-vous de la journée chez Clara l’esthéticienne de Passamainty.
14h35 : Elle m’accueille souriante et me fait entrer dans sa maison. Arrivée d’Avignon il y a un peu plus d’un an elle habite avec son mari travaillant dans le social, et sa petite fille de 5 ans, blonde comme les blés. Le petit ange aux grands yeux bleus que je vois derrière la porte nous interrompra une bonne dizaine de fois pendant l’heure qui suivra. Je souris en pensant qu’il n’y a qu’ici que ce genre de chose peut se faire sans que les clientes ne s’en plaignent.
15h30 : Je prends le chemin du retour. Une fois à la maison j’écris un petit moment avant d’aller sortir ma louve pour une balade quotidienne à la plage.
17h : J’écris pendant un bon moment, et vous publie enfin le récit de mon accident qui me donnait tant de fil à retordre. Les publications reprendront leur cours habituel dans les prochains jours, en tentant de ne pas vous submerger d’écrits.
18h30 : Une petite douche, puis je me prépare pour aller chez les filles. Ce soir c’est soirée ciné au QG des makis sauvages.
19h30 : Je prends la route sur ma belle moto et roule prudemment en appréciant d’avoir des phares fonctionnels.
20h : Arrivée ! Ils ont mangé sans moi, mais me propose de terminer toute seule. Dommage, je refuse et on commence rapidement le film après avoir papoté un peu. L’installation se fait rapidement, on est rodés maintenant : les filles étendent le drap, je tire le canapé, Théo bouge la table, on installe le projecteur et prend place de façon confortable. Je me rabats sur les pop-corns, et profite du temps qui passe avec mes amis.
22h30 : Il est encore tôt mais nous prenons déjà la route pour rentrer chez moi. Chacun sur sa moto, Théo et moi on se suit pour plus de sécurité, le gros risque ici c’est les caillassage.
23h30 : Il s’endort tout contre moi.
J 82
7h45 : Premier réveil. Théo n’a pas l’air décidé à se lever, et se rendort.
8h15 : Je tente un réveil en douceur, un peu de musique douce, des câlins, rien n’y fait.
9h15 : Il faut bien sortir du lit un jour, il se prépare et part une quinzaine de minutes plus tard.
9h45 : Je monte préparer le petit dèj. Motivée, je penche pour des gaufres, et en prépare la pâte.
10h45 : Après avoir effectué plusieurs tâches ménagères je m’installe sur le canapé pour encore un peu d’écriture.
12h30 : J’ai fini de tout écrire. Maintenant il faut tout corriger. Je m’y mettrais cet après-midi, c’est promis.
13h30 : Les filles rentrent de leurs courses. 340€ pour des provisions dignes de ce nom. Le ramadan commence dans 2 semaines et Clara m’a conseillé de faire des réserves de tous les produits type farine, oeuf, lait. Alors on s’exécute.
14h30 : Après avoir mangé, je m’applique à 2-3 tâches dans la maison pendant que Claire s’attaque à l’aspirateur. J’aimerais coudre mais Louise souhaite faire la sieste avant sa garde de nuit et notre formidable maison tout en bois ne me permet pas une insonorisation nécéssaire pour m’adonner à ce qu’il me plairait. A la place j’écris, fais une sieste, et en fin d’après midi descends les yeux embrumés pour promener Oïkia à la plage.
17h45 : Un chant de plusieurs personnes s’entend de la haut. Je continue ma descente vers le sable quand je rencontre un groupe composé uniquement d’hommes. Ils enterrent l’un des leurs, là, à deux pas de la plage, au moyen d’une tombe creusée dans la terre, recouverte de feuille de palmier puis de parpaings. Je rappelle ma louve à l’ordre, pour qu’elle n’avance qu’à mon pied, de sorte à ne pas les effrayer et à respecter leur deuil. J’aimerais être une petite souris pour pouvoir assister à ce genre d’évènement culturel mais je reste silencieuse et passe mon chemin. J’apprendrais par la suite que culturellement lors de l’enterrement d’un homme il n’y a que la gente masculine qui puisse être présente, pour celui d’une femme c’est l’inverse.
18h15 : Ma poulette n’en fait qu’à sa tête aujourd’hui. Une petite a pris peur et a crié en courant ce qui a eu le don de l’exciter d’avantage. Oïkia n’est revenue au pied qu’après s’être approchée un peu trop, je décide de rentrer.
19h : Une petite douche pour nous deux et je remonte faire un peu de couture. Ce soir les sages-femmes sont conviées à une soirée organisée par les nîmoises. Dress code rouge et blanc. J’enfile une robe blanche et trouverais bien quelques accessoires de la bonne couleur pour accompagner ma tenue.
21h : J’en ai profité pour me confectionner un bandeau rouge à mettre dans mes cheveux à la machine à coudre. Maintenant que mon pouce me le permet il est temps de m’y remettre. On part avec la voiture d’Andréa qui choisi de rester à la maison. Louise est en garde, nous prenons donc la route à trois.
21h40 : Il y a déjà du monde mais d’autres invités se rajoutent au fur et à mesure. On est facilement 50 dans un petit appartement, musique de bodega à fond les ballons, du rouge et du blanc partout dans le décors. Les filles ont même poussé le vice à projeter des images de fêtes votives et à préparer des litres de sangria. Je me mêle à la foule et passe une excellente soirée jusqu’à ce qu’Alice me tape sur l’épaule.
00h30 : “Thaïs, on va rentrer, tu viens avec nous ?”. Aucune envie mais je n’ai pas d’autre choix que de les suivre. En plus de ça elle me font comprendre qu’elles ont peur de rentrer à deux en voiture. Même si ma présence ne changera surement pas grand chose à la situation en cas d’agression je les suis docilement, déçue de devoir quitter une si bonne soirée, attendue depuis longtemps. Théo, arrivé quelques minutes après nous, décide de profiter du convoi pour passer la nuit chez nous.
2h30 : Les choses ont trainées un peu, on s’endort à peine.
J 83
7h : Ouille. Le réveil est dur, je n’ai pas beaucoup dormi.
7h30 : Les folies de la veille me font hésiter quant à la journée d’aujourd’hui. Passer plusieurs heures ballottée par les vagues peut ressembler à une très mauvaise blague en lendemain de soirée mais je tente le tout pour le tout. Je m’étais engagée au près des filles et me voyant hésiter j’ai bien senti qu’elles n’apprécieraient pas l’annulation de dernière minute.
8h10 : C’est parti, nous nous rendons à musical plage pour notre rendez-vous. Aujourd’hui c’est “journée pêcheur” qui consiste à se laisser porter par un pécheur pour aborder plusieurs îlots en bateau et flemmarder sur les plages en mangeant du poisson grillé pour le repas du midi.
8h30 : Un magnifique baobab surplombe la plage de sa puissance. Je reste fascinée par ce que peuvent dégager certains arbres. Ils sont très symboliques dans certaines cultures notamment la culture africaine. Les racines s’apparentent souvent à l’entourage, les feuilles à l’énergie et aux dérives possible de la vie.
8h32 : Nous partons pour un premier îlot qui s’appelle “Bambo Est” à bord d’un bateau à moteur qui me fait quelque peu penser aux pirogues que j’ai pu emprunter lors de mon séjour en Guyane. Le voyage est court, les vagues sont calmes, nous posons les pieds dans le sable quelques minutes pour tard pour les prochaines heures. Les serviettes sont lancées sur le sable, la crème solaire a déjà été mise, nous n’attendons rien de plus pour nous mettre à l’eau. Le “tombant” est à quelques brasses seulement, il est la frontière composée de corail entre le milieu peu profond et les mètres plongeant d’un bleu mystérieux dans les abîmes de l’océan. La barrière de corail est aussi colorée que celle d’un aquarium, les poissons font un concours de couleurs et de forme, mes yeux sont grands ouverts pour profiter de ces merveilles qui s’offrent à moi, pendant que mon corps flotte quelques dizaines de centimètres au dessus. Après quelques apnées pour descendre le long de cette nature époustouflante je regagne ma serviette pour sécher à l’ombre. Pendant notre absence une classe du collège a débarqué sur l’îlot pour une journée découverte. Un peu trop bruyants à mon goût ils semblent découvrir les environs et les dessous de la mer pour une première fois. Le moniteur leur explique ce qui les entoure mais je reste bouche bée quand il leur demande qui sait nager parmi eux et que seulement un tiers lève la main. 2/3 de ces gamins qui n’ont jamais quitté cette île ne savent pas nager, c’est fou quand on y pense. Ils sont pour la plupart même terrifiés par l’eau.
10h30 : Deuxième arrêt : l’îlot sable blanc. Il porte bien son nom puisqu’il n’y a rien sur cette île hormis du sable. Et des oiseaux. La pointe de la butte de sable sur laquelle nous nous trouvons est protégée pour l’accueil de certains volatils. C’est si petit que je peux faire le tour de cette plage en quelques minutes, mais aucune végétation ne s’est développée ici. Il y a du soleil, et du sable, rien d’autre, pas d’ombre. 2ème couche de crème. Nous sommes seules au bout du monde, Lisa (une sage-femme qui nous accompagne) se charge de la musique et nous discutons les pieds dans l’eau, les fesses dans le sable. J’en profite pour vider mon sac au près de mes colocataires, je ne me sens pas très intégré depuis notre mise au point de la dernière fois, et ce malgré mes nombreux efforts pour passer du temps avec elle. Elles m’avouent que pour elles c’est tout l’inverse, que tout se passe très bien et qu’elles sont tristes que je ressente les choses de cette manière. Une fois la discussion terminée je me sens mieux, la communication c’est bien la base.
12h : Petite réflexion de ma part “Les filles, imaginez le mec il revient pas…” Ahah. Ahah. On serait pas dans la merde tiens. Il est parti s’occuper du repas pendant qu’on se la coule douce et qu’on fait des pyramides. Aujourd’hui l’aventure est partagée avec mes colocataires (sauf Louise qui est entre deux nuits), Manon, Lucie, et Célia, trois autres sages-femmes du sud.
12h30 : Changement de plage. On nous dépose sur une dernière dont je n’ai pas réussi à retenir le nom malgré l’effort de prononciation de notre guide. Cette fois-ci il y a de l’ombre et j’en profite pour me mettre à l’abris en attendant le repas. J’ai presque rejoins les bras de Morphée quand il nous est servi : poisson frais grillé, manioc et bananes frits, local quoi.
13h : Le reste de la journée se termine entre lecture et sieste après l’avertissement peu rassurant d’un policier passant par là et nous assurant que la plage n’étais pas sûre. Que nous ne devrions pas être là. Pourtant c’est partout pareil ici malheureusement. Notre pêcheur n’est pas là, avec lui peu de chance que quelqu’un ose venir nous embêter.
15h : Le retour est entamé. Les nuages qui nous menaçaient jusqu’alors finissent par attaquer, déferlant une pluie fouettante sur notre bateau pendant que nous scions les vagues. Un bon ciré jaune de mon pays natal ne serait pas de refus mais je sers mon petit sac contre moi à la place.
16h : De retour à la maison une bonne douche s’impose, ensuite je prépare mes affaires et une heure plus tard je suis partie.
17h25 : Je retrouve Théo au Baobab pour quelques courses. Il a improvisé un brunch pour demain soir (oui oui, un brunch) alors nous faisons des provisions dans le but de confectionner plusieurs douceurs demain.
19h : On s’applique à préparer le repas de ce soir pour toute la colocation. Au menu ce soir : Hamburger au camembert version madras (plat guyanais). Une fois à table tout le monde semble satisfait mais rapidement rassasié.
22h : Je m’endors avec un peu de lecture
J 84
9h10 : Théo part au travail, moi je reste chez lui pour une question pratique.
10h30 : J’entends du bruit, j’ose montrer le bout de mon nez pour commencer à cuisiner. C’est bien mignon d’inviter les gens pour 18h mais quand on fini le travail à 17h et qu’on veut faire un gâteau au chocolat avec de la ganache et des smarties, une tarte tatin, un tiramisu orange chocolat et des pancakes il faut prévoir un minimum à l’avance. Alors je m’y mets, et je le fais même avec plaisir même si je n’ai jamais autant cuisiné.
13h30 : Gaëlle me ramène à manger. Ils sont allés se faire vacciner ce matin avec Thérence, et ils mangent avec moi avant que je ne me remette au fourneaux. Je n’ai pas très faim mais me force par politesse.
14h30 : Mon caramel est en cours mais je ne pourrais pas terminer à moins d’être en retard. J’abandonne mes travaux et monte sur ma bécane pour rejoindre Claire et notre rendez-vous manucure. Une petite descente derrière le portail de Théo ne nous facilite pas la tâche quant aux manoeuvres pour sortir les motos de la courre. A cause du manque de force dans mon pouce je monte dessus et tente de faire la manoeuvre mais je suis trop courte sur patte et ne touche plus le sol au moment où la moto perd son équilibre dans la vitesse. Je chute, et me fait mal au pouce en prime. En colère contre moi même je relève la moto pourtant bien lourde avant de prendre la route.
14h58 : Pile à l’heure. Première arrivée, première à y passer. Ici nous sommes toujours en tong alors faute de pouvoir mes faire les ongles de mains à cause du métier on ne se prive pas pour les pieds. J’opte pour une french, Claire pour un vert sapin et deux heures plus tard nous sommes reparties.
17h30 : Théo est déjà rentré du travail. On termine nos pâtisseries et entame les préparatifs avant que les gens ne débarquent. 13 personnes seulement ont répondues qu’elles participaient, mais ici c’est variable, surtout quand on a invité 50 personnes comme Théo a pu le faire.
21h : Effectivement, au pic de la soirée plus de 40 personnes étaient présentes. La musique est restée à un volume sonore acceptable pour les voisins et les débordements n’ont pas eu lieu. Maude fête son départ ici demain soir et on s’efforce de ne pas poser de problème avec les alentours dès aujourd’hui. On profite de la piscine, on se goinfre de l’abondance scandaleuse de sucreries présentes sur la grande table en bois et les invités partent tôt.
1h30 : Je vais me coucher, mais avant ça j’écris un peu, de peur d’oublier les détails de tout ce que j’ai à vous raconter.
2h : Je m’endors seule, Théo est restés avec les derniers invités qu’il n’a pas réussi à mettre dehors.
J 85
4h50 : En lançant mon bras dans le lit à la recherche d’un câlin je m’aperçois que je suis toujours seule. Je regarde l’heure : mais qu’est ce qu’il fait ? Je tends l’oreille mais n’entends rien. Je décide de me lever pour m’assurer qu’il ne dort pas sur le canapé par peur de me réveiller, ou dans un autre lit, accompagné, on sait jamais. J’allume la lumière pour chercher un t-shirt mais je découvre tout autre chose. Deux jambes dépassent du bac de douche. Merde. Théo. Je m’affole un peu en pensant à une chute qui lui aurait fait perdre connaissance dans la douche mais me rassure vite en voyant qu’il est conscient. Cet idiot a trop bu c’est tout. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là mais je regrette déjà de ne pas avoir immortalisé le moment avec une petite photo. Je tente de me rapprocher et marche dans quelques choses de visqueux, je manque de glisser dans son vomi. Quand j’ai quitté la soirée il était joyeux mais pas soul, visiblement il a bu le verre de trop, ça arrive même aux meilleurs. Alors je lui passe un peu d’eau sur le visage en le relevant. Je sais que ça n’est pas son style, c’est une erreur de calcul de sa part mais il n’y aura que lui pour le regretter demain matin. Je le couche, lui apporte une bassine puis me rendors.
11h : Il est frais comme un gardon. Un petit mal de tête tout de même mais sinon ça serait trop injuste. Je me moque gentiment et on traine avant la suite du programme de la journée.
14h15 : Je pars devant pour rejoindre la coloni. Clarisse fait un barbecue sur la plage pour son anniversaire et nous a demandé s’il était possible de prêter notre maison. Bien sur nous avons accepté, alors je les rejoins pour manger une brochette ou deux en son honneur.
15h30 : Théo passe prendre les clés de mon studio sur la plage. Il souhaite aller faire une sieste alors quand il se met à pleuvoir des trombes une demi heure plus tard je n’hésite pas avant de le rejoindre. Le barbecue est à la merci d’une pluie battante. Je l’abrite avec un matelas d’eau gonflable et retourne les saucisses avant de rejoindre les autres pour une photo tous habillés dans la mer. Oïkia est aux anges, elle court à en perdre pattes pendant que nous dansons sous la pluie.
16h : La remontée se fera pied nus si je veux avoir une chance de réussir. Les chevilles recouvertes des torrents d’eau qui dévalent la pente je suis totalement focalisée sur mes pas quand je manque la bifurcation du chemin. Résultat je me retrouve perdue, pieds nus, trempée mais bien accompagnée c’est déjà ça. Oïkia ne m’aide pas du tout, je vois bien qu’elle compte sur moi, et si elle est comme ça mère le sens de l’orientation c’est même pas la peine d’y penser.
16h20 : Trempée jusqu’à l’os je me réchauffe avec une douche chaude et me glisse dans le lit pour fermer les yeux.
17h30 : Premier réveil, il faut bouger la moto. Je m’en occupe et je monte, là haut je casse ma chaussure droite. Dépitée je redescends me coucher.
19h : Deuxième réveil, il faut ouvrir la maison. Une nouvelle fois les filles n’ont pas pris leurs clés et je dois monter pour leur ouvrir. Je bougonne dans ma barbe mais ne réussi pas à me rendormir alors je laisse Théo se reposer pendant que je prépare à manger.
20h40 : Il est temps de le sortir de son sommeil si je veux qu’il ne parte pas dans sa nuit. Il ouvre les yeux avec peine, et monte nous rejoindre pour manger avant d’enchainer une nouvelle soirée.
22h : L’ambiance est déjà au beau fixe. Une cinquantaine de personnes sont présentes et les baffles crachent de la musiques à fond. Malheureusement on ne connait pas grand monde et n’arrivons pas a nous intégrer l’un comme l’autre. Je casse la tong gauche d’une autre de mes paires. Le point positif c’est qu’avec les deux restantes je pourrais en former une nouvelle.
2h30 : Il est temps de rentrer.
J 86
10h : La truffe d’Oïkia se frotte à ma main. Elle veut des caresses et pouvoir sortir. Je lui donne ce qu’elle veut et retourne me coucher.
12h : Réveillés tous les deux on traine un peu avant de s’activer. Aujourd’hui c’est journée tranquille à la demande de Théo.
13h : Là haut on se prépare à manger pendant que mon mal de ventre déjà présent ce matin s’accentue de plus en plus. Le stérilet que j’ai posé il y a plusieurs jours me déclenche des douleurs fréquentes mais jusqu’ici supportables. Aujourd’hui c’est différent, malgré un Antadys je finis en boule dans le canapé à souffler comme une femme enceinte. J’ai même abandonné mon plat.
14h : Claire jette un oeil à tout ça et me confirme qu’il est pourtant bien placé. Mon corps doit tenter de le rejeter, c’est dommage. Je croise les doigts pour que les choses s’arrangent dans les prochains jours et que je ne sois pas obligée de l’enlever.
14h30 : Après-midi dessins-animés et film. Notre dévolu se porte sur La petite sirène puis sur la fin d’Hunger games. Une bouillotte sur le ventre, je reste un peu tranquille avant de ne me décider à sortir de chez nous.
18h : Hérine fait un gouter chez elle aujourd’hui. Je lui ai envoyé un message pour la prévenir de mon retard et de sa cause mais j’aimerais tout de même y passer. On y fait un saut, j’apporte ma contribution : muffin au chocolat fondant et coeur à la pâte de spéculos. L’unanimité est encore gagnée, je donne ma recette à mon amie puis nous rentrons.
20h : Repas du soir avec la colocation de Théo au grand complet. Nous sommes 8 à table avec la chérie de Tom.
20h45 : La chambre est regagnée, encore un petit film et au dodo.
J 87
9h20 : Théo me réveille, il est temps d’émerger.
9h40 : Un bisou avant de partir chacun de notre coté. Je m’arrête acheter du beurre qui part à une vitesse folle. J’en prends 3 plaquettes et ressors du magasin quelques instants plus tard, la pluie en a profité pour repartir de plus belle, puis me dirige vers le garage pour m’acheter un rétroviseur droit.
11h : Arrivée à domicile je range mes affaires, installe le rétro puis patiente un peu. Aujourd’hui je vois Caitlyn, la petite infirmière rencontrée en Guyane qui avait eu un petit béguin pour mes beaux yeux alors que j’étais avec Alex. Elle est venue avec la réserve sanitaire et part déjà dans quelques jours, on en profite pour se voir et avons prévu d’aller à la plage de Sakouli aujourd’hui.
12h30 : Elle trouve la maison grâce à mes indications et nous embarque avec Oïkia direction Ololo, le restaurant de la plage.
13h : A l’abris d’un arbre on pose nos serviettes à la lisière de l’ombre et du soleil. Caitlyn dans la partie ensoleillée, moi protégée. J’ai encore mal au ventre et décline son invitation pour aller se baigner. A la place je vais nous commander à manger le temps qu’elle fasse trempette. Une salade au chèvre pour la demoiselle, quelques sambos (samossas) pour moi, un jus prune de cythère - passion pour nous deux et j’invite mon amie.
15h : Andréa nous rejoint, et nous continuons la conversation à trois, comme de vieilles amies.
17h : On entame le chemin du retour pour que je puisse lui montrer mon petit nid douillet. Une fois chose faite on papote encore un peu. Avec elle les choses n’ont pas changées, elle fait partie de ce genre de personnes que je pourrais croiser dans 5 ans sans que les choses ne soient devenues bizarres. La conversation est naturelle, l’attirance aussi, il suffit juste de l’accepter et de l’assumer, c’est un fait.
17h30 : A son départ je m’attaque à la couture de mes rideaux. J’aimerais les finir une bonne fois pour toutes et je m’y attelle jusqu’au soir. Entre temps Alice et Louise rentrent de garde, puis Andréa et Claire. Moi je n’ai pas bougé. Je peine à finir un travail aussi bâclé, recoudre du tissu sur des rideaux déjà très magnégnés (vite-faits mal-faits), comme on dit ici, c’est vraiment pas l’idéal quand on a des tendances perfectionnistes.
22h30 : La perfection ça sera pour une autre fois, je suis enfin venue à bout de ces tissus de malheur, et les accroche grâce à quelques acrobaties dans mon studio. J’improvise aussi un canapé-lit nouvelle génération. Celui-ci consiste à plier mon matelas en deux grâce à un bout de corde et du gros scotch puis à le recouvrir d’un tissu coloré. En deux temps trois mouvements vous aurez un sofa maoré made-in-Thaïs, dernier cri.
23h : Une petite douche et je me mets au lit pour regarder un film seule avec moi, et Oïkia tout de même.
J 88
10h : Mes nouveaux rideaux occultent la lumière de telle sorte à ne laisser passer que quelques rayons du soleil. Je me lève en grimaçant déjà : encore ce mal de ventre. Sans attendre je prends un anti douleur puis monte déjeuner.
10h20 : Claire est levée, Alice et Andréa sont au travail, Louise dort encore. Je me déplace tant bien que mal avec une bouillotte improvisée sur le ventre en tentant de me préparer un petit dej. Les fourmis ont élus domicile dans mes céréales alors je porte mon choix sur des flocons d’avoine en engloutissant le tout devant la vue que m’offre la table à manger.
11h : Les filles vont à la plage. Je reste avec ma chienne et mon mal de ventre, il faut que j’en profite pour coudre un peu. Cet après-midi la sieste de Louise m’en empêchera et demain ça sera la même chose.
11h20 : Souafi fait son cirque et me grimpe dessus comme à son habitude. Je prends les choses à la rigolade et réussi à immortaliser un cliché rigolo avant de me résoudre à descendre m’enterrer dans mon lit, avec ce mal de ventre je n’arriverais à rien de toutes façons.
11h35 : J’ai plusieurs jours de retard dans mes écrits. Je fais un petit effort pour m’y mettre mais n’écrirais pas tout aujourd’hui. Vous partager ma vie est une discipline mais je tiens à ce que ça reste aussi un plaisir.
13h30 : Le mal de ventre a fini par passer. Après avoir écris un peu j’ai trainé sur mon ordinateur, il est temps de sortir de mon lit. Je vais grignoter un petit quelque chose puis me plonge dans un peu de couture.
14h : Louise rentre de la plage pour dormir avant sa garde de nuit. J’abandonne la couture et m’attaque à faire un peu de ménage. Le manche du balai me lâche, je fais une allergie, puis l’aspirateur refuse de fonctionner. Je fini a la balayette dans une maison de 170m2, la femme de ménage me manque.
15h15 : J’écris encore.
17h20 : J’ai fini d’écrire mais il nécessite encore que je fasse la phase de correction avant publication. Je continue.
18h : Théo débarque. Il a fini sa journée de travail et souhaite m’emmener manger quelque part ce soir. Je ne sais toujours pas où mais j’apprécie que les restaurants aient rouvert dans cette partie de la France.
19h30 : C’est parti pour une destination toujours inconnue, je me laisse guider les yeux fermés.
20h : Nous mangerons donc à La panna cotta, réputé pour être le meilleur restaurant de l’île le cadre est déjà très joli dès l’entrée. Le service est fluide, les clients parlent à voie basse et les plats tiennent sur une petite ardoise. 3 choix pour chaque plat : nous prendrons donc un velouté de potiron aux éclats de foie gras ainsi qu’une (oui une seule) raviole à la crevette accompagnée d’une sauce aux crustacés. En plat notre choix se porte sur une sourie d’agneau et de l’espadon. Et en dessert un crumble banane noisette et une panna cotta bien sur. C’est un délice du début à la fin, après avoir roucoulé un peu on repart le ventre bien trop plein pour passer la nuit chez moi.
22h : Mon ventre fait encore des siennes, pourvu que ça passe dans les prochains jours.
J 89
9h15 : Théo part travailler. Moi je me lève et vais là haut pour déjeuner, après quoi je me remet au lit par ce que mon ventre me fait toujours mal. D’ordinaire ça passe assez vite, je croise les doigts pour que la douleur ne dure pas.
11h : Elle ne semble pas vouloir passer, je me lève afin de prendre un Acupan (anti douleur puissant) puis me recouche.
13h30 : L’acupan n’a pas suffit, je prends en plus un ibuprofène. A ce rythme là je vais devoir enlever mon stérilet.
15h : La douleur n’a pas cédée depuis ce matin mais une petite accalmie me permet de m’endormir, je suis épuisée d’avoir mal depuis le réveil.
16h30 : Je me lève pour manger un bout puis me recouche aussitôt. C’est dommage j’aurais vraiment perdu ma journée.
16h45 : J’écris un peu.
18h : Il est temps de sortir du lit. Ce soir nous avons organisé un “repas pirate”. La soirée consiste à préparer un repas typique accompagnés d’un chef. Celui ci s’appelle Nacer et vient des Comores. Il se présente avec une glacière remplie et tout son attirail de cuisine transporté à bord de son seul scooter. Un sourire éclatant, un accent d’ailleurs, et nous partons pour une soirée maoraise en compagnie de Clarisse, Julianne et Nathan, Théo, Yann et toute la colonie. Les denrées alimentaires sont toutes mises sur la grande table du salon autour de laquelle nous nous attablons tous. Le chef commence par nous traduire tous les noms des aliments en shimaoré et après que nous nous soyons amusés à essayer de les prononcer il nous donne une tâche à chacun. Certain trient les feuilles d’une certaine plante, d’autre découpe le poisson frais en cube, moi je râpe la papaye avec un ustensile que je n’avais jamais vu auparavant. Composé d’un manche en bois celui ci présente des petites boucles en fer formant des spaghettis au contact du fruit en question. La papaye ne se mange pas qu’en fruit, il en existe également des vertes qui s’apparentent quelque peu au goût du chou chinois. Chacun s’applique puis nous changeons de rôle régulièrement. Nathan qui a le plus d’expérience en cuisine en profite pour nous apprendre deux trois tips de cuisinier et les discussions vont bon train. Au menu ce soir : Un céviché de thon blanc, bananes plantains frites et salade de papaye en entrée, et en plat de résistance riz parfumé avec son moringua (plat à base de feuilles et de poisson).
23h30 : La soirée était bien quoiqu’un peu longue. Tout le monde va se coucher, certains travaillent demain, mais toujours pas moi.
J 90
9h15 : C’est l’anniversaire de ma môman aujourd’hui. 3 années consécutives que je manque à l’appel pour sa journée. C’est un choix de vie particulier mais je sais qu’au fond elle comprend. Théo se lève pour aller au travail, moi je me lève pour trainer. Je sens le mal de ventre pointer le bout de son nez et bingo, à peine le petit déjeuner avalé je vais déjà me recoucher. Après discussion avec Claire il est temps d’enlever ce stérilet qui ne semble pas me convenir, je tente de le faire moi même mais c’est un échec, il faut dire qu’à l’endroit où il se trouve c’est un peu compliqué, d’autant plus que mon pouce me pose problème. Je ne vais pas demander à l’une de mes chères colocataires de le faire, je sais qu’elles m’aiment bien mais ça serait pousser le bouchon un peu loin de leur demander une chose pareille, sans gant ni matériel. Je prends mon mal en patience, ça devra attendre encore un peu.
13h : J’ai passé la matinée au lit, j’ai toujours mal, j’écris alors.
15h30 : Une fois habillée, sur le point de monter dans la maison pour effectuer un peu de couture Claire pointe le bout de son nez pour me dire qu’il est l’heure de partir. On a rendez vous à Sada à 17h30 pour un coucher de soleil mais visiblement les plans ont changés et c’est maintenant ou jamais. Un peu mise sur le fait accompli je demande quelques minutes pour me préparer et les suis.
16h15 : Arrivées à Sada après 5 virages en tête d’épingle, je déteste toujours autant la voiture. On se dirige vers la maison de l’artisanat mais n’ayant toujours pas de liquide sur moi je ne fais que regarder. Ensuite direction couturier. Les filles ont acheté leurs propres tissus et commandent différentes pièces à l’homme qui prend des notes et des mesures. Les commandes seront prêtes d’ici une bonne semaine, tout le monde repart satisfait.
17h15 : Quelques courses au sodicash puis nous nous rendons chez Lisa qui nous accueille ce soir.
17h39 : Finalement c’est sur le toit de sa voisine que se déroulent les festivités. Quelques personnes sont déjà là, nous les saluons et nous installons après les présentations. Le soleil lui part contre n’est pas au rendez vous, il est caché par un énorme nuage rempli d’éclair, qui cache la moindre lumière de ce baissé de rideau orangé sur la baie que nous voyons en panoramique.
18h15 : J’apprends à connaître Sophie, une sage femme croisée lors de mes premières gardes mais dont je ne me souviens pas. Elle me remercie par ce que je lui ai fais connaître l’association ASF et que grâce à ça elle part en mission avec son chéri pour 3 mois en Guyane. On parle un peu de sa future aventure et l’heure du retour approche vite.
19h : Les filles veulent déjà rentrer. Andrea travaille demain. J’hésite à rester mais j’ai tellement souvent mal au ventre que j’ai peur de me retrouver dans une situation délicate d’ici le matin. Je joue la prudence et rentre à la maison.
20h : Une conversation de colonie est engagée. Claire part à la fin du mois, son départ est un peu précipité par rapport aux plan initiaux et nous devons réfléchir à la marche à suivre. Qui dis départ dis nouvelle ou nouveau coloc. Quel métier ? Quelles horaires ? Quel état d’esprit ? Animaux ou pas ? Tant de choses sont à questionner pour partir sur de bonne base. Nous décidons donc de laisser à Claire le loisir de poster une annonce sur Facebook, et de sélectionner 3 personnes d’ici une semaine que nous rencontrerons par la suite, nous le reste de la colonie. Homme ou femme peu importe, sans animaux (moi j’aurais aimé!), et sans métier ni horaires particuliers. Aussi nous abordons la question de Théo. Celui ci m’a demandé hier soir s’il pouvait venir passer les deux prochains (ses deux derniers) mois à la maison. Au vote tout le monde est d’accord pour dire oui, on établi les modalités, mais nous sommes toutes d’accord pour l’accueillir dans la mesure où ça ne sera que deux mois.
20h25 : Comme il est encore tôt je décide de partir rejoindre Théo pour lui annoncer la nouvelle. Je sais que la surprise de ma venue lui fera plaisir alors je me dépêche pour ne pas arriver trop tard.
21h : J’ai bien roulé. Théo est content, on décide d’aller profiter un peu de la piscine avant de se coucher.
22h : Moi qui pensais que la pose de mon stérilet était une épopée je n’avais pas envisagé que la tentative de son retrait serait aussi drôle. Comme je n’ai pas réussi à l’enlever moi même c’est Théo qui s’y colle et c’est sacrément hilarant. Je lui explique les tenants et aboutissants de ce qu’il doit faire tout en essayant de garder mon sérieux mais ce n’est pas facile. Je pars dans plusieurs fourires incontrôlables, de toute façon il n’y arrive pas non plus, je demanderais à l’une de mes collègues demain, ça peut attendre.
00h : Tout le monde rejoins le pays des rêves.
2h30 : Réveillée par la douleur j’ai de violentes crampes abdominales. J’essaye de souffler mais je suis encore submergée par les maux, je fini en pleur dans la douche pliée en suppliant et cherchant une solution pour que ça s’arête. Un rapide message aux sages femmes : les urgences sont saturées, je vais devoir prendre mon mal en patience. J’envoi un message de détresse aux Maki sauvages, elles me répondront demain, quand elles se réveilleront.
3h30 : La douleur fini par céder, et moi par m’endormir.
J 91
7h : Théo se lève sans un bruit, je suis épuisée.
11h : J’émerge enfin. Sur la terrasse Gaëlle, Thérence et Corentin sont déjà levés, ils déjeunent et me propose de me joindre à eux. J’accepte, mange, puis débarrasse et fait la vaisselle. Ensuite toujours pour la même raison je vais me recoucher.
13h : J’écris, traîne sur mon téléphone, puis lis un livre sélectionné dans la bibliothèque de la maison. J’ai choisi « La chimiste » de Stéphanie Meyer en espérant me perdre autant dans ce livre que dans les autres qu’elle a pu écrire.
15h : Théo a fini sa journée de travail. Il rentre à la maison et ne revient pas les mains vides. Appelées à la rescousse Marie et Claire lui ont fait parvenir une ordonnance pour un kit de dépose de stérilet. Ce soir on les rejoint pour que l’une d’elles puisse m’enlever celui ci et enfin arrêter ces douleurs incessantes.
15h30 : Gaëlle me voyant encore pliée en deux propose de régler ça tout de suite. J’accepte avec plaisir et me voit soulagée l’instant d’après. Presque de façon instantanée. J’ai envi de lui sauter au cou tellement que je suis heureuse. A la place on va tous barboter dans l’eau de la piscine et Bastien nous rejoint.
17h45 : Maintenant qu’on a traîné un peu, direction Iloni en passant par le camion blanc, petit snack à côté de la barge pour y boire un coup avec Caytlin. Finalement celle-ci arrivera plus tard, dommage je ne la verrais pas avant son départ, on rentre à la maison.
18h30 : Je prépare quelques affaires pour demain, on mange quelques restes puis regardons une série avant de dormir. Un gros week end nous attend.
J 92
9h30 : Pas de temps à perdre. A peine réveillés nous sommes debout pour une nouvelle aventure. On petit déjeune des pancakes puis remplissons nos sacs pour partir à 11h30. Je ne prends avec moi aucune affaire de valeur. Je n’ai que quelques habits, de la crème solaire, de quoi me baigner, de quoi dormir et de l’eau. Pas de téléphone, pas d’argent, pas de risques.
12h : On s’arrête acheter quelques ravitaillements pour le week-end. Juste de quoi grignoter en cas de fringale mais tout a déjà été prévu dans les grandes lignes par nos organisatrice favorites. Arrivant chez Claire et Marie je klaxonne joyeusement pour signaler notre présence. Leurs petites frimousses se penchent au balcon alors que nous entamons un concours de vrombissement de nos moteurs respectifs. Théo gare sa moto en bas pour patienter puis nous montons la mienne pour la rentrer dans leur maisonnée. Ça passe pile poil mais fallait pas plus ! On dépose les sacs, les embrasse puis repartons chez Zenaboutique pour un achat spécifique. Je cherche un bob. A l’entrée dans ce petit magasin plein à craquer je tombe sous le charme de cet endroit rempli de tissu en tout genre et souvenirs par milliers. Des chapeaux il y en a à la pelle, mais aussi des sacs, porte-feuilles, casquettes, bobs, paréos, et j’en passe. Je sélectionne 2 bobs et en trouve un pour Théo qui n’était pas convaincu mais s’avoue vaincu en l’essayant. Ça lui va comme un gant. Il me rappelle à l’ordre alors que je me laisse traîner dans la boutique : pas de temps à perdre, les filles vont nous attendre.
12h45 : Je quitte la boutique en sachant pertinemment que j’y reviendrais.
13h30 : Agnès est arrivée accompagnée de Maud, une infirmière qui vient de débarquer sur l’île et qu’elle héberge. Après de rapide présentation et le rangement de leur scooter dans le petit salon déjà bien plein nous prenons la route direction M’tsamboro.
14h : Comme nous avons un peu d’avance et que nous n’avons pas encore mangé on choisi au hasard un restaurant sur notre chemin. Il se trouve à Combani et la serveuse nous est fort sympathique dès notre arrivée. On commande un jus citron - goyave puis un deuxième et un tacos pour Théo tandis que je prends une salade terre et mer.
15h : Arrivés pile à l’heure à M’tsamboro. J’ai tellement mal aux fesses après une heure de route sur la moto en tant que passagère que je pousse un cri de douleur et de soulagement enfin arrêtés. Nous n’avons pris qu’une seule moto pour une question de sécurité, rien ne nous certifie qu’on retrouvera celle-ci entière demain après-midi. Une partie de la troupe est déjà là, on attend les derniers au soleil, et on fait connaissance avec les nouveaux.
15h15 : Les affaire sont débarquées, on en a tellement qu’on pourrait croire qu’on part une semaine. La fourgonnette débarque et là ça ne rigole plus, deux grosses enceintes d’un mètre de hauteur chacune sont apportées. Ça promet d’être le bivouac du siècle. Tous les guyanais sont là, les makis sauvages au grand complet.
“C’est à qui se sac mouillé ?”. Ah ben c’est à moi. Visiblement mon Camel Pack de 2L d’eau a explosé dans mon sac de randonnée prévu pour le week end. Heureusement que je n’ai rien pris qui puisse craindre l’eau, par contre je n’ai plus une fringue de sèche. Pour compléter le tableau j’ai l’immense joie de constater l’arrivée de mes règles au pire moment : celui où aucun accès aux toilettes n’est possible et où nous partons pour deux jours sur une île déserte, sans aucun moyen d’hygiène.
15h20 : Je verrais tout ça là-bas. J’enjambe pour monter dans le kwassa (grande pirogue typique aux transports des migrants venant des Comores vers Mayotte) et nous partons a une dizaine direction l’îlot d’en face, connu pour être le plus grand de l’île mais aussi celui sur lequel débarquent les fameux Kwassa. D’où mon choix prodigieux de ne rien prendre de valeur avec moi.
15h23 : Une crampe abdominale d’une violence inouïe m’assaillie de douleur. Je ploie devant elle et m’accroupi par réflexe, ne laissant dépasser que le haut de mon crâne du fond de la barque. Maude s’inquiète de se qui peut bien m’arriver quand je me questionne également. La crampe en question finie par passer et je me rassoit, presque comme si de rien n’était en croisant les doigts pour que ça ne recommence pas. Evidement que si. Une deuxième vague de douleur m’envahie et j’ai le grand regret de n’avoir à disposition des sanitaires. Nous sommes en plein milieu du lagon et je manque de me vider d’un instant à l’autre. J’ai peur de n’avoir plus aucun contrôle quand Théo se penche pour me demander ce qui se passe. Le calamar mangé il y a plus de deux heures veut regagner la mer visiblement, une belle intoxication alimentaire, voilà ce qu’il m’arrive ! Il n’y a qu’à moi à qui ça pouvait arriver à ce moment précis.
15h35 : “Il faut qu’on arrive vite”. Théo me réponds le yeux inquiets “il reste un tiers de la route”. Mon dieux, ces vingts minutes me paraissent être les plus longues de ma vie.
15h40 : L’avant du bateau heurte le sable. Quelques secondes plus tard je suis la première à sauter à l’eau, et je prends mes jambes à mon cou direction la forêt. J’intercepte le premier homme que je croise et lui lance à la volée sans m’entiffer des formules de politesse, je dois avoir un air de folle avec de grands yeux : “il y a des toilettes quelque part ?” Je comprends vite que je rêve, et que si je veux pouvoir avoir le luxe d’enlever mon short il faut que j’y aille maintenant. Je pique dans les tropiques, enjambe les herbes, foules toutes sortes de sol sans y prêter attention et tente de trouver un endroit caché rapide d’accès. A peine mon choix arrêté, je n’ai plus le temps de réfléchir à la question, et fait mon affaire au milieu des bananiers. Le soulagement est immédiat, je regarde enfin autour de moi, j’avais à peine prêté attention à ce qui m’entourait, et n’ai même pas pu anticiper le confort de la moindre feuille de papier toilette. On appelle ça “communier avec la nature” parait-il. Une fois soulagée (c’est le moins qu’on puisse dire) je retourne vers le plage pour faire comme si de rien n’était. J’épargne les détails et précise juste que c’est passé. On s’active à établir le campement et pendant que les uns déballent de quoi faire des grillades les autres s’occupent des platines, nous on monte la tente. Au beau milieu des opérations une nouvelle crampe me scie les intestins, je laisse tout en plan et me remet à courir. Les hommes qui sont là doivent bien se demander ce que je fabrique mais c’est bien le cadet de mes soucis. Les fesses à l’air je constate avec horreur qu’un groupe n’est pas très loin de moi et qu’il se rapproche. Je fais corps avec la forêt et tente de me fondre dans le paysage pour ne pas me faire remarquer. Cette fois j’ai pensé au papier, quelle joie !
16h30 : L’opération recommence 5 ou 6 fois pendant lesquelles j’oscille entre quelques brasses dans une mer à la température d’un jacuzzi et sprint en direction de la faune terrestre. Fort heureusement le mal fini par passer, et la soirée peut commencer.
19h : La musique se fait déjà entendre pendant que je m’occupe de couper des kilos de légumes.
19h30 : Une pluie tropicale s’abat sur nous. Tout est trempé en quelques instants. Tous le monde s’active et se met à courir dans tous les sens pour sauver ce qu’il y a à protéger. Deux priorités : la bouffe, et le son. On porte tous à bout de bras de grandes bâches prévues “au cas où” pour mettre nos biens à l’abris. Un gros bambou traine par là, quelques coups de machette en fait un tipi idéal.
22h : La fête bat son plein, malgré plusieurs fausses note on s’amuse quand même et n’allons nous coucher qu’à 5h du matin. Les fausses notes ? Le manque de savoir vivre des garçons ici présents. Le “copain” de Nour qui tente de m’embrasser, un garçon qui me pince les fesses de façon insistante (alors que Théo est assis à coté de moi en plus !), et un copain de Théo aussi qui me demande si “je n’aime pas manger local” alors que ce dernier vient d’aller se coucher. Les maorais sont connus pour être des hommes à femmes, et pour ça ils n’ont ni foie ni loi c’est bien dommage.
J 93
8h : La chaleur est étouffante. Elle nous réveille alors nous ouvrons la tente qui donne directement sur la plage. Quelle chance nous avons. Nous n’avons pas dormi sur un matelas cette nuit puisque le sable nous offre un lit confortable, cependant le confort d’une bonne douche me fait envie. A la place la musique reprend après un court répit, et nous allons nous baigner avec de petits yeux pour mieux nous réveiller. On barbote, on flâne au soleil, traine les pieds dans le sable, et optons pour une sieste blottis l’un contre l’autre dans un hamac à coté des copains.
11h : La musique n’arrête pas. Je passe ma journée uniquement habillée d’un grand t-shirt, d’un bas de maillot, de lunettes de soleil et de mon bob. Je vais même à l’eau dans cette tenue qui me permet d’être protégée du soleil.
13h30 : Toutes les bonnes choses ont une fin, on commence à ranger.
15h : Un premier départ se fait avec un bateau accueillant 5 personnes, nous attendons la navette suivante qui met une bonne heure à arriver.
16h15 : Nous embarquons un peu moins chargés qu’à l’allée à bord du kwassa. Cette fois je profite du trajet et même de l’eau puisque la dernière tenue sèche que j’avais en stock ne l'est plus du tout après les premiers coups de gaz.
16h40 : On décharge, on s’embrasse, et tout le monde reprend la route.
18h : Arrivés a Passamainty chez Claire et Marie pour récupérer ma moto. On aide à décharger, s’embrasse une dernière fois puis entamons la dernière partie de route qui nous sépare de notre lit.
18h45 : Arrivés à Iloni on papote avec les filles qui viennent de débarquer elles aussi. Trop fatigués pour traîner la haut je prépare des pains pitas revisités faute de moyen (Steack, avocat, oignons flambés, oignons frais, mayonnaise) puis on file les manger dans mon studio devant un bon film.
22h : Tout le monde s’éteint.
J 94
10h : Après une bonne nuit de 12h on se réveille tous les deux de façon synchronisée.
10h30 : On monte prendre le petit dèj sur la pointe des pieds pour respecter le sommeil de Louise et d’Alice qui sortent d’une garde de nuit. Comme il y a toujours quelqu’un qui dort dans cette maison je peux rarement coudre quand il me plaît, pour une fois, comme il fait moche dehors on prend le temps de descendre la machine pour faire les artistes en bas. Chacun s’applique à sa tâche et c’est un véritable petit atelier qui se dévoile dans mon studio. Les tissus colorés sont étalés, repassés, découpés au sol pendant que celui qui utilise la machine passe, repasse, couds et découds ses œuvres. On opère chacun de notre côté en donnant un avis par ci, un coup de main par là.
12h : Moi je finis de confectionner les housses de coussin du salon, puis jette mon dévolu sur un totebag (sac en tissu). Après quoi je confectionnerais un bracelet porte aiguille pour plus de praticité. J’ai encore plein de projet pour la suite mais je sens que Théo perd patience. Il n’arrive pas à faire ce qu’il voudrait et fini par écouter mes conseils : lâcher l’affaire et revenir à tête reposée dessus, plus tard.
15h : Les sacs sont prêts en quelques minutes, on commence à avoir l’habitude, puis on part chez lui pour profiter de la piscine en espérant qu’il fasse plus beau un peu plus au nord de l’île.
15h45 : Finalement il n’y a pas plus de soleil et la piscine vient d’être « choquée » de chlore pour tenter de la nettoyer. Avec cette chaleur c’est un enfer de maintenir une piscine claire bien longtemps dans les environs.
17h30 : On repart faire quelques courses puis revenons pour faire à manger. Au menu ce soir : un hachis parmentier / salade verte (quel bonheur d’en avoir trouvé !) et un flanc en dessert.
19h : Profitant de la cuisson j’appelle la métropole puis il est déjà l’heure d’aller manger.
22h : Tout le monde au lit, on entame la vielle série « Lost » avant de faire un gros dodo.
J 95
6h30 : Théo se lève. Moi je dors encore un peu.
9h30 : A mon tour de me réveiller, je traîne en mangeant un bout et en écrivant pour laisser passer la matinée, ensuite je m’habille et rejoins Théo à l’hôpital. Je passe une tête dans le service de maternité puis on file au camion blanc pour manger sur le pouce avant d’aller à la pharmacie, puis la librairie et enfin chez Comema. J’ai utilisé la tonne de tissu que j’avais acheté et je viens faire des ravitaillements. Je porte mon dévolu sur 4 tissus différents, achète des bobines de fils nécessaires à la confection de mes futures œuvres et on part vers Kawéni rendre service à Bastien. Pour notre ami nous partons avec pas moins de 600 euros en liquide pour régler son dû dans un garage automobile. Après avoir téléphoné au numéro indiqué nous nous rendons au point de rendez vous où un homme à vélo nous accoste, deux fois trop grand pour le vélo sur lequel il se trouve. Après nous avoir demandé « si c’était nous » Théo le suit et me demande de l’attendre là-bas, en sécurité au près de la foule. J’accepte et attends patiemment. Une voiture de police se place juste derrière ma moto, c’est bon maintenant aucun risque, même dans un quartier comme celui ci. Par prudence je garde mon téléphone caché dans la poche de ma veste et les clés de ma moto dans celle de mon jean. Quelques minutes plus tard Théo revient et me raconte l’aventure : un chemin à peine praticable en moto a donné sur une bâtisse de 4 mur et un toit en tôle au milieu des bangas. Appelé « garage » visiblement c’est ici qu’a été repeinte la voiture de notre ami.
17h : La suite de l’après-midi se fera dans un hôtel après Trévani, à deux villages plus au Nord que Majicavo. Le coucher de soleil nous est offert sur le lit du lagon, un cocktail de jus de fruit à la main, et la rosé du ciel qui s’étale sur l’eau. On profite de la piscine puis on rentre.
19h30 : Ce soir c’est poulet basquaise et c’est Corentin qui cuisine. Il est tombé en scooter il y a moins d’une heure et s’est écorché un peu partout. Rien de profond mais tout ça c’est bien douloureux. Je prends des notes pour la recette.
20h : Mon travail de commis accompli je m’isole pour téléphoner à mon titi. C’est son anniversaire aujourd’hui. A chaque fête manquée une petite pointe au cœur de rater ces moments là. Le jeu en vaut la chandelle j’en suis persuadée, mais quel jeu...
22h : Un film pour enfant et Théo s’endort comme un bébé. J’écris un peu et m’endors à ses cotés.
J 96
6h30 : Debout ! Il est tôt et Oïkia n’est jamais seule mais elle me manque, je veux passer du temps avec elle alors je rentre chez moi pour promener ma princesse pendant que Théo part travailler.
7h15 : Une fois à la maison je prends un petit déjeuner puis enfile son harnais à ma louve en partant vers le bourg. La plupart du temps elle n’a pas de laisse mais pour traverser la ville j’y suis obligée.
8h : Finalement aujourd’hui elle m’écoute au doigt et à l’oeil, c’est l’occasion de tester son écoute alors je décide de me passer de laisse pour le moment. A chaque patte sur la route je la rappelle à l’ordre, elle fini par saisir qu’elle n’a pas le droit d’y aller sans mon autorisation et je la fais assoir avant chaque passage piéton. A mon signal “traverse” elle m’accompagne de l’autre coté de la route. Je remarque alors que les passants ont l’air d’avoir moins peur d’elle, ça parait étonnant mais le mouvement de recul est moins prononcé que d’habitude.
8h30 : Une quinzaine de personnes est déjà devant la poste. Comme aucun numéro n’apparait sur internet j’y vais seulement pour un renseignement et n’ai pas le courage d’attendre une heure et demi pour un passage de quelques secondes. Je demande s’il ont un numéro auquel je peux les joindre. Effectivement, je prends note et repars dans le sens inverse.
9h : Plus Oïkia est fatiguée moins elle écoute, la fin du chemin est plus difficile pour nous deux, mais je la garde à l’oeil, la moindre inattention pourrait être fatale, notre marche longe la route tout du long. Après avoir contourné les zébus ma boule de poil est intriguée par les poules vacants librement dans la ville. Je me méfie, à tout instant elle court après.
9h30 : La chaleur est déjà étouffante. C’est un grand bol d’eau qui nous attend à l’arrivée. Je range mes affaires et salut la femme de ménage qui arrive quelques minutes plus tard. Un nouvel essai pour nous, en espérant que cette fois cela convienne à tout le monde. Ce sera Nadia qui fera le ménage dans notre colocation dorénavant. Elle parle les rudiments de français mais son fils, encore au collège, s’est occupé de la traduction pour la première prise de contact. Nour a deux enfants, une fille, et un garçon. Elle habite à Tsararano et ne demande qu’à travailler. Elle s’occupe déjà du ménage d’une famille le lundi, et se rend disponible pour nos emploi du temps compliqués en venant par ses propres moyens.
13h : La matinée s’est occupée de couture pendant que notre fée du logis à largement fait ses preuves. Une tornade de propreté a envahi la maison, et que c’est bon d’avoir une maison propre. J’en profite pour nettoyer mon studio et me laisse surprendre par la fin de l’après midi qui arrive déjà.
16h : J’ai relancé l’hôpital concernant mon arrêt maladie, contacté la sécu, géré mon colis, relancé la poste pour ma carte grise, organisé notre future soirée, et maintenant Titi m’appelle, on papote une petite demi heure alors que Théo a débarqué au début de son appel. Il doit coudre son poncho à temps pour ce week end et il a encore du pain sur la planche. Ce week-end nous avons prévu une soirée sur le thème du tour du monde. Chaque invité se doit de ramener déguisement ou accessoire concernant un pays, ainsi qu’une boisson ou un plat typique du pays en question. La coloni à choisi sa mascotte : Oïkia en chien du Nord, nous seront la Finlande pour quelques heures. Le pays du père noël donc.
17h30 : Un bon coup de brosse pour Oïkia (c’est nettoyage pour tout le monde aujourd’hui !) et je me penche sur mon ordinateur pour remplir ma dernière mission de la journée : mon écriture quotidienne.
18h30 : Une demi heure pour me préparer avant d’aller au restaurant. J’ai réservé pour 8 personne et retrouve Hérine et toute sa clique sur place. Théo reste chez moi ce soir, avec mes colocs.
J 97
6h10 : Déjà la deuxième sonnerie. Théo doit partir travailler et moi j’en profite pour me lever aussi. J’ai dans l’idée d’emmener Oïkia a la plage pendant qu’il ne fait pas trop chaud. Celle-ci se précipite sur le lit quand nos yeux s’ouvrent sans perdre une minute. Un gros câlin poilu et on saute tous les 3 du lit.
6h40 : Short, tong, t-shirt, lunettes de soleil et je descends à la plage seule avec ma louve. J’ai le bonheur de l’avoir pour moi toute seule, et je profite de la quiétude du lagon pour m’enivrer d’ondes positives. Le soleil est debout mais encore caché ce matin, il est resté dans son lit de nuage et m’offre un ciel bleu orangé pour colorer le début de ma journée.
7h20 : Une fois la plage faite en long et en large Oïkia s’est bien dégourdie les pattes. J’adore quand elle court dans l’insouciance à laquelle les animaux ont le droit, je crois qu’elle est heureuse ici. Malheureusement hier j’ai appris, pour la deuxième fois consécutive, que le colis que j’ai commandé la concernant est retourné une nouvelle fois à l’expéditeur.
7h40 : Déjà sur ma moto j’enfourche mon bolide direction la capitale. Je dois recevoir la deuxième injection du vaccin Pfizer aujourd’hui. Comme j’ai de l’avance j’en profite pour être encore un instant seule avec moi même et pour déjeuner en front de mer au camion blanc. Un jus de fruit frais papaye-citron, un café au lait, quelques petites crêpes et le silence. Tout est parfait. Je continu ma route pour me rendre à mon rendez vous.
8h39 : 3 personnes sont déjà devant moi. La distribution ne débute qu’à 8h45, alors pour patienter j’écris quelques lignes.
9h30 : Le rappel est fait, je me dirige vers l’hôpital pour embrasser Théo avant d’aller faire les premières courses pour samedi soir. Je tombe sur lui pendant sa pause accompagné de Mireille que je saluts. Je réalise à cet instant qu’il y a un certain nombre de personne que j’ai oublié d’inviter, j’en profite pour lui dire que bien évidement elle est la bienvenue.
11h : Après un arrêt chez Balou, puis Zena boutique (où je n’ai rien acheté puisqu’envi de tout acheter), je termine ma course au Baobab et revient chargée comme une mule.
12h : Je range, prépare mon sac, écris encore, et reprends déjà la route dans le sens inverse pour rejoindre Théo à la barge.
14h : Stéphanie nous accompagne cet après-midi. Ninon nous rejoindra mais en attendant on fait une petite pause au camion blanc à nouveau. Le camion blanc, appelé aussi “CB” c’est le tipic de Mayotte visiblement.
14h45 : Je remonte sur ce bateau pour la première fois depuis mon arrivée. Théo embarque avec sa moto, moi je fais partie des piétons. C’est un moyen de transport comme un autre ici, les gens attendent patiemment comme on pourrait attendre un bus. Certaines de ces personnes vivent sur petite terre et “bargent” tous les jours. “Barger” en est devenu un verbe : je barge, tu barges, il barge, nous bargeons…
15h30 : Nous foulons le sable de le plage de Moya. Connue pour être l’une des plus belles de Mayotte elle offre deux plages en miroir sur deux orientations différentes. Ainsi nous déployons nos serviettes sur Moya, et à quelques mètres de nous se trouve “Moya 2”. Ninon est accompagnée d’un de ses patients qu’elle a pris sous son aile, il ne parle pas beaucoup, mais en dessous de sa timidité se dévoile un grand sourire et une joie de vivre perceptible. Il ne peut pas se baigner à cause de son cathéter de dialyse mais s’en donne à coeur joie quand on se met à jouer au Molki (sorte de jeu de quille).
16h : La plage est fait de sable blanc, plutôt petite mais bien ombragée et formant une baie aux couleurs de bleus nuancés. Un immense arbre nous accueille sur la plage, puissant et patient de tout ce qu’il a du voir sur ce petit coin isolé qui est réputée pour être mal fréquenté. Nous n’avons pris aucune affaire de valeur, pas mesure de sécurité, et ne nous éloignons à deux pas plus de quelques instants, juste pour un petit moment de découverte et de solitude. Une petite tête de tortue apparait à quelques mètres de nous, reprenant son air, et repart sans plus attendre.
17h : Après avoir joués comme des enfants dans l’eau, on regagne nos serviettes. Le sable n’a pas été ensoleillée très longtemps par chance, je n’ai même pas été obligée de mettre de crème. Les mauvaise fréquentations de cette plage nous oblige à partir avant le coucher du soleil, mais à l’instant où nous nous apprêtions à partir une dizaine de personnes courent dans la même direction. Intrigués à notre tour nous nous joignons à la courses pour découvrir avec stupeur et émerveillement une belle surprise de mère nature : une éclosion de tortue. Aussi appelée “émergence”, nous avons le privilège de pouvoir admirer en première loge de tous petits bouts de tortues luttant pour vivre, et pour rejoindre la mer. Leur petite frimousse sort du sable comme de nul part, et bat des nageoire pour chasser le sable et tenter de se hisser jusqu’aux remous des vagues qui les emporteront. Certains se perdent en chemin, la lune les guident souvent vers l’eau, mais là ni le soleil qui se couche, ni la lune qui dort encore ne peut les aider.
17h45 : Le coucher de soleil nous offre ses plus belles lumières pour un moment hors du temps. Totalement scotchés par cette chance on ne se préoccupe plus du chemin retour dans l’immédiat. Et après un vote unanime avec plusieurs personnes qui sont là mais que nous ne connaissons pas, nous jugeons opportun d’aider certaines de ces tortues égarées pour les aider à retrouver leur chemin. Sans ça une mort certaine les attends. J’en prends une partie à l’opposé de la mer pour la remettre sur le droit chemin. Je tente de la toucher de moins possible, pour n’interagir qu’au minimum avec elle et ne pas être délétère à son développement. Une fois remise dans la bonne direction elle file droit, et rejoint l’écume des vagues pour disparaitre dans cet océan de beauté.
18h15 : Il est temps de partir. Une tortue fait quelques mètres sur la plage à cet instant. Décidément… Certainement décidée à pondre elle repart aussi sec quand elle constate la présence trop grande d’êtres humains sur son lieu de ponte.
18h30 : On s’arrête acheter du poulet et prenons la direction de chez Bastien pour un repas en petit comité. A notre arrivée il n’y a que lui, alors on donne un coup de main pour la cuisine en discutant puis jouons aux fléchettes. Ses colocataires se joignent à nous pour manger et pour jouer. Je gagne la partie, pas peu fière de la chance du débutant que j’ai eu. J’aime bien ce jeu.
21h : La discussion s’est faite toute seule. J’apprécie le petit nombre de personnes qui me permet d’être à l’aise et de discuter naturellement. J’apprends à connaitre de nouvelles têtes et parle un peu de mes projets, de ces fameuses idées qui m’animent et m’éveillent pour les prochaines années à venir.
21h45 : Le repas est terminé et il est encore temps de partir pour chopper la barge de 22h : Sans perdre de temps on salut tout le monde, on embrasse Bastien, puis on reprend la route, cette fois de nuit.
22h30 : Changement de plan, ce soir on dort chez Théo par ce que sa moto fait des siennes. Je l’emmènerais au garage demain pendant qu’il sera au travail.
23h : Après un rapide saut dans la piscine je m’endors épuisée d’un sommeil de plomb. J’ai sacrément mal au bras, mais hormis une fatigue intense et une épaule gauche en coton je n’ai rien à déplorer.
J 98
6h10 : Théo se lève.
7h10 : Je me lève. Le garage ouvre à 8h et si je l’amène assez tôt il pourront peut être régler le problème tout de suite. La batterie semble être HS, ma seule chance de la démarrer est la grand côte qui part de la maison. J’essaie une première fois, aucun bruit de démarrage, je croise les doigts jusqu’en bas pour qu’un miracle se produise et à la dernière seconde une accélération vrombit du moteur en dessous de mes fesses. Je file chez Tecma.
7h55 : Première arrivée. Le garage n’est pas encore ouvert et j’ai même été en avance sur le personnel.
8h : Il ouvre ses portes, et pas moins de 7 personnes attendent déjà derrière moi. J’explique mon problème au monsieur qui commence à me connaitre et l’entends me répondre qu’il faudra repasser la prendre dans la journée. Tant pis, je repars à pieds. Enfin pas pour longtemps puisque je tente un stop. A ma grande surprise c’est le premier scooter qui passe qui s’arrête pour me faire monter. J’indique ma destination et me faire transporter jusqu’en bas de Majikoro, le quartier de résidence dans lequel se trouve la colocation de Théo. Je remercie chaleureusement le monsieur que je ne connais pas, et qui m’a dépanné par pur gentillesse et reprends mon chemin pour entamer une sacré montée en plein cagnar.
8h45 : Chaque pas est une peine, chaque foulée est dure. Le soleil n’a pas de pitié mais je réussi à me hisser jusqu’à destination. Je suis très fatiguée mais j’ai aussi beaucoup trop chaud. Une petite baignade pour me rafraichir avant de me laisser m’endormir encore un peu.
14h : Ça fait bientôt deux heures que j’essaie de me réveiller. Chaque demi-heure j’ouvre les yeux comme s’ils étaient de plomb, et me rendors instantanément. Cette-fois c’est la bonne, je ne vais pas me plaindre, les effets secondaires de ma seconde dose de vaccin auraient pu être bien plus désagréables.
14h15 : Théo est de retour, il est allé au travail grâce à ma moto. Je mange rapidement et nous la reprenons pour récupérer la sienne au garage.
14h45 : Le problème semble être résolu. On apprend aussi que la 400 impliquée dans l’accident de moto-zébu est enfin réparée et que dès le début de semaine prochaine Théo va pouvoir la récupérer. Il réagit comme un enfant à qui on vient d’annoncer que le père noël est passé.
15h30 : A partir de maintenant c’est moi qui prends les rennes du week-end. Pour une fois je lui dis de se laisser guider et c’est moi qui pilote jusqu’à demain. Il ne sait toujours pas ce qu’il l’attend et je garde le programme secret jusqu’à la dernière minute. Oïkia fera partie de l’aventure, je lui enfile son harnais, attache mes chaussures et c’est partie pour une petite randonnée. Pour l’itinéraire j’ai demandé à la Colonie de m’indiquer le chemin de la “source d’Iloni”. Atteignable à pied depuis la maison elle est l’endroit idéal pour observer les buénis faisant leur lessive. Les indications sont simples : à gauche avant le collège puis longer le cours d’eau. Ça a l’air simple comme ça, mais après plusieurs tours et détours je commence à perdre patience. On passe devant une cascade. Jolie mais c’est pas ce que nous cherchions. Je demande plusieurs fois mon chemin et les personnes questionnées me répondent systématiquement “Oui, oui”. On apprécie tout de même la balade mais ne trouvant pas ce que nous cherchions nous rebroussons chemin avant d’être en retard pour la suite des festivités. Une photo sur une liane au détour du ruisseau façon tarzan, puis nous rentrons à bon port.
17h30 : Il faut se presser si on ne veut pas être en retard. Théo ne sait toujours pas où nous allons.
17h45 : Direction Hôtel Sakouli, où nous passerons la nuit dans le confort d’un bungalow climatisé après avoir dégusté un bon repas et profité de la piscine à débordement donnant vu sur le lagon et l’îlot Bandrélé.
18h : L’hôtesse d’accueillie nous souhaite la bienvenue mais nous informe que l’accès à la piscine ne se fait que jusqu’à 18h. Un peu déçus nous allons nous installer et lisons les informations d’accueil qui nous ont été fournies. Sur celles-ci l’accès à la piscine est assuré jusqu’à 19h. Pas très surs de nous, on décide de braver l’interdit et de profiter de celle-ci en voyant que d’autres personnes étaient au bord. Comme des enfants entrain de faire une bêtise on profite de l’eau dans la pénombre et de la baignade pour nous tous seuls.
19h : On a faim. L’activité de la journée nous a ouvert l’appétit et nous n’avons pas envi d’attendre plus. La demi pension fait partie de l’offre sélectionnée et nous avons le droit à 28 euros pour entrée-plat-dessert proposé ou bien l’équivalent à la carte. Nous paierons un supplément si le chiffre dépasse. Et il dépasse très vite. On ne se refuse rien, mais avec seulement une boisson, une entrée et un plat chacun nous réglerons la différence de 42€ en quittant l’hôtel. Il faut savoir se faire plaisir dans la vie, mais les prix ici ne sont pas timides !
21h30 : Un petit bain chaud pour clore cette soirée en amoureux, et nous nous endormons d’une bonne fatigué au frais de la clim.
J 99
9h40 : La consigne d’aujourd’hui c’était “pas de réveil”. Résultat il nous reste 20 minutes pour profiter du petit déjeuner. On s’y rend à la hâte et sommes un peu déçus de ce qui nous attend sur la table. Seulement 3 mini viennoiseries pour combler nos appétits d’ogres puis on file récupérer nos affaires pour rendre la chambre avant 11h.
11h : On barbote dans la piscine comme deux amoureux idiots, et alors qu’un gros nuages rempli de pluie fait plusieurs centaines de mètres en quelques minutes nous sommes les deux seuls à rester dans l’eau. Foutus pour foutus on est mouillés de toute façon. On opte pour le jacuzzi et profitons du temps qui passe avant de prendre la direction du retour.
12h : Il est déjà l’heure, on profite d’une éclaircie pour rouler au sec, et avoir le temps de préparer la soirée de ce soir.
13h : Déjeuner engloutis on prend la voiture pour aller faire des courses à la capitale.
15h30 : Une fois de retour Théo s’empresse de faire une sieste mais personnellement je n’ai pas sommeil. Je préfère mettre ce temps à profit et monte m’occuper des préparatifs. Je fais la salade de pâte, le cocktail, prépare la maison et me met à la couture des deux bonnets de père noël manquant à notre thème puisque les filles n’ont pas daigné le faire en mon absence. J’improvise totalement et suis plutôt fière du résultat. Une taie d’oreiller rouge taillée et cousue directement fera office de bonnet improvisé, après ça j’enfile un élastique et colle du coton sur le tour de tête. C’est du fait-maison mais ça fera l’affaire. Le thème de ce soir c’est “ Autour du monde”. Chacun et chacune doit sélectionner un pays et venir déguisé avec quelque chose de typique. En plus de ça ils devront amener une boisson et/ou un plat en rapport avec la destination. Pour la Colonie j’ai trouvé la Laponie, Oïkia sera notre chien de traineaux et un cocktail Vodka-citron-glace pillée fera très bien l’affaire.
19h45 : Le DJ arrive. J’ai contacté l’un de nos copains pour lui proposer de gérer la musique ce soir. J’offre en retour une bonne soirée et un petit billet pour sa participation. Je l’accueille mais à force de tout gérer je suis la dernière prête. Je file me préparer avant que les invités ne débarquent.
20h15 : Quelques personnes sont déjà là. Les autres ne tardent pas et indiens, bretons, brésiliens au carnaval de Rio, espagnols, américains, chinois, péruviens, égyptiens, béninois débarquent dans notre salon. Tout le monde a joué le jeux et les mets de chaque spécialité s’amoncèlent sur notre grande table.
21h : Il manque un câble à notre DJ pour qu’il puisse faire fonctionner ses enceintes. Il part les chercher dans le sud de l’île pendant que tout le monde s’impatiente et me le fait savoir. Comme si j’y pouvais quelque chose.
23h45 : Il revient enfin, la musique passe de mon enceinte à de grosse baffles présentent à la place habituelle de ma machine à coudre, la soirée peu commencer. A son summum elle accueille pas moins de 50 personnes, mais avec une si grande maison ce n’est pas un problème bien au contraire.
3h : Arès une bonne soirée je vais me coucher pendant que la fête continue juste au dessus. Les avantages d’être à domicile !
J 100
9h : Il est trop tôt.
11h : Réveillés tout les deux, ça ne semble pas être le cas de la maison au dessus de nous. Je reste au lit pendant que Théo insiste pour m’amener le petit déjeuner. Un petit festin au lit (banane-chocolat, toast grillés, biscuits et salade de pâte) puis on traine devant quelques dessins animés avec un programme intensif de sieste.
15h : Je n’ai entendu toujours personne. Il est temps tout de même de faire le ménage même si je pourrais bien m’en passer vu la participation qu’elles ont fourni pour tout le reste. Je décide de ne pas faire ma mauvaise tête et de faire ma part du travail. On s’y met tout les deux alors que j’entends les filles papoter dans leurs lits.
15h30 : Une fois que tout est fini les filles apparaissent comme des fleurs. Louise tente un “c’est marrant je suis réveillée depuis midi en plus”. Ahah. Je bouillonne mais ne dis rien, visiblement quand je dis ce que je pense ça n’est pas très bien reçu. Il faut dire que je suis irritable en plus par ce que stressée. Je reprends le travail dans pas moins de deux jours, et la reprise commence à se faire sentir par ma vieille amie angoisse.
16h : Bastien à dormi là, Agnès aussi mais elle est partie tôt ce matin. Je crois qu’il a fricoté avec Claire qui avait l’air de bien lui plaire hier soir. Ils s’ignorent beaucoup trop l’un et l’autre pour que rien ne se soit passé. Je ferais mon enquête. Chacun s’active pour préparer un brunch que nous mangerons tous ensemble. J’en profite pour aller préparer mes affaires, ce soir on dort à Majicavo.
17h45 : Arrivés chez Théo on opte pour une petite baignade puis on papote avec tout le monde. Bruno, un ancien de leur coloc revient dans la maison pour les deux prochains mois. J’apprends à faire sa connaissance, et nous jouons à un jeu de société appelé “Bang” pour terminer la journée en douceur.
20h : Tout le monde est affamé mais personne n’a d’idée. Tom se met au fourneaux pour toute la troupe et moi j’improvise un gâteau au chocolat. Sans beurre j’improvise totalement et fait tout au pif, on verra bien ce que ça donne.
22h : Le gâteau est loin d’être le meilleur de ce que j’ai fais mais il se laisse manger. Tout le monde au lit.
J 101
6h30 : Théo part travailler, moi j’ouvre un oeil et rejoins Morphée.
10h : J’ouvre le deuxième oeil et il est temps de rentrer chez moi. Je déguste le gâteau improvisé d’hier soir, m’habille, salut les colocs de Théo que je vois autant que les miens, et démarre ma moto direction l’hôpital pour rendre ses clés à mon technicien de laboratoire préféré.
11h : Je repars aussitôt vers Iloni, il me rejoindra plus tard.
12h : Du rangement, une lessive, un peu de cuisine puis je me mets à mon clavier pour rattraper mon retard d’écriture. La maison est en bordel mais j’en fais déjà 2 fois plus que la moyenne des personnes de cette maison alors que je suis 2 fois moins présente. Aussi je décide de ne pas faire la vaisselle qui n’est pas la mienne, de ne pas plier le linge qu’elles ont laissé étendu, et de ne pas laver, ranger ni nettoyer leur bazar. Je reprends le travail demain et si je laisse trainer encore un peu mes écrits je n’en verrais plus le bout.
16h45 : Je lâche mon clavier pour sortir ma louve qui n’attend que ça. Théo est arrivé sur sa moto fraichement réparée, fière comme un paon. On file à la plage.
17h : La marée est très haute, si bien que nous n’avons plus beaucoup de plage pour fouler le sable. Oïkia n’est pas d’humeur à courir, à la place, elle renifle, virevolte, et s’amuse avec les vagues. On fait un aller retour et juste avant de remonter tombons nez-à-nez avec le plus gros scolopendre que nous n’avons jamais vu. Il est si gros qu’il avance à une vitesse folle. Je chope ma louve par le collier pour qu’elle n’y mette pas la truffe et Théo saute à pieds joints dans un élan de courage sur ce monstre répugnant. Il s’y reprend à 5 fois pour l’écraser bien comme il faut. Puis nous reprenons le chemin du retour.
17h45 : Je prépare ma gamelle pour demain, comme un gout de fin de vacances, puis retape encore un peu avant de faire quelques traits de coutures. La maison est calme, Louise, Alice et Andréa sont au travail.
18h15 : Je surf un peu sur le net pour me renseigner sur les vols de cet été. Mon titi doit venir me voir sur ce petit bout de paradis, et j’ai hâte de lui faire découvrir tout ça.
19h : J’ai dû faire un programme d’écriture pour rattraper mon retard de publication. Vous serez bientôt noyés de publication, ça va dépoter mais c’est le seul moyen de me remettre à flot !
20h : “Ça va aller Thaïs pour ta reprise de demain ?”, “Oui, oui, je préfère pas y penser”. Le message est passé, on change de sujet le repas se termine et on regagne mon studio pour papoter un peu à deux. Ce soir pas de film, on préfère rester au calme et discuter. Demain c’est la reprise, de toute façon je vais mal dormir.
J 102
5h15 : Le réveil sonne déjà. J’ai plus ou moins bien dormi, ça aurait pu être pire. Il est bien tôt mais j’aimerais arriver en avance pour prendre les choses en douceur. Revoir un peu les papiers, revisiter un peu les lieux, j’ai l’estomac noué mais j’avais paré à cette éventualité avec mon banana bread d’hier. J’en embarque une bonne moitié pour l’équipe d’aujourd’hui et pour mon propre petit déjeuner.
6h : Il y a des bouchons là où il ne devrait pas y en avoir. Mes doutes se confirment : c’est bien un barrage qui se déroule à Tsounzou. Des jeunes foutent le bordel, lancent des pierres, brulent des poubelles, bloquent les accès, mais à mon arrivée les fumigènes ont déjà été lancées. Les autorités sont habituées à ce genre de procédés et dispersent déjà les faiseurs de trouble. Je double les dernières voitures, passent devant les premiers scooters craintifs, et tente de rejoindre Théo tout devant avec sa moto, un policier en civil m’arrête et me dis de ne pas y aller, que c’est dangereux. Il joue de ses airs de gros bonhomme protecteur alors je ne cherche pas plus loin, et pour lui faire plaisir, reste à ma place, quelques mètres derrière.
6h05 : Ça n’a pas duré longtemps, ou du moins c’était la fin. Parfois, - souvent - ces barrages mettent en retard les équipes de jours et font perdre un temps précieux aux équipes de soin qui attendent leur relève avec impatience. Ici c’est comme ça, ça fait partie du paysage.
6h15 : J’arrive sur le parking de l’hôpital. Je vais me changer et me présente dans le bureau des sages-femmes où l’on s’étonne de mon arrivée si matinale. J’explique les faits, toujours stressée, et commence à prendre les renseignements à droite et à gauche sur mon rôle d’aujourd’hui. Zut ! Le banana bread. J’ai dû l’oublier dans la cuisine, mon estomac restera vide ce matin, tant pis.
6h30 : Aujourd’hui je suis en “M41” c’est à dire affiliée aux césariennes programmées. Pour éviter de surcharger une équipe de salle de naissance qui tire déjà la langue à cause des nombreuses naissances du rush, une sage-femme est désignée pour ne s’occuper que des césariennes programmées, dites “non urgentes”, qui sont prévues pour diverses raisons comme le fait d’avoir eu déjà plus de deux césariennes. Le hic c’est qu’ici à Mayotte je n’ai jamais mis les pieds au bloc opératoire.
7h30 : La nouvelle équipe est arrivée, et les premières dames auraient déjà dues arriver en salle d’op mais visiblement, je ne sais pas pour quelle raison, avant même d’avoir commencé celui-ci a pris du retard. En attendant je donne un coup de pouce à mes collègues en faisant la petite main. L’une d’entre elles doit poser une électrode au scalp (petit capteur vissé sur la tête du bébé pour enregistrer son rythme cardiaque de façon plus précise) mais n’a jamais effectué cette manoeuvre, je l’accompagne mais alors qu’on s’apprête à débuter la démarche notre petite dame se met à pousser. La tête du bébé est déjà là, et une naissance, une ! J’examine l’enfant, lui donne ses vitamines et le vaccine pour l’hépatite B puis je commence les papiers. Ma première dame est en place pour la sa césarienne, je monte avec le dossier et salut l’équipe souriante avant de me présenter à la patiente. Celle-ci parle français, ce qui m’offre le luxe de lui expliquer le déroulement des choses en détails.
9h50 : La césarienne se déroulait comme prévu jusqu’à l’incision de l’utérus. Un saignement actif fait accélérer le mouvement au chirurgien et à son aide opératoire. Je sens que les choses s’intensifient et que le silence se fait dans le bloc. Tout le monde retient son souffle, moi je me tiens prête. Mes gants stériles et le champ blanc dans lequel j’accueille le bébé sont sur moi, j’attends pour la réception du colis. Je me doute qu’il va falloir courir, heureusement que j’ai anticipé et préparé ma table de réanimation.
9h52 : Finalement la petite farceuse ne va pas parfaitement bien mais suffisamment pour que je la montre à sa maman. Un petit bisous rapide et je l’emmène pour l’aider un peu. Cette fois je suis seule, d’habitude et normalement nous sommes toujours deux, au cas où un problème se présenterait, mais là, si j’ai le moindre problème je n’aurais que mon téléphone pour me sauver. Pas de panique, j’essaie de me faire confiance et applique ce que je sais faire : je scope, sèche, stimule, aspire, et répète les manœuvres plusieurs fois. Finalement tout va bien. J’en profite pour l’examiner rapidement et l’emmaillote dans un drap pour retourner faire un bisous à maman. Ensuite je descends à l’étage de la salle de naissance pour faire mes papiers, analyser mes prélèvements, habiller et surveiller le bébé. Peu de temps après, l’aide soignante en charge de sa surveillance me sollicite : ce petit bout à encore un peu de mal à respirer. Elle fait une détresse respiratoire transitoire, j’en averti le pédiatre, l’aspire encore un peu, la ventile, et tout rentre dans l’ordre avant même que le médecin n’ai le temps de venir sur place.
11h : J’ai pris un sacré retard d’entrée de jeu sur mes papiers. La deuxième césarienne ne va pas tarder à arriver et je n’ai presque eu le temps de rien faire à ce niveau là. J’avance comme je peux puis remonte au bloc quand mon téléphone sonne pour m’annoncer l’arrivée du deuxième couple mère-enfant. Cette-fois la césarienne se déroule dans le calme et tout le monde va bien. C’est encore une fille et le procédé se déroule de la même façon. Un rapide bisous, un examen, une couche, un autre bisous avant de descendre puis analyse, papiers, surveillance. La troisième césarienne arrive et rebelote. Je ne m’arrête pas un instant. Je marche vite, tente de perdre le moins de temps possible dans mes papiers, me presse, une reprise bien active.
14h45 : J’ai faim. Le ventre vide depuis hier soir, j’englouti une demi banane en montant au bloc, tirant mon masque d’une main, tenant mon dossier de l’autre. Aller, dernier bébé de la journée.
15h00 : Tout pile, je répète les mêmes gestes pour la quatrième fois, accueille, bisous, examen rapide, re-bisous, et je descends en bas pour faire mes papiers. Cette fois c’est un garçon !
16h30 : J’aurais du finir il y a une demi heure mais ne suis pas mécontente de mon travail. L’avantage c’est que maintenant niveau papier je suis bien rodée, pou les rappels on est pas mal ! Je vois que c’est la course pour les filles, alors je propose mon aide. Hérine accepte avec plaisir, alors je me plonge dans la paperasse d’une de ses morts foetales pour l’aider comme je peux. Quand elle se rend compte que j’aurais dû déjà avoir fini elle me met dehors.
17h : Ma journée de reprise a été concluante, je me dirige vers les vestiaires puis prends quelques minutes pour répondre à mes messages avant de prendre la route. J’apprécie ce petit tour à moto de fin de journée, le soleil commence à se faire timide, les couleurs sont belles, il fait bon, c’est agréable d’être de nouveau utile.
17h45 : De retour à la maison il fait déjà nuit après quelques minutes. Je croise les filles qui partent en garde de nuit, mange un petit quelque chose et prends la direction de mon lit. Le stress et la concentration que m’a demandé cette journée m’ont totalement épuisée, je devrais écrire mais n’en ai pas le courage, à la place je m’abruti devant la fin d’une série et m’endors tôt.
20h30 : Il n’y a déjà plus personne.
J 103
7h : Ma louve met sa truffe dans ma main pour me réveiller. On s’est couchées tôt hier donc rien d’étonnant. Je regarde mon téléphone que je laisse sur silencieux quand je dors : on a essayé de me joindre visiblement. La cadre m’a envoyé un mail à moins de 5h du matin pour savoir si je pouvais venir travailler aujourd’hui. Louise a essayé de m’appeler deux fois pour m’en informer, et a même tenté de joindre Théo pensant qu’on avait dormi ensemble. J’hésite, j’aurais mieux fait de dormir jusqu’à 10h j’en aurais rien su. Mais la petite voix dans ma tête (certainement celle qu’on appelle conscience professionnelle) m’empêche de faire la morte. Je décide de me lever pour aller déjeuner, et répondrais après ça. Hier je n’ai pas pu manger de la journée, là ça sera au moins ça de pris. Et avec un peu de chance quelqu’un qui habite plus proche de l’hôpital se sera manifesté d’ici là.
7h45 : Louise a réessayé de nous joindre tous les deux deux fois pendant mon repas, un peu pressée par son insistance je finis par répondre que oui, je vais venir. Je pars sans avoir la moindre envie d’aller travailler, j’avais dans la tête de lire, d’écrire, de coudre et de prendre le temps aujourd’hui, mais tant pis.
8h30 : J’arrive dans le service, je me dépêche. Plus de blouse blanche pour m’habiller, j’en ai oubliée une en salle de naissance hier, alors je fais un aller retour en pressant le pas et me présente dans le service après avoir croisé la cadre qui ne m’en a pas touché un mot. L’équipe du jour n’a pas l’air débordée mais bien occupée, je propose mon aide en attendant de prendre une patiente en charge puis récupère le dossier d’une des césarienne programmée de la veille qui ne s’était pas présentée. La petit dame semble très inquiète, elle ne parle que quelques mots de français et notre bienveillance ne suffit pas à la calmer. Je sens qu’elle me cherche du regard dès que je sors de son champs de vision. Je me débrouille donc pour y rester et prends connaissance du dossier dans un coin du bloc opératoire. A force d’inquiétude je fini par aller chercher une aide soignante (qui parle shimaoré) pour qu’elle reste à ses cotés pendant l’opération.
9h31 : Incision de l’utérus. En temps normal la naissance vient la minute d’après. Mais là ça coince, le chirurgien tire, l’interne galère, la tête de l’enfant ne semble pas sortir aussi facilement qu’à notre habitude. Après plusieurs secondes en suspens une ventouse est évoquée, d’ordinaire elle est posée sur la tête d’un bébé naissant par les voies naturelles, mais il arrive, rarement, que cette manoeuvre soit utilisée aussi en césarienne.
9h34 : Le petit bout ne va pas bien. Je l’emmène tout de suite sans passer par la case maman. J’appelle à l’aide : une sage femme vient m’épauler et une aide soignante nous accompagne. “On met un scope, lance un apgar, et je vais l’aspirer.” Je ventile au masque avec un peu d’oxygène et la magie opère, la petite graine de champion va mieux. Il ouvre même de grand yeux pour me regarder. Je dois être sacrément flou pour lui mais peu importe, je l’emballe dans un abso et l’emmène voir sa maman qui doit mourir d’inquiétude.
9h45 : A mon entrée dans le bloc la patiente semble agitée, j’ai bon espoir que la vue de son nouveau-né la calme mais rien ne semble y faire, elle ne prête même plus attention à ce qui l’entoure. Je repars mettre mon petit protégé au chaud.
10h30 : J’ai fini mes papiers, deux patientes nous sont transférées, comme je n’en ai plus aucune ou presque c’est moi qui me porte volontaire pour les prendre en charge. La première est en salle B : c’est sa première grossesse et le terme est dépassé de plus d’une semaine. Elle est à 42 semaines d’aménorrhées plus 1 jour, et a eu plusieurs procédé de déclenchement pour faire en sorte qu’elle accouche. 2 prostine (produit visant à donner des contractions, mis au fond du vagin), et ballonet (ballon gonflé dans le col de l’utérus pour l’ouvrir).
La seconde est en salle D : 7 ème bébé mais qui se présente pas les fesses (en siège), avec un diabète gestationnel (de grossesse) et donc un bébé macrosome (trop gros). J’aide à poser une péridurale à la deuxième, perce la poche des eaux de la première et découvre le protocole de prise en charge du diabète insuliné chez une femme en travail.
13h : Un petit créneau se présente à moi pour aller manger mais comme je suis venue en catastrophe je n’ai pas de repas. Exceptionnellement je me rabats sur la cafèt et saute sur l’occasion pour passer voir mon monié (= monsieur en shimaoré) au laboratoire. Théo est tout content de me voir, je lui propose de venir manger avec moi en salle de naissance, par chance il allait justement manger. Je surveille les rythmes de mes bébés en mangeant et 15 minutes plus tard chacun retrouve son service respectif. La journée est calme pour la période, le reste de l’après-midi se passe doucement, sans que l’un de mes deux déclenchement ne daigne avancer d’un chouïa. J’examine mes deux patientes presque toutes les heures et fini toujours par ressentir de la pièce la mine déconfite en disant “TV idem” (toucher vaginal n’a pas changé). Ma petite dame de la salle 2 s’impatiente et me dis presque sur le ton d’un reproche (avec un accent africain) : “Eh madame, tu dis toujours deux doigts, deux doigts, deux doigts, comment tu sais que c’est pas trois doigts si t’en mets toujours que deux là dedans ?” Je peine à garder mon sérieux et lui explique qu’en terme de dilatation on parle “d’un doigt, puis 2, puis 3 cm, 4cm, et ce jusqu’à 10 cm”. Elle acquiesce d’un air dubitatif.
16h : L’abcès que j’ai dans le cou ne va pas en s’arrangeant. Ce que je pensais alors être un petit point noir au dessus de la clavicule se révèlerait peut être n’être rien d’autre qu’une morsure. De quoi ? Peut être d’un scolopendre selon l’infirmière qui m’examine. Impossible d’en sortir quoi que ce soir, la couleur verte ne me rassure pas du tout, ni le fait que la plaie ai quadruplé de volume en 2 jours. Un médecin des urgences qui passe par là me confie que ce n’est pas beau, et que si dans 2 jours ce n’est pas mieux il faudra peut être inciser. C’est vrai que ça fait un mal de chien.
19h : L’équipe de nuit arrive, je fais mes transmissions et passe dire au revoir à mes petites dames. Celle de la salle B craque : “Tu peux pas partir madame, tu dois me donner la force, donne moi la force et dis moi ce que je dois faire”. Elle m’implore des yeux, je me glisse à son oreille et chuchote : “tu veux pas la péridurale madame ?”. “OUI, je la veux !”. Malgré la désapprobation apparente de sa belle-soeur elle s’impose “Si, ça fait trop mal, je la veux ! ”. Ravie de pouvoir annoncer la bonne nouvelle à la sage-femme qui la prendra en charge je repars le coeur léger. J’ai été utile aujourd’hui. C’est bon de reprendre.
20h15 : En poussant la porte de ma maison je trouve Théo entrain de mettre les petits plats dans les grands. Il a fait à manger pour toute la colonie : purée maison, et poulet mijoté, tarte aux myrtilles en dessert. On englouti le tout à table, comme une grande famille puis allons nous coucher sans attendre.
22h30 : Je ne suis déjà plus là.
J 104
6h30 : J’ai les yeux bien ouverts alors que Théo vient de partir au travail. Est ce que je me lève maintenant ? Je n’ai rien de particulier à faire, alors je me rendors un peu.
10h20 : Aller debout, je monte me faire des gaufres pour le petit dej et m’agace de la vaisselle que je trouve dans l’évier. Je trouve que les filles ne font pas beaucoup d’efforts. Je passe beaucoup derrière elles, mais l’inverse se vérifie beaucoup moins souvent. Un bidon d’essence fuit dans l’entrée et empeste dans toute la maison, leurs chaussures sales trainent devant la porte depuis des jours, l’entrée est un débarras, la machine à gaufres est pleine de pâtes collées, la gamelle d’Oïkia est encore vide. Bon, aller, on va souffler et commencer une agréable journée. Je commence par nettoyer l’appareil à gaufre, faire la vaisselle, plier le linge, recoller le miroir que personne ne daigne remettre si je ne le fais pas, et lancer une autre machine puisque la panière déborde. Ensuite j’écris un peu, dans le calme et la bonne humeur.
13h15 : Je n’ai pas eu le temps de finir mais il est temps de m’habiller pour partir. Je terminerais plus tard dans la journée.
14h : Rendez-vous à 14h chez Théo pour que je le dépose au garage afin qu’il récupère sa moto dont la roue avant vient d’être changée. Avant ça on profite un peu de la piscine et on passe faire des courses avant de retourner chez moi.
16h30 : Un petit gouter, puis on se met au calme, moi j’écris, lui regarde un film. La journée est passée beaucoup trop vite.
19h45 : Pas très inspirée aujourd’hui. Parfois l’écriture me prend du temps, parfois c’est facile, d’autre fois moins, parfois j’en ai envie, d’autre fois pas du tout. Cela me demande une énorme rigueur, mais je sais que ça en vaut la peine, même s’il y a des centaines d’heures de travail pour tout reprendre à nouveau. Je corrige quelques jours, et vais nous préparer à manger, les filles ne semblent pas rentrer de leur journée bateau.
21h30 : Le début d’un film et Théo s’endort déjà.
J 105
7h55 : Mon réveil sonne dans quelques minutes. Je le devance et me lève pour m’habiller avant d’aller déjeuner.
8h39 : Avec un peu de retard la colonie monte en voiture direction Ouangani pour une matinée avec Aromaoré. Malgré quelques difficultés pour trouver la mairie on fini par s’en sortir et nous excusons de notre dizaine de minutes de retard. Le reste de la troupe est déjà là, ce matin nous serons dix pour visiter les jardins d’ylang-ylang et passer quelque heure en compagnie d’un guide local. Celui-ci nous guide à travers la ville en nous énumérant les plantes qui nous entourent. Citronnelle, moringa, litchier, un grand nombre d’arbre entoure notre quotidien sans que nous y prêtions la moindre attention. Il dénombre leurs propriétés, leurs senteurs, leurs utilités, mais aussi les croyances et les histoires qui sont liées à chacune d’elles.
9h45 : Après quelques minutes de marches, les présentations d’usages et plusieurs anecdotes on commence par déguster une infusion d’ylang. Celle-ci a plusieurs propriétés comme celle d’être euphorisante mais aussi aphrodisiaque et relaxante. On mange une crêpe, avant qu’il ne nous raconte toute son histoire. Celle dans laquelle il est parti de la maison à l’âge de 12 ans, comme le veux la tradition maoraise les adolescent quittent le nid familial pour laisser la place aux filles qui ne le quitteront qu’une fois mariées. Ainsi, des bangas sont construits par eux même, et sont en fait l’équivalent de garçonnières. Il nous informe qu’il ne faut pas confondre bangas (garçonnières) et bidon-villes (habitats précaires). Aussi, les bangas ne sont pas totalement indépendants de la cellule matriarcale : la vie continue en communauté, le linge est lavé par les soeurs, les repas sont partagés et préparés par la mama. Notre hôte a donc commencé à travailler avec son père à l’âge du collège, durant lequel il a commencé par démarcher ses professeurs pour développer le coté agro-touristique de l’entreprise familiale battant de l’aile. Le passage de Mayotte aux normes française ne lui a pas facilité la tâche rendant les coûts de production 3 fois plus chers qu’à Madagascar où aux Comores. Il a du être ingénieux et innover. Il nous explique ensuite la production, les récoltes, et autres exploitations qu’ils possèdent (vanille, mangue, avocat, citronnelle et j’en passe). Lors d’une petite marche digestive nous découvrons les bambous de plus de 30 mètres de hauteur qu’il a planté il y a 12 ans, à la naissance de son premier fils. Il a 5 enfants, de 5 femmes différentes, mais tient à nous préciser qu’il n’est pas polygame. Amir semble très ouvert d’esprit et très intelligent, on apprend par ailleurs au cours du repas que nous partageons, qu’il ne fait pas le ramadan puisqu’il est agoniste (accepte de ne pas savoir si dieux existe ou non) bien que son père soit imam.
11h : Au cours de la matinée un atelier manuel nous est proposé : conception de panier en feuilles de cocotier. Plutôt fière du résultat j’emmènerais ma conception à la maison.
14h30 : On se salut tous, et reprend chacun notre chemin.
15h : A peine rentrées à la maison j’enfile mon blouson de moto pour un aller-retour à Mamoudzou. Le cadeau d’anniversaire de Théo vient d’arriver et une belle surprise avec : 62 euros de douane à régler ! Mise sur le fait accompli je n’ai pas d’autre choix que de payer, ensuite je rentre sous la pluie.
16h30 : J’ai une faim de loup, je mange un gouter comme une enfant devant une série puis m’installe dans mon lit pour écrire un peu.
17h15 : L’un des aspirants nouveau colocataire vient passer un petit moment avec la Colonie pour essayer d’apprendre à se connaitre. Durant la prochaine heure nous feront donc connaissance avec Paul, chargé de mission d’une ONG aux Comores, fort sympathique, mais assez bizarre. Il ne semble pas être très à l’aise en société et même un peu dans son monde.
18h20 : Après son départ, le deuxième potentiel coloc ne devrait pas tarder. Un peu comme des entretiens d’embauche, on essaie également de juger ce garçon, moniteur de plongée, à l’opposé de Paul. Le principe me dérange, pour avoir été de l’autre coté je trouve ça plutôt déplaisant de devoir “faire ses preuves” en si peu de temps, et d’être comparé.
19h30 : Claire part pour la soirée et du coup lui aussi. Le feeling est beaucoup mieux passé mais nos avis divergent encore une fois dans la colocation. Théo est d’accord avec moi quant à la particularité de notre premier invité, personnellement je préfère partager ma vie avec quelqu’un de plus “cool” plutôt qu’avec quelqu’un de plus introverti.
20h : Les filles se mettent aux fourneaux, moi je me remets à mon clavier. Ecrire, toujours écrire. Je n’ai pas faim, je continue pendant qu’ils dînent.
21h30 : Tout le monde dans son nid, demain c’est boulot pour moi, les vacances de Théo commencent !
J 106
5h15 : Le premier réveil sonne.
5h24 : Le deuxième réveil sonne. Il faut que je me lève. Sans plus trainer je sors du lit pour sauter dans ma combi-short, embrasse ma louve, et monte récupérer ma gamelle avant de partir à moto.
6h20 : J’arrive avec un peu d’avance pour avoir le temps de passer aux urgences. L’abcès que j’ai dans le cou depuis plusieurs jours ne va pas en s’arrangeant et j’ai promis à mes colocataires et futurs colocataires d’aller faire examiner ça. Je tombe sur Louis, l’infirmier présent lors de mon accident et que je reconnait immédiatement par ses cheveux blond. Je souris et me présente “Coucou c’est moi, l’accident de zébu !” En tenue blanche évidement il n’avait pas remis les choses dans leurs contextes. Il s’exclame et prend de mes nouvelles avant de regarder rapidement. Je prends mon service dans quelques minutes alors il presse un peu le médecin qui se trouve juste à coté de lui pour m’ausculter en priorité (autant profiter du peu d’avantage qu’on a ! Alors quand on peut faire jouer la blouse blanche ou la carte pro on hésite pas. Un petit cou d’échographie : la plaie commence à se fibroser. Le médecin m’informe qu’effectivement ce n’est pas beau et qu’il faut que je prenne des antibiotiques pour que les choses s’améliorent. Dans quelques jours avec ce traitement, l’abcès devrait se percer tout seul, ou alors il faudra inciser. Croisons les doigts ! Je les remercie chaudement et me dirige vers mon service à la hâte.
7h : La salle est pleine. On a le luxe de n’avoir que peu d’accouchées dans les couloirs. Dorénavant au vu de la suractivité de la salle d’accouchement une sage-femme est affectée à ce rôle principal. Elle est chargée de surveiller les dames en attente de chambre ou de transfert qui se trouvent dans les couloirs ou sur les chaises de l’hôpital. J’écoute les transmissions et me propose pour aller répondre à la sonnette de la troisième pare (troisième bébé) à 5 cm de la salle C. C’est certainement pour accoucher, je me dépêche de répondre présente, finalement c’était pour m’informer qu’elle souhaite une péridurale. J’espère que nous aurons le temps madame ! J’espère vraiment. Je m’empresse de la préparer dans ce but et la réexamine une fois fin prête juste avant d’appeler le médecin, pour être sure : toujours à 5 cm alors c’est parti pour une pose de péri. Au milieu de tout ça mes collègues se sont réparties les 6 autres salles d’accouchement et en plein milieu de l’acte qui vise à soulager ma patiente de sa douleur, l’anesthésiste, l’aiguille au milieu du dos de la dame, est sollicitée pour une hémorragie de la délivrance dans la salle d’à coté. Comme l’IADE (infirmier anesthésiste) est allé la seconder je surveille ma dame en préremplissant son dossier que j’ai pris avec moi.
9h : Une autre dame arrive. Transférée du dispensaire du centre pour début de travail sur utérus cicatriciel (qui a déjà eu une césarienne), elle est à 7 cm pour son 3ème bébé. Les choses devraient aller vite elle a déjà envie de pousser. Malgré mes explications et supplication pour ne pas qu’elle le fasse elle ne peut pas s’en empêcher. Le bébé de mon autre patiente commence à montrer des signes de faiblesse, son petit coeur ralenti, je rappelle le médecin pour l’en informer.
11h05 : Devant les implorations de ma deuxième patiente, à 9 cm, j’accepte de rompre la poche des eaux pour accélérer le travail. C’est un échec, le col se rétracte instantanément et n’est ouvert qu’à 7cm dorénavant. La mama devant moi commence à perdre patience et souhaite que je reste avec elle. Petit hic, deux accouchements se déroulent aux urgences, les accouchées débordent, mon autre patiente commence à présenter un rythme pathologique. Aïe ! Je sollicite la première sage-femme dans le bureau des soignant pour me prévenir en cas de gros ARCF (anomalie du rythme cardiaque foetal). Finalement, je rappelle le médecin pour mes deux patientes dont les petits bouts présentent des signes de fatigue. Elle passe alors une tête dans le chambre E pour se faire son idée et me dit en levant les yeux au ciel “Bah oui, mais elle accouche là !”. Ah oui. Autant pour moi, ça fait une heure qu’elle pousse dans le vide, mais là c’est bien la tête du bébé qui commence à sortir. Je met mes gants, mi amusée, mi agacée de passer pour une cruche alors que je n’y suis pour rien, et m’installe pour l’accouchement. Bébé va bien, sa maman aussi, elle me remercie chaleureusement. Je fais couper le cordon au papa ravi, et sors avant même d’avoir suturé pour aller vérifier le coeur du bébé de l’autre dame. Oups, c’est toujours pas bon, l’interne arrive pour y remédier, une autre sage-femme s’en charge pendant que je m’occupe de recoudre la dame qui a encore les jambes en l’air dans la salle E. Je me presse, soulage, répare, nettoie, rassure, puis cours dans la salle C pour reprendre la suite de la prise en charge. On pose un capteur sur la tête du bébé pour enregistrer de façon plus précise les ralentissements de son coeur, j’informe ma petite dame de la situation et explique la probabilité de partir en césarienne. Quelques minutes plus tard, à force d’ARCF je sonde ma patiente à demeure (je met une sonde qui vide la vessie, avec une poche pour le recueil des urines), quelques instants après la décision est prise : on part en césarienne. Les papiers de mon premier accouchement ne sont même pas fait que j’enchaîne sur un deuxième. Bienvenu dans le rush de Mamoudzou !
13h15 : J’habille ma dame, m’assure qu’elle n’ai pas de bijoux, vernis, prothèse, lui donne un médicament contre les reflux, la passe sur un brancard, enfile une tenue verte, et appelle le pédiatre.
13h35 : Bon anniversaire petit farceur ! J’emmène ce bébé qui se porte à merveille après l’avoir présenté à sa maman et lui fais son premier examen médical. Après quoi je le vaccine, fait les calculs des prélèvements du cordon et cours voir ma première maman de la journée.
14h : C’est parti pour la paperasse ! Ah non, on m’appelle pour une réa.
14h05 : Une autre patiente à 29 semaines d’aménorrhées (27 de grossesse) arrive pour menace d’accouchement prématuré et métrorragies (pertes de sang), les papiers devront attendre. Je perfuse, sonde, informe, pose un monito (qui enregistre le coeur du bébé), et administre les médicaments d’urgences nécessaires à la prise en charge. Après quoi je surveille ma nouvelle petite dame comme du lait sur le feu.
16h : Je regarde réellement l’heure pour la première fois de la journée. J’ai faim, j’ai soif, j’ai envi de faire pipi. Entre deux papiers je m’octroie ce dernier luxe. Ensuite le deuxième, puis le premier.
17h : Les bilans sanguins de la dame à la menace d’accouchement prématuré ne sont pas bon. Pourtant, stable, comme on ne peut pas se permettre d’emboliser une salle pour elle, je la passe dans le service de grossesse pathologique après avoir accueilli une nouvelle dame sur le point d’accouchement de son sixième bébé.
17h55 : 3ème petit être de la journée ! Une fille cette fois, et pas si petite que ça puisqu’elle ne pèse pas moins de 3,970 Kg. Cette belle demoiselle n’a même pas déchiré le périnée de sa maman. Plutôt pas peu fière je réinstalle la dame et tente de commencer les papiers avant que l’équipe de nuit ne débarque.
18h35 : Ma dame saigne un peu, j’accélère le synto (médicament destiné à la contraction de l’utérus, et à la réduction des saignements) et croise les doigts pour que ça suffise.
19h : Je n’ai absolument pas commencé mes papiers mais transmet ma seule patiente restante aux sages-femmes toutes fraîches qui viennent de débarquer. Ensuite je me plonge dans ma paperasse, et accepte qu’on me fasse les papiers d’ordinateurs, mais tiens à m’occuper du reste. La nouvelle lubie des cadres c’est un “mur de la honte” sur lequel elles affichent le nom des sages-femmes qui ont oublié telle ou telle chose dans tel ou tel dossier. En plus de ça, bien que je ne les déclare jamais, elles se refusent à nous payer nos heures supplémentaires jusqu’à nouvel ordre si les choses ne s’arrangent pas. Toute l’équipe des sages-femmes est consternée et écoeurée de ce genre de comportement venant de la part de nos encadrantes. Elles essayent de diviser pour mieux régner, mais personnellement je pense qu’elles finiront par s’en mordre les doigts. Ça ne donne aucune envie de prolonger son contrat, ou même d’accepter de remplacer les arrêts maladies. Aucune envie même, tout simplement, de se dévouer pour l’hôpital. Heureusement nous travaillons pour le bien être de nos patientes, pas pour le leur.
20h30 : “Fait attention à Tsounzou ça commence à chauffer”. Les filles qui sont parties il y a plus d’une heure me préviennent pour éviter les mauvaises surprises. Je me tiens prête à faire demi tour en cas de besoin, ou alors à foncer dans le tas si c’est déjà trop tard.
21h : A mon arrivée les fumigènes étaient déjà dissipées et les centaines de jeunes perturbateurs dispersés. Mon petit Théo était même venu à ma rencontre en moto, inquiet qu’il ne m’arrive quelque chose. Armé de sa machette il se tenait prêt à me défendre avec ses petits bras. Je craque devant l’intention, c’est beaucoup trop mignon. A mon arrivée le repas est prêt et la table est mise, c’est bon d’être en coloc.
22h : Out.
J 107
9h16 : En m réveillant je check mon téléphone par habitude. L’une de mes collègues d’hier m’informe que j’ai oublié de faire un papier important médico-légalement. Elle me propose de venir le remplir au CHM avant que la dame ne soit transférée. Mal réveillée par la nouvelle et surprise de cet oubli (je suis pourtant quasiment sûre de l’avoir fait), on se lève pour aller sur la capitale régler le problème.
10h15 : Théo va au camion blanc m’attendre pour le petit dèj. Moi je file faire le point rapidement puis le rejoins pour engloutir de quoi me mettre de meilleure humeur. Le matin c’est vraiment pas fait pour moi.
11h : Direction le parc de la pointe Mahabou, à deux pas d’ici. Un joli parc que me fait découvrir Théo, mais chargé de nos affaires de moto nous n’en faisons pas le tour complet, et nous contentons de rejoindre la plage juxtaposée.
12h : Un petit plouf puis un moment calme chez Théo à Majicavo. Ensuite je reprends la route pour aller promener Oïkia avant la tombée de la nuit.
16h30 : Un bon gouter, faute d’avoir mangé ce midi, puis un petit tour à la plage en amoureuses.
19h45 : Une nouvelle colocataire potentielle vient nous rendre visite ce soir. Eléonore travaille à la mairie de Dembéni (dont Iloni fait partie de la commune) et est intéressée par la chambre de Claire. La situation avec son copain prof de sport semble être un sujet compliqué mais la conversation se fait toute seule. Sans être véritablement un coup de coeur elle semble être gentille et le courant passe bien au premier abord.
21h : Eléonore est partie alors nous nous mettons à table, rien de particulier au programme ce soir. Je me replonge dans mon livre avec un peu de correction d’écriture.
J 108
12h : Pain pita-croque monsieur vous connaissez ? C’est quand on a plus de gaz, et plus de pain de mie et presque plus de jambon. Prenez un pain pita, mettez ce qu’il reste dans votre frigo et faites le cuire au gaufrier. Je vous assure que ça n’est pas si mauvais.
12h30 : Petite promenade à la plage en compagnie de Théo qui m’a rejoint en fin de matinée et d’Oïkia. Ma louve creuse en arrivant sur le sable jusqu’à bien 50cm pour trouver ce qui semblait l’intéresser dès le départ : une crevette pourrie bien enfouie dans le sable. Après quoi elle joue dans la mangrove et court à en perdre haleine. Parfait pour l’après-midi sieste qui nous attend. Je suis de garde ce soir, autant qu’elle dorme un peu elle aussi aujourd’hui.
14h45 : A la sieste !
N 108
19h : J’aime bien les gardes en suite de couches. C’est un service peu affectionné par les sages femmes de manière générale pour le manque de gestes techniques et la place de la paperasse prédominante mais personnellement ça ne m’a jamais déplu. Un peu moins galvanisant c’est sur, mais la tranquillité est aussi appréciable de temps en temps, et j’apprécie de pouvoir prendre soin de mes dames. Je prends donc mes transmissions sereinement, et récupère un service contenant 4 places vacantes.
20h : Mon tour commence, et je m’active pour pouvoir prendre le temps de vérifier mes dossiers.
22h30 : Au milieu de mes diabétiques, césariennes programmées, et hémorragies de la délivrance j’achève mon tour relativement tôt pour accueillir déjà 2 nouvelles accouchées. Ensuite j’accueille un retour de césarienne puis une hémorragie de la délivrance. Les filles semblent submergées en salle et je n’ai les dossiers qu’une bonne partie de la nuit plus tard. Mes quatre arrivées me prennent du temps, je trottine dans les couloirs pour avoir le temps de tout faire. Service calme tu parles, j'aurais mieux fait de me taire.
1h30 : Je me force à prendre le temps d’aller manger. J’appelle mes collègues sur leur téléphone pour rapatrier tout le monde. Ella n’a rien amené et ne souhaite pas manger, Hérine n’a pas faim et la troisième sage-femme ne semble pas disposée à se mélanger à ses consoeurs. Elle ne daigne même pas répondre au téléphone quand je tente de la joindre. Assez particulier comme première impression. Omel, une sage-femme originaire d’ici à priori, a l’air assez particulière. J’ai pourtant toujours la volonté de ne pas rester sur mes premières impressions mais il faut dire qu'elle ne me facilite pas la tâche quand j’entends son téléphone sonner dans la pièce d’à coté et que je la vois ne pas me répondre volontairement. A ma tête interloquée quand je l’apostrophe quelques secondes après mon appel pour lui dire “C’était pour manger.” et qu’elle me répond “Ah non c’est bon, moi c'est déjà fait.”.
2h : Hérine et Ella ont un sérieux problème. Pendant notre petite pause j’en profite pour leur montrer l’évolution pas très jolie de mon l’abcès. Immédiatement elles insistent pour inciser et pouvoir le faire elles même. Devant leurs supplications je fini par accepter alors nous nous rendons en salle 32 (consultation covid) pour une opération improvisée. Elles appellent même du public et Mélanie et Manon se joignent à nous. Hérine filme pour ne rien perdre du spectacle, Ella opère, moi je souffre. La plaie s’est fibrosée et est toute dure. Malgré la lidocaïne spray je sens tout ce qu’elles trifouillent là-dedans et les multiples trous qu’elles font avec un trocard rose (une grosse aiguille de prélèvement) ne donnent rien, à leur grande déception. Certaines parties sont nécrosées, l’avantage c’est qu’à ces endroits là je ne sens rien. Il va vraiment falloir que j'aille reconsulter.
2h15 : Fini les bêtises, on reprend notre course pour avoir le temps de tout effectuer. Médicaments, prescriptions, examens, renseignements, constances, antibiotiques. Je m’empresse de finir les dossiers des nouvelles entrées pour avoir le temps de faire les 5 prises de sang, 1 prélèvement d’urine, 3 papiers, et 1 injection antibiotique de mon tour du matin.
5h30 : Toujours excédée de devoir réveiller mes patientes pour ça je m’exécute pourtant. “Bonjour buéni, je viens te faire la prise de sang dont on a parlé hier soir.” La plupart du temps j’ai le droit à un grognement, et un bras tendu. J’exécute mon geste, et repars quelques dizaines de secondes plus tard, comme je suis venue, sur la pointe des pieds. N’oublions pas les chambres triples, qui rendent les examens et le secret médical beaucoup plus difficiles à respecter dans la pudeur et la discrétion.
6h15 : Une de mes patientes est imprélevable. Elle a des trous partout et a déjà été piquée des dizaines de fois. Evidement c’est la dame à laquelle je dois faire le plus gros prélèvement. J’essaie trois fois et remet la prise de sang à plus tard pour avoir le temps de finir le reste de mes tâches avant l’arrivée de l’équipe de jour.
6h30 : Dans tout ça j’ai presque oublié les antibiotiques que je devais donner par perfusion au bébé de la 3. A mon arrivée je cherche la perfusion partout et fait même demi tour et pensant m’être trompée de chambre. A ma grande déception c’était pourtant la bonne, mais la maman me montre la perfusion arrachée dans la nuit, gisant sur le sol. Je n’ai absolument pas le temps de reperfuser, désolée p’tit gars, les antibiotiques ça sera dans la cuisse du coup. Je modifie mon dosage et enfonce la plus petite aiguille possible dans sa cuisse. Hérine me propose un coup de main. J’accepte pour qu'elle tente de prélever la dame que je n’arrive pas à bilanter. Finalement elle ne réussira pas non plus, ça devra attendre encore un peu.
7h : C’est Cassandra, une sage femme que je ne connais pas qui prend ma relève. Elle a un grand sourire au lèvre, mais mon instinct me pousse à croire qu’il est faux. J’ai fais de mon mieux pour une reprise mais à la moindre remarque qu’il est possible de faire j’y ai le droit. Toujours avec un sourire coincé elle se permet des reproches anodins, que je n’aurais même pas relevé dans la situation inverse. Le monde des sages-femmes est dur, souvent impitoyable. Entres elles les personnes de la gente féminine se font rarement des cadeaux. Cassandra semble faire partie de se genre de personne, qui râle, s’offusque, critique, mais ne fait pas mieux quand vient son tour.
7h45 : J’encaisse les “conseils juste pour que tu saches la prochaine fois”, puis repars un peu contrariée, d’avoir chercher à tout bien faire mais de ne pas être parfaite. Comme personne en faite.
8h30 : Il est l’heure de dormir.
N109
19h : Les deux bureaux de la petite pièce de soins sont recouverts de dossiers vert. Je n’ose même pas les compter tellement ils sont nombreux. La sage-femme du jour enfonce le clou quand elle nous dit sans détour “Les services sont déjà pleins. Il y a au moins 5 dames à hospitaliser en patho, 4 en travail, et toute celles là pour lesquelles on ne sait pas encore. En plus dans les box il y a déjà 2 places de prises par des accouchées en attente de transfert demain matin.”. On commence les trans et je note bien tout sur une feuille libre pour avoir une idée de qui j’ai en face de moi quand viendra le moment. Ensuite on établi une liste et divise les dossiers en deux. La nuit va être longue. Le risque c’est aussi de passer à coté de quelque chose de grave, ou même d’oublier quelqu’un. Je croise les doigts pour que personne ne se surajoute à tout ce bazar. Erine qui est avec moi ce soir à l’air tout aussi perdue, ne sachant pas par où commencer.
20h : Une de mes patientes en travail se plaint de douleur. Elle semble prendre sur elle et n’était qu’à 3-4 cm mais je l’examine rapidement, dans le doute. Verdict : dilatation complète. Aller, on prend la dernière place en salle qui viens de se libérer. On passe rapidement la dame sur un fauteuil, et je croise les doigts pour qu’elle ne pousse pas dans le couloir. En général ça tient, les dames réussissent à se retenir de pousser jusqu’au passage de la porte de la salle de naissance. Une fois les fesses posées sur le lit c’est une autre histoire, le mental lâche et malgré notre insistance le corps parle de lui même et les naissances se font rapidement. Cette fois elle tient, le sol n’est pas lavé et du sang de la dame précédente témoigne encore d’un accouchement récent. Pas le temps de s’en préoccuper, j’installe la dame sur le lit pendant que les aides soignantes nettoient autour de nous tant bien que mal.
21h : Une autre de mes patientes se trouve à dilatation complète. Elle est pourtant en salle de pré-travail (appelée aussi salle de dilatation dans les autres hôpitaux, mais ici c’est différent…), et n’aura pas de place en salle d’accouchement. J’appelle l’une des filles de ce coté là, qui viens me donner un coup de main et pratiquer l’accouchement. Je la seconde, à deux on ira plus vite.
22h : Ma petite dame en travail dans le couloir dont le bébé fait des ralentissements commence à souffler un peu trop. Par chance Erine vient de libérer une salle de pré-travail, je saute sur l’occasion et passe la patiente sur un lit un peu plus à l’abris. Grâce à ça je peux enfin brancher l’utérus tricicat (antécédents de 3 césariennes) sur le brancard dans le couloir. Ce couloir, mon dieu ce couloir. 6 brancards en file indienne le long du petit service des urgences devant les entrées de chaque pièce. Un lit n’y passerait même pas, c’est pourquoi en cas d’urgence nous sommes obligées de passer la dame en fauteuil (s’il y en a un) ou sur ses jambes. Sur une urgence vitale ce genre de détail peut avoir des conséquences dramatiques.
22h30 : Une autre de mes patientes est en travail. Des anomalies du rythme cardiaque foetal m’obligent à prendre la seule place disponible en salle qui vient d’être nettoyée. J’ai un choix à faire : c’est soit elle, dont le bébé est gros, soit l’autre prématuré de quelques jours. Par choix stratégique mon choix se porte sur le gros bébé, à risque de dystocie (épaules qui restent coincées dans le bassin). Si ce genre d’événement arrive en salle de naissance on aura plus d’espace pour faire les manoeuvres, et les tables de réanimation sont plus proches.
23h05 : Pas de place en salle, personne n’est disponible, l’accouchement c’est pour ma pomme. Ma petite patiente pousse, un bébé un peu pressé naît et se porte à merveille. Je réinstalle, rassure, nettoie, administre les médicaments puis continue ma course après avoir transmis ses informations médicales à la sage-femme orange. La sage-femme orange est une nouvelle création de cet hôpital. Elle gère les accouchée physiologique en attente de transfert, ou de chambre. Il y en a tellement, qui attendent pendant si longtemps que les laisser sans surveillance trop longtemps peut être dangereux. Afin d’éviter une poursuite de soin une des 5 sages-femmes de salle de naissance est amputée de l’équipe pour ce consacrer à ce genre de cas. Problème, les 4 autres sont pénalisées pour prendre en charge le nombre d’accouchement massif du fameux “rush” de Mayotte. Au pic de celui-ci, on a dénombré pas moins de 40 accouchement par jour rien que sur Mamoudzou pour ce rush-ci. Plus d’une classe entière de futurs écoliers en un jour. Du jamais vu.
00h : A nouveau une patiente présentant des anomalies du rythme sur une mise en travail se présente aux urgences. Faute de place je mets cette pauvre dame en chambre triple, et croise les doigts pour que son premier bébé mette un peu de temps à venir, pour qu’elle n’ai pas à accoucher en présence de deux autres mamans et de leurs bébés. En plus de ça le lit sur lequel elle se trouve est collé à un mur, sur la gauche de la pièce, petit détail important : je suis droitière. Pour un accouchement ça va être compliqué. Pour ce qui est des examens de col (toucher vaginaux) j’ai pris le pli et ai appris à examiner aussi de la main gauche. Autre détail technique : je n’ai pas de table d’accouchement. Je cours à travers les couloirs pour en trouver un substitut et porte mon dévolu sur une tablette de plateau repas. Ça fera très bien l’affaire, j’installe tout au cas ou et poursuit ma nuit.
Toutes mes salles sont occupées, mes prises en charge prennent du retard par manque de place et je me vois dans l’obligation de chasser une dame de son lit pour en mettre une autre. La pauvre petite dame qui attend une réévaluation seulement demain matin, enceinte, va devoir attendre sur une chaise, au milieu des brancards du couloir. Par la suite elle ira d’ailleurs s’allonger à même le sol, dans la salle d’attente sur sa salouva.
3h : La salle de naissance se vide pour pouvoir se remplir. Sauf que faute de place dans l’hôpital elle se déverse dans les locaux des urgences. Du coup le tri n’a plus de place pour recevoir les urgences, qui trainent et passent directement en salle au dernier moment. C’est le serpent qui se mord la queue. Les dossiers s’accumulent, les filles courent, mais personne ne pipe mot. On serre les dents et se serre les coudes, la fin de la garde arrivera forcément à un moment ou à un autre. Je déteste travailler dans ce genre de conditions, de participer à ce genre de prise en charge, et d’approuver ces mauvais soins même s’ils sont involontaires. Pourtant je suis là pour ça, et à l’instant où je peste contre ce système de merde je me fais violence en me disant que je suis venue pour, que c’est la raison de ma présence ici. Peut être qu’elle permettra d’adoucir les choses, même un peu, même pour une personne. Que ça sera un peu moins pire, une fois. Mieux que rien quoi.
4h : Je n’ai pas que des patientes en travail au cours de cette course, je prends aussi en charge des avis, des surveillances, des examens, prises de sang, dossiers, monito, des douleurs, des questions, des inquiétudes.
5h : La fin de nuit a été plus calme, les patientes consultent moins la nuit et heureusement qu’un petit nombre seulement se sont présentées cette nuit. Un certain nombre quand même, puisqu’à chaque fois que l’infirmière des urgences nous montait une nouvelle dame sur l’un de ses fauteuils elle nous saluait de plus en plus désolée.
6h : J’aimerais prendre une photo du couloir, 7 dames sont là, couchées, assises, debout, dans leur draps, avec leurs bébés. 2 de plus sont en salle A, une en B et une en C.
7h : La relève est là, fraiche et disposée à reprendre les choses en main. Je me dis souvent qu’une garde de 24h comme peuvent le faire les médecins serait dangereux pour les équipes de sage-femmes.
9h : Je m’écroule comme une masse.
J 110
16h30 : J’ai l’impression d’avoir été assommée. Je me réveille d’un sommeil de plomb et doit même me faire violence pour sortir de mon lit. Finalement mes plans de ce soir ont changés, je rejoins la colocation de Théo pour un repas à la Bigoudène. Avant ça il me donne rendez-vous au Quartz, un petit tête à tête pour que je puisse lui raconter ma nuit.
18h : J’écris un peu avant de prendre la route puis je prépare mes affaires pour demain. Notre programme ? Début du niveau 1 de plongée !
19h30 : Je me gare devant le quartz, un bar du quartier d’Hautvallon. Théo qui est déjà là m’accueille avec son fameux sourire et un noeud papillon. Il s’est fait tout beau pour mes beaux yeux et me confie le sourire en coin « Bah quoi? J’avais rencard avec ma meuf ». On commence par un verre avant de rejoindre les copains au restaurant d’à côté.
20h30 : Ce soir nous rejoignons Gaëlle, Tom, Ella, Manon, Marion et Léa qui ont tous participé à la sortie grand matin à laquelle Théo est allé ce matin. Ayant mangé à 17h je n’ai pas très faim et me rabats sur une entrée, que je ne finirais même pas.
23h : J’ai passé une excellente soirée. Mon abcès a été au centre de bon nombre de conversations et l’unanimité a déclaré que je devais absolument aller consulter demain. C’était déjà au programme, ça tombe bien. Chacun regagne son chez soit.
1h30 : J’arrive enfin à m’endormir.
J 111
7h : Le réveil sonne déjà. Je suis fatiguée mais compte bien me recoucher après la consultation. J’avale mes antibio et deux choco pour accompagner le tout puis on est partis.
8h : Mon admission se fait au secrétariat de chirurgie. Les secrétaires maoraises sont à la hauteur de leur réputation et ont le don de m’énerver rapidement par leur comportement désagréable. Au moment de donner mes papiers je fournis mon permis qui ne m’a alors jamais posé de problème lors de mes admissions à l’hôpital (notamment aux urgences). Cette fois les choses ne fonctionnent pas comme ça visiblement, il faut une pièce d’identité « une vraie ». Sauf que la vraie elle est chez moi à Iloni. A leur demande j’envoie par mail ce fameux papier d’identité, une fois chose faite j’entends alors l’une d’elle me répondre « Ah mais il faut que ça soit en PDF ». Bon ma p’tite dame si t’y mets pas du tiens on va pas y arriver.
8h30 : Je ne sais absolument pas à quelle sauce je vais être mangée. Le chirurgien me reçoit dans son petit bureau exigu et confirme mes craintes : il faut m’endormir pour opérer. Creuser un peu, nettoyer, et ça ira mieux. Résultat des courses il faut que je passe au bloc cette après midi sous anesthésie générale.
- Il vous faut un arrêt de travail ?
- Surtout pas !
Si j’annonce à ma cadre que je suis encore en arrêt j’ai bien peur qu’elle fasse une crise cardiaque.
9h30 : C’est au tour de l’anesthésiste de me recevoir. A mon grand bonheur il n’est pas celui que j’avais craint d’avoir : docteur Choumi, l’ignoble et désagréable chef anesthésiste. Finalement c’est un autre, imbu de sa personne et à moitié désagréable que j’ai vu en césarienne pas plus tard que la semaine dernière. Mais bon c’est déjà mieux que rien.
10h : L’anesthésie ne durera que quelques minutes. Je devrais pouvoir travailler demain mais comme je ne suis pas à jeun et que par conséquent je passe dans l’après midi ça va être un peu court pour que je puisse me remettre à temps. Je file voir la cadre pour lui demander à changer mon jour en nuit. Elle accepte et le tour est joué en quelques minutes. On me conduit dans la chambre 52, chambre double que je partage avec une dame qui ne parle pas ma langue.
J’écoute les consignes, les applique méticuleusement et attends sagement mon tour qui n’arrivera que dans l’après midi. En attendant, j’écris, je lis, je patiente, et j’ai faim.
12h50 : J’ai fais la sieste les deux dernières heures. Visiblement pas très stressée c’est mon tour de monter au bloc. Le brancardier ne m’adresse pas un mot de français et s’amuse à jouer aux kékés avec les infirmières et aides-soignantes qui parlent Shimaoré. Il m’amène à bon port, c’est déjà ça. Je mets quelques minutes à comprendre que je me trouve dans le bloc que je connais déjà pour y avoir fait les césariennes programmées de la semaine dernière. Cette fois je suis sur le brancard, tout est différent. Je pense être la seule blanche de la journée à passer sur le billard et mes doutes sont confirmés quand j’arrive dans la pièce et que tout le monde me dit “Ah c’est toi la sage-femme !”. Tout le service semble être au courant, bonjour le secret médical. Je ne m’en formalise pas et garde le sourire, même quand l’infirmière pas très causante me perfuse au niveau de la main alors que j’ai des boulevards tout au long des bras. Les perfusions au niveau de la main sont douloureuses, provoquent de paresthésies et par dessus le marché sont positionnelles (les liquides ne passent que si on prend une certaine position), quand les patients sont difficiles à perfuser c’est justifié, mais quand ils ont des veines comme les miennes c’est dommage. L’anesthésiste vient me voir : déception, c’est bien le docteur Choumi qui s’occupera de mon cas. Ça ne m’étonne qu’à moitié puisque même s’il nous déteste la plupart du temps il est bien connu pour “s’occuper de ses sages-femmes” quand ils leurs arrivent une tuile du genre. Je ne sais pas si c’est pour exercer un quelconque pouvoir supplémentaire sur nous mais ça m’est bien égal. Il se moque de moi quelques instants par ce que j’ai mangé ce matin et je ne perds pas de ma répartie pour le remettre à sa place. Après tout qui aurait pensé que ça nécessiterait une anesthésie générale un si “petit truc”. Quelques minutes plus tard j’entre dans la salle d’opération, passe sur la table et fait connaissance avec l’équipe. Personne ne se présente, l’avantage c’est que je n’aurais pas d’efforts à fournir pour retenir les prénoms. J’éprouve un petit moment de gène quand je me retrouve seins nus devant une salle pleine de mes confrères, mais essaie de relativiser : si ça avait été moi à leur place, une paire de seins ça aurait été le cadet de mes soucis. Un corps reste ce qu’il est quand on est soignant : un corps. On m’enlève mon masque pour me faire respirer dans un autre, et c’est…
13h45 : “EH OH ON SE REVEILLE, elle désature !”. Je sens qu’on me secoue mais je dormais trop bien. J’ouvre les yeux à grande peine pour me réveiller en salle de réveil. Je viens de me faire réveiller de la manière la moins douce possible mais c’est comme ça qu’on fait au bloc. Je crois me souvenir grâce à l’un de mes stages que c’est voulu, je ne sais plus pour qu’elle raison. On me demande de m’appliquer à respirer correctement par ce que le taux d’oxygénation dans mon sang n’était plus très bon. J’obtempère, et cligne de mes yeux endormis. Ensuite je parle, beaucoup trop. Je ne peux pas m’empêcher de dire tout ce qui me passe par la tête. J’ai l’impression que les infirmières sont trop loins, j’ai presque envi de leur demander de s’approcher pour avoir un câlin. Oula Thaïs fait attention à ce que tu dis, c’est les anesthésiants qui désinhibent tes paroles ! “Ça s’est bien passé avec le Dr Choumi ? Par ce que vous savez, nous en maternité on l’aime pas.” Oups, c’est sorti tout seul. Heureusement je crois qu’il n’est pas dans les parages et il ne doit pas être plus aimable avec les infirmières qu’avec les sages-femmes.
14h30 : Après une heure en salle de réveil le même brancardier que tout à l’heure me ramène dans ma chambre. Le fait qu’on voit mon décolleté (pas mes seins) semble le gêner et il me demande de remonter ma chemise. Le jeun du ramadan n’a pas encore été rompu et aucune pensée impure ne doit perturber ce monsieur. Je m’exécute, encore complètement dans les choux.
14h35 : Théo est déjà là. Il m’attend en souriant et m’embrasse en m’offrant les schokobons qu’il a acheté pour l’occasion. On me sert immédiatement quelque chose à manger, mais mis à part la compote, la viande aussi dure que la semelle de mes chaussures et les patates pas cuites ne me donnent qu’à moitié envie. Après ça je me lève, m’habille et fait signe à l’infirmière dans le couloir. Elle s’amuse de me voir en si bonne forme et me demande de patienter encore un peu pour pouvoir sortir.
15h30 : C’est le Dr Choumi en personne qui vient me présenter l’autorisation de sortie. Il répète ce que le chirurgien a déjà dis à Théo, la plaie est profonde, il était grand temps d’opérer. J’ai un “cratère dans le cou” selon ses dires et la bactérie responsable de tout ce merdier n’est autre qu’un staphylocoque aureus penton-valentine. Une bactérie qui creuse les chaires visiblement, heureusement que je n’ai pas fais un sepsis, c’était certainement la prochaine étape. Je me fais un peu bousculé par le médecin qui insiste bien sur l’importance capitale de prendre la bi-antibiothérapie qui m’a été prescrite. Les médicaments concernés sont bien costauds, ça n’a pas l’air de rigoler leur histoire. Il donne même à Théo la responsabilité de m’appeler matin, midi et soir si nécéssaire pour être absolument sur que je m’en préoccupe comme il faut. Je repars avec un tas de prescription, des pansements à faire tous les jours et un carnetti ! Le fameux carnet médical de tout maorais qui se respecte. Ce carnet les suit partout, tout le temps, dans tout ce qui concerne leur prise en charge médicale et paramédicale. Accouchements, opérations ou simple visite chez le médecin, tout est marqué dans ces petits carnets bleus. J’en ai un moi aussi maintenant.
16h : Après être allés à la pharmacie on rentre à la maison. Un petit plouf en compagnie de la coloc de Théo et je m’endors une bonne demi heure avant que mon réveil ne sonne.
19h : Assemblé générale à présence obligatoire de l’association Répéma (association en charge de la périnatalité dans laquelle je suis bénévole). Je me connecte sur zoom les yeux à moitié en face des trous et somnole la plupart du temps pendant la réunion. Au bout de deux heures de discussion monotones interminables c’est enfin terminé. On regarde un dessin animé après un bon plat de pâtes et au dodo.
J 112
9h30 : Théo à l’air déjà bien réveillé. Moi je dormirais bien encore un peu mais je sens qu’il attend déjà depuis un petit moment. On se lève pour déjeuner puis partons direction Iloni pour que je retrouve ma maison (et ma boule de poil) et que lui aille faire la randonnée du Mont Benara (6h la randonnée quand même). Il me dépose sur le chemin au dispensaire de M’Tsapéré pour que je puisse y faire faire mon pansement et file sans moi. Je suis accueillie après une dizaine de minutes par une personne qui ne se présente pas (encore une fois), et qui semblait finir la conversation engagée avec ses collègues avant de ne me prendre pour le soin. Ici on ne demande ni papier ni carte vitale. Je donne mon carnetti, explique la situation et m’installe sur la table d’examen pour que la personne qui se trouve en face de moi, une infirmière j’espère, me fasse le soin prescrit. Déjà pour la déontologie on reviendra, mais pour l’asepsie je ne reviendrais pas ça c’est sur. A la manière dont elle ouvre les paquets de compresses et kit de pansement j’ai bien peur de ce qu’elle va faire quand elle va devoir me toucher. On ne se lave pas les mains avant de faire ce genre de geste stérile ? (Enfin stérile en théorie par ce que là on est en très loins). Pas le temps de réfléchir ni d’objecter quoi que ce soit, elle m’arrache le pansement sans aucun état d’âme ni la moindre parcelle de douceur. Je serre les dents, aller Thaïs, avec toutes tes mésaventures tu commences à avoir l’habitude, la douleur c’est subjectif. Elle tire sur la mèche qui comble le trou profond que j’ai dans le cou de la même manière qu’elle a pu tirer sur le reste puis me dit :
- Pour le pansement demain il faudra aller ailleurs, à Mramadoudou ou à Mamoudzou comme vous voulez, mais là j’enlève pas la mèche il faudra le faire demain.
- Ah ? On m’a dit qu’il fallait la retirer lors du premier soin.
- Non, non il faut attendre 48h. Il faudra que vous alliez ailleurs.
J’ai surtout peur qu’elle ne sache pas faire et qu’elle s’en dédouane en m’orientant ailleurs. Pourquoi pas ici si j’en ai envie après tout ? Un dispensaire reste un dispensaire, et une infirmière une infirmière.
- J’ai tiré sur 4 cm, mais y en a encore au fond, donc c’est assez profond”.
Ah oui quand même. J’ai du mal à imaginer que quelque chose à cet endroit là puisse aller chercher si loin sans toucher quoi que ce soit. Je salut la dame, remonte à moto et rentre à la maison.
11h : J’y retrouve l’évier plein, la table sale, l’étendoir à linge bourré à craquer et les deux gamelles d’Oïkia vides. Mais vides depuis longtemps puisque bien sèches. Ça fait 10 fois que je répète à mes nombreuses colocataires de faire attention au moins au dernier point. Cette fois je renvoie un message groupé, en y mettant beaucoup les formes, mais ça m’agace !
12h : De retour dans un lit, j’écris plus d’une heure et me laisse aller à une sieste. Ce soir je suis de garde de nuit.
N 112
18h30 : J’arrive avec une petit demi heure d’avance. L’antibiothérapie prescrite par le médecin comporte de la dalacine et la pharmacie que j’ai sollicitée n’en avait qu’un stock très limité. A cette heure je passe devant une vitrine fermée : “les horaires ramadan” sont imposés partout ici. En plus d'un grand nombre de jours fériés surajoutés à ceux de métropole, les bureaux, institutions, boutiques et tout ce qui accueille du public ferment dans l’après midi pendant cette période de ramadan. Jour fériés ils n’en n’ont que le nom pour nous sages-femmes puisque nous travaillons sans différentiation de semaines/week-end/vacances/férié/jour/nuit/année bissextile et que la seule différence se présente sur une faible augmentation d’un salaire déjà trop petit (d’accord ici on est beaucoup moins à plaindre, mais j'estime qu’au vu des responsabilités, de la pénibilité du travail, manque de reconnaissance, années d’études en j’en passe je touche ici ce que toute les sages-femmes devraient toucher au minimum à la fin du mois. C’est à dire 3000 €. Pour rappelle une sage-femme qui a fait 5 ans d’études, dont un concours médecine, qui travaille de jour comme de nuit, un lundi comme un dimanche, à pâques comme à Noël et qui à la vie de vos femme et de vos enfants au bout des doigts gagne 1700€ au début de sa carrière. 2500€ après 20 ans de métier peut-être. 3200€ au plus haut de ses fonctions, avec 30 ans de carrière et cadre supérieur d’un service de maternité.) Je m’égare, revenons à nos moutons. Ici les “jour fériés” ne sont pas rémunérés comme tels. Seulement ceux de métropole.
18h40 : Le temps de me faire couler un café et je prends la direction des urgences pour faire la petite main en attendant ma relève. Je propose mon aide et à l’instant où je passe la porte une dame accouche. Elle vient d’arriver, alors on travaille en équipe : l’une examine, l’autre sort une table d’accouchement, une autre l’installe, moi je perfuse, pendant que quelqu’un lit son dossier à voix haute. Je tente de poser une perfusion sur la main d’une patiente qui attrape l’arrière de ses cuisses pour pousser. Autant vous dire que ça n'est pas chose facile. Je fini par y arriver, prélève des tubes un peu au hasard, embarque les prélèvements au cordon et vais les analyser avant d’administrer les médicaments nécessaires à la prévention des hémorragies de la délivrance.
19h : Tout pile. J’arrive au trot pour mes transmissions. Ce soir je prends en charge le service covid. Service covid il n'en a que le nom puisqu'actuellement entre nos murs aucune patiente n’est suspectée ni avérée covid. Le service est un peu plus léger que les autres, au cas où certains cas se révèleraient et demandaient une prise en charge plus compliqué qu’une patiente lambda.
19h30 : Ce soir je suis avec deux Maud et Mathilde, 3 sages-femmes d’une même coloc. Chacune entame son tour, je finis le mien avant les autres alors j’appelle chaque dispensaire les uns après les autres pour savoir combien de places elles auront le lendemain matin pour les transferts d’accouchées vers la périphérie. En ce moment aucune dame qui se porte bien ne peut rester dans le service de Mamoudzou, c’est un luxe trop grand pour un hôpital bien trop petit. Après ça j’entame la revue d’une bonne partie de mes dossiers et fini par aller manger à une heure assez avancée. Les filles galèrent mais je ne peux pas encore les aider, je n’ai pas terminé mon coté.
2h : J’entame la deuxième moitié de mes dossiers. Je vérifie tout, prescrit, range, cherche, actualise puis je vais aider un peu aux urgences par ce que c’est le bazar. Je fais la petite main, prépare des bilans, prélève du sang, accompagne des petites dames, puis je reviens dans mon service pour donner un coup de pouce.
4h : Finalement une patiente déclenchée de l’une des deux Maud appelle : visiblement le déclenchement se passe un peu trop bien et elle n’a pas décidé d’attendre d’être en salle de naissance pour faire naitre son petit bout. Mathilde court avec moi, personnellement je m’arrête en chemin pendant quelques secondes pour prendre des gants. C’est ce qui me perdra puisque ma consoeur s’est décidée à faire l’accouchement sans protection. Petit bébé va bien, on l’emmène tout de suite pour ne pas qu’il ai froid. J’administre les médicaments de première intention et coupe le cordon après avoir ouvert un set d’instruments. Ensuite, à l’aide des aides soignantes nous accompagnons la nouvelle maman dans un des box d’urgences, faute de place en salle, pour la délivrance et la suite du post partum immédiat. Encore une fois je fais la petite main, et aide Léa qui s’occupera de la dame dorénavant.
5h30 : C’est l‘heure de mon petit tour du matin. Cette nuit j’ai quand même eu plus le temps que d’habitude et c’est agréable de pouvoir prendre le temps de faire les choses bien.
7h : Ninon prend le relai. Je lui fais mes transmissions et lui assure que c’est calme, qu’aujourd’hui pour une fois elle aura le temps, que c’est agréable. Puis je la salut et rentre chez moi, pour une bonne journée de sommeil avant une nouvelle garde de nuit.
N 113
19h : “J’ai fais 4 consultations covid aujourd’hui” me dis Ninon pressée par le temps. Pas si tranquille que ça finalement. Je la rassure et lui dis que je ne suis pas pressée, puis je lui propose mon aide en attendant qu’elle finisse ses transmissions.
19h30 : Au milieu des sorties prévues elle a accueilli deux patientes des chambres voisines qui ont été isolées puisque suspectées d’être contaminées par le covid. En effet ces deux dames ont eu de la température en post partum, ce qui est loin d’être inhabituel quand on a un montée de lait. Protocole oblige, une chambre isolée en secteur corona virus leur a été attribuée. Deux de plus ont été hospitalisées pour hyperthermie pendant la grossesse, je me retrouve avec un service plein mais seulement 3 dame potentiellement atteintes puisque la PCR de la quatrième vient de revenir négative. On effectue la relève et Ninon part une heure plus tard pour noter ce qu’elle n’a pas eu le temps de marquer dans les dossiers.
19h45 : Je commence mon tour sans perdre de temps. Je suis “accompagnée” de Fina, aide soignante, qui visiblement n’a pas envie d’être ici. D’ailleurs c’est le seul moment de la nuit durant laquelle j’aurais l’honneur d’être en sa présence. Ensuite elle aura tout bonnement disparu.
22h : J’enchaine avec deux trois examens supplémentaires, et me penche sur les dossiers non faits par manque de temps. Ensuite j’entame la revue des dossiers et n’en aurait qu’une petite partie à vérifier après manger.
23h30 : Le bébé de la 40 a besoin d’une antibiothérapie par voie veineuse deux fois par jour. Au moment de rentrer dans la chambre, habillée en cosmonaute j’apprends par la mère que l’équipe de ce matin l’a déjà déperfusé. Une voie sur un si petit être c’est difficile à mettre, et l’erreur de mes collègues va lui valoir une injection intramusculaire pour qu’il les ai en temps et en heure. Je reperfuserais plus tard, quand j’aurais le temps. Je sors pour adapter mon dosage après m’être déshabillée. Puis revêtit une nouvelle fois ma tenue de l’espace pour effectuer le soin.
1h : Il est temps de manger. Ensuite je me replonge dans mes dossiers et ça me prend plus de temps que prévu.
4h : Maintenant que j’ai fini j’ai le choix : soit je reperfuse le bébé de la 40 (mais je ne pourrais pas le faire toute seule), soit j’aide mes collègues qui ont plus de mal que moi à boucler leurs dossiers plus nombreux. J’opte pour la deuxième option. Les antibio de ce bébé ne seront à faire qu’à 11h30, l’équipe du jour aura le temps de prendre quelques minutes pour ça. Je peaufine quelques dossiers puis j’attaque mon tour rapidement pour pouvoir aider à nouveau après.
5h : J’effectue le tour du matin. Prise de sang, constantes, surveillances de la température et de la respiration pour les covid, administrations de médicaments. Je fais même leur examen clinique pour que la sage-femme du jour n’ai pas à rentrer dans les chambres potentiellement contaminées (on a pas tous la chance d’être vaccinés).
6h30 : Il me reste quelques dizaines de minute avant que la relève ne débarque. Louise m’appelle de la patho pour que je vienne les aider. J’ai proposé mon aide toute à l’heure et visiblement leur tour est chargé. A mon arrivée je propose mon aide à Carole, qui me remercie de faire une prise de sang pour elle. Je m’exécute et effectue les manoeuvres courante : garrot, désinfection des mains, gants, détersion de la peau, insertion d’aiguille, adaptation, tube, puis manoeuvre inverse. Ensuite je demande par automatisme “nom, prénom, et date de naissance ?” comme le veux la procédure. J’ai déjà ces réflexes mais d’autant plus quand il s’agit d’une dame que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Ma petite dame me répond pour son nom et son prénom et me regarde comme si ça suffisait. Elle parle français comme vous et moi, je sais qu’elle m’a très bien comprise mais je réitère ma question :
- Et votre date de naissance ?
- Tiens, regarde ma carte, elle est dans mon sac.
- Non non madame, je veux que ça soit toi qui me dise.
- Mais non regarde, c’est marqué dessus.
- Tu ne sais pas quel jour tu est née ?
- Si !
- Alors dis moi ?
- C’est marqué dessus.
- Madame, c’est la procédure. Répond à ma question. Quand est ce que tu fêtes ton anniversaire ?
Pas de réponse. Sa voisine la rappelle à l’ordre en shimaoré, je comprends qu’elle me soutiens et affirme que c’est le protocole. La petite dame en face de moi se trouve muette. Elle ne se souvient plus de la date de naissance de la personne dont elle a usurpé l’identité. Je l’informe que faire ce genre de chose peut être grave avant de la voir prendre une mine offusquée, presque trop choquée pour être convaincante.
- Madame, donne moi ta date de naissance si c’est la tienne, sinon je vais devoir le signaler.
Je lis la panique dans ses yeux.
- Je suis désolée bouéni, ce n’est pas contre toi mais c’est dangereux de faire ça. De toute façon je t’ai prélevé une groupe sanguin dans mon bilan (je bluff), on va vite savoir si c’est toi ou pas. Et si ce n’est pas la cas ça peut être très grave. Imagine qu’on te donne un mauvais médicament en cas d’urgence. Qu’on te donne le mauvais sang. Ça peut être dramatique ! Elle n’en démord pas, mais un silence vaut mieux que mille mot. Je repars désolée, et la rassure : je ne suis pas de la police. Moi je m’en fiche, je veux juste qu’elle et son bébé soient en sécurité. Je passe noter notre échange dans son dossier, en réfère à Carole, et m’en vais faire ma relève en suite de couches.
9h : Je rentre dormir à Majicavo chez Théo. A cette heure il doit encore dormir, et ce soir on fait un petit brunch pour son anniversaire de demain.
J 114
13h30 : J’ouvre les yeux un peu tôt mais j’ai envie d’un bisous. Théo est dans le salon, je l’embrasse et mange un bout sur la terrasse ensoleillée. La vue est splendide ici, on ne s’en lasse pas. Le lagon est plat, le ciel est clair et offre ses nuances de bleu à la mer. Je papote un peu puis patiente pendant qu’il va chercher Bastien à la barge.
15h30 : Après l’avoir salué je ne me fais pas prier plus longtemps et retourne dormir. Si je comparais mon rythme à celui d’une personne classique, il ne serait que 3h30 du matin pour moi. C’est vrai que le jour on ne dort pas du même sommeil, même après deux nuits mais tout de même.
16h : Après un petit moment de retour au calme je m’endors enfin.
17h : Gaëlle et Tom rentrent de leur journée bateau et se font entendre. Ne sachant pas que je dors ils hurlent à la cantonade dans la maison qu’ils sont rentrés, et ce à répétition pour faire rire tout le monde. Ah, ah, ah. J’entends Théo qui les préviens. Trop tard, aller, je me lève et rejoins toute la troupe dans la piscine pour commencer la soirée.
18h : Heure officielle du commencement de brunch. Théo et Bastien ont cuisiné toute l’après-midi. Les invités commencent à arriver et une fois encore un nombre indécent de plat jonche la table.
21h : C’était un petit évènement calme, les gens rentrent déjà chez eux. On continue en comité restreint.
22h : Gaëlle, dernière survivante un peu éméchée va se coucher. C’est le top départ pour commencer à tout ranger avant d’y aller à notre tour.
00h04 : Toujours entrain de discuter, je souhaite son anniversaire à mon Théo. 24 ans aujourd’hui, je sors avec un petit jeunot. Il s’impatiente et me demande s’il peut ouvrir le cadeau qui lui fait de l’oeil depuis plus d’une semaine. J’accepte et le vois déballer son intercom avec un grand sourire. J’ai tapé dans le mille il est impatient de pouvoir les installer (j’en avais envie d’un moi aussi, alors je me suis fait plaisir). Ça devra attendre demain, pour ce soir c’est dessin animé et dodo.
J 115
8h45 : Théo est déjà réveillé depuis un petit moment. Il répond à ses messages d’anniversaire et on traine un peu au lit.
9h30 : Il est temps de se lever, j’ai un rendez-vous aux consultations externes des brulée pour mon abcès aujourd’hui. Je n’ai pas très bien compris pourquoi mais je m’exécute, en bonne patiente observante.
10h40 : Je pars seule, on se rejoindra plus tard.
10h55 : Je cherche l’endroit auquel je dois me rendre et suis les panneaux. En dessous de la pancarte “CONSULTATION EXTERNE BRULES” je pense être au bon endroit mais je me trompe. Les deux personnes de l’accueil m’indiquent vaguement là où je dois me rendre.
11h : Pile à l’heure. Je m’assois devant deux petites pièces de soin quand ma voisine m’indique que je suis la deuxième, mais que je dois aller cherche un papier au bureau d’à coté. Je l’en remercie et m’y rends d’un pas pressé, pour ne pas perdre ma place. La personne qui m’accueille m’informe que je n’ai besoin de rien, que je peux me présenter de cette façon à l’infirmière alors j’y retourne et j’attends mon tour. Quand celle-ci sort enfin de son soin elle contredis la dernière information et me demande d’aller aux bureaux des entrées pour y faire mon admission. Je m’exécute, un peu perplexe de ce genre de balade très mal renseignée. Une fois encore je ne sais pas ou je dois me rendre. Je demande 3 fois mon chemin et fini par trouver une personne assise à son bureau que je n’entends pas du tout quand elle me parle à 2 mètres de sa vitre. Le bureau des entrées n’est indiqué nulle part. Ni avec des panneaux ni avec un écriteau au dessus de sa porte. C’est juste là, mais il faut le savoir. La personne en question me donne des étiquettes et me confirme que je peux enfin me rendre à ma consultation.
11h30 : L’infirmière sort de la salle de soin et fait passer une personne qui s’est présentée après nous (moi et ma nouvelle voisine). Visiblement il fallait mettre son carnetti, sur la table, juste là, pour réserver son tour. Un peu agacée de me faire passer devant, et en accord avec le couple d’à coté nous faisons savoir que nous étions là avant, la personne semble s’en moquer royalement et est bien décidée à rentrer. L’infirmière très peu aimable prend alors mon carnet dans ses mains et me dit sans détour : “il est ou le papier de circulation ?”. Ah ben je sais pas, on m’a rien donné à moi. Elle souffle : “De toute façon je vous ai même pas dans ma programmation, vous n’avez pas de rendez-vous”. Pourtant c’est bien marqué sur mon carnet ma petite dame, j’y suis pour rien si le rendez-vous a mal été pris. Elle repart en soufflant sans gène, et en râlant qu’elle en a marre, qu’elle a reçu plein de patients depuis ce matin, que ça suffit. J’y suis pour quelque chose moi ?
11h45 : Toujours assise je suis horrifié du spectacle qui s’offre à moi. Des petits patients brûlés sur tout le corps ressortent en larme après avoir hurlé de longues minutes derrière la porte devant moi. Bandés de la tête au pied ils ressortent des larmes pleins les joues, avec leurs parents inquiets. Une petite fille sur ma droite semble se porter à merveille, je m’attendris et me demande même pourquoi elle est là. J’ai la réponse quand celle-ci, dans sa spontanéité enfantine soulève sa robe sans réfléchir. Tout son petit corps n’est que pansement. J’apprendrais par la suite la raison de ce grand nombre d’enfants ici : le ramadan. Les familles passent leurs journées à cuisiner, et contrairement à nous les occidentaux ils n’utilisent pas de friteuses, seulement des marmites d’huile mises sur le gaz. La différence c’est qu’à une certaine température la friteuse se met en pause quand le gaz, lui, continue de chauffer. L’huile prend alors feu et les drames sont vites arrivées dans des habitations comme celles d’ici.
12h : Après une heure d’attente, passablement énervée de me faire mener en bateau je demande à l’infirmière entre deux soins si je ne viens que pour un pansement. Je ne sais même pas ce qu’on me veut, mais si c’est juste pour ça je me débrouille très bien toute seule et ne voit pas très bien la raison de ma présence ici. Si c’est pour autre chose j’attendrais sans problème, mais j’aimerais simplement être informée. Comme réponse j’ai le droit à de grands gestes et une personne qui s’énerve avant de ma claquer la porte au nez. Le médecin qui m’a opéré il y a quelques jours apparait tout à coup dans la pièce d’à côté et me fait signe de le rejoindre.
- Bonjour ! Il faut venir en blouse quand on travaille à l’hôpital, je fais pas attendre les sages-femmes moi, je ne savais pas que vous étiez là !
Je réponds que je ne voulais passer devant personne et que je suis patiente comme les autres, mais il me dis qu’il n’avait pas donné de rendez-vous officiel, qu’il voulait simplement voir ma plaie par ce qu’il était un peu inquiet de la suite des évènements après l’opération. Pas très confiant sur l’antibiothérapie qu’il avait jugé trop peu efficace jusqu’à jeudi dernier il préférait s’assurer lui même que tout allait bien pour moi.
- Ma maman était sage femme, et ma femme est gynécologue. On me dit souvent que je suis un homme équilibré. Ajoute-il l’air malicieux.
Il m’informe de la suite des évènements, refait mon pansement, avoue être satisfait du résultat. Pour ce qui est de la suite pas de baignade avant cicatrisation (ça va prendre un moment), et celle ci va laisser une belle trace. Il me parle d’ailleurs de chirurgie esthétique, et me dis qu’on verra plus tard pour ça. En temps voulu. Je le remercie chaudement et reprends la route direction Iloni.
13h : J’arrive à la maison, personne n’est là mais ma louve m’accueille avec de gros câlins.
13h35 : Théo débarque, je mange sur le pouce avant de repartir pour mon rendez-vous de 14h30 à Passamainty chez Clara l’esthéticienne.
15h11 : Fin du soin, je passe acheter des croquettes puis me dépêche de rentrer pour avoir le temps de faire tout ce qui était prévu dans la journée.
15h45 : Arrivée à la maison on installe le deuxième intercom sur mon casque, donne un petit coup de pouce bricolage sur le scoot de Claire puis on file direction Sud à deux sur la moto de Théo. Comme on a pas encore pris le temps de bien regarder les deux intercom sont couplés pour qu’on puisse papoter pendant le trajet. Je m’amuse d’avoir encore des choses à lui dire, même à moto il faut qu’on discute.
16h30 : C’est Théo qui conduit mais il ne connait même pas notre destination de ce soir. Je la lui donne au dernier moment : j’ai réservé une nuit au jardin maoré pour l’occasion. Un petit bungalow sur la plage nous attend pour une soirée romantique au bruit des vagues.
16h45 : Arrivés à N’goujat. On s’installe rapidement avant de faire quelques pas pour rejoindre le sable et profiter du coucher de soleil, dans l’eau jusqu’à la taille. Fort heureusement mon abcès se trouve au niveau du cou, ce qui me laisse le bonheur de pouvoir profiter un petit peu de l’eau transparente.
18h : Une douche chaude puis on traine avant de gagner le restaurant de l’hôtel dans lequel j’ai réservé pour le repas de ce soir.
19h30 : Un petit cocktail pour fêter ses 24 ans, et nous commandons. Des rillettes d’espadon pour lui, un tempura de crevette pour moi. Ensuite un burger et des pâtes au roquefort. On a les mêmes gouts alors l’avantage quand on mange au restaurant c’est qu’à mi-plat on interverti les assiettes pour profiter de tout. En dessert une petite coupe de glace partagée puis on va marcher sur la plage pour profiter du ciel. L’eau est froide, refroidie par la lune qui tire la couette sur elle et éclaire bien trop les étoiles pour qu’on puisse les voir. La marée est basse et la mer a fait son lit, le sable est zébré, le temps est frais. On fait quelques pas avant de regagner notre petit nid.
J 116
8h50 : On se réveille en douceur. Sans trop perdre de temps on sort de notre lit douillet pour regagner le buffet qui ferme à 9h30.
9h05 : Théo se goinfre comme s’il n’avait pas mangé depuis plusieurs jours. Son assiette forme une montagne qui n’existera plus dans quelques minutes. La cadre est agréable même si le temps est gris. De là où nous mangeons nous avons vue sur le lagon. Une fois bien repus nous regagnons la chambre pour ranger nos affaires et attendre un peu à l’abris que le temps soit plus clément. Pour patienter je propose une partie de billard au cours de laquelle je le bats à plat de couture. Il boude un peu, mais le soleil est revenu alors je me fais pardonner en l’accompagnant presque jusqu’au tombant.
13h : Je vais acheter de quoi manger au snack. Les maki semblent intéressés par notre déjeuner et ne se font pas prier pour venir se servir directement sur notre plateau. Quelques secondes plus tard nous nous retrouvons envahis et une dame vient à notre rescousse pour un petit coup de main. Résultat des courses on englouti les restes le plus vite possible avant qu’ils ne reviennent. A s’en donner mal au ventre.
14h : Je propose une revanche. Cette fois je perds. Un peu mauvaise joueuse on remet ça pour que je puisse montrer ma supériorité mais une fois encore l’élève a dépassé le maître et je perds à nouveau. Lui qui jouait comme un bourin en début de journée a un peu trop bien écouté mes conseils et est devenu meilleur que moi.
15h30 : Toutes les bonnes choses ont une fin, on entame le chemin du retour. Avant de prendre une bonne douche, de ranger de affaires et de faire une petite sieste.
18h30 : Théo rentre chez lui. Je monte dans la maison pour papoter un peu. Claire prépare un cocktail pour demain soir, moi je me mets aux fourneaux pour ce soir (ribs au miel sont au menu), demain midi (pâtes bolo) et pour un dessert (le gâteau aux smarties que j’ai promis depuis un moment à Andréa).
20h40 : Je remonte rattraper mon retard d’écriture.
21h : Andréa rentre de garde, on mange, puis je retourne dans mon lit pour écrire encore un peu avant de me coucher.
J 117
7h : Première garde dans le service de grossesses pathologiques pour moi. Depuis mon diplôme je n’ai jamais eu l’occasion de tourner dans ce service et j’espère être à la hauteur. Ici, sont hospitalisées toutes les dames dont la grossesse ne se passe pas de façon optimale et qui nécessitent une surveillance particulière. Diabétique, retard de croissance, hypertension, problème de placenta, menace d’accouchement prématuré : un concentré de petites bombes à retardement au même endroit.
7h30 : Je commence mon tour en allant voir le rythme des bébés de ma gémellaire à l’autre bout du service. Ses petits choux n’ont pas grossit de la même façon et alors que l’un est trop gros (macrocosme à 3,2 kg) l’autre est trop petit (retard de croissance intra utérin à 1,2 Kg). La différence est énorme et le plus petit des deux présente des anomalies du rythme cardiaque alors je surveille ma petite dame comme du lait sur le feu. La dangerosité de ce service repose aussi sur le fait que les rythmes de coeur des bébés que l’on enregistre si souvent ne sont pas retransmis dans le bureau des soignants. Ainsi, s’il y a un problème grave, nous ne nous en apercevons pas dans un délais immédiat.
9h : Le tour du matin a été calme. 4 patientes sont parties à Jakaranda (pharmacie qui délivre des médicaments aux personnes sans sécurité sociale) pour tenter de se procurer le matériel nécéssaire à la prise en charge de leurs diabètes : lancettes, languettes, appareils à dextro, mais aussi compresses, biseptine et poubelle à aiguille.
9h30 : Ce rapide tour me permet de voir le médecin tôt pour le point de la journée. Elle me donne les conduites à tenir, autorise une sortie, puis une autre en hospitalisation à domicile et m’informe que le staff a décidé de césariser ma petite patiente qui attend les jumeaux.
10h30 : Je m’empresse de préparer ma dame pour sa césarienne. Je m’assure qu’elle est rasée, l’habille, la prépare, lui administre un anti reflux et appel 3 fois le brancardier entre temps pour qu’il vienne la chercher. Je fini par capituler, je sais qu’on m’attend et qu’il faut que les choses avance alors je me fais une raison et m’en occupe moi même. Je pars à la recherche d’un lit avec l’aide soignante mais ma petite dame qui ne parle pas français n’a pas comprit et me suit dans les couloirs. Finalement, tant qu’à avoir parcouru la moitié du service à pied je l’emmène sur ses jambes. J’appelle le pédiatre pour l’informer de la naissance imminente, fais grimper ma future maman sur son brancard et la monte au bloc opératoire.
11h15 : Après ça je m’attaque à la sortie HAD (Hospitalisation A Domicile). J’espère croiser Claire ou Marion qui sont 2 des 3 sages-femmes de ce service mais tombe sur la troisième, tout aussi gentille qui me reconnait d’ailleurs. Je me familiarise avec cette sortie quelque peu différente des autres avec ses procédures puis en exécute les tenants et aboutissants. Ensuite je m’occupe de la sortie de la MFIU (Mort Foetale In-Utéro). Lors de mon examen du jour je lui propose de se faire vacciner contre l’hépatite B. Celle-ci, très fermée, refuse. Elle confond dans un premier temps avec le vaccin du corona virus, puis devant nos explications et notre insistance sur la nécessité de faire les rappels refuse tout bonnement le soin. Aussi, elle exclue catégoriquement de voir la psy si “elle est en bonne santé”. J’affirme que sa santé mentale est tout aussi importante que sa santé physique mais ma petite patiente refuse si cette visite repousse de quelques heures sa sortie. Je lui assure que non, et que c’est important mais que je ne peux pas l’y contraindre. Elle finira pas accepter, mais ne dira mot avec la personne qui se présentera à elle. Devant la proposition de voir des photos de son bébé elle se renfermera instantanément en exigeant une sortie immédiate.
13h15 : Dans la chambre d’à coté la maman qui vient de vivre la même chose ne gère pas du tout les choses de la même manière. Elle sourit devant les petits souvenirs que nous avons confectionné pour elle. Un petit bracelet de maternité auquel tous les nourrissons ont le droit. Des empreintes de ses petites mains et de ses petits pieds sur un joli papier cartonné avec sa date de naissance et son poids. Elle est belle cette maman dans son sourire franc et malheureux, sa tristesse est touchante, j’aimerais la prendre dans mes bras. A la place je me contente d’une caresse sur son épaule et d’un sourire compatissant, avant de sortir de la pièce discrètement pour respecter son deuil. Ici les mamans demandent souvent des chambres double ou triple. Même dans ce genre de situation qui pourrait les confronter à d’autres femmes enceintes de bébés bien vivants, elles préfèrent ne pas être seules.
13h30 : Après ces 3 sorties j’accueille 3 patientes. L’une d’entre elles me vient des urgences, pour continuer sur le thème du jour il s’agit malheureusement encore une fois d’une MFIU. Particularité de la situation : la patiente refuse de reconnaitre que son bébé est mort dans la mesure où elle le sent encore bouger. Elle n’a fait suivre la grossesse que tardivement et de façon succincte, elle ne venait d’ailleurs pas pour ça aujourd’hui. L’annonce a du être trop violente et elle refuse tout bonnement de reconnaitre quoi que ce soit. Par ailleurs son mari lui a interdit de prendre quelconque médicament, c’est pour cette raison qu’elle refusera de prendre les 3 comprimés de myfégines offerts dans le but de déclencher l’accouchement. Malheureusement c’est bien possible qu’elle le sente encore bouger. Si vous mettez quelque chose dans un liquide et que vous bougez le contenant du liquide, ce quelque chose bougera dans l’eau.
16h : On continue sur la même lancée et j’accueille une dame revenue de salle d’accouchement pour la même raison que mes 3 autres dames. Petite différence c’est une Mzungu, et contrairement à mes autres patientes cette petite dame ne vit pas les choses du point de vue de la même culture. Je sens l’émotion à peine rentrée dans la pièce, me présente, et lui dis de m’appeler si besoin, après quoi que me retire et respecte son silence. J’ai le coeur serré de penser qu’elle doit vivre ça loin de ses proches.
16h30 : Autre arrivée, une suspicion de chorioamniotite (infection du liquide amniotique) qui m’est transmise des suites de couches. L’accompagnante de la dame me demande des informations et après son accord je les lui donne et explique ce qu’il est entrain de ce passer. En cas d’infection avérée la naissance ce fera rapidement. Le risque principale c’est que son bébé est encore trop jeune pour naître. Si ce n’est pas ça il faut quand même surveiller, en effet notre petite protégée a eu de la fièvre, ce qui nécessite une de la garder à l’oeil.
15h : Je me force à prendre 10 minutes pour aller manger. La médecin du jour qui est à table elle aussi me demande : “Vous aussi vous trouvez qu’il est méchant le Dr Choumi ?” Un peu prise au dépourvu j’éclate de rire et lui avoue que oui, il est connu des sages-femmes pour être exécrable. Elle me rassure en m’affirmant qu’avec les médecins ce n’est pas mieux, et qu’il est vraiment odieux avec tout le monde. Qu’en plus de ça quand c’est lui qui est de garde elle se débrouille pour avoir le moins d’interférence possible avec lui.
17h30 : Avec tous ces rythmes à poser, ses cycles de tension, ces entrées, ces sorties la sage-femme n’a ni fait pipi, ni pris ses antibio de toute la journée. Bravo.
19h45 : Après ma relève, plutôt satisfaite pour une première journée, je peaufine les détails que je voulais avancer pour la nuit. Elle va avoir un bon nombre de prise de sang à faire en plus des monito et des cycles alors j’en profite pour l’avancer un peu.
20h30 : Arrivée à Iloni, je file prendre une douche, j’attache un bout de tissu en guise boubou autour de ma taille et mets un bout de wax dans mes cheveux, je suis prête pour la soirée qui a déjà commencé. Ce soir on fête le départ de Claire et de Sophie, pour l’occasion la maison est pleine de monde une fois de plus, mais quand je vois Théo se lover dans mon lit je ne peux pas résister à l’appel de mon matelas. Je salut mes copains et ne me fais pas prier plus longtemps pour aller me coucher. On entend le monde au dessus de notre tête comme s’ils allaient tomber dans notre lit, et ça saute jusque tard dans la nuit.
J 118
9h : Déjà réveillés je me glisse la haut sur la pointe des pieds pour préparer un petit déjeuner au lit. Pain grillé (brulé), oeufs brouillés, gâteaux au chocolat, jus de fruit et chocolat chaud sont préparés avec amour, avant d’être redescendus pour être savourés. Ensuite on traine au lit, refait mon pansement, l’heure de s’activer arrive déjà.
11h30 : Un peu en retard on saute dans la douche. Théo se prépare pour le travail, moi pour un restau. La troupe des sages-femmes a décidé de manger à l’Auberge du rond point pour le dernier repas des filles sur cette île.
12h30 : Pourtant un peu en retard je suis la première arrivée, les filles ne tardent pas mais Covid oblige nos tables séparent notre groupe de 16 en 3. Un peu déçue du plat de résistance le dessert ne rattrape pas la note. Sophie est à un bout de la salle, Claire à l’autre, du coup je ne traine pas et rentre à la maison pour avoir le temps de dormir un peu avant cette nuit.
14h : Je salue ma colocataire et lui souhaite bonne route, puis monte sur ma moto pour prendre la mienne. En arrivant à la maison j’étends la machine qui traine, vide les poubelles non vidées, et gère deux trois trucs impératifs que je repousse sans cesse. Ensuite je règle mon réveil beaucoup trop tôt et tente d’écrire un peu pour ne pas prendre d’avantage de retard sur mes écrits.
16h : Il est temps de fermer les yeux si je veux avoir un peu de sommeil en avance pour cette nuit. Tant pis pour le retard.
N 118
17h : Le réveille sonne déjà. Pas de temps à perdre, je saute dans mon short et m’en vais promener ma louve à la plage avant de partir pour le travail. Sandra, la cadre du service m’a envoyé un mail pendant ma sieste : elle me demande une garde supplémentaire. D’ordinaire je réponds toujours oui. Un remplacement ? J’accepte. Une garde supplémentaire ? Pas de problème. Mais cette fois elle me demande une nouvelle nuit dans l’un des 5 week-ends du mois de Mai. Je fais déjà l’intégralité des week-ends alors que Théo travaille la semaine et qu’en temps normal les sages-femmes en font un sur deux. J’accepte sous réserve qu’elle ne trouve personne d’autre. Je pense qu’elles profitent du prétexte de mon arrêt maladie passé pour me refourguer un planning de l’enfer, une petite vengeance personnelle déjà constatée quand les sages-femmes sont en retour de congés ici. J’embarque un tupp’ et c’est partie pour de nouvelle aventure. Première nuit en patho pour la petite Thaïs.
18h45 : Je passe embrasser Théo avant la fin de son service et le début du mien. Le laboratoire se trouve 2 étages en dessous de la maternité, alors pour quelques baisers volés personnes n’en saura rien. Théo est énervé, depuis 17h30 il est seul dans le laboratoire. En effet la nuit est tombé et le jeun a été rompu, comme c’est le seul Mzungu, c’est le seul à ne pas être en salle de pause entrain de manger pendant son service. Agacé de ce service déjà catastrophique en temps normal, cet accroc va se répéter jusqu’à la fin de sa semaine puisqu’il travaille d’après midi.
19h : Ce soir je change de coté. Léa était déjà là la nuit dernière et m’a pris mon coté à moi, comme elle a déjà vu les dossiers je dois découvrir un nouveau service et ses nouvelles patientes. J’écoute attentivement.
19h45 : Début de la tournée infernale. Je commence par l’enregistrement des deux rythmes cardiaques des jumeaux de la chambre 37G. Lili s’est débattue avec les capteurs avant d’abandonner pour me laisse la mission périlleuse de réussir à les enregistrer. La dame doit faire dans les 120 kilos, son IMC doit frôler les 45 et ses deux bébés (déjà difficiles à capter sur une dame de corpulence physiologique) ne sont qu’au terme de 7 mois. Autant vous dire que rien n’est de mon coté. Je suis fraîche et disponible alors j’attaque le problème à bras le corps avec le sourire.
20h30 : Trois quart d’heure plus tard je baisse les bras. J’ai perdu mon temps, il faut absolument que j’avance dans ma tournée du soir sinon je vais devoir réveiller mes dames à minuit pour leur examen du soir. Je me lance dans les chambres dispatchées aux quatre coins du service.
21h : Aucune aide-soignante ne s’est présentée à moi ce soir. J’en déduis que je vais devoir me débrouiller toute seule et fais sans traduction ni petite main bien utile pour les prises de constantes.
21h15 : Mes patientes diabétiques n’ont pas encore été servies pour le repas de ce soir, l’une d’entre elles se plaint de façon insistante : “Oui madame, je vais aller chercher quelqu’un pour te servir.” Je peux continuer à examiner la dame ou tu veux que j’aille chercher ton repas moi même ?
22h30 : Je reviens sur le rythme de ma gémellaire. Il faut absolument que j’y arrive. Je tente de trouver les coeurs grâce à une échographie mais là encore la paroi graisseuse abdominale très imposante de la dame limite mon examen. Au bout d’une demi heure supplémentaire à m’énerver je craque et appelle le médecin avant de balancer les capteurs à l’autre bout de la pièce. L’interne se déplace, m’aide pour positionner les capteurs et retourne vaquer à ses occupations. Ma petite dame est mignonne, elle se laisse faire avec le sourire et me demande régulièrement “Moanazaza a feche ?” (Mes bébés vont bien ?). Je réponds attendrie, et essaye de ne pas perdre patience.
23h : Evidement le peu de rythme que j’arrive à enregistrer n’est pas parfait et je dois le prolonger. Au bout de plusieurs replacements stratégiques et de longues minutes supplémentaires sans réussir à capter je vais voir l’interne pour avoir son accord et enfin arrêter ce calvaire. Les coeurs ne sont pas parfaits, mais à ce terme et pour si peu nous ne ferons rien de toute façon.
1h : Le déclenchement de la 35D vient de passer en salle. La dame a 4 à 5 contractions par dix minutes mais prend tout ça avec le sourire et me dit après mon examen “aller, je vais continuer à faire du sport, j’en ai marre, je veux qu’il sorte, je suis fatiguée !”. Très bien madame va “faire du sport” t’as tout compris. On mange, et le coup de barre post prandial ne se fait pas attendre. Je prends un café pour remédier à ça et passe les 4 prochaines heures le nez dans mes dossiers. Je dois tout revoir, tout revérifier, tout. Les 10 dossiers sont passés en revue et à la fin je ne sais même plus dans quel dossier je suis. Léa dort à coté, je ne sais pas si elle a proposé son aide ailleurs mais à moi non en tout cas.
5h : Début du tour du matin. Je fais le tour des chambres d’hypertendues : “c’est l’heure de prendre vos loxen bouénis”, puis des diabétiques : “c’est l’heure du dextro mesdames”. Les petits déjeuner sont servis tôt à ces dernières pour un meilleur suivi de leurs traitements et de leurs glycémies. Après ça j’enregistre 4 bébés, pose deux cathéters, effectue 2 prélèvements. Pour le cathéter de la dame de la 32M, elle est tellement oedématiée au niveau des mains que j’ai presque envie de crier victoire quand je réussi à poser ma voie. Quelques minutes après j’ai envi de me flageller : j’ai pourtant vérifié trois fois, mais j’étais persuadée que je n’avais pas de prélèvement à lui faire. Raté ! Fort heureusement je n’ai pas à la repiquer, le prélèvement directement au niveau du cathéter est possible dans ce cas de figure. Ouf.
6h20 : J’ai pris de l’avance sur mon tour, j’en profite pour peaufiner la mise en page de mes transmissions, vérifie 2-3 détails, enregistre un rythme supplémentaire et prépare une seringue d’avance pour la 37 afin d’éviter à ma collègue du jour d’avoir à le faire. Ensuite j’imprime les papiers nécessaires pour régler cette foutue histoire d’indemnités journalières de mon arrêt maladie qui traine encore.
7h30 : J’oublie totalement de faire un crochet par le bureau de la cadre pour les tickets restaurant et file direct sans passer par la case départ.
8h20 : Je déjeune en envoyant un mail pour mon salaire que je n’ai pas reçu ce mois-ci.
8h50 : Après une douche et un câlin à ma louve je suis couchée, j’écris un peu, m’endors sur mon clavier, et m’abandonne au sommeil contre Théo qui a ramené ses affaires hier soir.
J 119
12h04 : Il est encore trop tôt, je ne me fais pas prier pour me rendormir.
15h : C’est déjà mieux. J’apprends qu’Oïkia s’est encore sauvée du jardin ce matin, il doit y avoir un endroit par lequel elle passe pour sortir et il faut que je trouve lequel. Je commence par me lever pour aller manger, puis trouve par où passe la bourrique. Elle se fait gauler par ce qu’elle a laissé une touffe de poil sur le grillage sous lequel elle passe. Je m’applique à boucher le trou tant bien que mal et croise les doigts pour que ça suffise. Je connais bien ma louve, je sais que si elle a envie de passer quelque part, elle passera même dans un trou de souris, je la rappelle à l’ordre, cuisine un dessert et passe le reste de ma journée à écrire. Demain ma journée bateau s’annule faute de place, ça me laissera le temps de taper sur mon clavier.
18h20 : Demain c’est aussi et encore un jour férié. Dimanche c’est dimanche et nos placards sont vides. Je saute sur ma moto pour rejoindre Andréa à Passamainty avant la fermeture du sodifram pour faire des courses.
20h : On range le tout et mange à quatre, avec Alice et Andréa qui partent en soirée juste après, ainsi que Théo, qui fait partie intégrante de la colocation dès à présent. Louise est en garde, Claire est partie pour de bon et Eléonore n’a pas encore emménagé.
21h30 : Je passe le reste de ma soirée à écrire.
J 120
7h : J’ai entendu du bruit cette nuit et je n’ai pas rêvé : la cage que j’ai mise hier soir pour piéger l’un des rats de la maison a déjà fonctionné, nous avons un colocataire de plus, coincé dans sa petite cage, malheureusement les relâcher à plusieurs kilomètres ne semble pas suffire, il va falloir être plus sévères.
7h05 : Théo se lève pour une journée bateau. Il n’y a pas assez de place pour nous deux mais je l’ai encouragé à y aller tout de même, ça serait trop dommage de rater ça. Je suis réveillée alors j’en profite pour être efficace. Un peu de rangement, un bon petit dej puis j’attaque déjà l’écriture.
8h : Oïkia s’est encore sauvée. J’attends son retour avant de m’inquiéter et la vois revenir comme si de rien n’était, les pattes pleine du sable de la plage. Elle restera donc à l’intérieur de la maison jusqu’à nouvel ordre.
9h30 : Je ferme les yeux.
12h45 : Une bonne petite sieste. Je me réveille un peu désorientée, et constate en trainant sur mon téléphone que les inscriptions pour Pékin Express 2022 sont ouvertes. Je saute sur l’occasion pour appeler mon paternel : et si on participait à l’aventure ? Il me répond qu’il me suivrait au bout du monde et me demande même pourquoi on n’est pas encore inscrit.
14h : Je passe le reste de ma journée à écrire et à m’inscrire pour la grande aventure.
20h30 : Ce soir c’est l’anniversaire de Cécile, une des sages-femmes arrivée en même temps que moi. Pour l’occasion de ces 25 ans on se réunit tous chez elle pour faire la fête sur le thème d’une chose qui nous manque beaucoup à tous : les festivals. J’enfile un short, un dos nu et mettrais des paillettes une fois sur place.
21h : Il y a déjà pas mal de monde. Les premiers, arrivés en fin d’après-midi partent déjà mais la fête bat son plein. Ça sera une nuit sans excès pour moi qui ai toujours le ventre patraque à cause des antibiotiques.
1h : J’ai déjà retrouvé mon lit.
2h : Je ferme enfin les yeux.
J 121
9h45 : Le téléphone de Théo sonne. L’un des enfants de l’une de ses collègues veut jouer à la secrétaire visiblement. Un peu dégoutée de m’être réveillée si tôt je ne réussi pas à me rendormir alors je monte déjeuner. Ensuite j’écris.
14h : Le reste de l’après-midi se fera en sieste, avant d’enchainer avec deux nouvelles gardes de nuit.
17h : Je m’éveille un peu en avance pour avoir le temps de promener ma louve. Avant d’aller faire le tour du quartier Théo me montre le trou dans la clôture qu’il a trouvé et par lequel sort la fugueuse, on s’applique à boucher tout ça rapidement puis j’avale un petit casse croute avant de prendre la route.
18h10 : Avant de prendre la route l’éclair de génie me foudroie : ma moto ! Complètement oublié que je l’avais laissée à Passaminty hier soir. Le deal c’était que Théo me dépose avant d’aller au travail mais maintenant je vais être en retard. Je vais chercher mes clés mais il va falloir speeder ! Elles sont où mes clés ? Merde qu’est ce que j’en ai fais ? Je retourne mon studio sans succès. Plus le temps de chercher je prends la 400. “Ah, zut je devais aller faire le plein”, décidément je vais vraiment être en retard. Je monte à la hâte, démarre dans un bruit satisfaisant et conduit sa moto pour la première fois en allant au travail.
18h50 : On s’habituerait vite à ce petit bijoux. Rien à voir avec ma 125. Bien qu’elle soit jolie elle est frustrante et n’a rien dans le ventre. La Mash c’est une autre histoire… Du couple, un peu de puissance mais pas trop, très maniable, vraiment agréable à conduire. Je prends ma garde dans 10 minutes, le temps de me changer, de me faire un café et c’est parti pour un tour.
N 121
19h30 : Le service est plutôt cool. Pas mal de diabétiques qui ne me prendrons pas beaucoup de temps, et l’avantage en patho c’est que d’une garde à l’autre on retrouve nos petits dames qui sont souvent hospitalisées pour une durée relativement longue.
20h30 : La dame de la 31G sonne. L’aide soignante m’informe qu’elle veut “voir la sage-femme”. La sage-femme est là bouéni, qu’est ce qui se passe ? Ma petite dame a rompu la poche des eaux il y a bientôt deux jours et contacte petit à petit. Elle s’en retrouve à 3cm et la douleur semble déjà difficile à gérer. C’est un premier bébé, ma petite patiente est jeune, je sais par avance que je vais passer beaucoup de temps dans sa chambre cette nuit. A l’examen le col n’a pas bougé. Je lui administre des anti-douleurs, enregistre son bébé et évoque la péridurale. Pour l’instant ma petite dame n’en souhaite pas, ça m’arrange un peu de toute façon il n’y a pas de place en salle de naissance dans l’immédiat. Je rappelle les filles pour leur signifier que ma patiente est en attente d’une chambre. Que ce n’est pas “urgent” mais que quand une chambre viendra à se libérer j’en aurais besoin.
22h30 : Je fini doucement mon tour. Dans ce service de grossesses pathologiques c’est plutôt cool comme examen clinique et plus rapide qu’en suites de couches. Deux trois questions, les patientes sont rodées, et sauf quand ils faut les chercher dans tout l’hôpital, c’est assez rapide.
23h30 : Entre temps la 31G m’a rappelée 3 fois. En pleurs, j’ai tenté de la canaliser : je n’enregistre qu’une contraction par dix minutes. Ce n’est que le début du travail, et entre les contractions il faut respirer, tenter de reprendre le dessus sinon on ne va jamais y arriver. Toujours pas de place en salle madame, il va falloir attendre. Elle a changé d’avis pour la péridurale, maintenant elle la veut et elle la veut tout de suite.
00h : Une petite pause repas et il est grand temps de me pencher sur mes dossiers. Pendant ce petit répit je découvre avec stupéfaction les messages de Théo et sa soirée mouvementée. Il est entrain de dératiser et retourner mon appartement par la même occasion. En effet au moment de se coucher Oïkia en a surpris un sous mon lit. Après une chasse à la souris à coup de balai et truffe de chien, une fois la première attrapée la fête ne s’en est pas arrêtée là. Une deuxième s’est fait surprendre par ma louve, après les mêmes jeux habiles Théo et Oïkia ont attrapé la deuxième. Visiblement un troisième et dernier rat est actuellement coincé dans un trou bouché par mon ami, et bientôt mort après avoir mangé la mort-au-rat que celui-ci lui a donné. Je m’amuse de tout ça et m’inquiète de la situation : je le remets en garde sur la nécessité de faire extrêmement attention à ce genre de poison quand Oïkia n’est pas loin, et m’écœure de constater les dégâts causés sous mon lit par ses petits rongeurs qui ont fait des réserves de mes M&Ms.
4h : C’est un enfer de passer tant de temps, à des heures pareilles, les yeux rivés sur des dossiers à vérifier conduites à tenir, prescriptions, informations, résultats, examens, et j’en passe sur une dizaine de dossiers. A la fin on les mélange tous, on ne sait plus qui est qui, sur quel dossier on est. J’ai les yeux qui piquent et la concentration en berne. Les sages-femmes de ce soir sont gentilles mais pas vraiment dans mes fréquentations, la nuit se laisse glisser. J’ai hâte de pouvoir fermer les yeux.
5h : Pour la 18ème fois la 31 sonne. L’aide soignante ne veut plus répondre à la sonnette puisque’à chaque fois c’est la même chose “je veux voir la sage-femme”. Et quand la sage-femme est là “J’ai mal”. Je n’ai aucune solution à lui proposer. Aucune place en salle, elle refuse de faire du ballon, ne veut pas aller marcher, et les médicaments administrés peuvent être dangereux en cas d’accouchement imminent. Comme le travail avance je ne peux plus me risquer à lui en donner. Dernière option : la douche chaude. Je rappelle une énième fois le bloc, toujours pas de place. Après avoir récupéré les bilans et en avoir informé l’interne je commence mon tour. Pas de temps en perdre le matin en patho, il faut s’activer pour avoir le temps de tout terminer dans les temps. c’est parti pour une tournée de monito, cycle tensionnels, pose de cathéters et prélèvements en tous genres.
6h : Ma petite dame de la 31 est à 6 cm. En plein milieu de mon tour et alors qu’elle attend depuis 19h il faut que je la passe en salle. Elle passe prioritaire au risque d’accoucher dans mon service. J’emmène la patiente après avoir trouvé un fauteuil, fais mes trans et reviens fissa dans mon service. Une bonne âme vient m’aider. Avec tout ça j’ai pris du retard et j’ai peur de ne pas finir à temps pour la collègue du jour.
6h20 : L’interne, que j’aimais beaucoup jusque là décide de déclencher ma petite dame de la 16 par ce que son BVR est très légèrement perturbé. Je n’y vois aucune urgence mais visiblement ça ne peut pas attendre 30 minutes, et il faut que j’emmène la future maman. Parfois je ne comprends pas les médecins : la bonne petite sage-femme que je suis est bien occupée. Pourquoi ça serait à moi de t’emmener la dame, là ou tu te trouves ? Tu viens la chercher sur tes petites jambes et trouver un fauteuil, ainsi que prendre son dossier dans tes petites mains devrait être dans tes cordes. Mais non, elle s’exécute la petite sage-femme. Je vais vraiment être à la bourre.
6h40 : 20 minutes plus tard le revoilà. La dame est sur un fauteuil dans mon couloir (Ah ben tu vois que tu pouvais venir jusqu’ici !) et le jeune médecin me lance à la volée : tu lui remets un monito du coup ?
- Heu… Oui, mais là ça va devoir attendre 10 petites minutes (j’ai actuellement 3 cycles de tensions, 4 monito, et une prise de sang en cours, sans parler des trans, et de mes papiers à finir).
- C’est un ballonet, donc non il faut lui remettre tout de suite.
Justement chef, un ballonet c’est une méthode de déclenchement mécanique. Ça peut attendre quelques minutes, et sinon tu prends tes p’tites mains et tu lui poses les capteurs toi même à la p’tite dame, ça devrait aussi être dans tes cordes. Au lieu de ça je fais un sourire coincé, et m’exécute, comme une gentille petite main.
7h : Je n’ai rien tracé de tout mon tour, mais je fini en vitesse et m’excuse des quelques minutes de retard au près de Line, qui prend ma relève. Comme si cette histoire de déclenchement ne pouvait pas attendre quelques dizaines de minutes… Passablement agacée je prendrais une petite demi heure pour terminer tout ça après mes transmissions.
8h30 : Un appel à postulation est lancé pour les sages-femmes souhaitant travailler au dispensaire de Dzaoudzi sur petite-terre. C’est inespéré, moi qui voulait me faire discrète j'ai voulu attendre un peu avant d'en parler aux cadres mais c’est la seule maternité périphérique dans laquelle je pourrais travailler étant malade en transport. En effet les transfert en ambulance sur cette île sont un enfer pour les gens, comme moi, à l’estomac fragile. Et si c’est pour être sans dessus dessous 4 fois par garde ce n'est pas possible sur le long terme. Je réponds à l’offre, je suis intéressée mais souhaiterais y faire mes 3 derniers mois seulement, pour une question de praticité. Dans le cas où ce n'est pas possible je précise que je suis tout de même intéressée. On verra bien.
9h15 : Enfin dans mon lit, je m’endors après le récit enflammé de Théo sur sa soirée d’hier soir.
N 122
18h50 : Je passe faire un coucou au labo avant de prendre ma garde puis regagne mon service pour les transmissions. Ce soir c’est l’anniversaire de Corentin (ex colocataire de Théo) et je suis déçue de ne pas pouvoir faire partie de la soirée, mais me fais une raison. De toute façon en enchainant les gardes de cette façon je ne peux pas faire grand chose de plus que de travailler ce mois-ci.
19h30 : La relève est cool. Pas de nouvelle dame, et une sortie. J’ai deux places à pourvoir.
21h30 : Lors de mon tour du soir la patiente de la 4 se plaint de contractions régulières. Après enregistrement, je confirme ses dires et appelle le médecin pour un avis. En plus de ça j’ai mon autre petite dame de la 10 qui affiche des tensions élevées malgré ses deux traitements du soirs. Résultats des courses j’envoie un BVR et redonne un loxen à cette dernière. Il me tient au courant pour la dame qui contracte. Celle-ci a déjà eu deux césariennes et il n’est pas prévu qu’elle accouche par en bas non plus cette fois-ci. Elle aurait dû être césarisée dans les jours à venir mais son petit bout en a décidé autrement. Finalement la décision tombe : c’est pour maintenant. J’informe la dame de la suite des évènements et la prépare pour la naissance. Blouse ok, charlotte ok, masque ok, médoc ok, rasage ok, pas de bijoux/vernis/prothèse ok. Le médecin me demande de sonder la dame avant son passage au bloc pour “gagner du temps”. Elle me fait comprendre que si elle veut faire la césarienne maintenant c’est pour ne pas en faire une à 3h dans la nuit et que du coup si on pouvait ne pas y aller par quatre chemin ça l’arrangerait. Un sondage à demeure sans anesthésie ça fait mal, j’objecte “sur un code vert ça m’embête quand même”. Tout ça pour gagner du temps en plus. Elle insiste, je capitule. J’aimerais sonder le médecin qui vient de me demander ça rien que pour qu’elle sache ce que ça fait. Et je m’exécute encore une fois, en désaccord avec ce que je fais.
23h : Une fois toute installée pour le sondage quelqu’un est déjà là pour emmener la dame. Visiblement ils sont pressés. J’informe que je m’apprêtais à sonder quand on me répond “c’est pas grave on le fera là-haut”. Bon très bien, ça m’arrange ! J’appelle la salle, fais mes transmissions et continue mon petit bonhomme de chemin. Le contrôle de la tension pour la 10 est mieux, le Bilan Vasculo-Rénal est normal, je la garde à l’oeil, mais tout devrait rentrer dans l’ordre pour une nuit au calme. Au moment de lui souhaiter bonne nuit ma petite patiente m’avoue avoir été stressée (hausse de la tension) par l’accouchement qui s’est produit à coté d’elle à 17h30 aujourd’hui. La patiente déclenchée au ballonet juste avant mon départ ce matin s’est mise en travail sur son déclenchement et, faute de place, a accouché dans le service après avoir attendu une chambre en salle de travail toute la journée.
23h30 : Il est l’heure d’aller manger. Ce soir deux des sages-femmes de ma promotion de Montpelier sont là. On papote de tout et de rien, se remémore le bon vieux temps et parlons des connaissances que nous avons en commun puis on se remet au travail.
2h30 : J’ai fais une entrée : une patiente atteinte de leptospirose, la maladie transmise par le rat (un jour ça va finir par m’arriver tiens ! Avec la chance que j’ai en ce moment). J’ai fini mes dossiers, l’avantage de faire deux nuits d’affilé en service c’est que nous ne sommes pas obligées de toute reprendre une deuxième fois en détails. J’en profite pour aller proposer mon aide dans les autres services.
4h : Après un passage en salle, un au tri, et un en suites de couches j’ai pouponné un peu, rempli quelques papiers, et maintenant je m’attaque à deux dossiers que j’emmène dans mon service pour aider Clarisse, débordée d’entrées.
5h : Les deux dossiers terminés je m’en vais les remettre à sa propriétaire avant d’attaquer mon tour. Je réveille mes dames pour qu’elles prennent leurs médicaments antihypertenseurs, pose 3 monito, enregistre 3 cycles de tensions, fait 2 prises de sang et relève 6 dextros.
6h30 : J’ai un peu d’avance, je file en suites de couches donner un autre coup de main après avoir proposé mon aide aux filles de patho qui n’ont pas besoin d’aide.
6h59 : J’ai préparé une dame pour sa césarienne et piqué deux bébés pour des dépistages d’ictères. Je n’ai pas vu l’heure passer et regagne mon service à la hâte avant de faire mes transmissions. Rachel est là depuis 2014 et n’a jamais vu une saison des pluies aussi longue, elle arrive trempée, à la bourre et bougonnante mais prend mes transmissions avec le sourire. Je lui fais mes trans et rentre à ma maison.
9h30 : Je m’endors comme si j’avais été assommée d’un coup de massue.
J 123
15h30 : Se réveiller fatiguée est une sensation très désagréable. Mais je sens que me rendormir ne va pas être facile et j’en profite pour faire ce que j’ai à faire aujourd’hui : sortir Oïkia avant la nuit, et écrire encore. En plus, si je ne me fais pas violence je ne réussirais jamais à dormir ce soir, alors que le pied de grève m’attend demain matin, à 6h tapantes. Pas de répit pour les sages-femmes. J’englouti un petit dej à près de 16h, embarque pour la plage puis m’enterre dans mon antre pour taper sur mon clavier jusqu’au soir.
19h15 : On tape au sol dans le but de m’appeler pour l’apéro. Je monte et partage un moment avec Andréa, Alice et Eléonore qui débarque pour sa première nuit à la colonie.
19h40 : Théo rentre du travail. On se met tous les deux aux fourneaux pour concocter un risotto revisité. Du riz, des champignons, du parmesan, un peu de vin blanc, de la noix de muscade et des oignons caramélisés à la sauce soja puis flambés au rhum : ça fera très bien l’affaire. En 10 minutes supplémentaires un gâteau au chocolat est prêt. On déguste ce festins tous ensemble puis chacun dans son lit.
21h30 : J’écris encore.
22h30 : Et ferme mes yeux fatigués sans me faire prier.
J 124
5h30 : Aïe. Il est beaucoup trop tôt mais mon téléphone sonne déjà. J’ai mal à la tête tellement que je suis fatiguée. Bon ok, les bonnes actions et la cause commune c’est important, mais ne soyons pas débiles non plus, je suis de garde en salle demain et j’ai tout intérêt à marcher droit, aller tant pis pour la grève, je me rendors un peu.
6h30 : Je culpabilise tellement de ne pas y être que je suis dans l’incapacité de me rendormir. Aller, tant pis, je me lève et vais me battre pour notre cause. La situation est déjà catastrophique en métropole, à Mayotte n’en parlons pas. J’enfile un short, prends de l’eau et un bob, ma pancarte “faut pas pousser” et c’est reparti pour un 4ème mouvement de grève depuis le début de l’année.
7h15 : On est pas bien nombreuses. Le rythme 2-2 y est pour beaucoup, les équipes sont complètement fracassées, y n’a que nous pour nous lever aussi tôt sur notre seul jour de congé pour aller gueuler dans la rue. Le rythme 2-2 ? Un jour, une nuit, un vrai repos et on recommence. C’est exténuant à l’allure à laquelle se passent nos gardes. N’empêche que ce matin la barge de 6h30 a dû faire demi tour sur petite terre. Les soignants à bord n’ont pas pu atteindre leur prises de poste, le but étant que nous montrions que sans les soignants on est tous perdants.
8h : A peine arrivée un journaliste m’interroge. Il souhaite que je témoigne et malgré ma proposition d’interviewer la sage-femme de PMI, juste à coté de moi, il s’intéresse d’avantage au CHM. Bon aller, c’est pour la BA du jour. Je prends la parole et croise les doigts pour ne faire aucune boulette, parler correctement et défendre nos revendications comme elles le méritent. C’est toujours après qu’on se dit “Bon sang, j’aurais dû dire ça ! J’ai pas pensé à ajouter ci”…
10h30 : Le soleil est au rendez-vous. J’ai un aphte si gros dans la bouche (+ un deuxième) que je me passe de crier les slogans cantonnés par mes consoeurs, c’est déjà difficile de parler, les hurler n’en parlons pas. Nous bloquons la circulation d’un rond point au coeur de Mamoudzou. Certains râlent, d’autres soutiennent, la plupart comprennent. Les klaxons nous encouragent et les femmes lèvent le point en soutiens, il faut chaud, beaucoup trop chaud. La fatigue est si intense que j’ai l’impression d’avoir la gueule de bois. J’ai des vertiges, les yeux qui se ferment, plus aucune patience, et je fantasme sur mon lit. Je crois que c’est le top départ, je capitule et rejoins Théo à qui j’avais promis de le rejoindre pour faire des courses du punch pour ce week-end. Nous partons en bivouac à la fin de la semaine pour l’anniversaire de mon cher et tendre et de Bastien, notre copain né deux jours avant lui. Ayant été affectée à l’orga d’office et faisant 4 gardes dans la semaine dont 3 nuits il faut bien que je trouve un moment pour m’y coller.
11h : Agnès nous a rejoint également. 6 litres de rhum, du sucre, du pulco citron, et 20 litres de jus en tous genres. On embarque tout ça à bord de nos 3 deux roues et on dépose le tout chez notre amie, un vrai gang des makis sauvages ! Agnès nous offre un café, moi je n’ai plus aucune décence et me met n’importe comment, dans une position mi-assise mi-allongée. Après ça Théo et moi on repasse au baobab pour quelques courses perso : de quoi grignoter ce week-end et de quoi honorer l’apéro de coloc de ce soir.
12h15 : Enfin arrivée à la maison. Je décharge les courses, petit-déjeune, prends une douche, rejoins mon lit et terminé moniteur.
16h30 : Je dormirais bien d’avantage mais 1. Il faut que je sorte Oïkia, 2. Il faut que je dorme ce soir. On se bouge le popotin et on descend à la plage en amoureuse.
17h : Une fois de retour je gère deux trois impératifs que j’ai dû repousser à cause du boulot jusqu’ici, puis me met à écrire, pour changer. Visiblement j’ai toute mes chances pour Dzaoudzi, on m’a dit dans l’oreillette que j’allais certainement être engagée, et malheureusement je serais appelée beaucoup plus tôt que prévu au front, mais je ne peux pas me permettre de passer à coté d’une occasion pareille. L’expérience qui en ressortirait serait tellement enrichissante ! Et qui plus est, apporterait beaucoup de poids à mon CV pour ma postulation prochaine chez Médecins Sans Frontières. Mais qui dis Dzaoudzi dit vivre sur petite-terre. La maternité est si petite qu’une seule sage-femme est de garde, et que, en cas de problème une sage-femme d’astreinte doit pouvoir intervenir dans les 15 minutes. Aller on va pas se mentir, ça me fais rêver quand même, mais j’espère avoir le temps de nous trouver un autre petit nid douillet, pour qu’Oïkia soit aussi épanouie qu’ici.
20h : Je lâche mon ordi et monte dans la maison pour manger en communauté. Ce soir toute la nouvelle colonie est réunie, buvons un verre de clairette (oui, j’en ai trouvé tout à l'heure j'ai sauté dessus !) et fêtons ça !
20h30 : Finalement Eléonore n’était pas de la partie. Visiblement elle a oublié et a filé en vitesse après avoir déposé quelques affaires en rentrant du travail. Tant pis pour elle, ça en fera plus pour nous. On déguste un apéro dinatoire dans le salon, à base de fromage et charcuterie. Comme à la maison.
J 125
7h : On prend les trans. Au cours de celles-ci, nous est transmise une patiente qui s’est présentée dans la nuit pour la première fois. Cette petite dame n’avait jamais consulté pour sa grossesse et est venue pour douleurs abdominales et baisse des MAF (mouvements actifs foetaux). A l’échographie le diagnostic a été sans appel : il s’agit d’une MFIU (Mort Foetale In Utéro). La salle est pleine mais cette patiente appelle. Sarah, l’étudiante qui s’en est chargée cette nuit s’est occupée d’aller répondre et interrompt nos transmissions pour nous informer que la patiente sens une gène au niveau de la vulve. Je me détache pour prendre en charge ma nouvelle patiente : en effet, la présentation est juste là. Le corps de ce bébé inanimé est à moitié dehors. Le gros hic c’est qu’il s’agit d’une présentation du siège (par les fesses) et que le gros risque ici c’est ce qu’on appelle une rétention tête dernière (la tête reste coincée dans le col de l’utérus. Le problème dans ce genre de situation c’est que le bébé étant mort depuis quelques semaines déjà, est dans un état de décomposition plus ou moins avancée, et pourrait (je dis bien pourrait) se couper, involontairement au niveau de la nuque. Un drame auquel personne ne veut assister. J’appelle le médecin pour qu’il m’assiste en cas de pépin. Pas disponible. Je rassure ma dame, essaie de trouver les mots qu’il faut et croise les doigts pour que rien ne cloche. Soit il sort tout seule et en un morceau, soit il attendra que l’équipe soit disponible… J’espère que ma petite dame n’attendra pas trop longtemps.
7h40 : J’acceuille un transfert : une hémorragie de la délivrance venue tout droit de Dzaoudzi. Ma nouvelle maman a saigné 850 ml de sang et les saignements se sont taris mais je dois tout de même la surveiller de près. Malheureusement elle a dû partir sans son bébé qui nous rejoindra dans quelques heures en ambulance pour un rapprochement mère-enfant. Il n’est même pas 8h et je suis dans la pathologie jusqu’au cou. Elle va être sympa cette journée.
9h : 3 appels, un staff, et une hémorragie de la délivrance plus tard, les médecins sont enfin disponibles. Le chef se permet même de me dire “Ah mais tu as peurs par ce que tu n’en a jamais fais ? (des sièges) Mais c’est l’occasion !”. Rien à voir ma petite dame, je ne sais juste pas dans quel état je vais récupérer cet enfant, et je voudrais que cette pauvre maman n’ai pas une épreuve de plus à surmonter aujourd’hui.
9h05 : On s’installe enfin, et quelle juste décision d’avoir attendu ! Comme je l’ai redouté la tête reste coincée, mes manoeuvres ne suffisent plus et je passe la main. J’appuie sur le fond utérin pour aider le jeune médecin à faire en sorte que la tête se décoince. Fort heureusement les choses se terminent “bien” et j’emmène ce petit être, sans vie, sans qu’il ne soit vu par ses parents, à la demande de ceux-ci.
9h45 : C’est partie pour une tonne de paperasse. Les naissances de bébé vivants sont de vrais casses-têtes pour notre métier de secrétaire, mais pour les MFIU c’est encore pire. Formulaire d’abandon de corps, certificat de décès, photo, anatomopathologie, bactério, empruntes, ça prends un temps fou et la salle de naissance est saturée. Par manque de place je transfert ma dame qui a saigné en secteur orange (secteur créé d’ordinaire pour accueillir les patientes qui vont bien et qui sont en attente de transfert). Il n’est pas 10h et l’hôpital est déjà plein, de la SSPI, à la suites de couches, en passant par la patho et les urgences.
10h : Si tôt partie, si tôt remplie, j’accueille une nouvelle dame en salle B pour une pause de péridurale. Le rythme de son bébé m’inquiète un peu, et elle me tanne pour avoir une péri. Malheureusement c’est loin d’être la priorité et cette future maman n’a pas fait sa consultation d’anesthésie au préalable.
11h : Les deux heures réglementaires à peine passées, j’envoie ma dame en grossesse pathologique pour libérer une salle et pouvoir accueillir une nouvelle patiente. On entend des appels dans tous les sens, les anesthésistes sont débordées, les médecins beaucoup trop sollicités et les sages-femmes complètement coulées. Les téléphones sonnent tout à coup : accouchement d’une gémellaire aux urgences, à 6 mois de grossesse, et avec un des deux bébés morts. Les agents s’activent, courent, appellent du renfort. Malheureusement le manque de place se fait toujours sentir et cette patiente accouchera au tri, dans une salle de pré-travail loin d’être adaptée à ce genre de situation.
11h10 : J’accueille une autre dame de maternité périphérique pour son accouchement par ce qu’elle a saigné lors du précédant. Elle n’est qu’à 4 cm, alors je la branche au monito et le reste devra attendre.
12h30 : Je suis en salle B, en plein milieu d’une pose de péridurale quand on se présente à la porte pour me glisser à l’oreille que la patiente de la chambre D est à dilatation complète. Je demande aux médecins s’ils peuvent se débrouiller sans moi, ils acceptent, et je m’en vais faire naître mon deuxième enfant de la journée.
12h45 : La maman de ma petite dame a la patate. Elle est sur un petit nuage et m’avoue qu’elle a été aide soignante aux comores pendant des années. Parfait, par ce que mes aides soignantes sont débordées et que je suis seule pour l’instant. En cas de pépin ça peut toujours servir.
12h47 : Je rompt la poche des eaux.
12h48 : Joyeux anniversaire petit bonhomme ! Le temps de sortir m’assurer que le ciel ne nous est pas tombé sur la tête et le tri nous appelle pour un autre accouchement : la ça coince, on a nulle part où la mettre cette dame. Solution ? Dans le couloir. Des paravents, un monito portatif et deux minutes plus tard une autre naissance ! Je propose mon aide à Léa qui prend les choses avec calme. Elle refuse, alors je retourne suturer ma dame qui a encore les jambes en l’air.
13h : Un petit point de suture à peine, juste pour le confort, après une petite anesthésie locale, et la course recommence. Le problème c'est que par manque de temps j'ai faillit être tenter de ne pas anesthésier pour gagner quelques minutes. La suractivité nous pousse à être maltraitants, et je suis triste de constater ça à chaque fois que j’y suis confronter. Heureusement ma conscience professionnelle est là pour me rappeler à l’ordre, et la prise en charge de la douleur fait partie de mon métier, je ne dois pas l'oublier.
15h : Je suis plus ou moins à jour dans mes papiers et passe déjà ma dame de la D en secteur orange. Maintenant qu’elle a accouché et qu’elle n’a pas saigné, elle va pouvoir repartir d’où elle vient.
15h15 : Le tri m’appelle pour une dame à dilatation complète. Au cours de la brève conversation je comprends qu’elle n’attendra pas d’être de l’autre coté du bloc pour se mettre à pousser, et qu’elle va faire ça sur la table d’examen en plein milieu du bureau des sages-femmes. Vous vous souvenez de cette table d’examen qui m’a excédée dès mon arrivée ? Placée en plein milieu du bureau de soin, sans paravent ni rideaux, sans respect de la moindre intimité des dames que l’on examine à cet endroit, par manque de choix. Je cours de l’autre coté pour venir en aide à celle qui en aura besoin. Finalement le bureau est surchargé : les médecins appuyés sur le bureau sont concentrés sur autre chose et le petit espace qu’offre la table d’examen est surchargé de sage-femme. A être trop nombreux on se marche dessus. Je vais chercher du synto et reviendrais proposer mon aide dans quelques minutes. Une fois la naissance de ce petit bébé pressé, tout le monde a laissé la sage-femme en plan. Je viens donner un coup de main et ce n’est pas du luxe puisque celle-ci saigne 500 ml de sang d’un coup. Aller, une autre hémorragie de la délivrance ! Une de plus ! On porte la dame sur un brancard rentré avec peine dans cet espace exigüe et l’emmenons dans une salle plus adaptée. Il faut faire vite, ne pas perdre de temps. J’amène le chariot, scope, perfuse, sors de quoi sonder. La deuxième sage-femme note tout ce qui est fait.
16h : Le travail de la salle B n’avance pas. Je décide, en accord avec l’interne qui passe par là, de commencer le médicament destiné à donner des contractions.
18h : La fin de la journée a été plus calme, chacune rattrape son retard de paperasse et personnellement j’ai pu manger à 17h (sur mon bureau quand même).
18h10 : Mon dernier bébé de ma dernière dame ralenti son coeur. En plaisantant Léa m’assure que l’accouchement va être pour moi, au dernier moment comme d’habitude. Je rigole en pensant qu’elle a tort, de toute façon une naissance de plus ou de moins, à n’importe qu’elle heure ça ne me dérange pas. Rester une heure de plus c’est presque une habitude. Je pars plus souvent avec une heure de retard qu’à l’heure de toute façon.
18h13 : J’examine. Elle avait raison, il s’engage. Aller, on appelle les médecins par ce qu’il ne va pas fort cet enfant là où il est. Une table de réanimation est prête. L’interne est avec moi, et Léa qui me secondait doit s’éclipser pour s’occuper d’une nouvelle hémorragie de la délivrance (décidément c’est le thème de la journée).
18h27 : 3ème bébé aujourd’hui ! J’ai l’impression d’en avoir fait le double. Et pour la 3ème fois de la journée ça coince : l’épaule de cet enfant ne s’engage pas dans le bassin comme elle le devrait. Je demande un poing sus-pubien et une position d’hyperflexion des jambes que les médecins m’aident à réaliser. Grâce à ça la dystopie est résolue, et ce nouveau-né va bien. il se porte même à merveille. Je réinstalle, examine, vaccine, vérifie, et c’est déjà l’heure de la nouvelle équipe.
19h : Je transmets mon unique dame restante, fraichement accouchée. La clinique est faite pour elle et son enfant, et j’insiste même pour m’occuper moi même des papiers.
19h45 : Des heures supplémentaires ? Jamais déclarées, pourtant on en fait un paquet. Je rentre chez moi, épuisée mais satisfaite, d'avoir été utile aujourd’hui.
J 126
8h30 : Il est bien trop tôt, mais déjà l’heure de se réveiller.
9h10 : Après avoir un peu trainé on part pour la capitale. Premier arrêt chez Agnès pour lui déposer une jerricane vide et récupérer la moto de Théo. Ensuite direction Akxion, la boutique de moto. J’y achète un casque tout beau tout neuf. L’accident a sacrément bien amoché le mien et l’assurance nous a remboursé les équipements, alors j’y mets le prix sans aucune culpabilité.
10h : Ensuite, nous passons chez Etam pour acheter la première partie de mon déguisement de sirène pour ce week-end : un haut de maillot. Après ça direction jouet club, puis Mr bricolage, Terres des Indes, Rip curl, et quelques boutiques au passage.
11h15 : Il est temps de faire une pause pour boire un coup. Ensuite il est l’heure de prendre le cap vers l’hôpital, Théo commence à midi, moi j’en profite pour aller discuter avec mes cadres de l’opportunité de travailler sur Dzaoudzi.
12h : Elles ne sont pas encore là. Certainement entrain de manger, alors maintenant que Théo a pris sa relève on va manger à la cafétéria en amoureux.
12h30 : Je retente ma chance dans le bureau des cadres : cette fois-ci elles sont toutes là, c’est le moment ou jamais. Je prends une grande respiration pour inspirer tout le courage nécéssaire à ce genre de négociation et m’engouffre dans la fosse aux lions. Zanou, la cadre supérieur me demande d’entrer et de m’assoir en attendant qu’elle règle une histoire. Je patiente, pas très à l’aise tout de même.
12h45 : Je commence la discussion en soulignant le fait que je n’ai pas reçu de salaire ce mois-ci. Je me doute qu’il y a un lien direct avec mon arrêt maladie et la démarche de déclaration qui a été faite trop tard par la DRH mais je suis mécontente qu’on se serve directement sur mon salaire et tout ça s’en m’en toucher un seul mot. Je le fais savoir à mes cadres et celles-ci sont aussi surprises que moi. Après cet aparté nous rentrons dans le vif du sujet : mon départ au dispensaire de Petite Terre. Je commence en disant que je suis intéressée, mais que je pense que c’est trop tôt, que je n’ai pas fais assez de garde à Mamoudzou, d’autant plus à cause de mon arrêt d’un mois et demi, et que j’aimerais repousser mon départ le plus possible. Zanou me coupe après avoir pris son air de grande chouette et me houspille en me disant que ce n’est pas moi qui décide, que les gardes à Mamoudzou ne sont pas une option et que oui j’en ferais forcément. Mi amusée - mi agacée de sa manie de vouloir montrer que c’est à elles qu’appartiennent les rennes du navire je fais la sourde oreille. Par contre, quand vient le moment de parler dates, ça coince et l’une des cadres présentes semble s’amuser de ne pas me voir céder.
- Oui, je comprends bien que Mai c’est un peu tôt. (Ah oui ? On est quand même le 7 Mai, effectivement c’est un peu tôt.) Mais en Juin ça me semble tout à fait possible.
- Je vous arrête tout de suite, Juin c’est impossible. Je dois déménager, prévenir mes colocataires envers qui je me suis normalement engagée pour bien plus que ça. Et j’ai un chien, je ne peux pas partir du jour au lendemain.
- D’accord, alors quand voudriez-vous partir dans l’idéal ?
- Dans l’idéal pour mes 3 derniers mois de contrat.
- 3 mois ça ne m’intéresse pas, autant que j’engage directement une nouvelle personne.
- Je comprends bien, alors septembre ça serait bien ?
- Coupons la poire en deux et disons Juillet ! (Juillet, c’est couper la poire en deux ça ?)
- Aout ? Juillet c’est compliqué, j’ai des engagements (notamment une visiteuse à accueillir en aout !)
- Non, c’est Juillet ou rien.
- D’accord, alors je préfère être honnête et ne pas m’engager au près de vous avant d’en avoir discuté avec les personnes concernées.
- D’accord, alors autant être honnête moi aussi : je vais faire passer des entretiens d’embauches et si je trouve quelqu’un ça sera tant pis pour vous.
Super. Quelle vielle bique. Tout ça pour ne pas aller dans mon sens. Elle ne pliera pas j’en suis sure. Je repars dubitative, il faut que j’y réfléchisse.
14h30 : De retour à la maison, il me faut un petit moment de calme avant de réussir à fermer les yeux. Je mets ce temps à profit pour écrire un peu avant ces jours de folies, puis ferme mon ordinateur.
15h05 : Il est temps de fermer aussi les yeux.
N 126
19h : Pas moins de 14 patientes nous attendent pour la relève cette nuit aux urgences obstétricales. On va faire ce qu’on peut. Je déblaye un peu pour essayer d’y voir plus clair mais avec un nombre pareil de dossier sur le bureau c’est compliqué. Petite difficulté supplémentaire, les médecins sont occupés en salle de naissance et nos urgences qui n’en sont pas devront attendre. Certaines dames sont là depuis ce matin, malheureusement elles patienteront encore.
22h : Je rencontre Emilie, nouvelle interne à Mayotte, qui semble être au bout du rouleau. Quelques heures plus tard, après plus de la moitié d’une première garde épuisante elle me demandera les larmes aux yeux : “C’est tout le temps comme ça ?”. Je la rassure : le rush n’épargne personne, mais la fin des gardes finie toujours pas arriver. Le principal c’est de faire de son mieux. 3 de mes patientes ont chutés, 5 ou 6 autres attendent aussi une échographie. Au fur et à mesure qu’elles sont faites je les libère et devant leurs mines déconfites de “mais comment je fais pour rentrer à cette heure ?”, j’explique que je ne peux pas les garder pour motif d’hébergement. La maternité est déjà bien trop petite. Il y avait de la place en salle d’accouchement au début de la nuit mais à la vitesse où je les envoie là-bas ça ne va pas durer longtemps. Dans la nuit, j’en passe bien 5 ou 6, sans compter celles qui arrivent directement à dilatation complète et qui ne passe pas par la case départ.
00h : L’une de mes patientes, que je n’ai pas encore eu le temps d’examiner se couche au sol et commence à pousser. Ah non ! 4 sages-femmes s’y mettent pour la porter sur le lit le plus proche. Mes gants sont déjà en place, si accouchement il y a, je suis prête. Finalement ma petite dame n’est qu’à 5 cm, ce n’est pas pour tout de suite.
1h : Lisa débarque de Mramadoudou. Elle m’amène deux patientes : une à dilatation complète, que j’examine entre deux portes coupes feux par manque de place, et une qui vient pour ARCF. La première n’a de place nulle part. Je m’apprêtais à la mettre dans une chambre qui vient d’être quittée et qui est encore sale, à l’instant où la salle de naissance nous rappelle : c’est une erreur, il y a une place pour elle là bas. Aller c’est parti, serre les fesses madame, tu vas pouvoir pousser dans un instant.
1h30 : C’est moins qui serre les fesses maintenant. La deuxième patiente présente un rythme cardiaque foetal vraiment pathologique et la mobiliser ne change rien. A droite, à gauche, assise, rien n’y fait et les médecins sont occupés. J’appelle le deuxième médecin de garde, il est au bloc. Par manque d’option je sonde ma dame. Toujours pas de place en salle, j’attends désespérément qu’un lit se libère et que les docs aussi.
4h : L’une de mes patientes transférée se met en travail et avance assez vite. La salle d’accouchement me promet une place rapidement : dès que le ménage est fait elle passe ! J’attends, j’attends mais je prévois une table d’accouchement, juste au cas où. J’hésite à la mettre en chambre seule, juste à coté, mais si je fais ça je n’aurais jamais le temps de la passer dans une vraie salle de naissance. Finalement pas le temps de passer, elle accouchera dans un lit de monitoring, à coté d’une dame inconnue, séparée seulement d’un paravent. Nous sommes mal installées, je suis sur le coté puisque le lit est contre le mur et le bébé bloque encore dans le bassin. Les filles qui viennent d’arriver m’aide à effectuer les manoeuvres dans cet endroit pas du tout adapté pour débloquer la situation. Il va bien, alors moi aussi. On transfert la dame sans plus attendre. Sa chambre est prête.
5h : Les transferts n’ont pas arrêtés de la nuit. Heureusement les filles de suites de couches sont venus nous aider. Au petit matin la nuit devient plus calme, j’ai même eu le temps de manger par ce que les patientes ont fini par arrêter de se présenter. Je fais les pleins, les yeux lourds, enviant mon lit qui m’attend.
7h : Je n’ai plus aucune patiente et ai fini les papiers de l’accouchement que j’ai réalisé. Je saluts ma relève et ne me fais pas prier pour rentrer. J’attends Louise un petit quart d’heure puis nous prenons la route à deux.
8h : Nous sommes chez nous, bizarre de rentrer aussi tôt. Je prépare mes affaires, mange, et discute avec Théo qui vient de se réveiller.
9h : Je ferme les yeux.
J 127
12h30 : Le réveille sonne déjà. Je n’ai dormi que 3 heures mais le devoir m’appelle. Sommeil ou pas je suis d’orga alors je sors de mon lit, range les affaires que j’ai préparées ce matin dans mon sac, et démarre ma moto direction la base nautique d’Hanyoundrou.
14h : Le rendez-vous c’était 14h mais visiblement je suis la première arrivée. Théo, Bastien et Thomas sont déjà là puisqu’ils sont partis faire la tournée en camionnette dans la matinée pour récupérer tout le matériel. J’attends le pécheur avec Théo et Thomas pendant que le dernier mousquetaire s’occupe des premières navettes. Nous avons tout organisé ce week-end : le son, la bouffe, l’alcool, les lumières, les invités, les traversées jusqu’à l’îlot. A ça s’ajoute deux choses : les gendarmes semblent être au courant de cette beuverie qui a déjà fait le tour de l’île. S’il y a trop de voitures sur la base nautique, la police maritime sera envoyée et la soirée terminée. Sans parler des risques d’amendes, pour nous les organisateurs, et de celles qu'ils colleront à toutes les plaques des voitures présentes sur le parc. Deuxième difficulté : l’ampleur qu'a pris cet évènement. Nous attendons plus d'une centaines de convives, jusqu’à 150. L’effet boule de neige nous oblige à poster Théo et Bastien en première ligne pour gérer une navette qui acheminera le monde de la ville à la base nautique, et une fois arrivés sur la plage de trier les invités prioritaires ou non.
15h30 : Agnès et Marie viennent d'arriver. Elles partent avec le pécheur qui vient de revenir pendant que j’attends les prochains arrivés sur la plage. Bastien ne tarde pas à débarquer avec les renforts. Les même têtes que d’habitude, on refait le même bivouac que la dernière fois mais sur une autre île et avec plus de gens, en mieux organisé aussi. On charge le matériel de sono dans le bateau, et partons vers l’horizon.
16h : Pas de temps à perdre, on installe un coin nourriture, un autre pour la musique, les lumières sont accrochées à des points stratégiques puis j’installe notre unique hamac (à Théo et à moi) sur un petit coin à l'écart de la plage, vers la droite, là où il m’a été indiqué. Je comptais rattraper quelques heures de sommeil sur ce petit coin de paradis à l’abris d'un grand arbre, les fesses au dessus de l'eau mais 1. le temps est un luxe auquel nous n'avons pas le droit visiblement et 2. une horde d’espagnols a élus domicile à quelques pas de notre petite bulle et s’est décidée à commencer l'apéro de façon bruyante. Bon ok, pas pour cette fois la sieste, tant pis.
18h : On se déguise avant que le soleil ne se couche et voilà un banc de sirène qui se dévoile. Coquilles saint-jacques collées sur un haut de maillot, paréos en guide de nageoire et paillettes, surtout plein de paillettes. J'offre à chacun des organisateurs un bandeau orange sur lequel est écrit en gros “STAFF” en cas de besoin on pourra nous trouver facilement.
18h30 : La nuit est tombée et je communique sans arrêt avec Théo resté à Terre : il m’appelle inquiet : “Eteignez vite les lumières, et la musique, une patrouille de gendarme vient de prendre le cap vers vous”. Je m'empresse de faire de grands signes et on se fait le plus discrets possible.
19h30 : Lors de l’amarrage de l’une des dernières navettes je parle avec le pécheur des personnes qui n'ont pas payées : pas moins de 27 personnes se sont dérogées à la seule participation qui leur a été demandée pour le week end. Je lui fais comprendre que c'est à lui de faire payer les personnes qui montent dans son bateau, et que le problème ne se serait pas posé si on avait fait ça dès le départ. Va rattraper les gens maintenant… Personne ne sera assez honnête pour régler jusqu’au dernier. On décide de régler ce problème demain matin, avec les 120 personnes présentes sur cette île les deux pécheurs ont gagné par moins de 1000 euros en un week-end. Plutôt intéressant comme rendement, espérons qu’ils ne viendront pas se plaindre.
20h : Théo arrive sur la dernière navette, l’apéro a déjà bien commencé de l’autre coté visiblement mais la soirée peut commencer. La musique repart de plus belle, le rhum coule à flot. Moi et mes quelques heures de sommeil restons sages, pour éviter une très mauvaise journée demain.
2h : Epuisée, je m’en vais me coucher. Théo décide de se joindre à moi, et on s’endort, lovés l’un contre l’autre, dans un hamac accroché sur les branches d’un arbre, à quelques centimètres au dessus des vagues. Pourvu que la marée ne monte pas trop…
J 128
10h : Théo n’a pas dormi de la nuit. Il s’est levé il y a une heure et vient m’embrasser pour me réveiller. J’enfile un bob, plante mes pieds dans le sable et rejoins le monde pour un petit déjeuner. Ensuite je barbote dans l’eau, au gré des vagues et du son.
11h : La première navette devait être là il y a plus d’une heure. Plusieurs personnes nous ont déjà demandé, mais nous n’en savons pas plus qu’eux puisque les concernés ne répondent pas. Ils finissent pas arriver, et c’est reparti pour l’orga. Il faut gérer le rangement, le nettoyage, mais aussi les gens et leur égoïsme. En lendemain de soirée bien évidement c’est chacun pour soit, et tout le monde veut vite rentrer chez lui pour une bonne douche.
14h : Maintenant c’est notre tour, on doit charger le matériel, et faire le chemin inverse. Les affaires prennent de la place sur le bateau et ne sont prévues que les personnes de l’orga pour cette fois-ci. C’est sans compter certaines personnes qui ne se posent pas de questions et s’impose sur le navire pour rentrer coute que coute. Gentiment raccompagnés, on doit leur demander de descendre pour que Théo et Bastien puissent monter tous les deux et gérer l’arrivée. Moi je prendrais le prochain puisque Roni, le chien de Bastien a bien choisi son moment pour disparaitre. Je viendrais avec le prochain pécheur, en attendant ils partent avec toutes mes affaires.
14h30 : Le pécheur suivant refuse de prendre le chien sur son bateau, je vais devoir attendre celui d’après. Super. Les personnes à qui j’ai demandé 2 petites minutes avant de monter sur le bateau pour m’assurer que certaines personnes prioritaires étaient bien parties n’ont pas attendues un seul instant et à peine avais-je le dos tourné qu’ils étaient déjà à bord. Bravo les espagnols, encore des bons points, on vous réinvitera tiens. Je demande à Alexia de garder Roni pendant que je range puisque visiblement ça n’est venu à l’esprit de personne non plus. Au bout du 20ème mégot, je m’agace et laisse tomber. Les fumeurs vont devoirs ramasser leurs merdes eux même.
14h45 : Le deuxième pécheur arrive, sauf que Roni a encore disparu. Alexia ne l’a pas du tout surveillé et le bateau repars déjà sans moi. Je bouillonne intérieurement et cherche bien 20 minutes avant que quelques personnes ne se décident à me donner un coup de main. Je n’ai pas mes tongs, mon téléphone non plus et Théo et Bastien sont coincés jusqu’à mon retour.
15h : Je me presse pour charger tout ce qu’il nous manquait. Encore une fois je fais les choses seule et à force de m’empresser je fini par me cogner le genoux qui coule à flot pour un nouveau bobo. Youpi ! Il faut que je dorme.
15h10 : Une fois à terre, je rentre chez moi, prends une bonne douche, range mes affaires, avale un casse croute et rejoins mon lit. Théo fais de même, on s’endort pour deux bonnes heures.
20h : On nous appelle pour manger. Je me réveille un peu désorientée, dans le noir et monte en vitesse pour faire acte de présence. On est tous là ce soir, et on mange une quiche. Louise a fait de la glace en dessert, mais ne sait plus si les fruits exotiques contenaient ou non de l’ananas alors je serais privée de dessert pour ce soir. On profite d’être tous réunis pour discuter de ma possibilité de partir sur Dzaoudzi et donc de devoir quitter la colocation. Elles comprennent, mon choix n’est pas définitif, je leur donnerais ma réponse fin de semaine.
22h : Chacun regagne son lit.
00h : Mes yeux se ferment pour la nuit.
J 129
9h30 : Je sens que Théo est réveillée. Ma louve vient chercher des câlins pour la deuxième fois déjà alors j’ouvre les yeux et vais lui ouvrir la porte. Après quoi je me décide à me lever et propose d’aller acheter du pain et promener Oïkia. On en profite pour faire quelques courses et revenons les bras chargés pour faire un bon brunch.
12h : Après avoir étendu le linge et relancé une machine je regagne mon lit. J’écris un peu mais mes yeux sont tellement lourds que je ne lutte pas bien longtemps avant de me rendormir.
13h20 : Un gros dodo m’attend. J’ai mal à la gorge, le nez qui coule, n’arrête pas d’éternuer et suis comme dans une bulle. Est ce que j’ai vraiment attrapé froid ici ? Oui.
16h : Mon téléphone qui n’était pas en siliceux vient de me réveiller. C’est pas plus mal ou je ne réussirais jamais à dormir ce soir. Je monte prendre un gouter puis me met au fourneaux pour essayer mon nouveau jouet : le Magimix d’Eléonore. Vraiment pratique ces p’tits trucs, ça fais un moment que ce genre de gadget me fait de l’oeil, mais j’attends d’avoir un vrai chez moi pour m’en offrir un. La pâte à cookies est prête, je la laisse reposer pendant que j’étends le linge et que je me prépare une gamelle pour demain. Mes jours de repos me semblent trop court, bien que pour une fois j’ai eu une vraie journée de pause. Je met la table et me met d’accord avec moi même sur le menu de ce soir.
18h : On retourne à l’écriture.
19h30 : Théo rentre du travail, et la troupe est de retour, il descend m’embrasser et remonte pour l’apéro. Moi j’écris et attends qu’on m’appelle pour manger.
20h45 : Comme on ne m’appelle toujours pas, je rejoins les autres et écris aux cotés de la colonie. Finalement le repas est encore loin d’être prêt. Personnellement je suis exténuée, et me fait violence pour honorer la cuisinière, le plat ne sera prêt que dans une heure, vraiment dommage, j’espérais me coucher tôt.
22h45 : Il est temps de se coucher, c’est reparti pour un tour dès demain. Un tour de patho.
J 130
5h25 : Debout ! J’ai passé une nuit affreuse et ai dû dormir 3-4 heures à tout casser. Théo commence à 7h lui aussi, alors on se lève tous les deux pour déjeuner. Louise est aussi de garde, et Eléonore commence tous les jours à 7h, c’est une vraie Colonie qui sort de son nid pour aller travailler. Je suis encore plus malade que la veille. Complètement dans le gaz, je roule prudemment, la tête casquée dans tout les sens du terme, je tousse et éternue sans m’arrêter. En arrivant je n’échapperais pas à un test Covid. 8ème PCR, 8ème ! Quand je pense que certains se plaignent de devoir en faire un, je vais devoir prendre un abonnement personnellement. Effectivement c’est assez désagréable, mais pour être honnête ça ne dure pas bien longtemps.
7h : Julianne qui était là ce week-end me transmet un service plutôt cool. J’écoute attentivement et boit mon café religieusement en espérant qu’il me réveillera, je n’ai toujours pas les yeux en face des trous.
7h45 : Je commence mon tour. Bonjour, examen, constantes, traitements, et rebelote.
9h45 : Je fini mon tour. L’aide soignante n’a pas daigné m’aider pour l’instant. On est bien loin du binôme qui fait l’examen et la traduction en même temps, même pas pour les prises de constantes, tant pis, je me débrouille.
12h45 : Je fais sortir une petite dame, ravie de rentrer chez elle après plus d’une dizaine de jours d’hospitalisation. On a découvert de manière fortuite que son bébé montrait des signes d’anémie, aujourd’hui après une surveillance rapprochée il a été décidé qu’elle rentrait chez elle. Je lui indique bien tous ses rendez-vous, fait traduire pour être absolument sure qu’elle comprend tout et insiste sur l’importante de sa présence.
13h15 : J’appelle le laboratoire : “Bonjour, je chercher à joindre Théo”. On me donne son numéro de dect (téléphone interne de l’hôpital) et je prends ma voix la plus mielleuse (avec une voix enrouée comme la mienne c’est loin d’être gagné je vous jure !) pour lui proposer de venir manger avec moi. Mon service me le permet, alors quelques minutes plus tard, après qu’il soit passé à la cafétéria, il me rejoint directement dans le service pour manger avec nous. Lili, de garde elle aussi aujourd’hui est à notre table et j’en profite pour lui reparler de la colocation sur petite terre qu’elle m’a proposé il y a quelques jours. L’affaire a l’air d’être dans la poche. Elle me fait comprendre qu’elle aimerait que ça soit moi et que son coloc a un peu moins son mot à dire même s’il est moins convaincu à cause d’Oïkia. Je ne m’en fais pas trop et l’avantage c’est qu’une fois qu’il l’aura rencontrée ça sera dans la poche.
14h : Les filles du tri ont oublié de me prévenir que l’entrée de la chambre 14 était arrivée. Résultat, ça fait plus d’une demi heure qu’elle n’est pas sous monitoring, je croise les doigts pour que tout le monde aille bien et je m’empresse de la brancher sous rythme. Fort heureusement tout va bien, les urgences doivent être débordées, je ne peux pas vraiment leur en vouloir.
15h : Ma petite nouvelle semble avoir du mal à gérer la douleur. J’essayer de prendre le temps de lui expliquer qu’entre les contraction il n’y a pas de douleur et qu’il faut profiter de se temps de répit. Mais je retrouve plusieurs fois ma future maman en boule dans son lit, en pleurs, crispée comme pas possible. Dès que je lui parle ça semble aller mieux, malheureusement je n’ai pas le luxe de pouvoir rester avec elle toute l’après midi.
16h : Depuis le début de la journée j’ai une césarienne parmi mes patientes. Normalement en suite de couches (SDC) elle s’est retrouvée en service de grossesses pathologiques (GHR) par manque de place. Le hic c’est qu’en SDC elles ont aussi des GHR. Nous avons essayé d’échanger toute la journée, mais pour se faire il nous faut un moins une chambre propre. L’occasion vient de se présenter, on saute dessus pour switcher.
16h05 : On part en césar pour une dame que je ne connais pas. Je viens en aide à Lou, qui doit la faire passer au plus vite : Lili habille, Lou sonde, moi je prépare les médicaments. On rassure, on rase, on brancarde. Je suis à la tête du lit médicalisé et nous courons dans les couloirs façon Grey Anatomie mais version beaucoup plus réelle et beaucoup moins drôle. Ce petit bout de chou n’est estimé qu’à 900 grammes, j’espère qu’il survivra.
16h10 : Eva, du tri, me rappelle pour la 4ème fois. A chaque fois occupée l’une ou l’autre on réussit enfin à se faire des transmissions pour une autre de mes entrées. J’accueille une nouvelle dame et mon service est plein mais les choses sont plutôt bien cadrées alors j’aimerais me détacher pour aller aider les filles qui semblent en avoir besoin. Le problème c’est que j’attends les résultats de ma PCR avant de me mêler à toutes ses patientes en même temps.
18h : La nouvelle arrivée n’est toujours pas là. Je rappelle le tri : l’aide soignante qui devait l’amener a décidé d’aller manger finalement. Ça m’agace par ce que c’est ma collègue de nuit qui va devoir se coller au déclenchement alors que j’ai largement le temps de m’en occuper. A la place, je fais la petite main pour Lou et Lili qui sont un peu débordées cette après-midi. Après avoir débranché mon rythme de la 14 je propose à ma patiente de faire du ballon, elle accepte et je cherche mon aide soignante à mon tour pour qu’elle s’enquière de lui en trouver un. Le jeun est rompu à cette heure, alors évidement je retrouve toutes les AS dans la salle de repos, qu’elles ne quitteront plus jusqu’à la fin de leur garde.
- Tu vas aller me faire chercher un ballon à cette heure ? Je crois qu’il y en a un en 9, va voir.
- Est ce que tu peux t’en charger ?
Ça m’énerve d’avoir même à le demander. Elle n’a fait aucune prise de constante de la journée, a oublié les cycles de tension “par ce que tu me l’as pas rappelé”, et a été introuvable la plupart du temps.
- Mais on rompt le jeun là.
Je m’agace.
- Oui, mais moi je m’occupe d’autres dames.
- Oui bah je viendrais plus tard.
Raaah, on a vraiment pas la même conscience professionnelle. Trop occupée pour m’en assurer ou le faire moi même je repars en serrant les poings. Je ne comprends pas que de tels comportements soit tolérés sur un lieu de travail. Au laboratoire c’est pareil, à partir de 18h il n’y a plus personne, par contre des patients et des prises en charge il y en a toujours.
19h : Je lègue mon service à Maéva puis rentre à la maison à la hâte. Je suis exténuée.
20h15 : Théo est là et vient m’accueillir. Andréa a passé une mauvaise journée après avoir cassé sa voiture, et tout le reste de la colonie est de sortie alors on mange tous les trois.
21h45 : Ils ont cuisiné, j’ai fais cuire les cookies, on a papoté. Maintenant dodo.
22h15 : Une bonne douche chaude, pipi, les mains, les dents, au lit ! J’écris ma journée, et ferme enfin les yeux.
J 131
6h30 : Théo sort du lit. Il s’est fait tout beau aujourd’hui, je lui vole un bisous puis lui pique sa place pour me rendormir sur son oreiller. J’hésite à me lever moi aussi, il fait beau, je pourrais rendre ma journée productive et je suis assez bien réveillée. Finalement je me raisonne, il me faut du repos, ce n’est pas pour rien que je suis malade et je suis à nouveau de nuit ce soir.
10h20 : C’est mieux comme ça. La femme de ménage devait venir vers 10h. Je m’empresse de monter pour déjeuner et l’accueillir mais visiblement on s’est loupées, elle est déjà repartie. J’englouti de quoi reprendre des forces et m’en vais promener ma louve à la plage toujours dans ma bulle de coton.
12h : Elle va me manquer cette plage. La maison est géniale, je ne suis pas pressée de la quitter mais visiblement c’est une autre aventure maoraise qui m’attend à partir de juillet. Ce matin un mail est arrivé dans ma boite : je suis inscrite à l’une des formations nécessaires aux filles des dispensaires. Même si les cadres veulent me faire mariner je pense que les message est assez clair. J’ai trouvé une coloc, le boulot à l’air d’être pour moi, y a plus qu’à maintenant. Le confort ne sera pas le même, mais après tout je ne suis pas là pour le confort. Je suis là pour l’aventure. Et le seul petit bout de jardin, la seule condition que j’ai demandé est bien là, alors c’est parti pour de nouvelles aventures. Théo part au mois de juillet pour ses aventures à lui, moi je déménage sur la deuxième île de cet archipel et commence un nouveau travail. Une demi année plus tard, l’aventure va prendre un tout nouveau tournant.
14h15 : Presque à jour dans mon écriture. Je ferme mon ordinateur pour aller manger.
15h : Au dodo, je suis de garde cette nuit.
16h : Théo bidouille mon intercom et mon nouveau casque à coté de moi. Mauvaise idée, ça m’a réveillée, impossible de me rendormir.
18h15 : Finalement c’est lui qui s’est endormi. Je le réveille pour qu’il ne soit pas en retard à sa soirée avec les makis sauvages, et moi je file au travail.
N 132
19h : Je prends la relève de Caroline, qui me transmet un service relativement cool. La nuit sera calme mais pas passionnante. En patho, contrairement à la salle, quand il n’y a pas grand chose on fait des dossiers, des dossiers et encore des dossiers. J’enchaine mon tour. Perds un peu de temps avec une future maman qui se met tout à coup à faire de la tension alors qu’elle n’était pas du tout hospitalisée pour cette raison. J’envoie un bilan, fait un prélèvement d’urine, enregistre ses bébés, appelle le médecin et contrôle la tension à distance. Après avoir consigné tout ça dans son dossier je passe à autre chose.
00h : Le calme règne dans tout l’hôpital. Une nuit de répit est offerte aux équipes qui soufflent un coup. Après avoir proposé plusieurs fois mon aide aux urgences et en salle de naissance on mange avec les filles de suites de couches pendant qu’une de nos aides soignantes garde la boutique. Après quoi je mets le nez dans mes dossiers pendant 4 bonnes heures avant de faire un pause pour ne pas exploser mon cerveau fatigué. Hérine est en service orange. Je passe la voir pour papoter des dernières nouvelles et reviens mettre le nez dans mes papiers une heure de plus.
5h : Il est temps d’être un mauvais soignant et d’aller réveiller des dames épuisées et constamment dérangées pour le bon fonctionnement d’un service à 200% de ses capacités (oui, oui, vous avez bien lu, ce n’est pas une exagération, mais bel et bien la vérité). Je commence par changer la perfusion d’une dame obèse qui présente des oedèmes. Avant de réussir je recommence 3 fois la manoeuvre. Elle doit être contente la dame de se faire réveiller de cette façon. Ensuite j’enchaine avec 2 cycles de tension pour lesquelles mon aide soignante ne m’aide toujours pas, deux prises de sangs, et encore un cathéter. Je galère à enregistrer les battements de coeurs de 4 bébés et speed sur la fin de mon tour pour avoir le temps de tout faire avant que ma relève ne débarque.
7h : Mes trans sont à jour, j’imprime, fait un dernier dextro à un bébé qui n’a rien à faire dans mon service mais qui l’est quand même, et commence mes transmissions avant de quitter le service fatiguée.
8h45 : Je m’endors.
J 133
14h45 : Je me réveille par moi même, mon réveil devait sonner dans un quart d’heure. Je me hisse hors du lit pour aller manger un bout avant d’aller à Passamainty chez l’esthéticienne.
17h10 : Je manque de peu deux accidents à cause d’inconscients sur mon chemin du retour. L’un, en scooter, que j’étais entrain de doubler, m’a coupé la route pour aller sur la voie de gauche, sans même un regard en arrière (ni un clignotant, ça serait du luxe),. L’autre, piéton, m’ayant vu arriver mais ayant décidé de traverser tout de même au dernier moment, au beau milieu de la route. Je peste et crie dans mon casque, le klaxon en moto n’est vraiment pas un réflexe pour moi alors je fais de grands mouvements qui veulent dire “Allez vous faire voir”.
17h40 : Je profite des derniers rayons de soleil pour aller promener ma louve dans le quartier. Je la garde à l’oeil avec tout ces chiens qui rodent et les odeurs de chienne en chaleur qu’elle doit dégager à des kilomètres à la ronde. Pas question de ramener un petit batard à la maison.
18h : J’écris un peu, appelle ma petite maman pour régler ma déclaration d’impôt et gère deux trois détails d’organisation. Les cadres sont bien gentilles de m’inscrire à la formation que je n’ai pas demandé (cela dit elle m’ntéresse beaucoup) mais elles se déroulent après deux de mes nuits, au petit matin. Comme consigne : “merci de vous arranger pour changer vos gardes, à celles qui sortent de nuit ou qui sont de jour.” Super, mais ça c’est votre boulot mes p’tites dames. J’en profite pour leur demander quand est ce qu’il serait possible de poser mes congés. La métropole me manque, il est temps de recharger les batteries.
19h15 : Théo est rentré de sa journée photo en tête à tête avec Marie. Ils sont partis se perdent dans Mayotte à moto pour essayer d’en photographier l’essence. Ce soir la coloc restera vide. On monte se faire un casse croute avant de redescendre le manger devant un dessin animé.
22h30 : Théo s’est endormi, et moi je ne vais pas tarder.
J 134
9h : Déjà les yeux ouverts. On traine un peu avant de monter déjeuner et de laisser la matinée couler. J’écris, on range, on mange, le temps passe.
14h : Aujourd’hui nous sommes l’Aïd. Pour l’occasion, et depuis que cette fête a été annoncée il y a deux jours, ce vendredi est férié. C’est pour cette raison que Théo ne travaille pas.
15h30 : On embarque tous les deux à moto pour rejoindre la barge dans le but d’aller à la plage de Timoya sur Petite Terre (PT) . On arrive juste à temps et je monte sur le bateau en me disant à moi même que bientôt ça sera mon quotidien tout ça. Et que la vie sur PT sera différente mais douce et paisible. Même si j’appréhende un peu tous ces grands changements qui vont arriver tout à coup, une pointe d’excitation couve au fond de mon ventre quand j’y pense. Une sacré aventure.
16h30 : La plage de Timoya se trouve à coté de l’aéroport. Magnifique étendue de sable blanc longée par une petite falaise, les vagues s’y déchainent et les chiens s’y retrouvent. C’est ici apparemment que nos amis à 4 pattes peuvent être lâchés sans crainte et rencontrer leurs congénères. Je prends l’info, et emmènerais Oïkia dès que possible. D’après Marie (ancienne petite-terrienne), vivre avec un chien sur PT est très agréable et les balades sont variées. On devrait être bien en amoureuses ici.
18h15 : Le soleil se couche de l’autre coté de la baie. On se donne tous rendez-vous au bar appelé “Sympa” et faisons pour notre part un arrêt coucher de soleil sur la berge opposée. Les fameuses 10 secondes qui offrent les plus belles lumières sont éblouissantes et s’évanouissent aussi vites qu’elles nous ont subjuguées. La marée haute et les bateaux agités offre un lit moelleux aux derniers rayons de soleil orangés. Je sens que je vais me plaire ici. La nuit tombe en quelques instants dans les rues de Pamandzi, et l’excitation de l’Aïd déjà palpable avant sa tombée est à son comble. Les gens sont dehors, bien habillés dans leurs tenues traditionnelles de fêtes, les enfants jouent, les mosquées ne désemplissent pas. J’ai l’impression de ressentir l’énergie si propre à Noël, en métropole, cette énergie positive qui se dégagent de nos fêtes de familles tant attendues se transpose aujourd’hui.
18h30 : Une despérados pour moi, une bière pour Théo, quelques assiettes de tapas et nos copains nous rejoignent petit à petit. Marie, Agnès, Claire, Lilou, Bastien et sa nouvelle chérie. Les maki sauvages sont là, c’est bon de se retrouver.
20h40 : On speed pour régler avant d’aller rejoindre la barge de 21h. Ça c’est désagréable par contre, d’avoir un impératif horaire qui nous pousse à se presser de façon régulière. Bref, le chemin du retour est engagé. On retrouve Eléonore, seule à la maison et après avoir échangé quelques mots avec elle nous descendons nous coucher.
J 135
9h32 : Une journée calme commence. Trainer au lit le matin, embrasser Théo qui part en bivouac, promener Oïkia à la plage, faire la sieste, appeler la métropole pour donner les dernières nouvelles, écrire un peu, puis partir au travail.
N 135
18h40 : J’arrive toujours avec un peu d’avance sur mes collègues au travail. Par confort je préfère avoir le luxe de prendre le temps puisque j’ai remarqué qu’une garde dépendait beaucoup de l’état d’esprit dans lequel on l’abordait : si on arrive et que c’est le bordel, même si les choses finissent par se calmer on sera toujours dans le speed. Si c’est calme au départ et que les choses s’accélèrent ensuite, c’est l’inverse.
18h50 : Après m’être changée et m’avoir fait couler un café je marche en direction de la salle de naissance. A peine les portes battantes passées quelqu’un m’interpelle : “Tiens, tu veux pas faire une hémorragie de la délivrance ?" Je souris sans répondre : ça m’apprendra à arriver la première. Quelques secondes après avoir franchi la porte du bureau de soin une deuxième collègue me demande : “Tu veux pas faire un accouchement ?”. Je pense à une blague mais non, elle me regarde le supplice dans les yeux. Visiblement l’accouchement c’est pour maintenant, aller, on retrousse ses manches, et on se présente en salle C pour bien commencer la nuit. Lou, déjà sur place et sur le point de faire naître son 5ème enfant de la journée, me remercie un peu trop, je souris gênée et demande juste un chouchou avant d’enfiler mes gants à la dernière minute pour reprendre la main. On me transmet les informations minimales à l’oral, je sais l’essentiel : grossesse de déroulement normal, bébé eutrophe (à la bonne taille), rien de particulier. La tête est déjà là, une poussée et bienvenue petit bout.
18h53 : C’est une garde bien chargée qui commence. Il n’est même pas 19h et j’ai déjà fais une naissance. Pleins de papiers m’attendent déjà.
19h10 : Je sors de la salle après avoir fait le minimum pour pouvoir aller écouter les transmissions : délivrance du placenta, toilette, réinstallation, information, brassard à tension, première surveillance, synto. La salle est pleine. Je prends les dernières informations des patientes et c’est partie pour une nuit agitée. Je prends en charge une deuxième patiente en salle A à qui il faut commencer par poser la péridurale.
19h30 : Le couple est tout mignon, je me présente et prépare la dame avant d’appeler l’anesthésiste. Une fois chose faite je commence les papiers de mon premier accouchement et assiste au geste qui vise à soulager ma nouvelle petite dame.
21h10 : Retour à l’envoyeur. A peine deux heures plus tard je transmets les informations médicales de la patiente de la salle C à la sage-femme du service de transfert.
21h30 : Dans la foulée j’accueille une nouvelle maman qui nous vient de Kahani. Celle-ci a eu la mauvaise idée de saigner plus que de raison et se trouve transférée sur la capitale pour cette raison. Elle a déjà saigné 950 ml, à peine arrivée, après avoir pris les informations nécéssaires je l’examine à nouveau et exprime 80 ml de plus. J’appelle l’interne sans attendre pour qu’elle vienne me donner son avis. Je ne me veut pas alarmante puisque certes, on a passé la barre des 1 litre, mais ça faisait plus d’une heure (à cause du transfert) que personne n’avait appuyé sur son ventre comme il faut.
21h45 : La jeune médecin vient voir la dame avec moi pour faire une échographie et regarder s’il reste quelque chose à l’intérieur de l’utérus. L’échographe s’éteint après quelques secondes : j’interpelle mes collègues pour demander ce qu’il se passe et si on a un autre appareil à disposition. Evidement je rêve, rien d’autre de disponible et celui-ci est bel et bien cassé, mais en le débranchant/rebranchant on a le luxe d’avoir une minute top chrono pour faire notre examen. Pratique. Finalement la décision est prise de ne pas faire de prise en charge supplémentaire. Surveillance pour l’instant. Le dispensaire m’appellera plus tard dans la soirée pour m’informer que les ambulanciers ont refusé d’amener son bébé resté là-bas au cas où un autre SMUR doive être déclenché pendant qu’ils sont sur la route. La patiente ne rencontrera son bébé que demain matin.
23h30 : Il n’y a plus de place nulle part. Pourtant une patiente déclenchée et actuellement en grossesse pathologique ne pourra pas attendre plus longtemps. Après plusieurs appels de la part de Maélys on demande à Mélina de bien vouloir repréparer l’une de ses accouchées pour investir les lieux. Celle-ci refuse catégoriquement qu’on l’aide, que ce soit pour les papiers ou pour repréparer sa dame. Un peu perplexes, on fini par se faire une raison en croisant les doigts pour qu’une pauvre petite dame n’accouche pas là-bas, en grossesse patho, dans une chambre triple.
00h30 : J’aide à refaire la salle, finalement la patiente arrive à temps. Maélys l’installe et elle ne veut plus qu’elle reparte. Pourtant on tente de lui expliquer qu’elle a tout un service à gérer, moi je reprends la main et m’installe par ce qu’elle ne semble pas décidée à patienter. A chaque fois que je tente de quitter la pièce celle-ci me supplie et se met à pousser. Comme je ne veux pas que cet enfant naisse seul je n’ai pas d’autre choix que de rester. Plus d’une demi heure pour qu’il vienne enfin au monde après deux vraies poussées efficaces.
2h30 : Un accouchement à domicile arrive. La maman n’a pas eu le temps de venir nous voir et son petit est né sur son canapé. Résultat des courses j’ai une tonne de paperasse à faire et même pas le bonheur d’aider cet enfant à naitre. Fort heureusement aucune déchirure vaginale n’est à déplorer et le placenta est sorti sans encombre. Ma nouvelle patiente attend en salle de pré-travail 1 (chambre triple des urgences) dans laquelle elle passera le reste de la nuit par manque de place.
5h : J’ai faim depuis un bon moment. Je prends 2 minutes pour aller faire chauffer mon plat et quand je reviens je n’ai pas le luxe de pouvoir le manger. Il faut déjà que je retourne en A, le bébé fais des ralentissements depuis le début de la nuit et nous devons refaire des lactates (prélèvement d’une goutte de sang sur sa tête qui vise à savoir s’il tolère les contractions ou si nous devons partir en césarienne d’urgence). Finalement la césarienne est décidée pour stagnation à 9cm chez une primipare + anomalie du rythme cardiaque. Le code orange est déclenché, mes pâtes devront attendre. Je prépare ma dame à la hâte, et nous passons sur un autre brancard avant de courir au bloc. Après ça je prends 5 secondes pour engloutir la plus grosse bouchée de pâtes qu’il est possible de mettre dans ma bouche, que je cache habilement mais non moins discrètement avec mon masque. J’ai gobé tellement d’un coup que j’ai le hoquet et mal à la gorge.
5h21 : Un 5ème bébé cette nuit pour moi. Malheureusement cette fois il ne va pas bien. Vraiment pas bien. Je cours et crie : LES FILLES REAAA ! Elles accourent. Les filles des urgences passaient par là, nous sommes nombreuses. Je prends la tête : “On lance un APGAR, met un scope et j’aspire. Pourquoi ça aspire pas ? On a une autre sonde ? Ça aspire toujours pas !” Mon bébé est bleu, amorphe, totalement aréactif, il faut faire vite. Je demande qu’on rappelle le pédiatre pour lui signifier l’urgence de la situation. Marion prend le pouls du petit que j’ai au bout des doigts : coeur inférieur à 60. Arrêt cardiaque. C’est parti pour mon premier massage. Comme je suis à la tête ça n’est pas moi qui appuie sur son petit corps, mais moi je ventile. Je mets quelques secondes à comprendre comment faire : “Et 1, et 2, et 3, on ventile”. Et je répète cette phrase en boucle pour garder le tempo et être synchronisée avec la sage-femme qui enfonce sa cage thoracique d’une façon beaucoup trop brutale pour un si petit être. 2 minutes de vie, la pédiatre est là, l’adrénaline est prête, elle reprend la main et décide de ne pas poursuivre. Elle réussit enfin à aspirer le liquide tellement épais qu’il faisait bouchon, et ce petit bébé redémarre.
6h : Dans tout ce ramdam j’accueille une nouvelle patiente. Mineure à 8cm, elle gère comme une championne et je croise les doigts pour que ça continue. Je n’ai pas le temps, ni l’énergie pour en faire un 6ème. Finalement elle s’enlèvera 3 fois les capteurs qui enregistrent les battements du coeur de son bébé et me prendra pour une truffe en me disant qu’ils se sont enlevés tous seuls. Capucine, de l’équipe de jour récupère ma petite patiente pendant que je file faire mes transmissions et finir mes papiers. Cette nuit je me suis trompée je n’aurais même pas dû être en salle de naissance. Les cadres m’avaient changée de service au dernier moment sans que je ne le sache. Ça m’apprendra à arriver en avance.
8h30 : Je quitte mon service en même temps que mes collègues avec 1h30 d’heures supplémentaires et on se dit que “ça va”. Que c’est pas tant que ça.
9h30 : Ce soir rebelote, il est grand temps de dormir. Je met mon réveil pour 17h15 et je m’endors profondément.
N 136
19h : Je prends ma garde fatiguée. Les gardes se sont beaucoup enchainées ces derniers temps et elles ne sont pas de tout repos. Heureusement je ne suis pas de garde en salle cette nuit mais en patho. Je prends la relève de Lilou qui semble coulée jusqu’au cou. Je lui offre de prendre quelques minutes supplémentaires pour finir ses transmissions dans le calme pendant que je vais me chercher une bouteille d’eau et me faire couler un café. Ce ne sont pas 10 minutes qui vont changer grand chose.
19h30 : Service plein et un peu galère ce soir. Je commence par examiner une dame qui a mal et la trouve à 5cm de dilatation. J’appelle la salle de naissance pour la passer dans une chambre d’accouchement, cette fois je ne me ferais pas avoir et ne la garderais pas plus longtemps : il y a de la place, autant en profiter ! J’emmène la dame et fait un aller retour supplémentaire pour lui emmener ses affaires.
20h : Je débute mon tour du soir en retard. La dame de la 42 doit être mise sous loxen par voie veineuse, je vérifie le protocole et lance le médicament qui vise à faire chuter sa tension beaucoup trop élevée. Ensuite j’installe le monito qu’elle doit avoir ce soir et la surveille comme du lait sur le feu. Après ça j’essaie de voir les voisines au plus vite et de passer à la chambre suivante. Encore une patiente dont les tensions crèvent le plafond. En plus de ça le monito que je viens de poser n’est pas bon, j’appelle l’interne pour avoir son avis et l’attend dans le bureau pour qu’on se mette d’accord sur les prises en charge.
22h : Après avoir reposé deux perfusions, fais deux prélèvements, controlé l’enregistrement du bébé, surveillé la tension, et remis une autre dame sous traitement par voie veineuse je n’ai toujours pas vu la moitié de mes dames. Maélys, en garde cette nuit dans le même service que moi, propose son aide et voit l’autre moitié de mes patientes. Heureusement le tour du soir est rapide. Une tension, quelques questions et le tour est joué. Je me chargerais de la distributions des traitements un peu plus tard, mais grâce à elle je ne réveillerais pas mes patientes dans la nuit pour un examen tardif sous prétexte qu’il est systématique.
00h30 : On s’apprête à aller manger quand ma dame de la 43 bat des records avec ses tensions. Je rappelle le médecin qui décide de l’envoyer au tri pour surveillance rapprochée. A notre arrivée les 22/12 de tension ne me rassurent pas du tout. Par chance la patiente ne présente aucun signe fonctionnel d’hypertension et l’anesthésiste réussit à faire descendre sa tension en flèche. Un peu trop même, puisqu’un ralentissement après son passage de tension brutal à 12/7 se fait ressentir au beau milieu d’un césarienne code rouge en salle. Par chance tout le monde va bien, bébé récupère, la tension de ma patiente se stabilise et je retrouve dans mon service pour manger seule. Les filles commencent leurs dossiers, je les rejoindrais après une petite pause d’un quart d’heure.
2h : Début d’une revue infernale de dossiers.
5h : Je ne les ai pas tous vus mais tant pis, les patientes présentes dans le service depuis plus d’une semaine ont dû déjà être checkée un bon nombre de fois. Je commence mon tour matinal, effectue mes 7 monito, deux prises de sang, 3 cycles tensionnels et relève tous les dextro. Le tour est fluide, tout se fait facilement et s’enchaine sans soucis. Je fais même le plein du chariot et examine une patiente qui se met en route doucement.
7h : Lilou est de garde aujourd’hui également. Les transmissions vont vites puisqu’elle connait déjà le service, c’est un bonheur.
7h30 : Je rentre chez moi.
7h35 : J’ai faillit oublier : mon colis ! Des mois que je l’attends, et je le récupère enfin. Encore quelques minutes avant de pouvoir le déballer…
8h30 : Le ventre bien plein, de retour dans mon studio je déballe mon paquet d’une façon presque religieuse. C’est un sac de transport pour chien. Je n’attends pas plus pour tenter de mettre Oïkia dedans. C’est un coup à prendre et j’ai bien cru que tous ses poils ne rentreraient pas mais ça fonctionne. Après quelques acrobaties et grâce à sa gentillesse légendaire elle se retrouve sur mon dos quelques minutes plus tard. Heureusement Théo était là pour m’aider, maintenant je vais devoir prendre le pli pour le faire seule. Une ou deux photos (on dirait une saucisse) et je la fais redescendre en la félicitant de manière enjouée.
J 137
16h : Réveillée par l’alarme de mon téléphone je sors du lit après avoir fait un câlin à ma louve qui n’a pas moufté de la journée.
17h10 : Je rejoins Théo devant l’hôpital. Des pannes ont fait rage tout au long de la journée au labo et il fini en retard, pour patienter je discute avec les filles de dialyse qui sortent du travail à l’instant.
17h25 : Direction la barge, qu’on rate à quelques minutes près. On la voit partir alors on s’arrête au camion blanc pour me commander un sandwich en attendant la prochaine. Un peu pressée par le temps la serveuse me rassure : “T’inquiète, moi aussi je prends la prochaine”.
18h : A bord de la grosse barque un monsieur se fait remarquer. Il se prend la tête avec le personnel de la gare maritime et cri qu’ils lui ont volé sa moto quand celui-ci apprend qu’elle a été déplacée. Pour je ne sais quelle raison sa présence n’est pas la bienvenue et tout le bateau assiste à la scène théâtrale de ce même bonhomme qui fini par se faire trainer par une jambe et un bras jusque sur le quai par la sécurité.
18h30 : Après avoir cherché un peu on trouve la maison qui m’accueillera au cours de mes 6 derniers mois sur Mayotte. Plutôt agréablement surprise par cette grande maison je croise les doigts pour réussir à convaincre le deuxième colocataire, assez retissant à la venue d’Oïkia. On papote un peu pour faire connaissance après une visite et je le rassure tout de suite : à moins qu’il n’aime vraiment pas les chiens (et encore j’en ai surpris certains) elle le convaincra en quelques minutes sans le moindre doute. La maison est plutôt jolie, entourée d’un jardin avec bananiers et citronniers elle comporte 3 terrasses (2 en bas et une en haut), une chambre avec salle de bain en bas (pour un couple), une cuisine et un salon spacieux dans lequel ma machine à coudre rentrera à merveille, et 3 chambres à l’étage avec salle d’eau et WC. Ma chambre est grande et meublée, elle comporte même la clim. Le couple de la chambre d’en bas s’en va à mon arrivée, mais un nouveau débarque en même temps. A part ça je partagerais l’étage du haut avec Lili (l’une de mes collègues et copine, que j’ai connu pendant mes études et qui m’a accueilli le jour de mon arrivée sur l’île) et Eric, qui travaille au parc marin de Mayotte.
20h : Le feeling est bien passé, manque juste que j’amène Oïkia un de ces 4 pour qu’Eric la rencontre et se rende compte de la pâte qu’elle est. On file chez Bastien pour un repas avec ses coloc. L’un d’entre eux a péché un espadon de 40 kilos et nous offre le bonheur de manger du poisson cru pour le diner. Le repas se passe dans la joie et la bonne humeur, au gré des discussions spontanées et agrémentées d’anecdotes en tout genre. Avec deux infirmiers et une sage-femme on en a des trucs à raconter !
23h : Il est temps de prendre la barge en sens inverse. Nous sommes presque seuls.
00h : Je suis totalement HS. J’écris quelques lignes pour ne pas oublier les détails que je dois vous raconter, et ferme mes yeux lourds de sommeil.
J 138
8h : J’ai dû me réveiller une dizaine de fois au moins cette nuit. Je fais sortir ma louve et tape sur mon clavier pour écrire un peu.
10h : J’ai faim.
11h : J’ai sommeil.
13h : Une petite sieste et tout va mieux. La nuit n’a pas été reposante à cause du rythme de nuits successives qui perturbent mon rythme circadien. Je monte discuter avec les filles là-haut qui me proposent de garder Oïkia pendant mes vacances en juillet. J’accepte avec plaisir et on papote des tenants et des aboutissants de nos déménagements respectifs. Alice part début août, Andréa fin août, Théo et moi début juillet. La coloni quitte le navire ! J’écris encore, et promène Oïkia après avoir fait notre premier test à moto toutes les deux. Elle se laisse faire, c’est génial, je vais pouvoir la trimballer partout dans ce sac. Pour la récompenser je l’emmène tout de suite après faire un tour à la plage et me remets à mon clavier jusqu’au soir.
20h : Ce soir c’est restaurant avec les maki sauvages. On mange “aux malgaches" à Passamainty. On arrive avec plus d’une demi heure de retard par ce que Théo est pire qu’une gonzesse pour se préparer mais pour une fois que c’est nous je ne culpabilise pas une seconde. Une petite bière, des brochettes de magret de canard et des boulettes de fruits à pain plus tard on rentre sans trop trainer par ce que je suis de garde aux urgences demain.
22h45 : Il est temps de dormir pour être en forme et affronter une de ces gardes affreuses des urgences.
J 139
5h45 : J’ai super mal dormi. Quelques heures à peine en fin de nuit. Déjà que j’y vais à reculons j’ai encore moins envie. La seule chose qui me réconforte c’est qu’Alice est dans la même galère que moi. On s’apprête à accepter notre sors et subir une garde sans manger-boire-faire pipi, alors pour surmonter la galère j’embarque une boite de bonbon qui nous remontera le moral.
6h50 : J’ai emmené ma colocataire à moto pour la première fois. Elle me remercie avec un grand sourire et nous prenons la direction des urgences obstétricales d’un pas décidé quand on se fait brusquement arrêter dans notre élan : “Thaïs, tu montes en chir ambu!”. Bonjouuur Sophie. On se regarde mutuellement avec Alice, consternées. Sophie poursuit : “C’est trop le bordel aux urgences, Anne s’est proposée pour venir au tri, faut pas qu’il y ai deux jeunes c’est le bazar.” Pour preuve elle nous montre le couloir : plein de brancards. Le service de 12 lits, réquisitionné en chirurgie ambulatoire pour les surplus d’accouchées, est saturé et déborde à nouveau dans le couloir. Je quitte Alice, mitigée entre soulagement et pitié pour prendre la direction de mon nouveau service. Quelques pas plus tard je fais demi tour : je dépose les bonbons sur son bureau, ça lui remontera le moral.
7h : Ella m’accueille souriante : ici tout va bien c’est l’avantage. Les dames sont simplement en attente de transfert, du coup elles se portent à merveille pour la grande majorité. Avec moi une nouvelle AS qui n’a pas l’air très sereine, je la rassure, pour moi aussi c’est une première. Je prends les trans puis pose deux trois questions sur l’organisation du service avant de commencer mon tour du matin le plus rapidement possible. On va avoir du pain sur la planche, pas de temps à perdre.
8h : Avec Emma, sage-femme chargée des transferts, on ne cesse d’accueillir des dames qui repartent dans la foulée. C’est un moulin d’entrées-sorties perpétuelles ici, très dangereux concernant les dames qu’on peut vite confondre. Dans la journée nous feront une vingtaine de transfert des mamans et de leurs enfants vers les maternité périphériques.
9h : Pendant que j’effectuait mon tour le pédiatre a vu les bébés qu’il devait examiner à 1 jour de vie. L’AS qui doit s’occuper d’emmener les bébés au médecin et en profiter pour les peser / faire les soins est totalement débordée. Le pédiatre s’agace, il en a beaucoup trop à voir !
11h : La plupart des dames arrivent sans dossiers. Avec 38 accouchements en 24h plus ceux d’aujourd’hui la salle de naissance est totalement débordée. Pas de temps pour la paperasse, le tout c’est de mettre tout le monde en sécurité physique.
12h : Certaines dames n’ont rien à faire dans ce service : l’une d’entre elles a 6,1 d’hémoglobine, une autre la syphilis (et donc un suivi particulier pour son bébé). Par dessus le marché un bébé n’est pas transférable selon le pédiatre : certaines chambres sont donc embolisées dans ce service qui se doit d’être une simple transition.
12h45 : Théo est devant la porte de mon service. Il vient les bras chargés du repas de ce midi. Je prends un quart d’heure à la volée, tant pis le reste devra attendre un petit peu, je me force à prendre une pause. Au cours du repas mon téléphone sonne au moins trois fois. A la quatrième il faut que je descende pour apporter des étiquettes au médecin qui visiblement n’envisage même pas de se déplacer, lui. J’abandonne Théo 5 minutes au beau milieu du poulet-coco pour courir à l’étage inférieur. A mon retour l’ASH vient me trouver et se plaint de l’AS qui rame complètement dans la semoule. Après ça elle me dit à quel point elle est fatiguée puis s’en va. “C’est l’enfer ton service” m’avoue Théo, je souris, s’il s’avait comme c’est calme comparé à ce qui aurait du m’attendre au tri.
13h30 : Après mon repas je retrouve l’une de mes patientes qui devait être transférée, toujours assise sur sa chaise. Je m’interroge à l’instant où elle me demande “Madame, quand est ce que je pars ?”, “Bientôt buéni, bientôt”. Je jette un oeil dans la chambre 31 et horreur : la patiente non transférable a été embarquée par l’ambulancier par erreur. Je rappelle la régule : trop tard il doit être presque arrivé. Je contacte la sage-femme de transfert qui est aussi désespérée que moi : il ramène la dame qui n’a rien à faire en dispensaire (c’est quand même fou que la dame l’ai suivi sans demandé où, pourquoi, comment !), et embarquera la bonne patiente avec une autre ambulance. Le dossier reste là-bas en attendant. La grosse erreur de l’ambulancier a été de ne pas vérifier les identités de ses dames.
14h : Je commence mon tour de l’après-midi puis me plonge dans les dossiers. La fin de la journée sera plus calme.
15h30 : Je reçois l’appel de Cassandra, l’une de mes cadres, qui vient se tenir informée de la situation. Elle s’inquiète de constater que mon service soit toujours aussi plein à cette heure-ci. J’explique que malgré la vingtaine de transferts effectués dans la journée j’ai aussi fait 9 entrées, et qu’en prenant ma garde de ce matin, non seulement mon service était plein, mais le couloir des urgences aussi et j’avais même une patiente sur un brancard devant la porte de mon bureau. 2 patientes ont attendus patiemment sur des fauteuils au cours de la matinée en espérant avoir la chance de regagner une chambre. L’hôpital est trop petit, bien trop petit. En plus de ça certaines patientes restent dans mon service de transfert pour diverses raisons : manque de place en périphérie, refus de transfert de la part des patientes (on ne va pas les mettre de force dans une ambulance quand même!), et patientes non transférables qui ont été placées ici par manque de place en suites de couches.
18h30 : Une dame de Dzaoudzi doit être transférée ici, à l’hôpital, pour une raison que j’ignore. L’avantage c’est que l’ambulance repartira avec deux dames dans le sens inverse.
19h15 : Toujours pas de relève. Je m’inquiète de voir qui devait se présenter pour s’occuper de mon service et appelle la salle de naissance pour informer Morgane que c’est à elle de prendre mes transmissions. Visiblement elle n’était pas informée et me dit “mais c’est le bordel en salle, je peux pas les laisser à 4 c’est bagdad !”. Et pourtant si, elle fini par venir.
19h45 : Je rentre chez moi.
20h30 : Ce soir c’est l’anniversaire d’Eléonore. On mange au grand complet pour fêter ça. On prend un verre puis déguste un bon repas avec un gros gâteau. Je lutte toute la soirée par politesse pour ne pas rejoindre mon lit mais ne me fait pas prier en fin de repas pour m’écrouler dans mon lit sans plus attendre.
J 140
7h45 : Beaucoup trop tôt. J’ai bien dormi, d’un sommeil de plomb mais je regrette de devoir déjà me lever. Du coup je suis grognon et Théo l’a remarqué. Il me charrie un peu, m’embête beaucoup et on prend la route direction Mamoudzou pour qu’il me dépose au ponton de la barge, lieu de rendez-vous pour la journée bateau d’aujourd’hui. En passant sur la rocade j’ai remarqué qu’il y avait des vagues et du vent mais mes craintes sont confirmées à l’arrivée. Le programme a changé, on ne ferait plus le tour de l’île mais simplement le nord. Plusieurs de la douzaine de filles présentes hésitent : elles ont déjà fait ça il y a deux jours. Moi j’avoue que si c’est annulé ça m’arrange un peu, j’ai les yeux qui piquent tellement que je suis fatiguée.
9h : Le marin n’a pas l’air décidé et s’inquiète de la houle que nous subirions si nous maintenions la sortie. A la majorité la décision est prise d’annuler tout bonnement le programme d’aujourd’hui. Certaines rentrent, d’autres vont à la plage. Moi je passe récupérer ma moto à l’hôpital et rentre faire un gros dodo.
11h : Je ferme les yeux que je lutte pour garder ouvert depuis mon réveil.
14h : Oups. Je n’arriverais jamais à dormir ce soir. Et du coup demain je serais fatiguée, compliqué ce rythme ! Je monte manger un bout et discuter avec les filles. Ensuite je repars faire un petit tour du quartier à moto avec Oïkia et la félicite avec une friandise à la fin. L’heure d’aller chercher Théo est déjà là, je prends la route pour aller le prendre à sa sortie du travail.
16h45 : A sa demande on passe chez Comema, le magasin de tissu, puis regarder les montres chez le bijoutier. Ensuite on rentre à la maison, il s’adonnera au bricolage pendant que je m’occuperais du jardinage pour déblayer le chemin qui mène à mon studio. Ça pousse à une vitesse ici !
19h : Je cuisine, il coud, le reste de la colonie téléphone. Ensuite j’écris, fais tomber la tarte qu’on mangera quand même, et vient le soir.
J 141
7h : Encore une journée en chirurgie ambulatoire. 3 dames partent dans la prochaine demi-heure et après mon tour du matin les navettes s’enchainent jusqu’à vider mon service dans la presque totalité.
11h20 : Une patiente de la salle de naissance a accouchée depuis 2h, je l’accueille dans la chambre qui se trouve juste en face de mon bureau et termine mes dossiers avant d’aller la voir. Je fais un dernier examen, un dernier vaccin et un dernier check des papiers avant la prochaine navette comme ça je n’aurais plus que ma toute nouvelle maman.
11h40 : Un quart d’heure après son arrivée je vais examiner ma petite dame. Celle-ci vient d’accoucher de jumelle et, selon Chloé, se porte à merveille depuis la naissance. A mon entrée dans la chambre cette fraîche accouchée vient de se lever et me dit que la tête lui tourne. J’avoue que c’est un peu normal et m’empresse de la rassurer : c’est certainement la fatigue de l’évènement. Elle se dirige vers le toilettes alors je quitte la pièce pour lui laisser le temps d’aller faire pipi avant de vérifier ses saignements. Il y a du grabuge quelques secondes plus tard. “Je perds beaucoup de sang” j’entends d’un peu plus loin. Je m’approche sans attendre : plusieurs caillot jonchent le sol, en effet, à vue d’oeil elle a du expulser 200 ml de sang environ. Parfois ça arrive de saigner quand on se lève, alors je l’invite à se rallonger rapidement par ce qu’elle blanchit à vu d’oeil. Je remonte ses jambes, demande à mon aide soignante d’approcher le tensiomètre et doit appuyer sur son ventre sans trop attendre pour être sure qu’il ne s’agit pas d’une hémorragie de la délivrance : encore des caillots. J’appelle la salle de naissance pour savoir à combien étaient estimées ses pertes au cours de l’accouchement. Visiblement on a encore un peu de marge. Je me laisse quelques minutes avant de revérifier et le résultat n’est pas bon. J’appelle le médecin, elle est entrain de faire une hémorragie de la délivrance secondaire. Ici ça va être costaud pour gérer ça : je suis seule, n’ai même pas de synto à disposition, et suis loin de tout. J’appelle à l’aide, le médecin est prévenu, je demande à la sage-femme de transfert de se détacher pour me filer un coup de main pendant que je me prépare à la reperfuser. Après ça je pose une sonde à demeure (sonde mise dans la vessie, qui reste en place pour vider les urines en permanence), et invite l’aide soignante à masser l’utérus sans discontinuer. Le médecin fini par arriver quelques longues minutes plus tard.
12h10 : Faute de brancard qui roule correctement on prend le lit. On peine à passer la porte et les roues tournent tellement mal que je me fais mal au dos en forçant comme une brute. On cours dans les couloirs direction bloc opératoire, je transmets les informations les plus importantes à l’oral et nous repartons bredouille, encore sous adrénaline. D’après nos calculs cette petite dame aurait perdu 100 ml de sang à l’accouchement, 600 ml dans mon service et saignera encore au bloc. Au total j’apprendrais qu’elle a perdu 1,5L au total, avec mise en place de Nalador (médicament puissant visant à arrêter les saignements) et bakri (dispositif gonflé dans l’utérus, dans le même but).
12h20 : Mon service est vide maintenant. Je vais manger et accueille une nouvelle dame peu de temps après. Quelques minutes plus tard je m’apprête à en accueillir une nouvelle mais organise une nouvelle navette pour Kahani qui transférera les deux patientes en me laissant seule une nouvelle fois.
15h : Je voulais rester tranquille mais vais proposer mon aide dans les autres services à la place. Mon aide est acceptée avec plaisir alors je fais la petite main pour faire des papiers en salle, puis au urgences, et enfin encore en salle. Gaëlle et Chloé sont de garde aujourd’hui, ainsi que Marie et France, c’est une bonne équipe alors tout se fait dans la joie et dans la bonne humeur.
18h15 : Je remonte là-haut avec une nouvelle patiente. Revérifie son dossier, réexamine, prépare même sa sortie puis imprime les transmissions de la seule et unique dame du service pour ma relève de cette nuit.
19h05 : Lili arrive, on discute de notre future coloc et je lui transmets les informations médicales de la dame avant de prendre la route.
19h10 : L’avantage c’est qu’on y a pas passé trois plombes pour une fois, je descends sans perdre de temps, ce soir c’est soirée dans le sud de l’île et j’ai plus d’une heure de moto qui m’attend. Je me change, me maquille, démarre et traverse l’île pour retrouver mes copains.
21h : J’ai mal aux bras d’avoir conduit si longtemps mais ça valait le coup. La soirée a l’air super sympa. On danse un peu, ils boivent beaucoup. Moi je me contente d’une bière et d’un verre à mon arrivée, j’ai 3 jours de travail dans les pattes et la route m’a crevé mais je passe une bonne soirée.
1h : On devait dormir sur place mais Théo a l’air d’avoir changé d’avis, il me tanne pour rentrer à la maison. Comme je n’ai pas bu je fini par accepter à condition que ça soit moi qui conduise. C’est vrai que dormir dans mon lit me fait sacrément envie, on annonce la nouvelle aux copains qui ne sont pas ravis et prenons la route en promettant de faire bien attention.
1h15 : Des warning dans la nuit noire nous font ralentir, je rétrograde en première et roule au pas pour arriver sur un accident tout frais. Il ne semble pas y avoir de blessés mais de nombreux débris recouvrent la route. L’un d’entre eux faire glisser ma moto qui tombe dans une lenteur affligeante. Bien équipés et à cette vitesse là nous ne risquions rien, -même la moto n’a pas de trace- mais je remonte sans plus attendre par ce que je ne me sens pas en sécurité. J’invite Théo à remonter rapidement, le groupe de jeune autour de nous a l’air alcoolisé et tout peut déraper très vite. L’un d’entre eux me fout des grands coups dans l’épaule avec un air faussement réconfortant et fortement bourré, je presse Théo, j’ai peur qu’il ne finisse pas prendre la mouche et le remettre à sa place. Je démarre, et on rentre à la maison.
1h30 : Un arbre mort a été volontairement déposé au beau milieu de la route. Je l’évite de justesse et me retrouve coincée quelques dizaines de mètres plus loin : encore un barrage. On est pas en sécurité ici, il faut partir vite. Je jette un oeil aux alentours, il n’y a personne pour l’instant. Théo descend et on communique grâce à l’intercom de nos deux casques : “Si quelqu’un arrive, tu démarres vite et tu pars”, compte là dessus. Il s’empresse de me frayer un passage dans les débris, heureusement il a des gants, ils ont mis le feu à je-ne-sais-quoi et ça a fondu sur la route qui devient une vraie patinoire, je roule au ralenti, il remonte et s’empare d’une barre de fer, juste au cas où.
1h45 : Un peu moins d’une dizaine de barrages ont gênés notre progression mais tous sauf un étaient contournables, on s’est dépêchés et on vient d’arriver au niveau d’une camionnette de gendarme, maintenant nous sommes en sécurité. Le reste de la route se faire beaucoup plus sereinement et on retrouve notre lit quelques minutes plus tard.
J 142
11h30 : Après un réveil en douceur Théo souhaite m’apporter le petit-déjeuner au lit. Finalement les filles lui proposent une autre option : brunch en famille. On accepte et les rejoint pour manger à 4. Je fais des pancakes, Théo du chocolat chaud, Andréa fait chauffer le peu de pain qu’il nous reste. On se goinfre plus que de raison puis on redescend préparer nos affaires pour la suite du programme de la journée : première plongée du niveau 1, dans la passe en S, un spot connu mondialement pour sa biodiversité et sa beauté sous-marine.
13h10 : Le sac est prêt, il nous reste une petit demi-heure avant de partir. Que peut-on faire en une demi heure ? Une sieste bien sur ! Encore Ko tous les deux, on s’endort sans plus attendre pour une vingtaine de minutes.
13h45 : Bien requinqués, on prend la moto pour rejoindre le point de rendez-vous.
14h15 : Le bateau du club de plongée Nyamba vient nous récupérer au ponton de Mamoudzou après avoir récupéré ses premiers voyageurs sur petite terre. On monte à bord et… Bonjour le coloc de Bastien ! J’avais même oublié qu’il était moniteur, belle coïncidence. Finalement on ne plongera pas ensemble mais avec Lucas, qui nous encadrera avec Théo et un autre plongeur.
15h : Après un premier gros debrief sur l’installation du matériel, la communication sous l’eau, les exercices que nous ferons, la mise à l’eau et j’en passe, je saute du bateau pour m’immerger dans l’eau cristalline. Les conditions d’aujourd’hui ne sont pas les meilleurs : il y a du vent et des nuages, donc du courant et de l’eau “froide” mais ça sera largement suffisant pour passer un bon moment. Théo me seconde, puis Anoir, le 3ème élève. Je rejoins l’avant du bateau comme me l’a indiqué mon moniteur et m’accroche à la corde de la bouée n°13 à laquelle notre bateau est amarré. Anoir semble rencontrer ses premières difficultés, Lucas s’empresse d’aller le chercher pendant que nous attendons sagement les prochaines instructions. Après avoir dégonflé notre gilet, la descente commence doucement vers les profondeurs. On commence pas une petite balade histoire que notre moniteur voit notre aisance. On ouvre grand nos yeux et on profite du spectacle : des poissons de toutes les tailles et de toutes les couleurs se sont donnés rendez-vous ici manifestement. Les coraux immenses et aussi variés en nombre qu’en couleurs offrent un abris à une quantité de petits poissons curieux. La plupart d’entre eux ne semblent même pas perturbés par notre présence et vaquent à leurs occupations comme si nous n’étions pas là. Après les avoir admirés nous apprenons à nous mettre à genoux sur le sable, à vider notre masque sous l’eau, à lâcher/reprendre notre détendeur (embout par lequel on respire sous l’eau), et à tenter de se stabiliser sous l’eau, comme en apesanteur. Si je n’ai aucun mal avec les premiers exercices, le dernier nous donne du file à retordre à tous. C’est ce qu’il y a de plus difficile et ça s’acquière avec le temps et l’expérience. Anoir semble rencontrer de grosses difficultés et demande plus d’attention à notre moniteur. En attendant nous on s’amuse, on invente des signes et il me pince les fesses quand les deux autres ont le dos tourné.
16h : Après 61 minutes sous l’eau et 8,5 mètres de profondeurs atteints nous regagnons la surface. C’est tout un pataquès de remonter sur le bateau avec l’équipement d’une vingtaine de kilo sur le dos, plus les palmes et le masque que je tiens dans ma main, mais je fini par m’en tirer brillamment. On regagne nos places, ne perdons pas de temps pour nous déséquiper, prenons une rapide douche froide et nous empressons de nous sécher par ce que nous sommes frigorifiés. Je ne pensais pas qu’il était possible d’avoir froid sous l’eau ici, mais si ! Ensuite nous rejoignons tous les quatre l’avant sur bateau pour un débrief et la terre est regagnée.
17h : J’ai une faim de loup ! On s’arrête au camion blanc qui est plein à craquer pour boire un verre et manger un panini puis on reprend le chemin du retour, le plus collés possible pour se tenir bien chaud.
18h : On raconte nos exploits à la colonie, allons prendre une bonne douche et regagnons la chaleur de ma couette.
19h : Un film et 10 minutes plus tard on s’endort comme deux gros bébés.
J 143
3h : C’était à prévoir. Je me réveille pour une allergie et impossible de me rendormir.
4h : Toujours pas. Je capitule et ouvre mon ordinateur pour mettre ce temps à profit et écrire un peu. Me connaissant je vais me fatiguer, aller manger, puis me rendormir au petit matin.
5h15 : Je lâche mon clavier pour aller prendre un petit dej, Théo s’est rendormi, je me faxe hors du lit sans un bruit.
5h40 : Les premières lueurs du jour apparaissent quand une idée me traverse l’esprit. Ça fait un moment que je gardais ça dans un coin de ma tête et c’est l’occasion rêvée : je m’empresse de descendre pour réveiller mon amoureux : “Ouvre tes petits yeux, prends le plaid et suis moi”. A ma grande surprise il s’exécute sans poser de question. Je le tire par la main et l’emmène devant la maison, il comprend ce que je veux faire au moment ou je grimpe sur les barreaux de la fenêtre pour atteindre le premier toit, à son sourire je sais qu’il est d’accord. On marche à pas de loup sur la taule de notre grande maison en passant d’un toit à l’autre pour atteindre le sommet de celle-ci. Grace à notre hauteur nous surplombons la faune et la vue sur le lagon est imprenable. Alors on reste là, pantois, silencieux, les jambes dans le vide et les fesses à l’air. Les premiers rayons du soleil transpercent les nuages et fusent en longs faisceaux lumineux, jaunes incandescents. Les nuages épais s’imprègnent des oranges les plus beaux, et des bleus les plus doux. Les nuances sont splendides, il n’y a rien à ajouter, on reste là, plusieurs minutes à contempler la chance qu’on a.
6h10 : Il ne fait pas chaud alors on redescend de notre perchoir avant de croiser Alice qui part au travail et qui se demandait bien ce qui pouvait faire tout ce raffut sur le toit. Théo a les yeux encore tous collés, je l’invite à retourner se coucher et vais lui préparer un bon petit déjeuner qu’on mangera sous la couette. Jus de mangue, verre de lait, petits biscuits et bagel improvisé. Après ça on se rendort sereinement, et je me réveille 5 heures plus tard, enfin reposée.
11h30 : On se lève sans trop tarder.
12h45 : C’est le grand départ et crash test pour Oïkia que j’emmène à moto sur la route (la vraie !) pour la première fois. Bien en place sur mes épaules je démarre doucement et Théo me suit pour veiller au grain. On part en avance pour avoir le temps de faire demi tour au cas où la demoiselle n’est pas très coopérative mais je suis assez confiante. Je roule tranquillement, évite les à-coups et ne penche pas trop pour ne pas l’effrayer mais tout se passe comme sur des roulettes. Sur la route les gens s’exclament, sourient, et s’amusent de voir ma passagère, truffe au vent et pattes sur mon dos entrain de passer un bon moment visiblement.
13h26 : La barge est déjà là, comme la route à deux motos a été un succès on décide d’en laisser une sur grande terre pour ne prendre que celle de Théo cet après-midi. Il nous transportera moi et Oïkia en tant que deux passagères.
13h30 : Les chiens sont interdis sur la barge. L’accès ne m’y est pas refusé mais je dois rester avec elle sur le coté tout à l’arrière du bateau, avec les voitures. Même dans mon sac à dos le pont m’est interdit d’accès. Je me fais une raison, déjà j’ai pu monter sans caisse de transport, c’est plutôt cool.
14h : Départ pour la randonnée qui longe le tour du lac Dziani. Comme l’endroit est réputé pour être peu sécurisé notre groupe de randonneur s’élève à une bonne vingtaine. Avec la machette de Théo et Oïkia en plus, personne n’osera nous embêter.
14h10 : Cette dernière prend la tête de la marche et la gardera jusqu’à la fin. Je suis ravie qu’elle soit avec nous, et heureuse de la voir si épanouie, comme d’habitude les gens s’attendrissent devant elle, elle est belle et tellement gentille qu’on me félicite souvent.
14h30 : “Dziani” signifie “Lac” en Shimaoré. C’est un lac de cratère de l’île de petite terre. Sa couleur est verte à cause du souffre qu’il y a dedans et le contraste avec la mer qui ne se trouve pas très loin n’en est que plus spectaculaire. Les cocotiers qui l’entourent ajoutent au paysage des airs de paradis, et nous avons le bonheur d’observer plein de petites tortues de l’autre côté de notre sentier, au moment où elles regagnent la surface du lagon pour prendre de l’air.
16h : Une fois la randonnée terminée Théo, Oïkia et moi prenons la direction des piscines de papani. Un endroit sur cette île qui, à marrée basse, offre des piscines naturelles creusées dans la roche du sol. Nous sommes à marrée haute alors des piscines nous n’en verrons pas grand chose mais nous avons la plage pour nous. Seuls au monde dans ce petit bout de paradis, on savoure le moment pour barboter et flâner au soleil timide de cette fin de journée.
17h15 : Nous partons avant que la nuit tombe. Direction ma future coloc pour qu’Eric rencontre Oïkia et accepte une bonne fois pour toute mon arrivée dans la maison en juillet.
18h50 : On quitte mon futur foyer pour nous rendre au restaurant en tête à tête (avec la louve quand même!). La salle est jolie mais le service est très long. Si bien que nous mangeons en un petit quart d’heure avant de nous empresser d’aller régler pour pouvoir prendre la barge de 21h. Le repas n’était pas très bon, l’adresse n’est pas à retenir.
21h02 : La barge n’est pas encore partie, elle partira même avec un peu de retard contenant une ambulance à son bord. Je me dis à moi même que ça sera bientôt mon tour, je serrerais bientôt les fesses dans cette même ambulance pour que la barge arrive au plus vite et que j’ai le temps de transférer ma patiente à l’hôpital comme prévu.
22h40 : Enfin chez nous, une petite douche, je prépare mes affaires pour demain et tout le monde au dodo.
J 144
5h45 : Le réveil sonne et tout le monde se lève pour aller au travail. Se lever à deux c’est toujours plus facile, en plus on traine au petit déjeuner et on prend la route en papotant sur la moto. Le soleil se lève timidement et nous offre un beau spectacle pour bien commencer la journée. Je ne m’en lasserais jamais.
6h45 : Arrêt à la cafétéria pour acheter le petit déjeuner avant de filer en service.
7h : Je prends la relève de Sophie et deux navettes sont déjà censées partir à 7h30 avec 6 patientes.
8h20 : Toujours pas vu les ambulanciers. France, la sage-femme chargée des transferts, qui forme aujourd’hui Angèle, les a appelé 3 fois pour venir aux nouvelles. L’un était “entrain de faire du carburant”, l’autre n’a donné aucune excuse. Leur service commence à 7h, c’est vraiment des branquignoles. Je vois mes dames, vérifie mes dossiers, fais les prises de sang de mes bébés et on attend les résultats qui devraient sortir dans une demi heure en tant que “bilans urgents”. En attendant, le pédiatre voit ces petits bouts, et les navettes suivantes sont déjà prêtes et n’attendent qu’eux.
12h30 : 1h30 plus tard toujours pas de résultats. Je tente de faire jouer mes relations et sollicite trois fois mon laborantin préféré qui va se renseigner pour moi. Dans un premier temps les prélèvements n’étaient même pas techniqués, dans un second même pas lancés. La troisième fois, au moment où Théo allait solliciter son confrère une dernière fois celui-ci allait “prendre une pause” alors que le tube était encore oublié sur la paillasse.
13h : Le reste de la journée se mélange entre dossiers et entrées/sorties des dames.
17h30 : La cadre supérieure m’appelle sur mon téléphone de service : “Bonjour Thaïs, je viens aux nouvelles, combien de patientes avez-vous ? (…) Ah oui, et j’ai un petit service à vous demander (je la voit venir !), est ce que vous pourriez revenir en garde demain?” Aller, je suis là pour ça de toute façon. J’accepte, fatiguée et un peu déçue, j’étais contente d’avoir une garde isolée. Elle me rappelle 5 minutes plus tard et m’annonce une bonne nouvelle : “Bon j’ai vu qu’on vous avait un peu submergée ces derniers temps, alors j’aurais aimé alléger votre planning du mois de juin (15 gardes prévues…), mais à la place j’ai supprimé votre garde de samedi soir.” Super ! 6 jours de repos, ça va être top ! Ravie de la nouvelle ça me met du baume au coeur pour venir à cette garde de demain, pour laquelle je n’ai actuellement aucune motivation.
19h15 : Mon service calme me permet de faire les transmissions à la vitesse éclair. Sans perdre de temps je prends la direction de Passamainty pour un repas chez Hérine, Ninon et Cécile.
19h40 : On mange entre copains ce soir. Le barbuc est long à s’allumer alors je prends les choses en main et fini par cuire le tout à la poêle. La plupart de ces copains partent bientôt. La majorité des filles arrivées en même temps que moi ou un peu avant ont posé leurs démissions il y a peu de temps, épuisées par ce rythme si particulier et cette suractivité fatigante de stress. Je suis d’ailleurs l’une des seules à rester. On passe une excellente soirée, et je me sens vraiment bien mais la fatigue et ma garde de demain me poussent à rentrer sans faire de folie.
22h25 : Je quitte la soirée la première, après le dessert et après avoir embrassé mes hôtes.
22h45 : Arrivée chez moi je retrouve Théo, prends une douche rapide, vous écris quelques mots et ne me fais pas prier plus longtemps pour dormir.
J 145
5h40 : J’ai cauchemardé toute la fin de ma nuit. Persuadée d’être en retard à chaque fois je me réveille stressée. J’étais déjà pas très motivée pour travailler en salle de naissance aujourd’hui, j’ai encore moins envie ce matin.
7h : Après un arrêt “croissants” je me dirige vers le bloc obstétrical pour prendre la relève de la nuit. 2 des 5 sages-femmes d’aujourd’hui sont en retard à cause des bouchons alors on commence sans elles. Heureusement le service à l’air calme mais j’ai cette mauvaise sensation qui persiste : je la connais, elle ne me quittera pas de si tôt.
7h30 : « Thaïs, Mme Zainou pour toi ». Je prends le dect (téléphone intra-hospitalier) : « Venez tout de suite dans mon bureau ! ». Oh putain, qu’est ce que j’ai fais pour être convoquée chez la cadre sup ? Ça avait l’air urgent. J’ai fais une connerie ? Une de mes patientes va mal ? Qu’est ce qui se passe ? J’y vais à la hâte à la place de me diriger comme prévu en salle 4 pour une potentielle césarienne. Sur les 3 sages-femmes présentes, l’une est entrain de vomir dans les toilettes (début de grossesse ?) et l’autre part déjà sur un accouchement. J’espère que Zainou n’en a pas pour trop longtemps.
7h32 : Aucune boulette de ma part, juste un changement de dernière minute. Finalement je ne suis pas en salle mais encore dans les locaux de chirurgie ambulatoire pour les transferts. Ouf, j’avoue que ça me va très bien comme programme. Je passe en salle d’acc pour les prévenir : seules les sages-femmes de la nuit sont encore dans le bureau, plongées dans leurs dossiers. Après leur avoir demandé d’informer l’équipe de jour de ma mutation j’essaye d’en trouver au moins une dans le couloir. Salomé, au téléphone, me fait oui de la tête, à moitié concentrée mais au moins au courant. Pour être sûre j’entre même dans une chambre pour informer Line. Maintenant je peux y aller, Cassandra doit m’attendre.
7h35 : 8 patientes, 2 partent dans la demi-heure, 1 doit sortir et tout le reste est transférable. Je vais avoir du travail ce matin mais je devrais être au calme cet après-midi.
8h15 : Pour une fois j’ai le bonheur de pouvoir respecter le petit déjeuner des dames. Je me dépêche de voir ma sortie en premier lieu pour qu’elle puisse rentrer rapidement chez elle. Hier elle m’avait fais tut un pataquès par ce qu’elle n’était pas contente de rester. Pendant que l’aide soignante donne le bain à son 6ème bébé je m’applique à lui redonner les consignes habituelles : conseils de sortie, motifs de consultations, explications des rendez-vous, couchages etc. La maman s’amuse dans un premier temps puis s’agace : « Tu sais madame, à la maison c’est moi qui m’occupe de mes 6 enfants ». Je sais madame, mais si tu savais toutes les erreurs que je vois même chez les mamans de 10 enfants.
9h : Après ça je termine mon tour du matin, fais des vaccins, renseigne, examine, vérifie, consulte etc…
12h : J’appelle les suites de couches pour être sûre que le pédiatre ne nous a pas oubliés, les bébés et moi. La sage-femme que j’ai au téléphone m’assure que non, il est juste encore très occupé.
12h45 : Le laboratoire m’appelle : « T’es dispo pour aller manger ? » Théo passe à la cafétéria et me rejoint dans mon service. J’adore ces petits moments volés mais le travail nous appelle, on se sépare et c’est parti pour une après-midi tranquille.
13h15 : Finalement le pédiatre ne sera pas venu, volontairement ou pas, il est parti avant que je n’arrive à le joindre. Heureusement nous sommes en semaine, les nouveau-nés seront vus par un médecin sans problème assez rapidement.
14h : La première navette direction Dzoumonié est partie à l’instant, j’attends encore celle de Kahani et mon service sera vidé de toute patiente. Pour patienter je vous écris, et quand je serais enfin seule j’irais proposer mon aide en salle.
14h30 : La dernière ambulance aurait déjà due partir il y a un moment. Qu’est ce qu’elle fout ? J’appelle. L’ambulancière peu encline à travailler dès ce matin n’était visiblement pas décidée à venir, elle m’informe qu’elle ne va pas tarder. Heureusement que je téléphone.
15h : Mon service est vide. Je vais en salle proposer mon aide. Pas besoin de moi dans l’immédiat alors j’aide au tri. Je fais un dossier pour aider l’une des sages-femmes et tique devant les informations médicales qui se trouvent devant moi : Madame X, a accouché 6 fois et est enceinte de son 7ème enfant (jusque là rien ne m’étonne malheureusement), mais chose étonnante, elle a plutôt tendance à enchainer. En effet les dates d’accouchement se suivent sans discontinuer. Ainsi, elle a accouché en 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017. J’écarquille les yeux devant le dossier et m’exclame en voyant en plus la date de naissance : cette dame a mon âge !
16h45 : J’embarque avec moi une dame de la salle de naissance qui prendra la direction de Dzoumognié dans la prochaine navette. Juste le temps qu’elle mange et que je fasse son dossier que Camille n’a pas eu le temps de faire. Pour fluidifier la prise en charge de la salle je lui ai proposé de ne faire que son partogramme et sa déclaration pendant que je me chargerais du reste (papiers d’importances médico-légales qui imputent à la sage-femme responsable de l’accouchement). J’appelle les ambulanciers pour les informer de la navette qui partira incessamment sous peau : première objection “Oui mais non, Dzoumonié c’est pas après 17h”. Hier c’était 17h30, je peste. C’est vraiment quand ça les arrange. Je commence à m’agacer de devoir négocier pendant des plombes pour qu’ils fassent leur taf. Je perd un quart d’heure à négocier avec eux pour que le transfert se fasse. Du temps perdu à faire mon dossier que finalement je n’arrive donc pas à terminer dans les temps pour qu’ils partent avant 17h30.
17h30 : L’ambulancier en profite pour me faire du gringue, il va même jusqu’à me demander mon numéro. Gentiment remis à sa place il repart bredouille et mon équipe du jour éclate de rire.
18h25 : Ma seule et unique patiente est stable et restera donc au moins jusqu’à demain matin. J’espère qu’aucune maman n’attendra dans un couloir à cause du manque de place. Je retourne proposer mon aide ailleurs et fait la petite main jusqu’à l’arrivée d’Ambre.
19h25 : Je rentre à la maison.
19h50 : Ça sent bon jusque dehors. Mes deux boules de poils viennent m’accueillir au pas de la porte (Oïkia et Soifi hein, pas Théo), puis on mange à trois avec Eléonore avant d’aller se mettre au lit rapidement.
21h30 : J’écris ma journée, et ferme les yeux, je suis déjà fatiguée et j’ai 6 jours de repos devant moi pour me reposer, je compte bien en profiter.
J 146
5h45 : Théo quitte le lit. Je me réveille à peine et ai la satisfaction de pouvoir me rendormir.
9h45 : J’ai l’impression qu’il est au moins 2h de plus. Je suis reposée et traine au lit avant d’aller déjeuner. Pour le reste de la journée j’écris, range, plie le linge et profite du temps qui passe. Une petite balade au coucher du soleil avec ma princesse et on en profite pour se perdre un peu plus loin que d’habitude. On grimpe sur la roche et en prenant de la hauteur, les rayons de soleil qui se couchent sur la mer nous offrent une vue de rêve. Oïkia est en tête, le vide est de part et d’autre de notre chemin étroit, la mer et son lagon bleu transparent à notre droite, la faune et son vert intense à notre gauche. Je suis subjuguée d’avoir autant de chance et de m’en rendre compte aussi souvent.
17h30 : Théo coud pendant que j’écris mes derniers jours, ensuite je file me préparer et nous mangeons dans un des meilleurs restaurants de l’île ce soir. A l’hippocampe. Seul hic, c’est à 40 minutes de route, mais ça vaut le coup j’en suis sûre ! Et en plus vous savez quoi ? Je suis en repos.
19h15 : A deux sur la moto de Théo on prend la direction de Kawéni pour une bonne soirée entre amis.
19h50 : Un peu en avance on patiente devant le restaurant quand Théo reçoit une information importante : les résultats parcours sup sont sortis. Lui qui était déjà un peu perturbé ces derniers jours devient tout stressé et pâlît à vue d’oeil. Quand on y réfléchit, les résultats des prochaines minutes influenceront le reste de sa vie. Le résultat tombe : sur liste d’attente dans les 48 IFSI (Institut de formation aux soins infirmiers). Je sens qu’il est très déçu mais je m’y attendais un peu, les jeunes bacheliers restent prioritaires et les listes d’attentes vont forcément remonter en flèche. A leurs arrivées nos copains lui répètent la même chose alors il fini par se détendre et nous avouer qu’il aurait aimé être fixé. Être dans l’attente jusqu’au jour de son départ et incertain sur la suite du programme et de sa vie c’est forcément désagréable. Aller on va bien manger, ça va le remonter.
21h : Du foie gras en entrée (j’ai pas pu résister !), des ravioles de gambas, et une panna cotta partagée à 3 en dessert. Un délice ! A table nous sommes 20, et pour accompagner le tout, un bon Saint Emilion est servi à notre table. Un bon repas, du bon vin, des copains, cocktail parfait pour passer une bonne soirée.
23h : Le repas était top, mais au moment de payer l’addition le grabuge en arrière salle attire les oreilles de tous les clients restant. Le patron est entrain de passer un sacré savon à l’un de ses employés : “Tu refais ça une fois, t’es viré sur le champ et tu retournes dans ton pays de merde !”. Outrés, nous faisons comme si de rien n’était et la serveuse s’excuse pour lui. Le monde de la restauration est pire que le notre, pas de pitié, pas de cadeaux, pas de répit, et zéro reconnaissance.
00h30 : De retour dans notre petits nids, on s’endort comme deux enfants.
J 147
9h15 : Théo est parti au travail depuis 6h, moi je me lève et vais déjeuner avant que les employés de l’entreprise de dératisation ne viennent. A leur arrivée je m’inquiète des possibles conséquences pour nos amis les poilus : aucun risque, les pièges sont fait pour ne pas les mettre en danger.
11h : Je n’ai rien de prévu aujourd’hui et c’est un luxe. Je cuisine, j’écris, fais la sieste, profite de ma louve et la journée passe à une vitesse folle.
J 148
6h : Un mal de tête me scie le crâne en deux. Grace à ça, avant même de me lever je sais que la mauvaise période du mois est arrivée. La douleur est tellement puissante que j’en ai la nausée, sans plus attendre je me lève pour prendre un doliprane plus un ibuprofen avec un grand verre d’eau en croisant les doigts pour que ça fasse suffisamment diminuer la douleur pour que je me rendorme. C’est fou mais même dans mes rêves de cette nuit je ressentais la douleur.
7h : J’ai dû m’assoupir sur les dernières minutes, le mal est presque passé, grâce à ça je vais pouvoir tenir mes engagements et me rendre à la plongée de ce matin comme convenu.
7h40 : Finalement pas si passé que ça, j’ajoute un acupan à mon cocktail de ce matin et espère que ça finira pas céder.
8h : Ça n’a pas suffit, mais ça sera supportable. Avec 15 minutes d’avances on patiente au calme sur le ponton bondé d’un samedi matin. Les sorties en mer sont nombreuses aujourd’hui. Deux grands catamarans sont amarrés, plein d’autres petits bateaux récupèrent leurs clients pressés de le languir au soleil, mais les nuages semblent bien présents ce matin, j’espère qu’on aura pas trop froid.
8h30 : Le temps s’est bien rafraîchit ces derniers temps. La saison des pluies est bien passée mais la température a baissée par la même occasion, si bien que souvent, à moto, le matin et le soir, j’ai froid. Dans les couloirs de l’hôpital la nuit aussi, avec la fatigue. Les combinaisons déjà mouillées ne nous font pas très envie, mais une fois dans l’eau grâce à elles on se les pèlera un peu moins.
9h : Nous partons cette fois avec un autre couple et un nouveau moniteur qui nous demande si nous avons déjà manipulé le matériel. Manipulé non, mais on nous a montré alors on tente. Après quelques erreurs on monte notre matériel et quelques minutes plus tard, à la bouée n°5 bis, une fois nos palmes, masques et bouteilles en place on saute à l’eau sans réfléchir. Pas si froide que ça. On exécute quelques nouveaux exercices comme enlever et remettre totalement son masque sous l’eau puis on part en balade. Tout se passe à merveille jusqu’à ce qu’une douleur vive et intense me cisaille le sinus. J’en hurlerais presque sous l’eau. Mon moniteur voit que je me tiens en retrait : je lui fais signe, il comprend et me demande si je souhaite remonter. Je refuse, mais nous remontons de quelques mètres vers la surface pour atténuer la douleur peu supportable. Autre petit soucis technique, j’ai très fortement envie d’éternuer, il faudra que je pense à lui demander : ça se passe comment dans ces cas là ? Après ça on s’entraine encore avec quelques exercices et regagnons la surface, une heure est déjà passée.
10h : Le temps n’a pas été très cool aujourd’hui. Les nuages et le vent ne nous ont pas offert une visibilité et une chaleur idéale, la prochaine fois ça sera encore mieux j’en suis sûre.
10h40 : De retour à terre on va se réchauffer avec un café au lait au camion blanc, puis roulons pour faire des emplettes. De la vanille de Mayotte aux buénis, du nécéssaire de couture, des courses alimentaires et une paire de lunettes de soleil plus tard on rentre à la maison après un crochet par Passamainty. Théo vend sa moto pour son départ et le potentiel acheteur a l’air intéressé, il ne négocie même pas le prix.
19h30 : Après une après-midi au calme on reprend la route de la plage pour une soirée tapas avec la colonie. 2 copains s’ajoutent à la troupe et nous embarquons notre colocataire à 4 pattes pour qu’elle se dégourdissent la truffe sur le sable.
J 149
8h : Réveillés tous les deux, Oïkia n’a pas trainé pour nous rejoindre et on se prélasse à 3 dans le lit. Je monte préparer un petit déjeuner au lit, on fais un jeu de société puis on se lève pour cuisiner en fin de matinée.
11h : J’apprends à Théo à faire du foie gras maison. On dénerve, on ouvre, un peu de sel, de poivre, du cognac (ici du rhum faute de moyen ça sera un foie gras guyanais), on emballe le tout dans du papier plastique, bien serré dans un torchon et on plonge dans l’eau bouillante. J’arrête le feu, donne la consigne à la maisonnée de le laisser comme tel jusqu’à ce que l’eau soit froide. Après ça je commence le repas de ce midi. Au menu de l’agneau à l’indienne avec son riz basmati et ses naans, puis îles flottantes en dessert. Le Magimix est un vrai bijoux, je m’éclate avec, pour le plus grand bonheur de mes colocataires. La seule chose qu’il manque à mon gout c’est la balance intégrée, et je lui reprocherait également d’être trop compliqué à nettoyer. Bref, je fais ma popote et en attendant le monde ne s’arrête pas autour de moi. Quelqu’un vient acheter l’ancien ordinateur de Théo, et un colocataire potentiel vient visiter notre maison et boire l’apéro à l’occasion. Il semble intéressé mais 3 chambres se libèrent bientôt alors les options sont multiples, il me donnera sa réponse un peu plus tard.
13h30 : On passe à table, mon plat mijoté fait l’unanimité et le dessert encore plus. Après ça tout le monde roule jusqu’à son lit et chacun s’endort pour une sieste pas du tout méritée.
16h : Théo s’en va vers petite terre. Moi j’ai la flemme. C’est loin, et j’y habiterais plus tard, alors je reste pour écrire, promener ma louve, cuisiner encore, lancer une machine, aider Louise pour ses premiers pas en couture, et le soir est déjà là.
22h : Je m’éteint déjà.
J 150
8h30 : Une grande léchouille qui part du bas jusqu’en haut de mon visage. J’ouvre un oeil : ça c’est pas Théo. Oïkia se trouve à sa place et a profité de l’aubaine pour venir me réveiller à sa façon. Un petit dej puis on organise notre dernier mois tous les trois pour pouvoir faire un maximum de chose avant le départ de Théo qui descend de jour en jour dans les listes d’attente pour ses écoles d’infirmier.
11h30 : Il part au travail et moi je suis enfin à jour dans mon écriture, quel bonheur ! Au programme aujourd’hui : balade, cuisine, couture, et lecture peut être.
18h : Je viens de faire un confit d’oignon. Et si je faisais une tarte au citron meringuée ? Ce Magimix est vraiment génial, je ne m’arrête plus. Une heure plus tard je sers le foie gras et son confit, accompagné d’un bon muscat trouvé au Jumbo. Après ça on déguste le gigot que j’ai fait rôtir hier et pour finir la tarte préparée de la pâte à la meringue avec ce petit bijou de technologie. Il transforme même le sucre en poudre en sucre glace, c’est magique.
20h30 : La colonie ne veut plus que je parte avec tous ces bons petits plats, et pourtant il est temps de poster l’annonce pour me trouver un(e) remplaçant(e).
22h : Je m’endors déjà.
J 151
7h45 : Théo à les yeux grands ouverts. Pour moi c’est trop tôt, je me rendors un peu.
9h30 : J’ouvre un oeil et voit qu’il est sur la page de parcours sup’, je l’interroge du regard. “J’ai une place”. Super ! Je lui saute au cou pour le féliciter, c’est dans un bled paumé mais au moins il sera infirmier un jour, comme il le souhaitais, c’est sur ! Maintenant on croise les doigts pour que d’autres endroits comme Dijon ou la réunion lui offrent une place en IFSI également.
9h35 : Mon départ c’est dans un mois, celui de Théo coïncide à peu près, les choses vont aller vite. On a passé notre matinée d’hier à planifier nos derniers moments ensemble, les endroits qu’ils voulait absolument voir avant de partir, les choses qu’il voulait absolument faire avec moi. Avec le roulement de “un jour, une nuit, un vrai repos”, on ne va pas s’ennuyer.
14h30 : Cassy, une des sages-femmes de ma promotion de Montpellier, vient d’arriver sur l’île. Je lui ai proposé de venir passer l’après midi à la maison pour papoter un peu et lui souhaiter la bienvenue. Elle ne devrait pas tarder à arriver mais en attendant je me remets à la couture, il y a un moment de ça que je n’ai pas eu le temps de m’y consacrer.
18h : Cassy n’est arrivée il n’y a que deux semaines mais ne s’est pas ennuyée depuis. Elle me raconte ses débuts à Mayotte en allant promener la louve puis prends la route retour.
20h30 : J’ai rencard avec ma p’tite maman ce soir, ça fait des jours qu’on cherche à s’appeler sans y arriver alors on a fini par se donner rendez-vous. Un verre au Barakili ce soir m’est proposé, je décline l’offre, ça sera pour une prochaine fois.
J 152
5h50 : Je quitte à regrets la chaleur de mon lit pour aller au travail. Ces quelques jours de pause m’ont fait un bien fou, je me dirige vers les suites de couches requinquée. En enfilant l’un de mes deux derniers jeans (l’un ayant péri dans l’accident) un gros “crac” m’inquiète en provenance de mon postérieur. Je me penche pour regarder : “Crrr” oups, c’est pire. Aller poubelle, j’ai plus qu’à aller faire les magasins maintenant. J’emmène Alice en moto ce matin, on slalom entre les voitures bouchonnées en arrivant avec un peu d’avance dans nos services respectifs, juste le temps de se faire couler un café.
7h40 : J’ai du pain du la planche. Mon service à l’air plutôt cool mais j’ai plein de chose à faire, en plus de ça j’ai 5 places disponibles. Qui dit 5 places dit 5 potentielles entrées. Je commence mon tour sans plus attendre et fait déjà deux entrées en début de matinée. Après ça j’effectue une sortie, j’explique à une autre dame qui devait être transférée que le pédiatre a refusé et gère deux transferts qui partiront en début d’après-midi.
12h : Le médecin vient faire son tour, je n’ai pas grand chose à lui demander mais demande à ce qu’il vienne voir l’une de mes patientes dont la main a triplé de volume. “Oui oui, mais je l’ai déjà vu il y a quelques jours”. J’insiste pour qu’il se déplace et il fini par céder. Sa main est tellement grosse qu’elle ne réussit pas à tenir son bébé, ni à le mettre au sein, à cause de ça il commence à perdre du poids. Dr Abi a l’air pressé, je lui emboite le pas et à peine est-il rentré dans la chambre (sans se présenter) qu’il fait demi tour :
- Ah oui, ça s’est beaucoup aggravé depuis la dernière fois effectivement… Il faut qu’elle soit vue par un médecin en urgence.
- Un médecin peut se déplacer pour venir la voir dans le service ?
- Oui, oui, tu appelles la chir ortho et tu me tiens au courant.
Très bien, je téléphonerais dès que le secrétariat aura réouvert, ça me laisse pile le temps d’aller manger avec Théo qui vient de prendre son service. Il passe au self, et s’installe avec moi dans la salle de staff par manque de chaises disponibles en salle de pause (prises d’assaut par les AS). On mange en tête à tête au moment où Chloé, l’une des cadres, rentre dans la pièce pour une toute autre raison. Quelques minutes plus tard elle me prendra à part pour me signifier que je ne peux pas faire ce genre de chose. Que même s’il est de l’hôpital, il ne peut pas venir manger dans le service, et que la cafétéria est disponible si besoin. Ah oui, mais non. Je pense qu’elle ne se rend pas bien compte de la réalité de la situation et que non, jamais on ne peut se permettre de quitter son service pour aller manger là-bas. Déjà que prendre quelques minutes pour aller seulement y acheter à manger c’est limite…
13h : Un papa vient me chercher au détour d’un couloir. Mon café devra attendre, une pause de plus de 20 minutes c’était rêver de trop. Sa femme ne se sent pas bien, elle se trouve à l’entrée de la maternité alors je vais la chercher en fauteuil roulant. Une fois dans sa chambre je réexamine -juste au cas où-. Le pansement couvrant la cicatrice de la césarienne est baigné de sang. Je le change pour la deuxième fois de la journée et après avoir soulevé le pansement je constate que quelque chose qui ne devrait pas sortir, sort. Des cellules de graisse ? Les intestins ? les options ne sont pas très nombreuses. Je conseil à la patiente de ne pas regarder (personnellement je n’aimerais pas voir ça) et après avoir effectué mon soin j’appelle le doc sans attendre. “Tu mets un pansement compressif et je viendrais dans 30 minutes”.
15h : Une heure plus tard, il n’est toujours pas là, je le rappelle : “Ah mais vous ne m’avez pas retéléphoné pour me le rappeler”. Pardon ? Il viendra plus tard. Soit. En attendant qu’accueille une autre entrée, césarisée ce matin ma petite dame a l’air un peur fatiguée alors je la laisse tranquille après un examen rapide.
15h15 : Pour ma patiente à la main volume triple j’appelle le standard (n°1) qui m’envoie vers la chir ortho (n°2). Je tombe sur l’infirmière qui m’oriente vers le chirurgien (n°3), qui m’informe que ça n’est pas de son ressort mais de celui de la chir viscérale (n°4). L’infirmière m’oriente alors vers le médecin (n°5) qui s’exclame et me dit qu’il n’y peut rien, qui faut contacter l’anesthésiste (n°6). Ce dernier s’offusque et m’assure que c’est au gynécologue (n°7) de gérer ça. Après plus d’une demi heure passée au téléphone le Dr Abi m’informe qu’il faudra le rappeler demain matin pour lui rappeler d’envoyer la patiente en chirurgie ambulatoire au petit jour.
16h : Ma nouvelle patiente, fraichement revenue de sa césarienne n’urine pas (dans sa poche) malgré sa bouteille engloutie. Elle saigne de trop, et ça m’inquiète. Je rappelle le médecin plusieurs fois pour insister. Je lève la dame espérant faire tarir les saignements et réactiver toute la machine du corps humain mais c’est pire. 2 heures plus tard le médecin se déplacera enfin.
17h : La soeur de la patiente ayant un problème à la main m’appelle pour m’incendier. Je me fais presque hurler dessus pendant 15 minutes par ce que “nous sommes inconscients, que personne ne s’occupe d’elle et que je n’en ai rien à faire, qu’en plus de ça elle portera plainte contre l’hôpital”. Génial, je suis bien la seule à me préoccuper de cette petite dame et c’est sur moi que tout retombe, j’a-dore.
18h20 : Dr Abi est enfin dans mon service. Il vient voir la patiente qui saigne et sans se présenter demande à son mari de quitter la pièce. Celui-ci objecte qu’il souhaite entendre ce qu’on a à lui dire. Le médecin le renvoie elle lui disant qu’il lui dira, dans quelques minutes, après l’examen. Sans plus de précision il se place à coté de la patiente et lui écarte tout bonnement les jambes. Celle-ci n’obtempère pas et ferme les genoux aussi sec en se couvrant : “Excusez moi mais vous êtes qui?”. Il ne s’est même pas présenté, n’a même pas daigné donner raison de sa présence. J’essaye de me faire douce et de rassurer la dame. Je lui explique ce que le médecin aurait déjà du lui expliquer puis lui promets de repasser au plus vite pour reprendre les choses et la remettre au propre.
18h30 : Au lieu d’expliquer la situation au mari, le docteur passe dans la chambre d’à coté pour voir la dame à la cicatrice ouverte :
- Oui, bah c’est bien, vous avez refait un pansement compressif, c’est propre, on verra plus tard.
- Soulevez le pansement.
- Non, mais c’est bon on verra plus tard. (Je me bats déjà pour que tu viennes depuis des heures !)
- Soulevez le pansement.
- Bon d’accord, mais vous allez devoir refaire le pansement. (Ça on s’en doutait que ça ne serait pas toi.)
- Pas de soucis.
- C’est méché ? Dit-il en touchant la matière sortant de la cicatrice avec ses gants non stériles.
- Non.
Il ouvre de grands yeux et me dit discrètement :
- C’est l’épiploon… On va voir ce qu’on va faire.
- Soulevez encore.
- Non mais c’est bon, j’ai vu.
- Soulevez plus loin.
Il soulève et repose le pansement aussi sec : “On part au bloc tout de suite, c’est l’intestin”. Aller jackpot. Heureusement que j’ai insisté.
18h45 : Evidement il fallait que ça arrive à cette heure. Je prépare la dame à la hâte pour son passage au bloc. Emmène son bébé en nurserie et la reperfuse en vitesse.
19h05 : Personne n’est retourné voir ma patiente d’avant évidement. Je me dirige ver sa chambre pour lui expliquer les choses. Son mari est en colère et il a le droit. Je m’excuse à la place du chirurgien et avoue que ce n’est pas normal, qu’il ne faut pas hésiter à faire remonter ces informations. Parfois j’ai honte. Le problème c’est que si j’interviens c’est aussi mes autres patientes qui en pâtiront. Déjà que c’est compliqué de le faire se déplacer, si en plus je rentre en conflit avec lui ça sera mission impossible. J’ai honte. Alors j’explique à sa place. J’informe à sa place. Je rassure à sa place. Ensuite je change la dame, et je me dépêche d’aller faire mes transmissions. Juste avant de quitter la pièce le mari me fait une dernière requête. “Est ce que c’est possible d’avoir une sonnette ?” Elle est obligée de demander aux voisines à chaque fois, c’est embêtant. Bienvenu dans les chambres doubles de Mamoudzou, dans lesquelles nous avons mis un troisième lit, faute de place, et qui ne répondent certainement pas aux normes de sécurité. Désolée monsieur, sonnette impossible.
19h15 : Avec tout ce ramdam j’ai 15 minutes de retard. Ça ne m’arrive pas souvent et pour le coup ça n’est vraiment pas de ma faute mais je n’aime pas ça. Je me presse pour effectuer mes transmission auprès d’Elsa qui se chargera de mon service cette nuit.
20h : On devait aller boire un verre en ville mais finalement le programme est annulé. J’embarque Alice pour le chemin retour et on arrive à 20h30 à la maison en même temps que Théo qui s’était proposé pour cuisiner. Les filles ont refusé, prétextant qu’elles travaillaient demain et que ça nous ferait manger trop tard. A notre arrivée aucun repas n’est prêt. Visiblement elles s’attendaient à se qu’on cuisine quand même. Théo se fâche un peu et je pense qu’il a bien raison, elles ne font vraiment pas grand chose dans cette maison. On s’y met tous les deux pour aller plus vite et ce soir nous mangeront une tartiflette.
22h : A table ! On déguste et c’est un régale. Théo se charge de la vaisselle des ustensiles et je sais qu’il s’en arrêtera là mais personne ne lui propose de prendre le relai. Moins j’en fais mieux je me porte ici visiblement. On laisse le reste pour qu’elles le fasse et rejoignons le studio avant qu’il n’y ai conflit. Finalement même une femme de ménage ça ne suffit pas forcément dans une coloc de 6, la vaisselle, la lessive, la cuisine, autant de sujets à risque de disputes si chacun n’y met pas du sien. Pour donner raison à Théo, c’est vrai que je gère 80% des lessives, m’occupe de 50% des repas et fait toujours ma vaisselle. Dans une coloc de 6 c’est assez limite quand on y pense.
J 153
9h30 : Je monte pour déjeuner et constate que les filles n’ont même pas fait la vaisselle. Je passe outre et décide de continuer à ne plus me préoccuper de ce genre de chose, elles seront bien obligées de la faire un jour.
11h : Après m’être préparée des pancakes j’ai fait la popote pour essayer une recette qui m’a fait de l’oeil hier : des financiers à la pâte de spéculos. Et comme il me reste encore des jaunes je refais de la crème anglaise. Ce magimix est vraiment génial mais à cette allure là on va tous prendre 3 kilos.
12h : Après tout ça je me remets à la couture de ma jupe et vais même jusqu’à la finir. Pour voir le résultat final je l’enfile et hop, une jupe sur mesure est née. Plutôt pas peu fière de mon premier vêtement créé je le laisse sur la table pour que les filles puissent l’admirer.
14h30 : Il est temps de fermer les yeux, j’écris à peine, mais ne lutte pas trop et profite du sommeil pendant qu’il est encore là.
17h : Une bonne grosse sieste. J’ai quand même une sacré capacité à dormir c’est pratique. Je me dépêche pour aller faire un tour avec Oïkia puis pars sans plus attendre pour avoir le temps de passer faire un bisous à Théo au laboratoire.
N 153
19h : Léa me fait les trans d’un service que je connais déjà en grande partie. Finalement la dame à la main triplée de volume à cause d’une veinite n’en était pas une. Léa se moque gentiment de moi et me disant qu’on va bien d’entendre : c’était un abcès. La dame qui a saigné n’a plus saigné et la dame qui s’est éviscérée ne l’est plus. Me voilà rassurée. 24 heures que je me demandais ce que ces trois petites dames avaient bien pu devenir.
19h45 : Je commence mon tour que je finis rapidement. Ensuite je commence mes dossiers bébés et effectue une prise de sang sur l’un d’eux avant d’aller manger.
23h : C’est un luxe de pouvoir manger ensemble et d’en prendre le temps. Pour l’occasion j’ai emmené une partie des financiers que j’ai cuisiné avec amour ce matin.
23h : Bon, il est temps de s’y coller. Je fourre le nez dans mes dossiers et ne le ressors qu’à 2h du matin quand il faut aller aider en salle de naissances. Elles se retrouvent dans la merde alors tant pis pour les 3 derniers dossiers, ça devra attendre.
2h : Que des rythmes patho. Une autre sage-femme des suites de couches est venues nous prêter main forte, et encore une de grossesse patho. Le but c’est qu’on déblaye tout ça et qu’on fasse les dossiers fissa pour que ça suive un minimum. Les sages-femmes sont tellement débordées qu’elles n’ont pas le temps de nous donner la moindre information. Alors on cherche, et on trouve, et on fait.
2h30 : Sur le point de partir en césarienne code orange une gémellaire se présente aux urgences après avoir convulsé. Elle saigne abondamment et ses deux bébés se trouvent en bradycardie (gros ralentissement de coeur) depuis une durée indéterminée. La césar code rouge prend la priorité sur le code orange. J’appelle les pédiatres, on prépare les tables de réa et on s’attend au pire. Je répète les dosages à faire en cas d’urgence pour l’adrénaline, Mireille prend de quoi noter, les AS font le pied de grue. On est prêtes. Le premier bébé est là. Il ne va pas bien. La première équipe l’accueille et moi je prends le second qui ne tarde pas à venir, il ne va pas bien non plus. Aucune réaction, zéro tonus, il est blanc et ne respire pas, son coeur est absent ou presque. Aller je lance un apgar, elle l’aspire, je stimule, une autre sèche, ensuite on ventile. Les réactions et mouvements respiratoires n’apparaitront qu’une vingtaine de minutes plus tard, mais son coeur et sa saturation, grâce à nos soins ont grimpés en flèche assez vite. Une fois cette parenthèse terminée je retourne à mes papiers et me demande bien comment elles auraient fait si on était pas venues en renfort. Une gémellaire c’est souvent deux sages-femmes au bloc. 2 en réanimation. Sur une équipe de 4 avec un bloc obstétrical plein ça aurait été compliqué.
3h30 : Deux examens bébés, des dossiers, un vaccin. Les dames accouchent tellement partout que Mireille accouche une dame qui n’est pas à elle, en pensant qu’elle était une autre patiente.
3h45 : Un autre code orange est déclenché, j’aide à préparer la dame, une fois prête je brancarde, redescends et continue à faire la petite main.
4h30 : Il y a deux dames en césarienne, une qui devait avoir une ventouse mais n’en a pas par ce que tous les médecins sont occupés, et au moins 3 rythmes qui mériteraient un accouchement imminent. Pour la ventouse on appelle la plus vielle sage-femme présente ce soir pour se substituer au médecin (en cas de force majeur, on peut outrepasser nos compétences si le médecin nous l’autorise, comme en dispensaire par exemple). Finalement l’interne réussira à se détacher au dernier moment du bloc opératoire pour faire l’instrumentation.
4h45 : Une autre dame arrive de transfert. Selon la sage-femme qui l’accompagne son bébé fait des ralentissements de 4-5 minutes, il faut qu’elle soit prise en charge en urgence mais nous n’avons plus de place…
5h30 : Après avoir aidé comme j’ai pu la situation s’est un peu calmée. J’en profite pour retourner dans mon service et commencer ce que j’ai à faire. Le tour du matin, un dextro, un examen, un biberon, un rythme, quatre cycles de tension et ma relève ne tarde pas.
6h45 : Mélina m’offre de commencer mes transmissions.
7h05 : Elle connaissait une partie du service et ne voulait pas perde de temps visiblement. Grace à ça je finis plus tôt qu’à mon habitude et profite de l’aubaine pour passer une tête dans le bureau des cadres. Mon problème d’indemnité concernant mon arrêt de travail d’un mois et demi n’est toujours pas réglé. Cette vieille chouette de Zainou s’offusque pour une broutille et se radoucie quand elle voit que ça ne me fait ni chaud ni froid. Puis je rentre, dans mon lit, après un bon petit déjeuner je tombe de fatigue.
J 154
16h : Après deux réveils je me force à sortir du lit pour réussir à dormir ce soir. Je lutte les heures suivantes pour ne pas me rendormir. Oïkia, elle, s’en est donné à coeur joie aujourd’hui avec les filles qui sont allées marcher dans la ville d’à coté.
19h : Après une heure de lutte à garder les yeux ouverts, et d’écriture, il est temps de me préparer pour le repas de ce soir. Nous allons au restaurant avec les anciens colocataires de Théo, à “l’effet mer” pour être précise. Un bon restaurant de passam.
19h45 : Je retrouve mon amoureux aux malgaches. Il prend la tête et je le suis dans un petit chemin à l’écart de la ville. Après un début de montée assez chaotique je lui demande s’il est sûr d’être au bon endroit. Oui, oui, c’est bien là-bas un peu plus loin, après une grande montée pleine de trou, et un banga.
23h30 : On a passé une excellente soirée autour d’un très bon repas. Les plats sont très bon, les prix sont corrects, le serveur est gentil. On en demande pas plus !
00h45 : Je m’endors en une minute chrono.
J 155
9h15 : Théo est réveillé depuis un bon moment. Je sais qu’il est temps de me réveiller moi aussi mais c’est dur… Le programme de la journée est déjà fixé : marché de Coconi ce matin (n’a lieu que tous les premiers samedi du mois), plongée cet après-midi. Pas de temps à perdre !
10h : On est partis. A deux sur la moto on roule direction le lycée agricole de Coconi, où visiblement tous les Mzugus se sont donnés rendez-vous. On ne perd pas de temps pour acheter deux bouteilles de jus frais avant qu’il n’y en ai plus. Moi je penche pour Banane/passion/papaye, Théo pour une autre. Après ça on se perd dans le marché artisanal et faisons nos emplettes. Une bougie pour moi, de la cannelle pour lui. On croise Eléonore, Agnès, Lilou, Marie, et pleins d’autre avant de prendre le chemin retour.
12h10 : J’ai lutté toute la matinée pour garder les yeux ouverts. Il faut absolument que je dorme un chouilla pour être en forme cet après-midi. Je nous confectionne des pains pita et profite d’une sieste d’à peine une demi-heure avant de prendre le cap vers la capitale.
14h15 : Après un petit quart d’heure au soleil sur le ponton le bateau arrive. On monte sur le bateau sans se faire attendre et commençons à préparer notre matériel. Une fois chose faite et après être arrivés à bon port (ou à bonne bouée dans ce cas précis) je fais un grand pas pour me jeter à l’eau. Ensuite nous plongeons avec Lucas, le moniteur de notre première plongée, et pour aujourd’hui ça sera un tête à tête. La descente est engagée et à peine quelques mètres plus loin je bloque. Une douleur affreuse me scie le crâne au niveau des sinus. C’est une douleur tellement aiguë qu’elle est difficile à décrire et difficilement supportable. Je fais signe plusieurs fois à mon moniteur qui prend le temps de remonter à chaque fois. A chaque descente le même problème. Je m’agace et commence à perdre patience, ça fait tellement mal que j’en pleurerais presque. Je suis à deux doigts de tout arrêter mais… pauvre Théo. Je prends sur moi, ça passera. De toute façon quand ça fait trop mal je suis incapable d’aller plus loin, alors on ira à mon rythme et tant pis si c’est plus long. La plongée se déroule, et la profondeur souhaitée de 15 mètres est tout de même atteinte. Je ne suis pas très concentrée sur ce qui m’entoure et j’ai même assez rapidement froid. Le nouvel exercice d’aujourd’hui c’est la panne d’air. Mais sur nous. Le moniteur ferme notre bouteille sous l’eau pour que nous ressentions le manque d’oxygène au cas où le manomètre (servant à renseigner le taux d’air dans la bouteille) soit défectueux. Une fois ces manoeuvres effectuées la balade continue. Deux tortues, une murène, une éponge géante et Théo me fait tout à coup de grands signes de panne d’air. Ça faisait un moment que je le gardais à l’oeil, juste au cas où, depuis qu’il est en zone rouge de sa zone d’oxygène. La surface n’est pas loin mais je panique un peu. Je me demande d’abord si c’est une blague ou un exercice mais comprends rapidement que c’est un réel problème. Je me dépêche et dans la hâte je lui présente mon détendeur de secours à l’envers, et ne réussi pas à l’enlever de sa sécurité. Lui est beaucoup plus calme, il détache la sécurité et respire un grand coup dans ma bouteille. Je l’attrape par dessous le bras comme il se doit et nous regardons autour pour trouver notre moniteur… Introuvable. Bon, on cherche quelques instants puis je fais signes à Théo de regagner la surface, il doit nous chercher et doit être remonté. Une fois là haut, je le vois. Théo respire au grand air, je m’empresse d’aller le chercher seule et lui fais de grands signes. Une fois proches du bateau et tous les trois, j’enlève mon masque pour plus d’aisance. Théo écarquille les yeux : “Mais qu’est ce qui t’arrive ?!”. Je touche mon nez et comprends vite. La moitié de mon visage baigne dans le sang. Visiblement les sinus c’était pas du cinéma. Je rince tout ça et on remonte pour se sécher et débrifer. La manomètre de Théo était bel et bien défectueux. Belle coïncidence d’avoir fait cet exercice quelques instants plus tôt. Pour ce qui est de mes sinus je ne pourrais rien y faire à part consulter. Le problème est récurrent, et visiblement quelque chose cloche. Avec toutes mes allergies rien d’étonnant.
17h45 : Un petit rituel camion blanc avant de rentrer, de prendre une bonne douche et de se mettre au lit. J’écris pendant que Théo récupère avant de partir en soirée. Moi je reste sage, le travail m’attend déjà demain.
J 156
7h : Mélina me fait la relève de notre service de suites de couches puis je commence ma journée. Encore une fois mon service est traitre. J’ai pas mal de places donc moins de dames, mais vu l’activité du moment j’aurais aussi pas mal d’entrées. Après mes transmissions avec l’équipe de puériculture et celles de sage-femme chargée des transferts j’attaque mon tour sans attendre. Avant même d’avoir fini j’accueille une nouvelle patiente. Je sais que deux des miennes doivent déjà être transférées et 3 sorties sont potentielles.
11h : La difficultés aujourd’hui c’est que largement plus de la moitié de mes patientes ne parlent pas un mot de français. Pour les questions de base je maitrise mais dès qu’il s’agit d’expliquer quelques chose c’est tout de suite beaucoup plus compliqué. Je perds un temps fou à chercher mon AS qui travaille assez bien aujourd’hui, je dois le dire, mais qui n’est jamais dans le service.
11h45 : Le médecin est là pour faire le point sur les dossiers. Je présente rapidement mon service et parmi mes patientes, l’une est tombée à 6,2 d’hémoglobine. A ce stade ça vaut une transfusion sanguine mais le doc d’hier a simplement voulu supplémenter avec du fer par voie orale. Je demande un second avis, juste au cas où, et la décision de transfusion est prise. 2 poches de sang à passer dans l’après midi. Avant ça je m’occupe d’un tas de choses, des surveillances, une entrée, un examen, une sortie, un transfert, un test PCR. Les filles souhaitent aller manger et m’invitent à les rejoindre. L’une d’entre elles me dit “Tu sais, si tu manges pas avant ta transfusion, soit tu manges à 16h, soit tu mangeras pas du tout”. Bon d’accord, après tout ça fait 2 jours qu’elle est comme ça ma petite dame, rien d’urgent mais je finis d’abord ce que j’ai à faire. L’une des choses qui m’embêtent le plus dans mon travail c’est la charge mentale. Je ne sais pas si le concept parle à grand monde, mais elle est tellement lourde chez nous qu’elle nous empêche parfois d’avancer et nous faire perdre du temps à vouloir tout faire de façon simultanée. La charge mentale c’est vérifier les saignements d’une césarienne pendant qu’on pense à enlever le cycle tensionnel de la chambre 3, récupérer le bilan du bébé de la 10, faire une prise de sang à la 4, entamer les papiers de sortie de la 1 et qu’on se fait interrompre par 3 coups de téléphones (dont un qu’un devra rappeler absolument, juste après, là, quand on a fini) qui nous donneront 3 nouvelles choses à penser, 1 sonnette, et un papa qui vient nous demander quand est ce que sa dame de la 13 va sortir. Vous saisissez ?
13h30 : Ma future patiente transfusée n’a pas de bilan à jour. J’en pique un en urgence que je descends immédiatement au laboratoire moi même pour éviter de perdre du temps que je n’ai pas et espérer le récupérer dans 30 minutes, délai légal d’un bilan urgent.
14h45 : J’ai fais ce bilan il y a maintenant une heure, après vérification il n’est même pas enregistré sur le serveur. J’appelle le laboratoire sans plus attendre et l’interlocutrice me répond sans détour : “Oui, mais on manque de secrétaires alors le week-end il n’y en a pas. Je pense que personne n’a vu que ce bilan était arrivé. (Sérieusement ?) Il n’y a personne vers l’accueil. (Ça sera bien de le signaler non, du coup ?)”. Ensuite elle me demande d’appeler le dépôt de sang qui gèrera directement le résultat nécéssaire.
16h10 : Près de 2h30 plus tard le résultat me permet d’avoir accès à mes poches de sang. Mon AS est toujours introuvable, pas le temps d‘aller la chercher partout, je m’en occupe moi même dès que j’ai fini ce que je suis entrain de faire (charge mentale). Actuellement je fais les transmissions avec l’infirmière puéricultrice qui a fini sa journée. Seule avec tout ce service elle est débordée. On découvre qu’une prise de sang a été manquée, elle la fera avant son départ, mais n’a pas le temps de perfuser d’un de nos bébé transféré pour lui donner ses antibio. Ça sera en intra-musculaire alors, et pour ma pomme. Je me dépêche de descendre au laboratoire, et fais même un aller retour gratuit puisque je ne savais pas qu’il fallait descendre certains essentiels.
16h45 : Je commence ma première transfusion solo. Ce geste n’est pas bénin, pas habituel, et rempli de paperasse. Je reste un premier quart d’heure au chevet de ma patiente après toutes mes vérifications comme le veut la procédure, puis continu ma tournée en revenant régulièrement vérifier qu’il n’y a aucune réaction anormale.
18h15 : Pile une heure et demi, comme il faut. Ma patiente n’est pas morte, je pense qu’on peut dire que c’est une réussite. J’enchaine avec la deuxième poche de sang et reste encore 15 minutes au près d’elle.
18h45 : Ma relève ne va pas tarder et j’ai encore pas mal de chose à faire. Le retard du labo m’agace, s’ils avaient fait leur boulot je serais dans les temps. Léa, qui n’a plus rien à faire, propose son aide que j’accepte avec plaisir. Elle fait les antibiotiques au bébé que j’aurais du faire il y a maintenant 3/4 d’heure. en attendant je mets mes transmissions à jour, récupère certains résultats et… Mince, encore un bébé à mettre sous antibiothérapie. J’imprime ma relève et Elsa est déjà là pour récupérer mon service.
19h30 : Comme je suis intéressée par la pose de perfusion chez un nouveau-né (que je n’ai jamais fais), je reste. Il est rare dans les hôpitaux que cette tâche impute aux sages-femmes alors j’apprends le geste, et prends des notes pour pouvoir l’effectuer seule, en cas de besoin. A Dzaoudzi par exemple.
19h45 : Mon premier essaie est un échec mais il faut dire que ce petit bout, bien qu’il soit compliant, n’a pas de très bonnes veines. Je réussi tout de même à percer ce tout petit vaisseau sur le dos de sa main, aussi fin qu’un cheveu mais qui s’éclate malencontreusement quelques secondes plus tard. Elsa essaye à son tour, même résultat. Il avait déjà été piqué deux fois pour une prise de sang, tant pis, ça sera en intra-musculaire pour cette fois et l’équipe des infirmières de demain réessaiera.
20h : Visiblement on m’attend au QG des makis sauvages ce soir. J’y vais un peu méfiante par ce que Théo a l’air de mauvais poil depuis hier. Finalement je fais un grand sourire et me dit que ça lui passera, qu’en faisant comme si de rien n’était ça ira. Erreur, je passe une excellente soirée mais lui se met à bouder dans son coin. Quand je l’interroge il me dit qu’”il n’y a rien”, alors je baisse les bras et rentre seule après qu’il soit parti sans moi pour raccompagner Agnès. Une fois à la maison la soupe à la grimace est au programme de la soirée. Je commence à le connaitre quand c’est comme ça ça dure jusqu’à tard dans la nuit et c’est bien dommage. Après que je lui ai tiré les vers du nez il m’avouera qu’il s’est vexé, que je n’ai pas eu la bonne réaction, mais qu’il n’y en avait pas et qu’il aurait boudé dans tous les cas. J’avoue que d’habitude je peux avoir un caractère de cochon, un peu (beaucoup) têtue sur les bords et rancunière. Mais avec lui pas de luxe d’être un peu de tout ça puisqu’il l’est lui même. Après plusieurs heures de conflits on s’endort réconciliés, et moi perplexe.
J 157
8h30 : Je somnole par ce qu’il est réveillé à coté de moi. On dit que les animaux sont des perturbateurs de sommeil, on ne parle pas des compagnons, et pourtant… Je suis de garde cette nuit, une grasse matinée aurait été de rigueur mais tant pis, à la place je me lève et profite de ma journée pour écrire, cuisiner, promener ma louve qui s’amuse à courir après les oiseaux posés sur le sable.
12h : Après plus d’une heure d’écriture je ferme les yeux pour une sieste anticipée. J’ai encore pas mal de choses à faire mais tout à l’heure, là le train du sommeil est entrain de passer.
N 157
19h : Ambre me transmet un service que je connais déjà à moitié. La plupart des dames que j’ai quitté il y a deux jours à peine sont encore là. Par contre j’apprends par la même occasion que le bébé mis sous antibiothérapie lors de mon dernier départ (pour un résultat sanguin démontrant une infection) n’était pas réellement infecté. J’ai commis une erreur, visiblement le résultat que j’ai vu n’appartenait pas à cet enfant, j’ai du taper un mauvais chiffre dans la base de donnée. Ou alors le serveur est resté sur une ancienne page. Zut. Je vais m’en vouloir pendant plusieurs jours et ça sera bien mérité.
19h45 : Je commence rapidement mon tour, et cette fois Loeiza, l’aide soignante m’accompagne pour la traduction. Une chance quand on sait que seulement quelques unes de mes dames parlent français. Après 13 examens, une prise de sang, un soin de cicatrice et 4 lovenox j’enchaine avec deux dames à voir pour Line en Covid, qui doit recevoir deux consultations suspectes d’avoir contracté le virus.
23h : J’effectue le prélèvement d’un marqueur infectieux chez l’un de mes bébés puis c’est l’heure d’aller manger. Ah non finalement j’ai plein de petites choses à faire, ça devra attendre.
00h30 : J’accueille une césarienne puis on mange. Les filles ont fait des crêpes pour le dessert, j’en goute une, juste par politesse. Mais rien à voir avec celles de ma petite maman.
1h30 : J’ai bien besoin d’un café.
2h : Je n’ai toujours pas commencé mes dossiers.
2h30 : Il est temps de m’y mettre. Je commence enfin après avoir vu mes dossiers bébés. Au cours des 3 prochaines heures je trouve quelques erreurs, certains oublis. On fait un tel nombre de dossier par jour qu’à force, forcément, il y a des détails qui clochent. Je fais deux prises de sang en conséquences puis commence mon tour du matin : 5 prises de sang, un cycle tension, la préparation d’une césarienne programmée, une entrée qui fait de mon service un service plein, des antibio bébé en intra-musculaire par ce que personne n’a réussi à le perfuser et je vois le bout de ma nuit.
7h35 : Déjà fini. Je file me changer dans un vestiaires qui fuit, et attends Théo qui ne devrait pas tarder. Il est parti un peu plus tôt pour déjeuner avec moi.
8h45 : Enfin dans mon lit.
J 158
12h : J’ai l’impression de ne pas avoir dormi. Je peine quand même à me rendormir.
14h : Je crois que c’est foutu pour aujourd’hui. Tant pis, je vais être ko mais autant me lever maintenant. Je vais manger un petit-déjeuner / déjeuner puis me penche sur mon ordinateur pour écrire un peu et préparer l’intervention que je vais faire demain pour former une douzaine de personnes à l’accueil de nouveaux-nés et de leurs mères. En tant que bénévole dans l’association Répéma (association chargée de la prévention santé mère-enfant sur Mayotte) je me suis portée volontaire pour former un certain nombre de personnes dans le but qu’elles soit aptes à encadrer de nouvelles et très jeunes mamans. Pour ça j’aborde un peu toute la vie d’un nouveau né, de son alimentation à son bain, de la sortie du ventre de sa mère à ses premiers mois. L’intervention ne m’inquiète pas plus que ça, j'ai l'habitude de donner des cours, mais la préparation me demande un peu de temps. Le temps est un luxe en ce moment, je sens bien que ce mois-ci va passer à une vitesse vertigineuse.
15h30 : Théo est de retour, le programme d’aujourd’hui c’est randonnée en amoureux (+Oïkia) pour aller voir les sources d’Iloni. Je saute dans une combishort confortable, enfile mes baskets et c’est parti pour un tour. Ma louve n’attend que ça depuis ce matin. On suit le peu d’indications floues que les filles nous ont donné pour rejoindre ce petit coin isolé. Après quelques tours et détours les sources ne sont pas atteintes à cause de la marée haute mais notre balade est jolie. Des baobabs puissants se laissent admirer et transpirent la lumière par leur feuillage. On s’abandonne à se perdre dans les forêts intenses et tant pis pour les sources. Oïkia n’est pas loin, le temps est doux et une légère brise facilite notre escapade.
18h : Le reste de la soirée sera consacrée à ma préparation pour demain. Je potasse, prends des notes, prépare, et construis un peu.
23h20 : L’heure est passé à une vitesse folle. Il est temps de dormir, je ferme les yeux et m’endors en quelques instants.
J 159
6h45 : C’est dur ce matin. Je me lève à contrecœur mais espère que ce que je vais faire est utile. Aujourd’hui je donne une formation chez LVA, l’association qui accueille des jeunes mamans mineurs et à situations précaires, de la naissance jusqu’aux 3 ans de leurs petits bouts. Le but ce matin c’est de leurs donner le plus d’informations possible concernant les mères et leurs nouveaux nés en passant des suites de couches à la sécurité d’un enfant et de l’alimentation au sommeil. J’ai plein de choses à dire, et j’ai préparé un peu mon speech hier soir mais je connais bien mon sujet alors les choses me viennent spontanément.
11h30 : Pas tout à fait 4 heures mais c’est déjà bien assez. Parmi les personnes présentes aujourd’hui, une jeune maman et un futur papa, au total une dizaine de personnes aux postes variés : maîtresse de maison, aides soignantes, animateurs, psychologue, assistante sociale et veilleuses de nuit.
12h : je fais un crochet par la capitale pour manger avec Théo et m’arrêter faire deux trois courses. Après ça je règle deux trois détails et consacre le reste de mon après-midi à mes activités du moment : écriture, Oïkia, cuisine et couture.
20h : Le patron de ma robe est fait et le tissu découpé, le diner et le dessert sont prêts. J’écris jusqu’au soir et me couche tôt, la fin de la semaine va être difficile et s’annonce chargée.
J 160
6h45 : Aujourd’hui mon planning était prévu en salle. Comme en ce moment les choses changent beaucoup je vérifie au cas où avant de me présenter dans le service. Jackpot, je suis en suites de couches. J’avoue que l’idée ne me déplait pas, c’est partie pour deux jours de service et ça me va.
7h30 : Lili me transmet un service assez cool. Il y a de la place, des patientes stables, rien pour me plaindre. Je commence avec mon tour du matin que je débute dans le calme. L’aide soignante n’a pas l’air vouloir venir m’aider mais tant pis pour elle, si elle croit que je vais prendre les constantes à sa place elle se fourre le doigt dans l’oeil.
9h30 : Maude est entrain de voir l’une de mes chambres (puisqu’elle a elle même une étudiante en dernière année qui gère son service). Je rentre donc dans ma dernière à voir, quand mon AS daigne venir pour l’examen du jour. Presque contente que j’ai déjà quasiment terminé elle semble déçue quand je lui précise ne pas avoir pris les tensions, pouls et températures. Quand elle s’aperçoit qu’elle va devoir s’en occuper elle m’informe qu’elle n’a pas de thermomètre. Je tente d’en chercher un à sa place pour lui faciliter les choses mais pour l’instant aucun n’est disponible, ça devra attendre un petit peu.
11h30 : La journée est calme, j’ai déjà cadré mon service et n’ai besoin du doc que pour deux trois signatures et une autorisation pour une sortie. Après ça je gère deux trois détails et l’heure de manger vient déjà. Je m’assure que mon aide soignante à bien pris soin de prendre les températures : toujours pas. J’insiste, il faut qu’elle le fasse.
14h : J’ai proposé mon aide partout et plusieurs fois : au tri, en salle, des autres cotés de mon service et même en nurserie. Comme personne n’a besoin de moi je vais papoter en patho avec Alice, après ça j’aide à réaliser des prises de sang bébé et quelques vaccins BCG. Avant ça je demande une troisième et dernière fois à ce que les température soient prises, elle fini par céder. C’est fou quand même, c’est ton travail ma vieille.
16h : L’assistante sociale me contacte pour prendre connaissance d’un dossier de l’une de mes dames, signalée pour ses tentatives de suicides récurrentes dont une pendant sa grossesse. Son désir de mettre fin à sa vie tient à l’immense précarité financière et sociale que subit cette jeune femme, prise au piège par sa tante. La professionnelle me décrit un peu sa situation et j’apprends que cette jeune maman est totalement coincée. Que la tante en question à la main mise sur tous ses papiers d’identité, ainsi que sur ses cartes de séjours et procédures en cours à la préfecture. A cause de ça elle travaille même sans rémunération, n’a aucun moyen de se sortir de cette impasse, et ce malgré ses 21 ans. Avec un bébé elle se retrouve désormais pieds et points liés. Le problème c’est que dans ces cas là j’aimerais tellement aider ces personnes que je serais prête à leur ouvrir ma porte, mais que malheureusement, des situation comme celle-ci j’en rencontre tous les jours.
19h15 : Théo m’a mis la pression pour que je me hâte à le rejoindre. Il m’attend chez Manureva pour une pizza, et comme mon service est royal aujourd’hui j’arrive à finir à l’heure (en suites de couches c’est bien la première fois). J’ai calculé qu’en anticipant et en montant mes affaires civiles dans le service, en imprimant ma relève à l’avance et en faisant mes transmissions à quelqu’un qui connait déjà les dames du service (et donc pour laquelle je n’ai pas à détailler toutes les transmissions), seulement avec toutes ces conditions réunies j’arrive à finir à l’heure. C’est à dire qu’en temps normal, nous finissons 30 minutes en retard tous les jours en moyenne. Soit 13 gardes en moyenne sur le mois, ce qui revient à plus de 6h de travail supplémentaire et non déclaré par mois. Une garde tous les deux mois, et donc 6 gardes “offertes” au service public, sous prétexte que “ça fait partie de notre travail”. C’est dingue quand on y pense.
19h50 : Après une bonne pizza on file chez les makis sauvages pour une soirée film. Une fois là-bas on traine un peu et on met du temps à se décider pour un film.
22h15 : Je suis fatiguée. Je sens une migraine pointer et ne traine pas, tant pis pour la fin du film, je serais bien dans mon lit et travaille demain.
23h : Enfin couchée, j’ai vivement mal à la tête et essaye de vite m’endormir pour que ça passe. Je sens Théo me rejoindre quelques dizaines de minutes plus tard, et je m’endors jusqu’à la prochaine allergie de la nuit.
J 161
5h45 : J’ouvre un œil, j’ai toujours mal à la tête. J’espère que ça passera. Je commence pas un Doliprane et prends la route du travail sans me poser de question.
7h : Je récupère le même service qu’hier. Ça va plutôt vite puisque je connais presque tout le monde. Après de rapides transmissions j’entame mon tour du matin que je fini rapidement.
9h30 : Mes deux patientes qui devaient être transférées ne le seront pas faute de place dans les maternités périphériques. Comme la place ne manque pas trop pour le moment on peut se permettre de les garder.
10h : J’ai fini mes examens du jour mais mon mal de tête n’a pas cessé. J’englouti un ibuprofen en priant pour que le reste de la journée ne soit pas trop compliqué.
12h30 : L’heure du repas. Je me suis bien occupée en fin matinée et mon programme du reste de la journée va s’en trouver allégé.
13h30 : Maintenant que j’ai l’estomac plein ça va beaucoup mieux. Je débute les 4 sorties que j’ai à faire et commence par deux d’entre elles en attendant que la mère de la nouvelle maman mineure de 13 ans soit là pour enchaîner avec cette troisième.
15h30 : Avant de la laisser repartir chez elle l’assistante sociale tenait à s’entretenir avec sa maman pour mettre une dernière fois les choses à plat. Ma petite patiente, 13 ans à peine, a fait l’objet d’un signalement et d’une information préoccupante au près du procureur pour sa grossesse en tant que mineure mais aussi et surtout puisque « grâce » à ce malheur on a pu mettre le doigt sur les viols à répétition de son propre père. Véritable drame beaucoup trop courant ici, le coupable s’est enfui avec les papiers de toutes les personnes du foyer pour rendre impossible (ou en tout cas beaucoup plus compliqué) toute démarche judiciaire. Au cours de leur entretien la gendarmerie m’appelle sur mon téléphone de service. Rendez vous demain à 15h pour un entretien filmé avec les papiers du père. Bien malin celui là tiens, ça sera sans ses papiers du coup. J’espère qu’elles pourront y aller, aujourd’hui la mère a tardé à venir jusqu’à l’hôpital à cause des guépards qui pafait sur le chemin (PAF = police des frontière, le verbe « pafer » est devenu courant dans le langage de Mayotte et signifie arrêter/renvoyer aux frontières les personnes en situation irrégulières).
19h30 : Je rentre. A la maison les premiers invités sont déjà arrivés. Je vais me changer, quand je remonte il y a encore plus de monde.
20h : Ce soir c’est soirée à la coloni. Anniversaire de Louise, départ de Théo, changement d’horizons pour moi, et prochains retour en métropole d’Alice et Andrea courant août, autant de raison pour faire la fête tous ensemble une dernière fois. Comme on a prévu en début de semaine nous n’avons qu’une bonne trentaine d’invité, beaucoup de mes copains n’ont pu faire que passer.
00h : Gaëlle, Thérence et Bastien arrivent à nous convaincre de quitter notre propre soirée pour continuer avec eux, dans une autre. Direction Mamoudzou pour la soirée de départ de Céline. Je demande aux filles de la colonie si ça ne les dérange pas et sauf Andréa qui n’apprécie pas tout le monde semble comprendre. Tant pis pour elle, j’en ai marre de faire en fonction des autres, même si ça m’embête un peu.
4h : On a joué au bière pong, j’ai papoté avec Lili, mais maintenant tout le monde semble fatigué. Gaëlle (qui n’a pas bu) ramène tout le monde à bon port.
5h : Arrivés pile en fin de soirée on en a profité pour tout ranger. Comme d’habitude ce sont les mêmes qui s’y collent mais j’espère que quelqu’un aura la présence d’esprit de passer la serpillière (je rêve!). Il est temps de dormir.
J 162
13h30 : J’ouvre les yeux mais n’arrive pas à sortir du lit avant 14h. De toute façon c’est juste histoire d’aller manger un bout, ensuite on retourne dans notre grotte pour glander un peu devant une série. J’aurais aimé dormir encore un peu mais quand je regarde l’heure il est déjà trop tard, on est en retard.
15h48 : Il est grand temps de partir. On est attendus à 16h15 au ponton de Mamoudzou, on est encore au lit et le temps de trajet est de 25 minutes en moyenne, oups.
16h16 : Ça roulait bien. On a même eu le temps de s’arrêter retirer. Le monde commence à arriver, ce soir nous embarquons pour un “apéro cata”. Pour l’anniversaire de Louise nous serons 25 à profiter d’un catamaran pour admirer le coucher de soleil sur l’île avec un verre de ponch et de la musique à fond pour faire remuer le popotin de tout le monde. On descend d’abord vers le sud de l’île, direction Bandrélé pour accoster l’îlot. A l’unanimité on s’organise vite pour faire un jeu du béret dans le sable et ça vaut le détour. Le jeu est vite fini, quelques uns pleins de sable, d’autres trempés, moi j’ai mouillé mon pantalon et finirais jambes nues pour la soirée. En partant aussi vite aucun de nous deux n’a pensé à prendre un pull, on va se les peler après les petits fours c’est sur ! Une bière pour moi, un ponch pour les autres (bah oui, y a encore de l’ananas…), et nous regagnons la terre ferme à 21h.
21h15 : Une halte pour acheter un wrap et on rentre à la maison pour un gros dodo.
J 163
7h15 : Beaucoup trop tôt pour un jour de repos. Sauf qu’aujourd’hui le programme est chargé encore une fois. Plongée ce matin, voulé (grillade sur la plage) cet après-midi. C’est dur pour nous deux visiblement. Théo n’a pas l’air de vouloir faire la conversation alors je reste dans mon brouillard à moi jusqu’à ce que l’eau nous donne un coup de fouet. Je croise les doigts pour que cette fois aucun problème de panne d’air ou de sinus ne viennent entacher ce beau moment.
8h15 : Jade, l’infirmière qui nous avait porté assistance le jour de l’accident est là elle aussi et plongera avec nous pour sa 3ème plongée du niveau 1. Les gestes commencent à être routiniers, on équipe le matériel (gilet ok, détendeur ok, branchages ok, manomètre ok), écoute le speech habituel, enfile masque et palmes puis la mise à l’eau est imminente. Cette fois je maîtrise d’avantage ma descente pour éviter ces problèmes de douleurs récurrentes. Au préalable j’ai inhalé un peu d’eau de mer (très désagréable ça!) et je pique la terre vers le haut en vidant mes poumons uniquement. J’ai super mal au nez à cause d'un bouton quelconque qui me complique la vie pour décompresser (adapter la pression de la profondeur à mes tympans) mais qu’est ce que serait ma vie si tout allait bien après tout ? Théo me charrie souvent à propos de ça, j’ai aussi encore deux aphtes. On s’y fait au bout d’un moment.
10h : 60 minutes sous l'eau. 15 mètres de profondeurs, 80 bar d’oxygène consommés, et pas une seule douleur ! Comme une petite victoire je me satisfais de ce petit bonheur et me dit que mon niveau 1 sera atteint. Il faisait beau, l’eau était claire, le courant absent, l’idéal pour une belle plongée et pour admirer le monde marin qui nous entoure. J’ai pu en prendre plein les yeux et profiter de cet aquarium géant ainsi que de ses “patates” (rochers/coraux) et de leurs habitants. Seule difficulté aujourd’hui : j’ai le nez tellement pris que j’ai éternué 5 fois sous l’eau (même le moniteur ne savait pas que c’était possible) et qu’en soufflant par le nez pour vider l’eau de mon masque c’est la morve qui l’a remplacée. Ragoutant hein?
11h : Le camion blanc est tellement long à prendre notre commande qu’on change de programme et décidons de passer faire des courses plutôt que d’acheter de quoi grignoter. De retour à la maison il n’y a que Louise qui est là. Je nous prépare à manger à tous les deux et on va manger tout ça en bas.
15h45 : Après deux épisodes de série et une sieste improvisée il est bien tard pour partir à l’opposé de l’île comme il était prévu. Oïkia a besoin de se défouler et me le fait sentir, tant pis pour le voulé, je l’emmène se promener à la plage.
16h30 : Théo n’est pas d’humeur aujourd’hui. Un peu déprimé sans savoir pourquoi je n’arrive pas à lui changer les idées. Il vient avec moi pour une balade à trois puis s’évade à moto pour un moment tout seul avec ses photos.
19h : Moi j’ai écris en attendant. Avec toute cette vie qui n’arrête pas c’est difficile de ne pas prendre de retard pour tout vous décrire. Il est temps de lâcher mon clavier pour aller faire à manger. J’ai une colonie à nourrir.
19h50 : Finalement personne n’est encore rentré et je n’ai pas envi de cuisiner alors tant pis pour le repas de famille. On jette notre dévolu sur une salade chèvre-miel avant d’aller se coucher bien tôt pour une fois.
22h : Lumière déjà éteinte.
J 164
7h30 : Je me suis réveillée 3 fois dans la nuit pour mes allergies mais je suis quand même reposée. Le point qui n’est pas pratique c’est le bouton de mon nez qui commence plus à ressembler à un abcès qu’à autre chose. Pour me moucher c’est loin d’être facile et c’est même très douloureux. C’est tout rouge et ça commence à s’indurer, génial.
8h22 : Ce matin c’est formation contre la violence faite aux femmes. Ma cadre m’a indiqué qu’elle commençait à 8h30 mais j’ai toujours un peu d’avance. J’arrive confiante quand je constate que ça a déjà commencé. Je m’excuse et explique que l’erreur ne vient pas de moi, un peu gênée.
12h15 : Super interessant. J’ai écouté avec grande attention et me suis surprise à réussir à suivre, moi qui était incapable d’écouter un cours plus d’une heure même à la fac. D’ordinaire j’apprends les choses en les lisant mais aujourd’hui j’étais captivée. En plus de ça j’ai pu constater que malheureusement j’ai déjà été pas mal confrontée à toutes sortes de violence dans mon métier et que ces connaissances ne me sont pas inconnues. J’apprends à dépister, renseigner, mais aussi à avoir les bons mots, au bon moment, et quelles sont les différentes solutions possibles. Indispensable pour le parcours professionnel que j’ai entamé.
12h20 : Je rejoins Théo au laboratoire pour qu’on aille manger tous les deux. Finalement il termine ce qu’il a à faire et quitte son travail plus tôt pour venir avec moi faire les magasins. Enfin plus exactement trouver un compagnon à mon seul pantalon. Pour faire de la moto tous les jours c’est loin d’être pratique ça aussi.
14h : Après avoir mangé un sandwich, Marie nous rejoint pour notre petit tour du centre commercial. 2 magasins et c’est déjà terminé, c’est vraiment la dèche et je ne peux rien essayer chez Jennifer alors je n’achète rien. Tant pis je me débrouillerais.
15h30 : Etam, garagiste pour mes roues de moto, pharmacie, puis médecin pour le certificat d’aptitude aux études infirmiers de Théo. Le médecin qui va nous recevoir prends 5 minutes chrono pour les deux patientes qui se trouvent avant nous dans la salle d’attente. Au moins ça va être rapide. Erreur, le praticien s’est lancé dans un monologue de trois quart d’heure concernant le débat des traitements diabétiques à Mayotte. Débat fort intéressant certes, et qui soulève beaucoup de questions, mais 3/4 d’heure c’est long. Je prends connaissance par contre de tout le marché que représente le diabète sur cette île, mais surtout les traitements mis en place et ses conséquences. Pour vous faire un résumé simple 2 traitements sont envisageable dans le cas d’un diabète de type 2 : insuline ou antidiabétique oraux. Le premier est cher, et nécessite la mise en place d’un suivi infirmier, alors que le second est meilleur marché, et se prend en autonomie. Sauf que (selon les dires de notre cher médecin) le deuxième représente beaucoup moins de bénéfice pour tous le monde : médecin, pharmacien, infirmiers. Alors on choisirait le premier au détriment de reins de nos patients qui auraient fait passer les lits de dialyse de 15 à 200 en l’espace de 7 ans. Ca se discute. J’ai appris à essayer d’avoir un oeil critique sur la médecine et ses prises en charge. Tout est à discuter, tout le temps, et personne n’a la science infuse. C'est sains de remettre constamment les choses en question pour tenter d’évoluer dans le sens positif, en même temps que les progrès humains. Alors aujourd’hui j’entends le discours de ce médecin, et je me dis que son point de vu est interessant mais qu’une fois de plus il ne faut pas tout gober sans chercher à réfléchir selon un cheminement et une réflexion personnelle.
17h : Retour à la maison. Seule Louise est là. On promène Oïkia, je joue un peu avec elle puis rejoins mon clavier pour passer la fin de l’après-midi à vous écrire.
19h : Il est temps de repartir vers la capitale, ce soir c’est restaurant avec les copains.
19h45 : On arrive tous en même temps à « la table du sénat » en vérité ce n’est pas un restaurant mais chez l’habitant. Un maoré accueille chez lui quelques personnes et cuisine un nombre restreint de plat. L’idée a du charme, on amène même notre vin qui nous est servi dans des verres dépareillés sur des nappes marguerites. Je prends un rougail saucisse (cuisiné à la mahoraise par contre…) les autres du poisson à la vanille, du magret à l’orange ou encore de l’entrecôte sauce roquefort.
21h30 : La soirée a été bonne, la mousse au chocolat beaucoup moins. Mais à moins d’une dizaine d’euros le plat on ne va pas se plaindre. Pour un plat et un dessert chacun avec du vin Théo règle 23 euros pour deux, carrément rentable.
21h45 : Le chemin du retour est engagé, ce soir pas de douche, l’eau est encore coupée dans la commune de Dembéni. On se lave à la bouteille (de 5L après avoir faire des petits trous dans le bouchon) puis je m’endors rapidement. Mon nez me fait mal, il a tellement gonflé que je n’arrive pas à atteindre l’intérieur pour y appliquer de la crème.
J 165
7h20 : Le réveil sonne déjà. Théo est parti au travail il y a quelques dizaines de minutes, moi je dois amener ma moto à l’opposé de Mamoudzou pour faire changer mes roues merdiques. J’y ai laissé une petite fortune mais je préfère ne pas lésiner sur les moyens quand il s’agit de ma sécurité. Surtout avec la chance que j’ai depuis que je suis arrivée sur cette île. Apparement c’est une bonne marque, j’aurais préféré des pneus crantés vu l’état des routes d’ici mais il n’y a que ceux de ville qui étaient disponibles. J’ai réglé 288 euros chez Mayotte deux roues hier, après m’avoir donné le contact d’une « connaissance » pour qu’il me les installe, il les a déposé lui même pour que je puisse venir directement avec ma bécane.
8h10 : J’ai trouvé sans difficulté, une fois accueillie avec un rapide bonjour je m’assoie pour patienter et on m’oublie jusqu’à la fin de la manœuvre. Une femme qui s’intéresse à la mécanique et tout ce qui s’en approche c’est bizarre ici.
9h : Après ça je passe faire deux trois courses pour ma cuisine de la journée, et récupérer les clés que j’ai oublié hier au restaurant. Ensuite je file à la maison.
11h : Une foie rentrée je me met aux fourneaux : au programme des macarons au chocolat. Première recette test. En même temps je m’occupe de la maison, couds un peu, mange avec Eléonore rentrée pour sa pause de midi, puis Théo rentre du travail assez vite.
14h30 : Direction des sources d’Iloni, cette fois c’est la bonne. On suit les indications scrupuleusement données par nos coloc et la 3ème fois est la bonne, nous trouvons la fameuse petite source débouchant sur une plage isolée, sur la roche. L’endroit est paisible, Théo est dans ses pensées moi dans les miennes. Je le sens s’éloigner, je crois que je commence à m’y faire. Le départ approche, c’est certainement sa façon de gérer les choses alors j’arrête d’essayer de le faire parler et je vais essayer d’aller prendre l’air ce soir.
16h : Une bonne douche et je me met au lit pour écrire un peu. Ensuite rebelote pour mes taches de la journée, rien d’extraordinaire au programme aujourd’hui. Juste mon quotidien, qui me plait bien comme il est.
19h45 : Une soirée avec les copains devrait me faire du bien. J’enfile mon nouveau jean et un dos nu, met un peu de maquillage sur mes yeux et c’est parti pour un Barakili avec mes copines. Hérine est venue avec sa bande et d’autres sages-femmes s’ajoutent au tableau. J’appelle ma petite maman dans la foulée et on passe une très bonne soirée toute en simplicité.
22h30 : Retour à la maison, Théo est rentré il y a une bonne heure et n’a toujours pas l’air dans un très bon état d’esprit. Tant pis pour lui, moi j’en ai marre de suivre ses humeurs alors je décide de faire abstractions.
J 166
9h22 : J’ouvre les yeux. Ma louve s’étire et vient contre moi pour quelques caresses. Je fourre mon nez dans ses poils et profite d’un moment qui nous appartient.
10h : Pour l’instant le programme de la journée est léger. Je finis les détails de la robe que j’ai confectionné de A à Z et suit plutôt fière du résultat. Une petite robe noire est née, dont le patron a été tiré d’une de mes robes, plutôt bien taillée mon gout. Après avoir reporté le patron moi même j’ai effectué quelques pinces, quelques ajustements sur mesure et ai ajouté une ceinture large en tissu wax et deux noeuds sur les épaules du même tissu. J’en ai même profité pour créer un tour de tête assorti. Prochaine étape : la même robe dans un tissu coloré. Nadia est là pour le ménage aujourd’hui, le reste de mes macarons devra attendre encore un peu.
14h : Théo vient de rentrer. Je propose d’aller promener la louve, une fois chose faite on s’apprête à rejoindre notre nid. “Si on reste comme ça on va s’endormir”, “Mais non” me répond-il.
17h : Tu parles. A peine un oeil ouvert et il faut déjà qu’on parte si on ne veut pas rater la barge de 17h30 et notre cours théorique de plongée par la même occasion.
18h : Nyamba est l’un des seuls clubs de plongée à dispenser un cours théorique pour valider les niveau 1 de plongée. Il correspond à 1h30 de cours durant lequel nous abordons la biochimie, les réactions de l’air et de l’eau, la pressions, les dangers etc… Pendant ce retour à l’école on rencontre deux autres garçons, l’un rejoint sa copine pour les vacances, l’autre fait partie de l’antenne GIGN du quartier d’Haut Vallon. Tiens, tiens.
19h30 : J’ai réservé au Faré ce soir. Un petit restaurant en tête à tête pour finir cette journée de repos au calme en amoureux. Le cadre est très joli, la salle donne sur la plage et le bruit des vagues accompagnera notre repas. Je commande un ponch coco et des spaghettis aux gambas. Théo une viande et un cocktail. Tout est succulent quoiqu’un peu cher. J’emporte le reste pour mon repas de garde de demain midi et passe le retour de cette belle soirée à faire des câlins à mon conducteur pendant qu’il nous conduit vers notre lit.
J 167
7h : Comme la cadre à la fâcheuse tendance de changer mon affectation au dernier moment je vérifie que je suis bien en salle d’accouchement comme prévu aujourd’hui. Pour cette fois-ci rien n’a changé. J’attends les transmissions et pour l’instant la relève est plutôt cool. Le début de la journée va être calme. Je n’ai qu’une seule patiente et Claire, l’étudiante sage-femme présente, semble intéressée par le cas. Je lui propose de venir avec moi et de la laisse gérer un maximum. Elle est en fin de 4ème année, l’autonomie dois commencer à se prendre maintenant.
9h : Visiblement notre petite dame n’a pas l’air pressée. Pas très bien soulagée par sa péridurale j’attendais 9h pour pouvoir réinjecter du produit et faire une rupture artificielle de la poche des eaux pour éviter une stagnation.
15h : Je me suis coltinée la même dame toute la journée. D’abord à 6 puis 7, puis 8 cm selon l’étudiante je lui propose d’examiner pour me faire mon idée. Selon moi c’est toujours un 6. Problème, si ça n’a pas bougé depuis le début elle stagne depuis maintenant 7h à cette dilatation. Après avis du médecin on penche pour l’administration de synto (qui donne des contraction). Quelques temps plus tard, pas d’évolution et le bébé commence à montrer des signes de fatigues. Par expérience je sais déjà que ce n’est qu’une question de temps avant que le médecin ne prenne la décision de partir en césarienne.
15h30 : Jackpot. 7 minutes de ralentissement pour le bébé. Je tente de faire réfléchir mon étudiante rapidement sur les manoeuvres à effectuer. Sur ce à quoi il faut penser, là dans l’urgence. Sondée, rasée, tégametée, bijoux/vernis enlevés on passe la dame sur un brancard avant de courir au bloc. J’explique à Clair comment anticiper ce genre de chose pendant que je lui propose de mettre ses gants et de récupérer le bébé qui ne devrait pas tarder.
15h45 : Le nouveau né va bien. Un rapide bisous à maman avant de l’emmener au chaud et le pédiatre, présent à cause du risque de mauvaise adaptation à la vie extra-utérine, part déjà. Quelques instants plus tard ce bout de chou semble présenter quelques difficultés à respirer, on commence une réa, je guide mon apprenti en tentant d’intervenir le moins possible :
- Et là tu fais quoi ?
- J’aspire.
- Qu’est ce que tu dois dire ? Qu’est ce que je dois faire ?
- Qu’il faut un apgar et qu’on le sèche ?
- Très bien, je fais ton étudiante, toi tu prends la tête et tu m’expliques tout ce que tu fais.
De cette manière Claire progresse, prend confiance, effectue des gestes qu’elle ne fait que regarder d’ordinaire mais qu’elle connait par coeur en théorie. Je rappelle le pédiatre mais plus par précaution que par réelle nécessité. Finalement tout le monde va bien, et je félicite mon binôme pour son sang froid et ses bonnes applications.
19h : Un autre exercice intéressant : les transmissions. Quelque chose de pas facile quand on manque d’entrainement, et pourtant c’est important. Donner les bonnes informations, dans l’ordre, de façon claire et logique. Je la laisse faire et une fois de plus le résultat est plutôt bon. Je lui souhaite une bonne soirée ainsi qu’à mes collègues et accepte la proposition de Ninon qui m’invite à se joindre à elles pour un restaurant au Mamou ce soir. Je n’ai pas de nouvelles de Théo depuis 17h30. Bizarre, d’habitude il me tient toujours au courant. Je lui envoie un message pour savoir s’il m’attend à la maison et accepte de venir boire un verre. Je partirais avant de manger s’il finit par me répondre.
20h30 : Pas de réponse. Un peu agacée par son manque de considérations depuis quelques jours je décide de rester manger. On passe une soirée en détente et prenons la route du retour 2h plus tard direction Iloni pour ma part et Tsounzou pour les 2 voitures qui vont le plus loin (2 villages avant Iloni). Les filles m’informent que des caillassages ont été signalés depuis le début de soirée. Dans un premier temps je m’inquiète pour Théo, peut être qu’il a eu un problème, ça ne lui ressemble pas de ne pas me donner de nouvelles. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé. Peut être que j’en saurais plus en rentrant à la maison. Dans un second temps je réalise que moi aussi je cours un risque. Alors une stratégie est mise en place : les deux voitures d’abord et moi derrière. Comme ça s’il y a quelque veut vraiment nous tirer avec des pierre, la première sera pour les voitures et j’aurais le temps de voir venir les choses.
22h30 : Ça ne rate pas. Au loin j’aperçois ce que je redoutais. Un jeune, il a l’air seul, et devant lui des pierres. Plusieurs sont déjà sur la route. Je roule vite, il faut que je réagisse rapidement. Le temps que je réalise qu’il vient de jeter une pierre d’une dizaine de kilo sur la première voiture et il est déjà trop tard pour faire demi tour. Mon coeur s’arrête. J’entends mon souffle dans mon casque et mon pouls bas dans mes tempes. Fonce Thaïs, fonce ! J’embraye et passe la 5ème en tirant sur ma poignée d’accélérateur à son maximum. Ma moto vrombit et je passe de 50 à 90 km/h en quelques secondes. Je double la seconde voiture. Tant pis si c’est elle qui se prend le prochaine projectile qu’il est entrain de ramasser. Mais s’il réussit son coup c’est pas juste le vol de ma moto que je risque, c’est aussi un deuxième accident à une vitesse beaucoup trop élevée pour que je m’en sorte une deuxième fois par miracle. Et si je tombe, qu’est ce qu’il me fera ? Je chasse cette pensée de ma tête en allant le plus vite possible. Mon coeur cogne, la situation parait irréelle mais je sais qu’il me regarde en ramassant sa colère. Il se baisse pour récupérer un caillou énorme. De la taille d’une pastèque, et je fonce en tentant le tout pour le tout. Je double, je slalom, tire sur le moteur et ne m’arrête pas de retenir ma respiration tant qu’il n’a pas disparu de mon rétroviseur.
22h45 : J’ai eu tellement peur. Mes bras ont tremblés juste après. A tel point que s’en était incoercible et dangereux pour ma conduite. Mais j’ai continué, dans un espèce de brouillard de survie : si je m’arrête je ne suis pas en sécurité. Il faut renter, maitrise toi, respire. Je peine à faire calmer mes spasmes qui s’apparentent plus à des convulsions. Et j’arrive enfin devant notre portail. Je me presse de rentrer, de fermer la grille, d’accrocher mon cadenas et de fermer la porte derrière moi. Je tremble encore. Théo n’est pas là. J’aurais payé tellement cher pour me laisser aller dans ces bras, j’ai eu si peur.
23h : D’ailleurs il n’est toujours pas là. Je commence vraiment à m’inquiéter. J’appelle les filles, pas de nouvelles non plus. J’appelle nos amis, personne n’en sait rien. Et s’il lui était arrivé quelque chose? J’angoisse, commence à faire les 100 pas. Et commence à être en colère : soit il lui est arrivé quelque chose et je prie pour que ça ne soit pas le cas, soit il est stupide et égoïste, et n’a simplement pas donné de nouvelles. Il y a peu d’option. Une idée me traverse la tête en voyant son ordinateur : si je pouvais avoir accès à ses dernières conversations je saurais avec qui il est et s’il y a de quoi s’inquiéter. En ouvrant son PC une sensation familière me traverse et le doute s’installe. Et si ça n’avait rien à voir avec ce que j’imagine depuis tout à l’heure ? Et si l’histoire recommençait ? Mais non Thaïs, soit pas bête. Il sait comme tu as pu avoir mal, il sait qu’aujourd’hui tu ne t’en es pas encore relevée. C’est un gentil garçon, il ne ferait pas ça. Mais si ? La dernière fois que j’ai eu cet instinct j’avais vu juste. Et même si rien ne paraissait me le prouver je savais. En ouvrant la première conversation je sais déjà. Mon coeur frappe dans ma poitrine encore plus fort qu’il y a quelques minutes. Comme si ce que je m’apprête à découvrir allait faire encore plus mal qu’une énorme pierre jetée sur ma cuisse à 90 km/h. J’ai le poids de cette pierre dans le ventre et tout s’arrête autour de moi. La pièce tourne et je ne vois que les mots qui se découvrent devant mes yeux. J’ai l’impression de découvrir un inconnu, ces paroles ne sont pas les siennes, ces mensonges ne sont pas les siens, cet homme n’est pas celui que je connais. Je lis, tétanisée qu’il n’est pas “avec des copains” mais avec une inconnue. Je lis en diagonal, je survole, par ce que ça fait mal, et je tombe sur les mots qu’il me fallait pour rendre réel le cauchemar qui recommence :
- (Elle) Salut ! On se connait ?
- (Lui) Salut ! Non. Mais on pourrait faire connaissance…
Ils se donnent rendez-vous rapidement. Ils se sont déjà vu plusieurs fois. Hier, quand j’ai espéré passer la soirée avec lui, il était avec elle. J’ouvre une deuxième conversation :
- (Lui) Coucou ! Ta copine d’hier soir elle est mignonne…
- Oui, ahah.
- (Lui) Tu sais si elle a un copain ?
Est-ce que je suis repoussante à ce point ? Est-ce que chacune de ses paroles étaient un mensonge ? Est-ce que je ne peux suffire à personne ? Est-ce que je vaut si peu que je mérite si peu de respect, si peu d’estime ? Les sanglots s’étouffent dans ma gorge, j’ai envie d’hurler comme ça fait mal, mais j’ai le souffle coupé. J’ai la sensation qu’il vient de me frapper dans l’estomac. Ce genre de coup de toutes ses forces qui m’empêcherait de respirer. J’ai l’impression que c’est un cauchemar. Un cauchemar qui recommence. Je vérifie plusieurs fois, malheureusement je ne rêve pas. Je ferme l’ordinateur. Il y a d’autres conversations mais j’en ai assez vu. Entre temps il m’a répondu, certainement grâce à l’un des messages de nos amis qui a du lui faire comprendre que j’étais inquiète. “Désolé mon téléphone chargeait ! Je suis sur Sohoa avec des copains, je pense que je dors sur place. Bisous doudou.” Quel porc. Je passe d’une intense tristesse à une rage profonde. Si tu savais comme tu me répugnes, comme tu me donnes envie de gerber, comme j’aimerais te faire mal. Tu n’es pas à Sohoa, et tu n’es pas avec des copains. Je réponds : “Ne rentre pas, il ne vaut mieux pas.”. Il ne comprends pas et joue l’innocent, s’il savait comme ça m’insulte. Ma décision est déjà prise, il faut que je parte, et vite. “Si tu veux avoir une chance de t’expliquer débrouille toi pour être rentré avant que je soit partie. Je déménage demain”. Je ne sais pas ce qui me pousse à me lever, sans réfléchir mes jambes me portent et mes mains empilent mes affaires dans de grands sacs. J’entasse sans plier, sans réfléchir, dans le même bordel que j’ai dans la tête. C’est reparti pour tout reconstruire, ma confiance en moi et en les autres avec. Ça m’avait pris des mois pour respirer normalement. C’est reparti pour les discussions qui font mal, les trahisons qui blessent, les mots qui abîment. C’est reparti pour toutes les questions sans réponses, les nuits en boule, la pierre dans ma gorge et celle dans mon estomac. Quelques larmes se sont échappées, mais il en reste encore plein à l’intérieur, c’est peut être ça qui me donne mal à la tête. Une fois que tout est balancé plus ou moins plié dans un sac je commence à monter mes affaires dans la maison. J’avais besoin d’agir, besoin d’avancer, incapable de rester là, idiote et inutile. Qu’est ce que je peux être bête, c’est fou. Je me répugne moi aussi. Un pied devant l’autre, c’est bien ce que je vais faire. Le con. 15 jours avant de se dire au revoir joliment, il a tout salit.
23h30 : Les filles arrivent quand je monte mes dernières affaires.
- Ça va Thaïs ?
- J’ai connu mieux.
- Qu’est ce qui se passe ? Demande Andréa inquiète tout à coup.
Les mots sortent tous seuls. Je prononce ce que je n’avais pas encore dit à voix haute : “Il m’a trompée” s’échappe de mes lèvres dans un souffle. Comme si le dire à voix haute allait rendre les choses plus douloureuses. Je m’effondre. Le flot qui me bloquait la gorge depuis que j’ai ouvert ce maudit ordinateur s’échappe, et mes jambes ne me portent plus. Je me laisse aller dans leurs bras, secouées de sanglots qui viennent d’au fond, je me laisse portée, puis tomber au sol. Oïkia est là, elle est toujours là, et elle le sera toujours. C’est bien la seule qui ne me trahira jamais. Je la serre dans mes bras comme si je pouvais absorber toutes ses bonnes ondes, toute sa bonne humeur, toute son innocence. Andréa est énervée, Alice est catastrophée, Louise est choquée, Eléonore est scandalisée. Elles essayent toutes de comprendre, de réconforter, et de sécher mes larmes. Rien y fait ça ne s’arrête plus. Je ne veux pas dormir en bas, je serais mieux dans le lit d’Alice ou d’Andréa. Pas dans notre lit, celui avec son odeur. J’attends qu’il rentre, j’espère qu’il le fera, qu’il saura faire au moins ça. Qu’il me montrera qu’il m’aime un peu, que ce n’était pas que du faux. Il ne vient pas. Je ne dors pas. Je m’assoupi quelques minutes je crois, j’ai déjà vécu ça, ça fait un an, c’est trop tôt pour que ça recommence.
J 168
5h : La frontière entre hier et aujourd’hui est mince. Quand j’ouvre les yeux tout me revient en plein visage, sans la moindre seconde de répit. J’ai encore cette affreuse impression que les choses ne sont pas réelles, que c’est un mauvais rêve et que je ne vais pas tarder à me réveiller. Je ne supporte plus d’être couchée. Je fais les 100 pas et finis par m’asseoir dans le canapé, à tourner en rond dans ma tête. Quelques heures plus tard il apparait sur le pas de la porte, blanc comme un linge, sale de la veille. Il pue. Il sens la sueur, l’ivresse, et le mensonge, ça me dégoute.
8h : Il devrait être au travail mais n’y est pas. Il mens, il nie, mais je sais. Je mens, pour savoir la vérité, et je sais. Les mêmes mensonges qu’il y a un an, les mêmes expressions faciales, les mêmes langages corporels, pas besoin d’avouer je sais, mais j’ai besoin d’entendre. Alors je lui dis que s’il m’a aimé vraiment, s’il me respecte un peu il y a deux choses à faire : m’avouer, et se faire petit jusqu’à ce qu’il parte. J’ai suffisamment mal comme ça, et le voir avec quelqu’un d’autre ça m’achèverait. Il me dit que jamais il ne ferait ça, et pourtant si tu savais Théo… Si tu savais comme on m’a fait ça. “Il ne s’est rien passé” devient “On s’est juste dragués” puis “On s’est justes embrassés”. Entre chaque il y a des dizaines de minutes de discussion, de promesse qu’il n’y a rien d’autre et que c’est toute la vérité. Qu’il ne peut pas m’avouer quelques chose qui ne s’est pas passé. Et pourtant je sais. Il fini par le dire, en baissant la tête, comme un chien qui a fait une bêtise. Je m’éloigne, rester à coté de lui m’insupporte et pourtant je crève d’hurler pour qu’il me prenne dans ses bras, qu’il me dise que c’est fini et qu’il n’aime que moi, que c’était une erreur et qu’il m’embrasse pour effacer tout ça. C’est con une fille. Je m’en vais pour ne pas le frapper et je cogne la porte à la place, de toutes mes forces, et ma main me fait mal juste après l’énorme bruit qu’un coup de rage dans une porte en fer peut faire. Je m’effondre fatiguée, épuisée à l’idée de tout devoir recommencer. Je suis fatiguée d’avance. J’ai besoin de dormir, je descends dans notre studio et m’endors sur un lit qui me parait déjà ne plus être le mien. Je me sens sale d’être ici, je me sens bête d’en être arrivée là.
18h30 : La nuit est tombée et même si j'ai mal d'être à côté de lui ça me semble encore plus difficile de m'en séparer, de franchir le pas. Il faut pourtant, ça ne sert plus a rien de justifier, rien ne justifie ça. Je m'en vais, et je pleure en montant les marches, et je pleure en ouvrant la porte, et je pleure dans les bras d´Alice.
20h : Les filles m’embarquent pour une soirée à Tsounzou. Louise a un nouveau chéri, et toute la troupe est invitée pour l’apéro. J’en ai pas la moindre envie mais je n’ai rien de mieux à faire que de rester dans un lit qui n’est pas le mien à me morfondre, alors j’y vais en essayant d’afficher ma meilleure mine.
23h : Même si j’étais dans une petite forme le petit comité présent a eu la bienveillance de ne pas poser de questions. La soirée est floue, je reste ailleurs, la colonie rentre, moi je m’endors dans un nouveau lit, pour de nouvelles aventures.
J 169
7h50 : J’ai un peu dormi. Je me lève sans trop me laisser le temps de réfléchir. Je prépare un petit déjeuner pour Théo qui n’a pas mangé depuis avant-hier mais il n’est pas là quand je passe lui déposer en bas. Sans plus attendre je vais chercher la voiture que mes amis m’ont gentiment proposé pour faire le déménagement. Je rentre ensuite pour charger mes affaires qui rentreront en un voyage heureusement. Avant de partir je cherche les jouets d’Oïkia un peu partout dans la maison, puis le jardin, et vais vérifier en bas s’ils n’y sont pas.
10h : Théo est revenu. Il était inquiet que je sois déjà partie visiblement. Il n’a pas touché à son repas puisqu’il ne l’avait pas vu, je sais que si je ne le menace pas il n’y touchera pas alors je reste pendant qu’il mange. S’il s’arrête je pars. Une fois qu’il a terminé, l’heure est venue de se dire au revoir. Je craque et me glisse contre lui pour un dernier câlin, j’éclate en sanglot et on se serre aussi fort qu’on a mal. Je l’embrasse pour la dernière fois, et pars sans regarder derrière moi.
10h30 : Je monte dans la voiture après avoir embarqué Oïkia, une fois de plus c’est elle et moi contre le monde. Ma seule véritable alliée, qui ne me trahira jamais. Le moral dans les chaussettes je roule en direction de la barge, règle les 15 euros pour avoir le droit d’embarquer avec la voiture et envoie un dernier message à la Coloni pour dire au revoir à ma première aventure mahoraise.
12h30 : Je croise Marielle qui me laisse les clés de la maison. Elle a retiré ses affaires et m’offre de passer chez elle en cas de besoin en voyant ma petite mine. Je décline son offre et dépose tout en vrac dans ma nouvelle chambre avant de prendre quelques minutes pour me poser un petit peu, en boule, sur mon nouveau lit.
14h : Je prends soin de laisser Oïkia dans ma chambre pour qu’elle se fasse à son nouvel espace sans stress et ramène la voiture à ses propriétaires. Ensuite je compte bien m’occuper pour ne pas me laisser dépérir. Les filles m’ont proposé de les rejoindre au 5/5 pour le match, ce que je fais après avoir discuté avec Hérine qui rentre de sa sortie bateau.
18h : Je rentre pour promener Oïkia avant de repartir à Kani Kéli pour faire la fête et me vider la tête. En arrivant à la maison et en apprenant que je ne suis pas la bienvenue chez Bastien pour dire au revoir à nos amis qui quittent Mayotte demain, à cause de la présence de Théo, j’ai un énorme coup de blouse qui m’empêche de faire quoi que ce soit. Je reste dans mon lit, incapable d’avancer pour le moment. Quelques dizaines de minutes plus tard j’entends une moto qui s’arrête dans la rue. Mon coeur s’arrête, j’essaye de me raisonner. Ça ne peut pas être lui, soit cohérente Thaïs. Je ne réussis pas à m’empêcher d’aller vérifier. Il est là. Je n’ai pas le coeur de lui dire de partir et cède à lui ouvrir ma porte. On passe la nuit à pleurer, à parler, à lutter contre le sommeil, mais après plusieurs jours sans avoir dormi, l’un en sécurité près de l’autre, on ne peut pas lutter plus longtemps.
23h : On s’est endormi. Il n’ira pas à sa soirée.
J 170
9h : Je crois qu’aucun de nous deux n’a envie de faire éclater la bulle dans laquelle on s’est réfugiés. Aucun de nous n’ose trop parler, trop bouger. On chuchote comme si le retour à la réalité était trop brutal.
11h35 : Il faut bien sortir un jour où l’autre, et j’ai besoin d’aller faire des courses avant d’enchainer deux gardes de nuit.
12h : Avec un peu de retard au part au restau pour dire au revoir aux amis qu’on aurait dû embrasser hier soir.
12h25 : Je nous ai perdu et on arrive déjà avec près d’une demi heure de retard. Comme je pensais que le restaurant était sur la plage et que Bastien aurait forcément pris son chien j’ai embarqué Oïkia. Visiblement elle n’est pas la bienvenue et la gérante nous le fais remarquer dès notre arrivée. Elle justifie sa décision par un “soucis d’hygiène” alors que la cuisine ouverte donne vue sur ses cuisiniers dont aucun ne porte le masque. En plus de ça elle se présente à moins d’un mètre de Théo et lui souffle la fumée de sa cigarette (qu’elle fume à l’intérieur du restaurant) au visage. Celui-ci se défend mais “c’est son restaurant, ce sont ses règles”. Très bien, Théo fais l’aller retour pour déposer ma louve. Moi je m’assoie, et j’essaye de sourire comme je peux.
12h45 : J’ai n’ai toujours pas le moindre appétit mais la fricassée de fruit de mer commandée m’est apportée. Je mange un peu de riz, la salade et je n’ai déjà plus faim.
13h45 : Il est temps de se rendre à l’aéroport pour dire au revoir à Thérence qui décolle le premier. Sur le chemin à pied je sens que d’avoir mangé un peu me rend malade, je suis au bord de la nausée et mon ventre se tort dans un souvenir inconfortable qui me rappelle la mésaventure de ma dernière intoxication alimentaire.
15h30 : Après avoir dit au revoir à mes deux amies j’embrasse également Marie qui repars à la fin de sa mission de la réserve sanitaire. J’en déduis que l’avion de Valentine, mon amie de Guyane qui vient également en mission de réserve sanitaire, ne va pas tarder et je choisis de l’attendre pour l’accueillir avec un bisou. Je suis tellement contente qu’elle vienne.
16h30 : Son avion a un peu tardé mais je ne regrette pas de l’avoir attendu. Il est temps de dormir un peu, dans trois quart d’heure mon réveil sonnera déjà pour que je me rende à ma garde de ce soir.
N 170
18h45 : Pas le moral du tout. Je veux travailler pour oublier et ça tombe bien cette nuit je suis en salle d’accouchement. Je me noierais dans les accouchements et ça m’occupera assez jusqu’à ce que je m’endorme épuisée.
19h : Le tableau est blanc. C’est bien la première fois que ça m’arrive ici et ça tombe vraiment mal. Sans attendre je m’occupe du plein des salles, des ouvertures, des checks, mais le tour est vite fait. Je pars vers les autres services pour me rendre utile.
20h15 : Une dame est arrivée mais je l’ai manquée. La prochaine sera pour moi et elle arrive trois quart d’heure plus tard après que tout le monde ai refusé mon aide.
21h : Une MAP (menace d’accouchement prématuré) est hospitalisée à 31 semaines et cinq jours d’aménorrhées (prématurité sévère, de 5 semaines). Cette petite dame contracte un petit peu trop tôt et son col commence à s’ouvrir. Nous voulons que son petit bout reste au chaud le plus longtemps possible. Pour cette raison nous lui administrons divers médicaments. Un pour arrêter les contractions. Un autre pour aider à la maturation du cerveau de son enfant au cas où il déciderait de naître coute que coute. La maturation de ses poumons a déjà été faite il y a quelques temps. Ma patiente n’en est pas à son premier coup d’essaie. C’est un premier bébé mais une cinquième grossesse. Elle m’en parle. Elle est inquiète et fatiguée. Elle a déjà été hospitalisée 3 fois pour ça durant ces derniers mois. Elle craque, je crois qu’elle espèrerait presque qu’il finisse par vivre seul cet enfant, même si c’est un risque à prendre. J’essaie d’avoir les mots, de la rassurer, de la soutenir. Mais qu’est ce que moi, jeune sage-femme, même pas maman, peut comprendre à tout ça ? C’est bien ce qu’elle doit se dire. Pourtant elle garde le sourire à travers ses larmes. Et elle m’offre toute la sincérité que je pourrais espérer. Elle est volontaire et se montre coopérative à tout ce qu’on lui fait. Perfusion n°1 et 2, tension, scope, surveillance, mobilisation, toucher vaginaux et j’en passe.
23h30 : Elle vient de passer de 3 cm de dilatation à 7. Cette fois c’est sur elle échappe à la tocolyse. Elle a subitement bien plus mal. Je l’oriente doucement mais gentiment vers une péridurale. Dans ce cas-ci c’est une sécurité supplémentaire pour tout le monde puisqu’en plus d’être pressé il veut venir les fesses en bas cet enfant. On pose rapidement la péridurale puis les choses s’enchainent.
00h30 : Un gros ralentissement m’oblige à appeler les médecins. A 3 minutes de chute du rythme cardiaque j’appelle à la hâte. Toujours à 9 cm, il fini par récupérer son rythme de base au bout de 7 minutes. J’étais prête à partir en césarienne code rouge mais son amélioration soudaine et la dilatation complète qui va avec nous permet de nous installer pour un accouchement voie basse. J’appelle vite Mariane, l’étudiante sage-femme, pour qu’elle vienne effectuer les manoeuvres, même si je suis un peu déçue de ne pas le faire moi même ça vaut le coup pour elle. L’interne s’apprête à le faire elle même alors je lui glisse à l’oreille qu’il serait bien qu’elles fassent un accouchement à 4 mains, ensemble.
00h40 : Le médecin se plante devant le périnée la dame sans demander son reste. Elle effectue toute les manoeuvres seule alors qu’aucun signe d’appel ne justifiait la moindre intervention extérieure. Tellement dommage pour les deux étudiantes, je suis déçue pour elles.
00h47 : Deux minutes après avoir rompu la poche des eaux cet enfant naît. Mariane est chargée de l’embarquer, je vais essayer de lui donner le plus d’autonomie possible dans ce qui va suivre, elle n’a jamais fait de réanimation néonatale, en fin de 4ème année il est grand temps de sauter le pas. Je lui laisse “prendre la tête” (au niveau de la tête du bébé et être l’acteur principal de la réanimation). Je lui dit :
- Qu’est ce que je dois faire ?
- On le stimule et on l’aspire ?
- Oui c’est bien. Allons-y. Mais qu’est ce qu’on doit faire en commençant ?
- Le scope !
- C’est bien. Met lui, je lance le chrono aussi. J’ai appelé le pédiatre, il va arriver. Ensuite ?
- On le ventile.
- Oui. A combien de FiO2 ? (% d’oxygène dans l’air insufflé)
- 21%.
- D’accord, aller, tu mets sa tête en position neutre et tu commences.
J’essaie de garder mon calme. Ce n’est pas facile de pas faire les choses moi même, c’est une situation d’urgence, mais pas de quoi paniquer pour l’instant.
- Non. Pour commencer à ventiler un bébé qui n’a pas de mouvement respiratoire il faut que tu ouvres ses alvéoles. Pour ça tu dois faire trois insufflations longues. Met ton doigt là. Et tu comptes : 1, 2, 3, 4, 5. Tu lâches.
Elle m’écoute au doigt et à l’oeil. Je sens qu’elle y met toute sa concentration et c’est très bien comme ça.
- Aller on recommence : 1, 2…
- 3, 4, 5. Dit-elle. Et je recommence une troisième fois.
- C’est bien. Ensuite ?
- Je ventile.
- Oui. Plus vite que ça. La respiration d’un bébé c’est rapide. Aller, 1, 1, 1, 1 tu continues. Comment est sa saturation ? Qu’est ce que tu en penses ?
- Ce n’est pas suffisant.
- Oui. Alors ?
- On augmente la FiO2 à 30%. Je m’exécute.
- Et là ?
- C’est mieux.
- Alors ?
- On essaie une PEP ? (ventilation sans insufflation).
- Oui !
Ce bébé va mieux et le pédiatre arrive après la bataille. Elle reprend la tête et je félicite Mariane qui n’a pas faillit. Elle a les jambes flagada, je la rassure : c’est l’adrénaline et c’est normal. Je suis contente, je me sens utile. Je lui propose d’aller faire la première surveillance de la dame et de lui donner des nouvelles de sa petite qui va être hospitalisée en néonatalogie pour sa dépendance à l’oxygène. A ce terme on l’avait déjà prévu. Quelques minutes plus tard Mariane revient vers moi embêtée :
- Thaïs, la dame je peux la réinstaller ? Ou c’est fait exprès qu’elle ai été laissée comme ça.
- Comment ça ?
- Elle a encore les jambes en l’air.
Foutus médecins. Laisser la dame dans cette position, exposée et vulnérable, même pas nettoyée. Les docteurs se veulent être des gens bien, mais en oublie souvent leur humanité pour soigner les gens. Pendant qu’elle s’occupe de réinstaller la dame je commence mes papiers. Le doc n’a même pas tracé son passage. Rien dans le dossier, elle est repartie dormir. Tant pis pour elle.
3h : Accouchée depuis 2h ma patiente passe déjà dans une chambre en suites de couches. Les filles ont pris en charge entre temps un accouchement à domicile et un accouchement rapide. Ensuite plus rien. Chacune aura eu une tâche pendant la nuit, une seule. La seule nuit où j’espérais vraiment être occupée. Occupée à tel point qu’on ne sait plus comment on s’appelle. On n’aime pas ça d’habitude, mais parfois ça rend service. Je fais 3 fois le tour des services pour trouver une occupation. Rien. Tout le monde somnole, du jamais vu ici. J’ai besoin de m’occuper : je prévois mon planning des deux prochaines semaines pour profiter de chaque instant avec Val, qui va repartir bien trop vite.
6h45 : Je vais la voir justement. Je n’ai rien à transmettre et reste dans les murs de l’hôpital alors je quitte la salle de naissance un peu plus tôt que prévu. Après un rapide câlin elle doit déjà écouter les transmissions pour son premier jour, je l’embrasse et monte avec Lili, qui est de jour en service de transfert aujourd’hui.
7h15 : Son service n’est pas très rempli alors j’ai patienté pour qu’on puisse discuter un peu ensuite. Je lui explique les évènements récents. Elle se doutait que quelque chose clochait, et comme tout le monde elle est désolée pour moi, désolée de me voir comme ça. Déçue aussi, en colère. Pourquoi 15 jours avant de partir ? Pourquoi, alors que c’est lui qui s’est battu pour qu’on se mette ensemble ? Pourquoi, alors qu’il savait pour Alex ? Je ne sais pas plus répondre à ses questions qu’elle. Il est temps que je rentre, et qu’elle se mette au travail.
8h30 : Une fois dans la barge je lutte pour ne pas m’endormir sur ce gros bateau. Le soleil est agréable. Je fermerais bien un peu les yeux… Ma tête est lourde, mon corps tangue. Aller, dans quelques dizaines de minutes je suis dans mon lit.
9h15 : Il est temps de dormir.
J 171
15h15 : Déjà réveillée j’en profite pour balader Oïkia sur la plage à 10 minutes de la maison. Après ça je me fais un sandwich rapide pour ce midi et prépare mon repas du soir.
17h : Il me reste encore un peu de temps pour préparer un gâteau à mes colocataires qui doivent vraiment me prendre pour une asociale.
17h30 : Ils rentrent justement, on discute un peu. Je m’excuse de mon arrivée catastrophique et fais abstraction de l’accueille glacial de Jeanne à qui, visiblement, ça passe au dessus. Elle fini par se détendre un peu et je pars pour ne pas rater ma barge.
18h : Je suis sur le bateau qui m’emmène déjà sur grande terre.
18h30 : Déjà dans le service, je me change à la hâte et profite de ces quelques minutes d’avance pour aller discuter avec Val qui fini son service de la journée quand le mien commence.
N 171
19h : Un début de garde aux urgences. Les deux minuscules bureaux sont couverts de dossiers verts. 16 au total, plus une dame avec un placenta praevia (qui barre le passage du bébé) qui saigne, mais qui est gérée par la salle d’accouchement. Un lundi soir c’était prévisible, mais c’est parfait, c’est pile ce dont j’avais besoin, et pile ce que j’avais demandé pour ce soir. On commence par prendre les transmissions qui prennent une plombe et par faire une liste de toutes les dame, après on se les répartit et la course commence. Cette nuit je suis avec Eva, je l’aime bien. On essaye de déblayer la situation mais heureusement les filles se détachent des autres services pour venir nous prêter main forte.
21h : Le médecin de cette nuit rame un peu. Il vient de suède et ses prises en charges sont limites parfois. Nous, sages-femmes, on arrondit souvent les angles, on rattrape les bourdes parfois, mais cette fois l’interne (assez avancée dans son cursus d’internat) rentre souvent en opposition avec lui quant à ses décisions médiales. Le reste de la nuit promet d’être mouvementé, d’ailleurs le médecin ne sait pas faire les échographies, c’est donc l’interne qui s’en charge et qui commence à saturer. Après 36h de garde, à ce rythme là je peux tout à faire comprendre.
22h : L’interne entre dans le bureau en lançant “Qui s’occupe du placenta praevia ?” :
- La salle de naissance.
- C’est pas possible je viens d’aller les voir, elles sont pas au courant.
- Ah. On nous a juste informées qu’elle était là. Mais que le dossier était en salle, et que c’était eux qui gérait.
- Je viens d’aller la voir. Elle devait nous rappeler si elle saignait mais elle pas rappelé. Attend… Elle est pas sous rythme ?
Ça fait plus de deux heures qu’on enregistre pas son bébé. J’espère qu’il va bien, la situation pourrait être dramatique. Je me dépêche d’aller régler le problème moi même. En entrant dans la pièce je trouve la dame sur un brancard, à coté du lit, non couverte, pleine de sang, le dossier posé à coté d’elle. Qui est ce qui a foutu un bordel pareil ? Je sais qu’ils ont faillit la césariser d’urgence tout à l’heure et qu’à la place ils ont du partir sur un autre code rouge, mais visiblement personne n’est revenu la voir entre temps. Je branche un monito… Heureusement il va bien.
00h : On court, on explique, on rassure, on perfuse, on examine, on fait des dossiers, on transmet, on accueille, on préviens, on appelle, on fait traduire, on questionne, on examine, on enregistre, on fait tout sauf faire pipi, aller manger, ou boire pendant cette garde. La nuit n’a pas de fin, les heures sont courtes et longues à la fois. Je ne réfléchit pas, j’oubli tout ça, et je suis bien.
4h45 : Une accalmie nous permet d’y voir un peu plus clair. A force de passer nos dames en salle de naissance, suites de couches ou patho, il ne nous reste presque plus rien sur les bras. Pendant que c’est encore calme j’en profite pour aller ranger les dossiers.
5h : Je suis dans la réserve.
5h01 : Une nouvelle patiente arrive.
5h03 : La sage-femme de Kahani qui passait par là pour un transfert récupère le bébé sorti comme un bouchon de champagne au moment où je rentre dans la pièce. Je lui laisse le soin de récupérer l’enfant. Je me charge du reste. Ma petite patiente n’a que 17 ans, c’est son premier enfant et elle ne parle pas français. Félicitation madame. Tout le monde va bien. Je la passe en salle d’accouchement pour que l’équipe prenne le relai et s’occupe de la délivrance. Moi je les déleste de ce dossier supplémentaire. Je vais m’en occuper.
6h : Deux nouvelles patientes se présentent. Le “bus du matin”. Ce genre de patiente qui n’est pas venue aux urgences dans la nuit, et qui peuvent attendre le petit matin pour se présenter toutes en même temps. Eva a encore des dames, moi non alors je m’en occupe. Je chercher partout le dossier de l’une d’entre elles dont l’accouchement doit être éclenché aujourd’hui.
7h : La relève arrive, il est temps de passer la main. Une fois chose faite je fais le tour de tous les services pour vérifier que je n’ai rien oublié. Que mes dossiers sont cadrés et qu’il n’y a rien à rajouter dedans. Visiblement non, mes collègues ont assuré mes arrières.
7h30 : Je passe embrasser Val qui prend son service puis m’en vais prendre la barge.
8h15 : J’appelle le garage, auquel je devais amener ma moto pour quelques réparations pour annuler mon rendez-vous. Après deux gardes de nuit je ne pourrais pas attendre 3 heures sans tomber de fatigue, le temps qu’elle soit prête. Je comptais sur Théo, mais Théo n’est plus là, alors je me débrouille. Ou je me débrouillerais plus tard en tout cas.
8h45 : “T’es pas chez Tecma ?” Tiens, il vient de m’envoyer un message et espérait m’y croiser. Il me dispute, “Bien sur que je peux compter sur lui”. Tant pis.
10h : Après une bonne douche j’écris pleins de notes pour ne rien oublier de ces derniers jours. Je ne suis pas prête à les écrire. Ça attendra, mais ça restera là, dans un coin, prêt à être couché sur le papier.
10h30 : Il est grand temps de dormir. Je tombe de sommeil.
J 172
15h15 : Oïkia semble bien trop réveillée. J’entends du monde en bas et entre ouvre ma porte pour qu’elle puisse réclamer l’attention à laquelle elle a droit auprès d’eux afin que je puisse finir ma nuit.
17h : C’est mon réveil qui me tire de mon sommeil. Je l’ai mis pour avoir le temps de sortir le monstre. Elle s’est couchée juste devant ma porte et me dire bonjour dignement pendant que Lili me salut. On échange quelques mots et convenons de se rejoindre au sympa, pour boire un verre avant sa garde de nuit et le vol de son amie qui part ce soir. Je les rejoindrais à pied pour que ma louve puisse se dégourdir les pattes.
18h : Je crois que je pourrais facilement m’habituer à la vie d’ici. Les rues sont sûres, les commerces sont à deux pas et tout peut se faire à pied ou en quelques minutes de moto. Le coucher de soleil que nous offre la jetée pour ce verre de fin de journée est magnifique. J’essaie d’apprécier les couleurs, d’accepter le changement, même s’il n’était pas prévu si tôt.
18h45 : De retour à la maison pas de temps à perdre, je dois partir pour la barge dans 5 minutes. J’embrasse ma boule de poil, saute dans un jean, chope mon casque et c’est partie pour grande terre.
19h30 : Ce soir je retrouve enfin Valentine. Sa venue tombe à pic. Je passe la prendre à l’hôpital puis l’embarque direction l’hôtel maharadja dans lequel elle est logée par la réserve sanitaire. Après quoi je l’emmène au citron vert pour qu’elle goûte au poulet coco en écoutant mes histoires, et la raccompagne après avoir vidé mon sac. Qu’est ce que ça fais du bien de la retrouver. Les personnes auxquelles je me lient vraiment sont rares, je suis contente de l’avoir près de moi maintenant.
23h : Pile à l’heure pour la barge ! Ah non, c’était 23h30 finalement. Je prends mon mal en patience, j’ai hâte de rentrer dormir.
23h30 : Toujours pas de barge.
00h15 : Enfin dans mon lit.
J 173
6h10 : Il est trop tôt, mais je suis déjà réveillée. J’attends la sonnerie de mon téléphone en profitant de quelques minutes suspendues en dehors du temps avec Oïkia qui s’est hissée contre moi.
7h25 : Je pensais prendre quelques secondes pour m’arrêter retirer du liquide mais vu le monde qu’il y a à la barge c’est maintenant où jamais. Je garde le cap, me fais passer devant par deux ou trois maladroits et fini de justesse tout à l’arrière du bateau, dans la dernière rangée de moto.
8h : 8h tapantes. Après un petit détour pour récupérer Val on est pile à l’heure pour le programme de la journée qui n’est pas des moindres : une journée catamaran sur le lagon. Le plongeur et son skipeur se présentent, nous donnent quelques informations et la petite troupe de 13 que nous sommes quitte déjà le port direction le nord. Pendant qu’on prend le large le petit déjeuner nous attend : du beurre, du pain, des brioches, des croissants, de la confiture et du caramel beurre salé. De quoi ravir les nombreux bretons ici présents. Pour cette aventure Agnès s’est entourée de ses colocataires, et Qaïs de sa famille venue lui rendre visite. Moi de ma belle Val, que je ne compte pas quitter d’une semelle jusqu’à son départ.
9h30 : Arrivés sur site le bateau s’arrête pour une première étape plongée. Quatre chanceux partent avec le moniteur pour une plongée encadrée pendant que le reste des plaisanciers profiteront des récifs et de leurs couleurs en PMT (palme masque tuba). Val saute à l’eau la première, je la précède sans hésitation dans cette eau cristalline et tutoie les coraux pendant une petite demi heure. Les fesses vers le haut, la tête vers le bas j’aperçois une petite tortue verte qui nage à quelques mètres de moi seulement, dans une plénitude déconcertante. Elle est belle et paisible à nager dans cette eau de quelques mètres de profondeur comme si le monde autour n’existait pas. Elle se faufile entre les bancs de poissons, penche pour frôler les récifs, remonte pour aspirer de l’air. Je la laisse s’éloigner, avec gratitude pour ce moment volé.
11h15 : On regagne le bateau pour flâner au soleil à l’avant des deux coques. Puis reprenons la route une fois nos plongeurs revenus.
12h : Le programme c’était d’aller manger mais à la place c’est rencontre avec les dauphins. Les tursiops sont une espèce très curieuse qui aime jouer avec les nageurs, alors pour leurs plus grand plaisir et pour le notre on se met tous à l’eau. Je tente un piqué vers le fond pour les attirer, très mauvaise idée, je ressors avec le crâne scié en deux à cause de mes sinus plus que bouchés. On barbotte, on papote (on entend les sonars de là ou on est), ils viennent tout près, passe juste en dessous de moi puis s’en vont, comme ils sont venus, libres.
12h30 : Un festin s’est déployé devant nous. Houmous, sauce au thon, caviar d’aubergine, tatziki, brochettes de boeufs, de poulets et crevettes marinées. De quoi nous remplir la panse pour rouler jusqu’à l’avant du bateau, au soleil pour une sieste.
15h30 : J’ai un peu les idées ailleurs. Je vide mon sac au près de la bonne oreille de Val, qui comprend, qui soutient, qui attend. Ça passera avec le temps. Je le sais, je l’ai déjà fais.
16h45 : De retour sur la terre ferme on règle la somme de 80€ par personne puis tanguons sur le ponton qui nous donne le mal de mer. Je salue la troupe, et j’emmène Val au marché couvert pour lui montrer les étales colorées d’épices et de légumes.
17h : Tout est fermé. Après deux trois courses pour mon amie on opte pour un dernier verre au 5/5 afin de clôturer cette belle journée. Toujours un peu dans mes pensées je me sens mieux, avec des hauts et des bas, mais je ne suis pas pressée de rentrer à la maison. Il faudrait pourtant. Il faut qu’elle passe du temps avec la réserve, et moi avec mes colocataires. En plus de ça il faut absolument que j’écrive, et absolument que je dorme.
22h00 : Les deux n’allaient pas ensemble, je me suis écroulé dans une sieste imprévue. Après quelques discussions je salue François et Jeanne pour regagner ma chambre et taper au moins ma journée d’aujourd’hui. Je me lève à 5h15, pourvu que ça ne prenne pas trop de temps.
22h30 : Chose faite, il est temps de dormir. Mon lit tangue autant que le bateau d’aujourd’hui. Je suis contente d’aller travailler demain, un pied devant l’autre, ne pas réfléchir, ça ira.
J 174
5h15 : Les heures de sommeil ne sont pas nombreuses en ce moment. Nouvelle petite-terrienne je me réveille encore plus tôt qu’à Iloni pour pouvoir être à l’heure.
5h45 : Après avoir sortie Oïkia je pars pour prendre la barge de 6h.
5h51 : Est ce que j’ai bien fermé la grille de la maison ? Le doute s’installe, j’ai deux choix : faire demi tour et rater ma barge, même si je suis presque sûre d’avoir fermé, ou me faire confiance et prendre le risque de faire très mauvaise impression dans cette nouvelle coloc. Le travail est trop important, je choisi la deuxième option.
6h : Dans une pétarade de scooters, motos, vélos et voitures en tout genre qui se pressent comme pour prendre le métro, je monte sur ce bateau, que je vais prendre bien souvent visiblement. Je suis encore dans la dernière rangée de deux roues. Un peu plus et je ne montais pas. Je profite de ce quart d’heure de transport pour envoyer un message à la coloc et tenter d’appeler trois fois Lili qui a dû mettre son téléphone sur silencieux.
6h35 : Au moins je ne suis pas pressée c’est l’avantage, la barge me fais arriver en avance à chaque fois. Mais si je prends celle d’après je serais en retard.
7h : J’avais oublié mais je ne suis pas en salle d’accouchement aujourd’hui. J’ai accepté d’échanger suite à la demande d’une de mes collègues pour sa dernière garde à Mamoudzou. J’ai le moral dans les chaussettes et je suis fatiguée, c’est peut être un mal pour un bien. En suites de couches c’est une bonne équipe aujourd’hui. Louise, Eva, et Cassy, sont là. Quand l'une d’entre elle pose sa main sur mon épaule et me demande si “ça va ?” ça déborde instantanément. J'essaye de me reprendre rapidement, ça fait plusieurs jours que je sers les dents et que je tiens au boulot, ce n'est pas pour craquer maintenant. Eva est surprise. J'ai été avec elle au cours de mes deux dernières gardes et même si elle voyait que ça n'était pas la grande forme elle semble épatée que j'ai réussi à cacher d’aller aussi mal. Les trois soutiennent que “c’est dégueulasse” ce qu'il a fait. Que ce n’est qu'un con. Qu'un con, certes, mais j'ai toujours mal au coeur moi. Elles m’invitent tour à tour à prendre un café à la fin de nos transmissions. J'ai le service le plus chargé et plein de chose à faire mais j’accepte, par politesse.
8h : Après avoir expliqué succinctement ce qu’il s’est passé ces derniers jours les filles tentent de me réconforter comme elles peuvent. Moi je préfère me remettre au travail, au moins ça me fais vraiment penser à autre chose et il n’y a rien de plus efficace même si elles sont pleines de bonnes intentions. Je commence mon tour du matin accompagnée de mon aide soignante, Amar, qui semble être atteinte d’albinisme. J’ai remarqué que, comme en Guyane, beaucoup de gens sont atteints ici. Et du coup c’est étonnant de voir une blanche plus blanche que moi avec des manières de mahoraise, qui maitrise sa langue natale.
11h45 : Le tour du médecin est rapide, je ne lui pose que deux trois questions, et comme il ne maitrise pas grand chose je choisis presque pour lui, je suggère, je suppose. Après l’avoir orienté vers les décisions que je souhaitais et l’avoir fait signer tous mes petits papiers je m’éclipse puis m’applique à tout faire ensuite.
12h : 2 de mes dames sont transférées dans la matinée, j’accueille une entrée et ne perd pas de temps pour faire mes deux sorties.
13h15 : Il est temps de prendre une pause. La salle de repos est prise d’assaut une fois de plus par les aides soignantes qui “mangent” depuis plus d’une heure. Notre quart d’heure de répit, à moi et aux sages-femmes, se passera donc en salle de staff, dans lequel deux personnes assistent à une vidéo conférence en ce moment même. Notre repas se passera donc dans le silence, malgré notre demande pour la salle de repos “elles partent dans 5 minutes” qui se transformeront en 20. Ça m’agace. Entre le moment où j’ai posé mon assiette sur le bureau et celui ou j’ai tenté d’apporter la fourchette à ma bouche on m’a appelée pas moins de 6 fois. Obligée de me lever et de sortir de la pièce à chaque fois je commence à bouillonner. Tout me soule aujourd’hui. Les médecins qui mettent trois plombes à me rappeler, les aides soignantes qui n’ont aucune considération envers nous, les mamans qui prennent leur temps, les cadres qui ne servent à rien. Et les mecs, surtout les mecs. Je commence à en avoir marre de toute ces mésaventures mahoraises, ça commence à bien faire. Je roumègue dans mon coin et j’y ai le droit. Je met un point d’honneur, d’ordinaire, à rouspéter le moins possible. Aujourd’hui je fais ce que je veux et je les emmerde tous. Ça fait rire les filles, qui ne sont pas habituée à me voir comme ça.
14h30 : Théo, qui a pris la mouche par ce que j’ai dis que je ne dormirais pas à Iloni ce soir pour pouvoir ramener Val, ne veut plus venir à la soirée. Je descends en personne pour en discuter avec lui, j’en ai marre des messages et des interprétations possibles. Je trouve sa réaction idiote et immature. Il me tanne pour passer du temps avec moi mais sous prétexte qu’il ne passera pas la nuit à mes cotés il préfère ne pas venir du tout. Descendre au laboratoire pour le voir me tort le ventre, il y a quelques temps je me sentais toute légère en faisant ça. Un petit répit que je m’accordais comme on peut s’accorder le plaisir d’un bon café. A mon arrivée il reste sur sa position, ça m’agace encore plus, je repars énervée.
15h : Dans l’après-midi je fais encore une sortie, quelques transferts et deux entrées supplémentaires. Parmi elle j’accueille une (très) jeune patiente de 12 ans. Accompagnée de sa maman je note -comme la sage-femme qui me l’a transmise de salle de naissance- qu’elle ne parait pas si jeune. L’une des possibilité est qu’elle ai menti pour avoir accès à l’école, dans ce cas, la grossesse chez une dame de 15-16 ans paraitrait moins catastrophique bien que tout de même problématique. Sur les conseils de ma cadre j’aborde la question avec elle. Si elle a réellement 12 ans il faut que je fasse un signalement au procureur, qu’une enquête soit menée, qu’une assistante sociale et une psy soient mises sur l’affaire etc… Ma patiente ne sait pas. Elle me dit qu’elle vient des Comores et qu’elle n’a jamais fêté son anniversaire. Qu’elle n’est pas sure mais qu’elle ne connait pas réellement son âge. Elle m’assure aussi qu’elle a un chéri, qui lui a 18 ans, et qu’il ne l’a forcé à rien, ni n’a jamais été violent avec elle. Qu’elle en avait envie. Bon, elle semble sincère, par contre pour son âge je ne saurais jamais si elle n’ose pas me dire par peur que je la dénonce où si elle ignore vraiment quelque chose qui peut nous paraître si important.
16h : La cadre vient me voir pour tout autre chose. J’ai commis une erreur la dernière fois et ai donné un Acktiskénan (morphiniques appartenant à la catégorie des drogues) sans le tracer. Le problème c’est que c’était il y a au moins 3 semaines et que je vois mal comment je pourrais me souvenir de la dame à qui j’ai donné cet antalgique. Même en insistant. Personne ne m’avait parlé de ce cahier de traçabilité, c’est dommage par ce que la pharmacie va nous tirer les oreilles.
16h30 : Mes colocataires m’ont rassuré ce matin, j’avais bien fermé la grille, par contre, en faisant sortir Oïkia dans le jardin aujourd’hui elle a tué une poule en voulant jouer visiblement. Je me sens mal et responsable mais c’est à cause de ces foutus trous dans le grillage du jardin. Heureusement je pense que les poules n’appartiennent à personnes, et les voisins ne viendront pas s’en plaindre, c’est déjà ça.
17h : Je vaccine les bébés non vaccinés contre l’hépatite B en vérifiant 3 fois qu’il ne l’aient pas encore été. Je ne tiens pas à faire la boulette une deuxième fois.
19h : La fin de la garde est vite arrivée. Je fais mes transmissions et file me changer avant d’aller chercher Val à l’hôtel pour l’emmener à la soirée poker d’Iloni.
20h20 : La soirée change de programme puisque les garçons ont oublié les malettes de jeu. A la place on discute dans le salon en grignotant et le clou de la soirée se fait par un time up. Finalement Théo est resté, il devait aller manger chez Angélie mais semble s’être ravisé. Il est difficile à suivre ce garçon, s’il pense que je vais lui courir après avec ce qu’il a fait il se met le doigt dans l’oeil.
23h45 : Il est temps de repartir si je veux pouvoir choper la barge de 00h30. Je dépose Val et monte sur la dernière barge de la journée.
1h30 : Théo a fait partie du voyage. Il ne voulait pas dormir dans notre lit et m’a demandé s’il pouvait venir à la maison, je n’ai pas eu le coeur de refuser. On s’endort l’un contre l’autre en se faisant du mal à se faire du bien, ou l’inverse. Il part le premier pendant que j’écris, et je ferme les yeux une demi heure plus tard contre lui. Si seulement je pouvais simplement le détester, dommage la haine n’annule pas tous les sentiments.
J 175
6h10 : 4 heures de sommeil plus tard j’ouvre déjà les yeux. La nuit de ce soir va être dure. Une heure plus tard il est déjà temps de partir pour la barge. J’ai rendez vous à 8h chez Tecma pour quelques réparations sur ma moto. Après ça j’opte pour un petit déjeuner en attendant l’ouverture de monsieur bricolage (mon vieux copain!) et je retourne aussi sec sur petite terre le dos bien chargé de quoi barricader le jardin.
12h30 : J’ai passé ma matinée à renforcer le jardin truffé de trou. A ma première tentative, après avoir bien tendu mon tout nouveau et tout beau grillage j’entends du bruit chez les voisins : « Oïkia, qu’est ce que tu fais là ? » je suis entrain de fermer alors qu’elle est du mauvais côté. Je l’appelles pour qu’elle repasse par son trou de taupe et me remets à l’œuvre. Sur le point de terminer la voilà de nouveau en face de moi. « D’où tu viens toi ? » je l’appelle un peu plus loin et trouve un nouvel endroit par lequel elle passe. Je m’applique à boucher ce passage également, puis un autre, un peu plus loin. Après ça je fais le tour pour être sure d’être tranquille concernant la fugueuse. Ah. Il y a un endroit où ce n’est même pas grillagé ça va être plus compliqué. Je tente d’empêcher son passage avec des parpaings qui traînent, des bouts de bois, un pot de fleur, et je croise les doigts pour se ça suffise.
« Tiens maman regarde » revient-elle avec la poule morte d’hier dans la bouche. Gé-nial. Je jette le cadavre dans une autre poubelle et Val est déjà là pour aller au Faré. Ma louve fera partie de la courte sortie, les pattes dans le sable ne pourront que lui faire du bien.
13h30 : elle a été accueillie en vrai princesse. Le personnel très attentionné m’a même proposé une gamelle et la serveuse -visiblement mahoraise- n’a pas semblé avoir peur un instant. J’ai opté pour un tartare de poisson et ai partagé une assiette découverte avec carpaccio de mérou frais (entre autre) avec mon amie. Lili s’est jointe à nous pour le repas mais n’est pas restée longtemps avant de partir barger pour rejoindre son bivouac du week end.
15h : Après un rapide passage à la maison pour choper mes affaires de garde et déposer Oïkia je suis de retour dans la barge. On doit être au garage avant 16h45, mais les bouchons de voiture m’obligent à venir bien en avance pour être sure de la récupérer à temps. Plaquettes neuves, sélecteur changé, niveaux faits et chaîne retendue je règle ce que je dois avant de rentrer à l’hôtel pour y attendre Val qui se coltine les bouchons dans le sens inverse.
17h15 : Après un coup de téléphone à la métropole j’ai le temps de dormir 1 heure avant ma garde de cette nuit. Ça fait court côté sommeil en ce moment.
N 175
18h15 : je suis fatiguée mais la question ne se pose pas, j’y vais sans réfléchir. Ça marche très bien comme ça ces derniers jours.
18h50 : Mon service d’affection a changé au dernier moment pour remplacer ma dernière garde en salle à Mamoudzou par le service de transfert. Après vérification, les 3 cadres prévenues par mail, à l’oral et par téléphone à plusieurs reprises n’ont toujours pas résolu mon problème de double planning : j’apparais depuis 10 jours sur les plannings de Mamoudzou et de Dzaoudzi, sauf que je n’ai pas encore la capacité de me dédoubler.
19h : Dzaoudzi n’accepte plus de transfert du fait de son déménagement imminent. Les autres maternités, débordées par le rush qui ne semble pas céder (14 accouchement en 24h à Kahani) n’ont plus de place disponibles pour nos patientes qui se portent bien. Du coup, dès le début de la nuit il ne me reste que 3 places jusqu’à demain matin. Je ferais 3 entrées dans la nuit et ne pourrais faire partir qu’une navette de 4 patientes à Dzoumonié avant que d’autres places ne se libèrent par les sorties du jour.
19h30 : Un dextro, une entrée, un examen clinique, puis j’enchaîne avec mon tour du soir. L’avantage c’est qu’ici elles vont toutes bien, et cerise sur le gâteau elles parlent presque toutes français cette nuit. L’aide soignante avec qui je travaille ce soir n’est pas de la maternité et travaille de ce fait beaucoup mieux que celle avec qui j’ai l’habitude de partager le bonheur de jouer à cache-cache.
21h : Le Doliprane est en rupture de stock dans toute la maternité visiblement. J’en pique discrètement par ci, par-là, et les distribue avec parcimonie. Niveau problème de matériel je rencontre aussi un soucis de taille majeur : pas de balance dans ce service. Celle qu’on avait a été réquisitionnée par le pédiatre qui s’est trouvé en panne de la sienne. Résultat, pour mes bébés transférés demain matin je vais devoir jouer de mes charmes pour emprunter habilement celle d’en bas, et la redescendre en catimini avant que quelqu’un ne s’en aperçoive vers 7h30.
4h45 : J’ai passé ma nuit entre dextro, surveillance clinique, et dossiers « qui avaient été bien vérifiés » mais qui ne l’étaient pas du tout. Après avoir préparé 12 fois les ordonnances de sortie, annulé tous les rendez-vous qui avaient été oubliés de l’être, et modifié 12 dossiers informatisés j’ai enfin un peu de répit. Les autres services n’avaient pas l’air débordés pendant mes nombreux allers retours et ne m’ont jamais appelée malgré ma proposition de donner un coup de main. Je crois que je vais pouvoir dormir et c’est un luxe que je ne vais pas me refuser. Pour une fois je ne m’occupe pas des pleins, une fois, un seule, et je m’octrois le bonheur de fermer les yeux sur un brancard, juste quelque minutes, malgré la lumière du couloir allumée comme si nous étions en plein jour.
5h40 : « Madame? » une buéni me touche le bras. Elle répond au « mhh? » un peu perdu que je lance à mon réveil brutal : « j’ai plus de serviette madame ». Je lui en donne, et elle s’excuse de m’avoir réveillé. Je la rassure : pour une fois les rôles sont inversés.
5h45 : J'en profite pour commencer ce que j'ai à faire ce matin. Pendant que ma collègue se charge de servir le petit déjeuner et de peser les bébés avec la balance que je viens de "voler", je m'occupe de faire l'examen du jour chez mes patientes transférées, de piquer leurs bébés, de faire mes transmissions et d'appeler les ambulanciers chargés de la navette. Après tout ça Mélina est déjà là pour prendre la relève. Je transmet mon service et ne me fais pas plus prier pour partir.
7h45 : Théo est parti tôt ce matin de l'autre bout de l'île pour dormir avec moi. Je n'ai pas le courage d'être courageuse. Je suis trop fatiguée et bien trop en manque de lui pour renoncer à quoi que ce soit. Je l'attends avec un petit déjeuner de sage-femmes au camion blanc et on prendra la barge de 8h30 pour regagner mon lit.
8h25 : Bruno apparait devant la barge. Il est chargé de bagages et semble un peu perdu. Je lui demande ce qu'il lui arrive quand il me répond hagard qu'il est entrain de louper son avion. Selon lui il faisait la fête hier soir mais s'est couché tôt, sauf que le réveil n'a pas suffit à le réveiller. Il est couvert de paillettes de la tête aux pieds, il me ferait presque sourire mais je me retiens par ce qu'il a l'air vraiment mal. Son avion décolle à 9h15. Sur un vol long courrier je sais d'expérience que les embarquements se font en général 1h avant le décollage, il y a peu de chances qu'il réussisse à l'avoir. Je m'abstiens de tout commentaire et appelle l'aéroport pour demander s'il sera accepté. La dame ne sait pas trop me dire : il faut tenter le tout pour le tout, mais la barge n'est pas pressée. Pas plus que d'habitude en tout cas. Une amie qui passe par là lui offre de l'emmener en scooter, je croise les doigts pour lui, je sais à quel point ce genre de billet peut couter cher, sa famille l'attend et il n'est pas rentré en métropole depuis plus de 2 ans.
9h15 : Oïkia ravie de retrouver Théo se couche près de nous pour le début d'une nuit post-travail pour moi, post-fête pour lui.
J 176
13h : Celle-ci ne semble plus vouloir attendre. Je m'empresse de la sortir pour lui laisser faire ses besoins puis remonte un peu avant de me décider à manger un petit repas.
14h30 : Je me rendors.
17h30 : Au moins j'ai pu récupérer un peu. Le temps de se lever et il fait déjà nuit quand on prend le temps d'emmener Oïkia sur la jetée pour une petite demi heure de balade.
19h30 : Je prends la barge pour retrouver Val, ce soir je l'emmène au Barakili "draguer du gengens" (les gendarmes quoi !). Proie préférée de Val qui est en couple, j'avoue que l'idée de séduire un peu me plait. Finalement, j'apprends à regrets que ce bar est fermé tous les week-ends, alors à la place on retourne au camion blanc et je prends la barge de 22h30 pour rentrer chez moi épuisée.
J 177
6h30 : Premier réveil, c’est trop tôt.
10h15 : J’ai mal à la tête. Je sors Oïkia pendant que je me penche sur mon clavier jusqu’à midi. Les récents évènements m’ont empêché d’écrire et j’ai pris un sacré retard qu’il faut rattraper. D’habitude lors d’un drame j’ai besoin d’écrire. Mais quand quelque chose me fais trop de peine, dans un premier temps je n'ai pas envie de le coucher sur papier, le revivre une seconde fois. Alors j’attends, et ça viendra.
12h : J’ai encore mal à la tête, et le moral n’a pas décidé de faire partie de ma journée. Je regarde constamment mon téléphone pour voir si j’ai reçu un de ses messages. Je me déteste parfois. Aller, je referme les yeux, de toute façon à part ça ou écrire je n’ai rien prévu d’autre aujourd’hui. J’avais plusieurs propositions, de journées bateaux, de plage et j’en passe. Mais il faut bien que je me pose un moment, et c’est aujourd’hui ou jamais.
14h15 : Après une bonne petite sieste et un ibuprofène le mal de tête semble s’être calmé. Je me remets à vous écrire. Je passe l’après-midi à ruminer. Il y a des hauts et des bas, je me dis qu’en étant très bas je ne peux faire que remonter. Pour ça je me force à sortir du lit et à aller prendre l’air. De toute façon il faut bien que je promène Oïkia. Les écouteurs enfoncés dans les oreilles je marche sans réfléchir le coeur au bord des lèvres, les larmes au bord des yeux. En revenant je ne me sens pas beaucoup mieux, il est temps de partir pour aller manger chez Mélanie qui nous a invité ce soir mais j’ai peur de casser l’ambiance avec mes larmes qui n’arrêtent pas de déborder depuis ce matin. J’envoie un message à mon hôte pour expliquer que je ne serais pas très en forme mais elle insiste et m’invite à venir quand même : “les copains c’est fais pour ça”. Je pars des larmes dans les joues, ça passera. Ça passera.
19h15 : Je monte sur ma moto et m’en vais sur grande terre, j’embarque le nécéssaire pour ma journée bateau et ma garde de demain soir, juste au cas ou.
20h05 : Arrivées à destination je ne peux pas cacher mes maux bien longtemps à Val qui commence à me connaître. Et je craque, et je craque. Mais ça va s’arrêter quand ? J’explique que j’ai mal, mal de le voir aller bien et que je ne comprends pas. Que j’ai du mal à suivre ses changements d’humeur et de comportement quand j’ai déjà du mal à suivre les miens. Il faut bien y aller un jour, on est sur le pas de la porte depuis 15 minutes alors qu’ils nous ont entendu arriver. J’entre les yeux rouges, tant pis, tout le monde sait de toute façon. Alice me fait un câlin, Andréa me dis que ce n’est qu’un con et qu’il le paiera un jour. Louise me questionne « c’est quoi qui t’embête à ce point ? Qu’il fasse une soirée a la maison ? ». Entre autre oui, c’était ma maison. Maintenant je rentre la boule au ventre dans mon nouveau chez moi. Les autres ont le respect de me sourire poliment l’air de dire « tu vas y arriver » mais de ne pas s’en mêler.
23h : même avec mes copains je n’arrive pas à retrouver le sourire, mais je crois qu’en partant je vais mieux, un petit peu. Je sais qu’ils comprennent, qu’ils compatissent. La plupart sait déjà que ce n’est pas ma première fois, que c’est ça qui me fais mal, et semblent simplement désolés pour moi. Je pars déposer Val, ensuite j’ai besoin d’explications. Il devait venir à la maison aujourd’hui mais sa moto a fais des siennes et il a du faire demi tour. Tant pis, je prends la direction d’Iloni.
23h30 : Sa moto n’est pas là. Il se moque de moi ? Je l’appelle :
- T’es ou ?
- Avec des copains…
- Je croyais que ta moto était trop cassée pour aller sur petite terre ?
- Il sont venus me chercher.
- Elle est ou ta moto ?
- A Iloni. Pourquoi ?
- Elle est pas à Iloni Théo. Je suis à la maison. A Iloni.
(Silence)
- Non, mais ils sont pas venus me chercher, je les ai suivi.
- J’ai l’air si bête que ça ? Tu peux arrêter de m’insulter s’il te plait ?
Ensuite on crie, on craque. J’étais là pour mettre les choses à plats. J’ai envie de partir, envie de rester. Si je pars c’est terminé pour de bon. Il me demande de l’attendre. Il arrive.
23h50 : “Qu’est ce que tu fais assise par terre ?” J’hausse les épaules. En vérité je ne voulais simplement pas m’assoir sur notre lit. Il vient vers moi, veut me prendre dans ces bras. Je le repousse :
- Donne moi une bonne raison de rester.
- Je t’aime ?
- T’es bourré ?
- Non !
- Pourquoi tu fais tout ça ?
Il lâche tout. Que pendant des mois il a espéré que j’offre une suite à notre histoire. Qu’il nous a donné une bonne raison de nous séparer, une vraie. Je l’insulte. Pour pouvoir reprendre le dessus il m’a détruite au passage en sachant que c’était déjà des choses fragiles pour moi, tout ça. Que j’en voulais pas, qu’il s’est battu pour. Il fini par craquer lui aussi, me dit qu’il se protège, qu’il m’aime, qu’il est triste, qu’il est désolé.
1h30 : On s’endort fatigués. L’un contre l’autre, plus léger d’avoir tout dis. “ Je suis fatiguée Théo, je devrais pas me battre pour toi. Je le ferais plus. J’ai besoin que tu le fasses pour nous”. On sait que c’est fini nous deux, mais on espère encore de pouvoir profiter des derniers instants avant son départ. Il acquiesce dans mon cou, épuisé d’être fatigué lui aussi.
J 178
7h20 : J’ai passé la nuit dans ses bras mais il ne semble pas vouloir se réveiller. Je le quitte, l’embrasse sur le front. Et pars.
7h45 : A mon arrivée pas de nouvelles, pourtant je sais qu’il est debout. J'ai décidé d’arrêter de me battre cette nuit. Rester accrochée, lui courir après, c’est une mauvaise idée, et c’est à lui de le faire normalement, pas l’inverse. Il faut que je réussisse à lâcher prise. Je vais essayer de profiter de cette belle journée bateau qui s’annonce, mais la première heure est compliquée. Je ressasse, je suis perdue, je tourne en boucle. J'ai vraiment beaucoup de mal à gérer ce genre de situation visiblement.
8h : Avec Val et ses 2 copines de la réserve que je rencontre à l’instant nous ne seront que 6 passagers aujourd’hui. Deux personnes, (un père et sa fille ?) s’ajoutent à notre petit groupe. On prend le large, moi je prends l’air marin, l’air morose.
8h15 : On commence par une chasse aux baleine. La saison vient à peine de commencer, le capitaine n’est vraiment pas sur qu’on en voit alors on croise les doigts. Dans notre recherche nos copains les dauphins viennent nous dire bonjour. Les tachetés, pour commencer, sont nombreux aujourd’hui mais timides. La mer est calme, ils en profitent pour se reposer. Ensuite viennent les becs longs. Un peu plus joueurs et qui nous offrent un beau spectacle de sauts et vrilles en tout genre. Le marin nous apprend que ces derniers sont connus pour leurs cabrioles, et que souvent quand ils en effectuent une ils recommencent deux fois. On profite du spectacle puis cherchons les baleines en vain quand les dauphins décident de disparaitre dans les profondeurs des eaux turquoises.
9h30 : Un premier arrêt pour que les filles fassent du snorkelling et que tonton (le capitaine) prépare le p’tit dej. Moi j’opte pour le soleil, je ne suis pas d’humeur à me baigner et profite d’engranger toute la vitamine D du soleil, il parait qu'il est bon pour le moral celui là alors qu'il fasse son job.
10h : On contourne l’îlot M’Tsamboro, pour faire un premier arrêt sur l’îlot de sable blanc qui se trouve à son coté. Cette fois je descends me mettre à l’eau et regagne le petit bout de terre formé par une monticule de sable blanc. Un shooting improvisé commence et même si je n’aime pas les photos je me prends au jeu, je fais un effort. Je sais que Val essaye de me redonner confiance, j’apprécie l’effort alors j’y mets un peu du mien.
11h : Cette fois on opte pour un arrêt sur l’îlot maji (île de l’eau), recouvert sauf à marée basse d’une eau transparente qui nous arrive à mi-mollets. J’en profite pour faire quelques pas, sans me mouiller les fesses.
12h : Toujours pas de baleines, et toujours pas de nouvelles. Je ne sais pas à quoi il joue. Dans un sens ça me rend folle de colère, dans un autre ça me brise un peu plus. Il s’amuse à afficher son indifférence, comme si ça n’avait pas suffit. Mon égo est blessé, profondément abimé. Ma confiance en moi et en les autres n’en parlons pas.
12h30 : Pour le ponch nous choisissons de faire cap sur une plage des alentours. On en profite pour manger un bout et donner à manger aux poissons avec les restes. Après ça, faute de baleine, on se rabat sur les bébés requins qui se trouvent dans la baie ouest. Les pointes noires sont inoffensifs. J’avais déjà nagé avec quelques uns d’entre eux dans l’océan pacifique, ici ils semblent plus craintifs.
15h : Le chemin du retour est entamé. Je m’oublie dans mes pensées, mes écouteurs enfoncés dans les oreilles couvrent le bruit du moteur et celui de ma tête. Presque. J’oubli le soleil, ça passera. Je sais que ce n’est que passager. Que dans quelques temps je regarderais derrière mois et me désespérerais de l’importance que j’ai accordé à tout ça. Je m’en serais détachée, et qu’est ce que j’ai hâte.
16h15 : On règle 75 euros par personne, puis je passe acheter un casse croute au camion blanc pour mon repas de ce soir.
17h20 : Arrivée à l’hôtel de Val, j’ai une petite heure devant moi pour tenter de fermer les yeux avant ma garde de cette nuit.
18h15 : J’ai à peine somnolé.
N 179
19h : Je commence deux nuits de patho. A mon arrivée Alice sort de garde de jour. Un câlin suffit pour faire déborder les larmes que j’ai retenu toute la journée. Elle me fait parler, un peu, puis s’en va, après m’avoir offert une oreille attentive.
19h45 : Le tour du soir est plutôt tranquille. Je ne connais pas beaucoup les filles qui sont avec moi ce soir alors je me mets sur le troisième bureau, un peu à part, pour avoir une excuse pour ne pas discuter. Au détour d’un couloir, après le 3ème aller retour je me fais la réflexion que je suis bien au travail, trop occupée pour penser. Je vais peut être demander des gardes supplémentaires. Pas sûre que ça passe dans mon planning, mais ça arrangera peut être les cadres. Sur cet constatation je décide de partir aider aux urgences avant de me pencher sur mes dossiers. De toute façon je serais là aussi demain soir, j’aurais le temps de tout voir.
22h : Les filles croulent sous les dossiers. Le rush aurait déjà dû s’arrêter mais ne faiblit pas, les équipes s’épuisent, certaines tiennent au mental, les autres aux nerfs. Moi j’ose espérer me trouver entre les deux. Les arrêts maladies pleuvent en ce moment, et les cadres tirent la langue pour boucler des plannings infaisables. J’aide au tri comme je peux. Je fais la petite main, emmène les dames, perfuse, donne à manger, fais des dossiers. Les filles semblent ravies du temps que j’ai à leur consacrer.
00h30 : L’équipe de patho va manger : “Tu viens Thaïs ?”. “Oui, oui allez y, je vous rejoins”. Je n’ai pas le moindre appétit. Je fini ce que j’ai à faire et les rejoins une quinzaine de minutes plus tard. Juste pour leur tenir compagnie. Je mangerais peut être plus tard, quand la faim aura décidé de pointer son nez.
5h15 : Après ça j’ai mis mon nez à moi dans les dossiers. J’ai tenté de voir le plus de papiers pour en avoir le moins possible à faire ce soir. Le problème du jour c’est que mon service est plein. Depuis 3 mois il s’est créé un troisième poste de sage-femme grossesse pathologique à cause du nombre d’hospitalisation augmenté en flèche. Les lits subtilisés au service de gynéco ne désemplissent pas et le planning de juillet ne nous offre que deux sages femmes pour 32 lits. Les lits coté gynéco sont censés fermer pour l’occasion mais l’exploit me semble impossible. Actuellement ils sont même tous pris, à deux jours du changement de planning.
5h30 : Avec 10 patientes seulement (imaginez à quelle heure devra commencer le tour du matin avec 16 dames…) je dois me dépêcher pour avoir le temps de tout faire avant que les filles de jours n’arrivent.
7h : Pile poil. Je fais mes transmissions à Julianne, puis rentre chez moi, sans la moindre envie de retrouver ma maison. Je suis désolée de constater que j’ai associé cette coloc à cette période, c’est vraiment dommage et il va falloir que j’y remédie vite. Se sentir bien chez soit, c’est tellement important. La seule chose qui me réjouis, c’est de retrouver ma louve, un gros câlin et tout va mieux.
8h : Je barge.
8h30 : De retour dans mon lit après une bonne douche je m’endors sur mon clavier en tentant de prendre quelques notes. Je me réveille deux heures plus tard, la bouche ouverte, toujours dans la même position. Je ferme mon ordinateur, et referme les yeux.
J 180
12h15 : beaucoup trop tôt, je me réveille la boule au ventre. Toujours pas de nouvelles Je tourne, retourne. J’ai le moral en berne. Je craque, j’avais dis que je n’enverrais pas de message mais je préfère être fixée. C’est d’être dans l’attente que je ne supporte plus. J’envoie un message et sans attendre la réponse je l’appelle. Il faut que je sache. Sa voie est froide, lui qui pleurais avant hier soir parait soudain détaché. A ma question de la raison de son silence je l’entends me répondre “Je crois qu’il faut mieux qu’on arrête.”. J’essaie d’avaler la boule dans ma gorge sans succès. Ensuite je reprends dans un souffle pour lui donner mes derniers mots à lui dire. Je raccroche enfin, et constate que j’en suis soulagée. Je pleures mes dernières larmes, sèches mes joues et décide de ne pas me laisser abattre plus longtemps. J’avais besoin de ça pour avancer.
16h30 : Val est à la plage de moya avec la réserve. J’embarque Oïkia sur mon dos à moto et vais prendre l’air. Quelques minutes plus tard j’arrive à destination. Ma louve fait sensation, comme à son habitude. Je salue les quelques têtes que je connais déjà et me surprends à sourire. Le pic d’un oiseau vers le sable interrompt tout à coup notre conversation : une émergence est entrain d’avoir lieu. Tous les chanceux présents s’en approchent et tentent de respecter ce petit bout de nature pur et exceptionnel. Je garde Oïkia à mon pied, je n’ai même pas pensé à prendre de laisse donc je veille au grain pour qu’elle ne perturbe pas la progression de ces petites choses qui se battent pour rejoindre l’océan et vivre leur vie.
17h15 : Il est temps que je prenne la route du retour. J’ai juste le temps de déposer ma boule de poil, de me rincer les pieds avant de partir pour la barge. J’ai oublié que je portais mon maillot. Tant pis, vivre à Mayotte c’est aussi aller en garde après être allé à la plage.
N 180
19h : J’ai le coeur plus léger ce soir. Je crois que je m’autorise à être en colère. Je mets des mots sur la situation pour la première fois devant mes collègues.
Le tour m’a l’air assez simple mais finalement je ne m’en sors pas. Les monito se prolongent, les dames ne sont pas dans leur chambre, les examens se rajoutent. Je jongle entre les dames. Les filles n’ont pas le temps au tri. Les dossiers ne sont pas faits. Tant pis, j’accueille les dames sans transmissions.
21h : Dans mon service je retrouve l’une des césariennes programmées qui devait se faire aujourd’hui. Par manque de temps cette petite dame n’a pas mangé de tout la journée puisque 8 autres futures mamans devaient être césarisées le même jour et que l’équipe du bloc n’était réquisitionnée que jusqu’à 17h. Je me demande où est l’humanité et la bienveillance de certaines personnes qui gèrent ce genre de choses. Quels sont les idiots qui ont accepté de programmer 9 césariennes le même jour en sachant qu’à chaque fois le même problème se présente ? Je croise les doigts pour que ma petite patiente passe demain à la première heure, mais en fonction de l’obstétricien de garde les choses ne seront pas si simples…
22h : Un déclenchement pour anomalies du rythme cardiaque foetal est arrivé dans mon service au cours du début de soirée. La grosse différence ici avec ce que j’ai connu avant c’est que les surveillances post-déclenchement se font en service, sans retransmissions du rythme des petits coeurs qu’il faut surveiller de si près. C’est un risque mais l’établissement est bien trop petit pour qu’une autre solution s’offre à nous. Résultat ce petit farceur ralenti son coeur régulièrement, mais rien d’inacceptable dans un premier temps. Jusqu’à ce que… Heureusement je passais par là, j’entends les battements ralentir à l’oreille, ça pulse, de plus en plus lentement, de plus en plus difficilement. J’attends, je mets la dame sur la coté, je palpe son ventre, j’examine, rien à faire. Pas de sang, pas de cordon, pas de contraction persistante, juste un ralentissement dur et prolongé. 3 minutes plus tard j’appelle l’interne : on la repasse aux urgences. “Il récupère pas. Je la passe quand même ?”. “Oui, fais vite”. Aller madame. Si tu peux marcher tu peux trotter. On se dépêche, je l’encourage et lui fait comprendre l’urgence de la situation : son bébé ne va pas bien, j’ai besoin de son aide. Elle coopère, et je la réinstalle à l’autre bout de la mater, moins de deux minutes plus tard sous un autre rythme, dans une autre salle des urgences cette fois. Il n’a toujours pas récupéré. Je rappelle l’interne. Le temps d’appeler à l’aide et ce petit bougre remonte enfin la cadence des battements de son coeur. Le mien regagne un rythme un peu plus normal.
22h30 : Une autre entrée pour moi. Une patiente dont le bébé fait également des anomalies du rythme cardiaque mais qui sera déclenchée demain, si l’activité le permet. Je m’en vais la saluer, enregistrer son bébé pour la dernière fois de la journée, et lui souhaiter bonne nuit.
23h : La dame que je devais déclencher à 23h semble trop douloureuse pour que je lui fasse quoi que ce soit. Malgré ses contractions répétées son col ne lâche pas et ma pauvre petite dame commence à perdre pied. Elle fatigue ses voisines et commence à me fatiguer aussi. C’est un premier bébé, elle est jeune et ça se voit. J’attends un peu, réévalue et administre un tiers d’une ampoule de nubain pour la soulager en croisant les doigts pour que ça ne lâche pas tout à coup. Le risque c’est qu’avec ce médicament, s’il se décide à naître soudainement, le nouveau-né pourrait faire une détresse respiratoire, c’est à donner avec parcimonie.
5h : Ma petite patiente, qui était soulagée me rappelle par ce qu’elle a mal. Elle me répète sans cesse “Maji, maji” (eau, eau) et je la rassure en lui disant que c’est normal, que son bébé appui et faire sortir du liquide amniotique. A l’examen ma petite dame est soudainement passée à 7cm. Hop hop hop en salle de naissance ! Ah non, pas de place. Hop hop hop aux urgences ! Le temps de l’installer et d’aller faire mes transmissions, l’une des filles des urgences a entendu hurler et un bébé de plus est né. En fait, ma dame ne disait pas “Maji”, mais “Madzi” (caca), ça change la donne d’avoir un petit cheveux sur la langue. La sensation de vouloir aller à la selle est très parlante d’un accouchement imminent, j’aurais pu me faire avoir.
5h20 : Un aller retour supplémentaire vers le bloc obstétrical pour emmener un déclenchement qui ne se déroule pas brillamment non plus. C’est la quatrième dame que je leur passe dans la nuit. J’ai fais 4 entrées au total. Et dire qu’ils espèrent fermer cette partie du secteur de grossesse pathologique pour n’avoir que 2 sages-femmes d’ici quelques jours sur ce pôle : impossible.
5h30 : Mon tour va être chargé, il faut que je m’active si je veux avoir le temps de tout finir.
6h : Zainou, la cadre supérieure, vient d’arriver. Elle me convoque dans son bureau pour cette histoire de double planning. Il était temps ça fait 15 jours que je me manifeste, et nous sommes le 30 du mois. “Voilà, j’ai travaillé sur les plannings jusqu’à minuit hier soir, et finalement il n’y a qu’une seule garde que je vous ai laissé à Mamoudzou. Pour le 6 juillet. Ça vous va ?”. Le jour de mes 25 ans. C’est parfait pour ne pas réfléchir ! J’accepte enthousiaste. Et retourne à la hâte dans mon service, avec ces conneries je vais pas avoir le temps de finir.
7h45 : Je pars à la recherche d’une tête que je connais bien pour demander à ce qu’on me fasse une prise de sang tout en discrétion. Léa, qui passe par là, se propose d’elle même et comprend vite la situation délicate. Aux larmes que j’ai dans les yeux elle comprend ce que veulent dire ses tests sanguins des maladies sexuellement transmissibles. J’ai une boule dans la gorge quand je pense qu’il y a un an à peine je faisait la même chose, en pleurant, après avoir appris qu’Alex m’avait trahis lui aussi.
8h30 : Barge. Je suis fatiguée. Le bateau me berce, le soleil est agréable. Si je fermais les yeux je pourrais m’endormir jusqu’à l’arrivée.
9h : Je mange enfin. L’appétit était parti depuis deux jours, je n’ai rien avalé depuis le repas du midi sur le catamaran. Il est temps de dormir mais je n’ai plus sommeil.
10h30 : Je m’endors enfin.
J 181
17h : Pour une fois j’ai dormi un minimum. Je me lève et discute avec Lili puis Eric qui vient de rentrer des courses. Lili se montre à l’écoute, compréhensive de la période difficile que je traverse. Je sens que je vais pouvoir compter sur elle c’est agréable. J’espère que cette colocation se passera au moins aussi bien qu’avec la Coloni. Même si une période à été assez lourde à supporter à cause des tâches de la vie quotidienne je garde un très bon souvenir de ma vie dans cette superbe maison. Les filles se sont montrées d’un soutien sans faille ces derniers temps, je leur en suis très reconnaissante. Alice en particulier restera une très belle rencontre, j’espère que nos chemins se recroiseront en dehors de Mayotte.
19h15 : J’étais censée partir pour rejoindre les filles au Faré mais ma boule de poil n’est pas encore sortie aujourd’hui. Je profite de la fraicheur du début de soirée pour l'emmener se dégourdir les pattes et pars volontairement vers une route que je ne connais pas. Je la laisse me guider, j’apprendrais à reconnaître les environs de cette façon. Le stade à coté de chez moi est ouvert. Intéressant. Il y a une salle de sport juste à coté (type terrain de basket couvert), intéressant aussi. Je demanderais à Eric s’il a quelques infos. Un peu de sport me fera le plus grand bien. Même si je ne pense pas avoir pris de poids ces derniers temps il n'y a rien de mieux pour se vider la tête, c’est pile ce qu'il me faut. Le rugby que je devais commencer en venant à Mayotte aussi, et que je n’ai pas pu entamer à cause du Covid, puis de l’accident. C'est le bon moment pour s'y mettre.
19h35 : Je rejoins Lili au Faré et fait connaissance avec Carline que j’ai croisé la dernière fois et qui me double vendredi pour mon premier jour. Leurs copains (des locaux) sont là, l’un d'eux fait du rugby visiblement alors j'en profite pour lui demander des infos et apprends que Carline fait aussi partie du club. Génial ! La saison devrait reprendre en août, parfait. Ensuite on discute de la future moto de Lili que je dois aller voir demain, de l’accident, de choses et d’autres. Je crois que je commence à aller mieux.
22h30 : On rentre. Je grignote un bout de pain faute d’avoir pris le temps de manger ce soir, j’avais même oublié.
23h : J’écris
00h : Il est temps de dormir.
J 182
8h15 : Un peu tôt mais tant pis, pour une fois ma journée sera productive. Je descends ouvrir à ma louve après un petit câlin et me prépare un petit dèj en réfléchissant au programme de la journée. Ça n’arrête pas en ce moment, mais je crois que ça m’arrange bien. Val part déjà dimanche, le temps passe vite.
9h : Je passe ma matinée à écrire. Je profite d’une petite pause pour aller me balader avec Oïkia puis je m’y remets encore, jusqu’en début d’après-midi.
15h : Rendez vous chez l’esthéticienne aujourd’hui. Je passe prendre Val qui sort d’une garde de nuit et on file à Passam pour le reste de l’après midi. Maintenant que je suis sur petite terre il va falloir que je trouve une autre perle comme celle-ci pour mes rendez vous mensuelles, Clara va me manquer, elle est vraiment top. On passe 3h ensemble, les ongles de l’une, l’épilation de l’autre, le temps passe comme si on était entre copine. On se raconte les potins, les dernières nouvelles. Bonnes et moins bonnes.
18h : Encore un peu tôt pour aller au Barakili. Je propose un arrêt dans l’immeuble d’en face, chez Hérine. Peut-être qu’ils sont là. Je tente le tout pour le tout : Hérine part en garde, Cécile également, mais les garçons sont là et Ninon ne tarde pas à rentrer. Après un verre d’eau et un discussion entre copain on prend la route. On fait un arrêt à l’hôtel puis direction du fameux bar pour y manger ce soir.
19h30 : Personne d’autre ne s’est motivé ce soir. Ça sera une soirée tranquille donc un mal pour un bien. Val est fatiguée de sa nuit, moi il faut que je dorme avant la mienne : la première dans mon nouvel établissement, pour une nouvelle vie, demain.
22h15 : Arrivée à la maison je prépare mon sac et range les affaires de ma chambre dans le couloir pour qu’Eric puisse faire l’échange des chambres qu’il m’a demandé, demain. Ensuite je règle le réveil sur 6h15. Une demi heure plus tard par rapport à Iloni. Une heure plus tard que ces derniers temps. Avec mes 5 minutes de route à pied aucun risque de retard, sauf si mon réveil ne sonne pas.
J 184
6h15 : Aujourd’hui c’est ma première garde à Pamandzi. Comme convenu avec Carline on se rejoint devant le bâtiment qui m’est encore inconnu ou presque, et vu mon sens de l’orientation un peu d’aide n’est jamais de trop.
6h50 : Direction les vestiaires, l’avantage c’est que la maternité tient en 6 chambres de suites de couches, 4 salles de consultation, 2 salles d’accouchements et autres pièces du personnel. Comparé aux quelques cinquantaine chambres de Mamoudzou c’est de la gniogniotte. J’essaye de me repérer rapidement pour ne pas avoir l’air trop gauche quand même, je vais déjà leurs poser des questions à tous bouts de champs dans les prochains jours, autant éviter les frais un maximum.
7h : Claire nous fait les transmissions. Pour cette garde je serais du coté suite de couches, qui ne peut accueillir que 8 mamans au maximum (contre une cinquantaine environ de l’autre coté de la barge, en prenant en compte les chambres triples ça va vite). En plus de ça, si elles sont ici, en périphérie, là où il n’y pas pas de médecin, c’est qu’elles vont bien.
7h30 : Carline m’explique le fonctionnement du service. Premier choc : on réveille les mamans à 6h pour l’examen du jour. C’est tellement dommage ! Pour une fois que le luxe de nos effectifs pourrait nous permettre de nous plier à la physiologie et le respect du sommeil (et du bien être) de nos patientes et de leurs petits bouts.
8h : Après une rapide visite on traîne pas la patte et continuons l’aménagement et rangement des traces du déménagement récent de cette toute nouvelle maternité. Deuxième hic : pas de cadre ici. Bon les médecins c’est une chose, bien que leur absence et notre identification en tant que “dispensaire” soit interdit en France on peut faire beaucoup sans eux. Mais si j’ai bien compris il manque aussi un élément majeur au bon fonctionnement d’une unité : un cadre de service. La cadre supérieure Mme Zainou chapote le plus important, les autres cadres des autres villes aident aussi dans un répartissement des tâches assez flou. Mais l’équipe de 12 sage-femmes que je viens d’intégrer gère (presque) tout ! Y compris le déménagement.
9h : On s’applique à faire une check liste à l’intention de ces cadres tournantes pour pouvoir régler les problèmes les plus urgents que nous ne pouvons pas traiter nous même. La liste est longue pour un tout nouvel établissement, et beaucoup de choses paraissent déjà ne pas fonctionner comme il le faudrait : c’est quoi ce trou dans le plafond de la salle d’échographie ?
11h : J’appelle le service informatique pour gérer une chose qui ne fonctionne jamais du premier coup quand on arrive dans un hôpital : le badge et les codes d’accès. Après quoi on accueille une future maman venue pour un cycle glycémique. Cette consultation vise à faire un suivi du diabète chez une personne n’ayant pas accès au matériel nécessaire pour un suivi autonome de son diabète gestationnel (absence de sécurité sociale le plus souvent). Elle consiste à accueillir notre patiente par un premier relevé de glycémie (taux de sucre dans le sang) à jeun à 7h puis de lui servir un repas adapté à son régime et de reprendre la mesure 2 heures plus tard. Pour le repas du midi rebelote. Si une mesure n’est pas bonne on se revoit la semaine suivante, si deux mesures sont mauvaises c’est l’hospitalisation. En même temps que ça les aides soignantes se chargent des pesées et soins du cordon des nouveaux nés de quelques jours qui ont déjà quitté notre maternité pour rejoindre leur foyer. De cette façon on peut surveiller le bon développement de cette nouvelle petite famille fragile. Je fais la connaissance d’Aloua, aide soignante pas motivée pour un sous. C’est dommage on m’avait vendu les mérites d’une super nouvelle équipe d’aide soignante, prête à tout et aussi dévouée qu’en métropole. J’ai plutôt l’impression qu’elle essaye de battre le record de paraisse de ses consoeurs de Mamoudzou. La moindre tâche semble lui incomber un effort ultime. Dans cette nouvelle équipe je rencontre également le personnage de Kamel, secrétaire et fière de l’être. Il semble se pavaner au milieu de cette équipe de femmes et se délecter de la moindre réaction face à ses provocations sexistes. Première drôle d’impression mais je pense qu’au delà de tout ça il doit être gentil. Il faut le prendre sur le ton de la rigolade disons. Les filles s’en agacent, son comportement est pour le moins irritant il faut le dire.
11h : On s’occupe d’une chose nouvelle pour moi : une “vomisseuse”. Ces patientes en début de grossesse qui s’affaiblissent à force de vomissements incohercibles, et ne gardent même pas un verre d’eau dans l’estomac pendant plusieurs jours, voire semaines ! D’ordinaire elles sont gérées dans les services de gynécologie puisque leurs grossesses ne dépassent pas, la plupart du temps, 3 mois d’évolution. Ici on prend tout en charge, alors je vais apprendre.
11h30 : On s’occupe, mais on ne court pas. C’est agréable de prendre le temps, et qu’est ce que ça change ! Une petite pause café pour moi, une clope pour les autres, encore un luxe auquel je ne suis pas habituée. Une patiente arrive pour une consultation d’urgence. Je n’ai pas l’habitude de gérer seule : j’appelle le médecin pour si peu ? Si je le fais pour presque rien je vais l’embêter et j’aurais l’air stupide alors que je sais quoi faire. Si je ne le fais pas et qu’il y a un problème (il peut toujours en avoir un, pas vrai?) c’est pour ma pomme. Je décide de me faire confiance : pas de médecin, un petit coup d’échographie, patiente revient demain, RAD (Retour A Domicile) avec consignes d’usages. Un petit charabia dans son carnet de suivi, un bisous sur la joue (non quand même) et c’est l’heure d’aller manger.
13h : Le pédiatre est venu mais on ne l’a pas vu passer. Il s’apprêtait à partir à l’instant où je l’intercepte pour une question : mère accouchée cette nuit en catastrophe étant positive au VIH. Pas le temps de la transférer à Mamoudzou, son bébé était trop pressé, et du coup pas d’administration de ce précieux médicament prévenant la transmissions mère-enfant de ces affections graves. Le pédiatre prend la décision de transférer cette patiente pour la rapprocher d’une unité de néonatalogie plus adaptée. Je retourne voir ma patiente pour lui annoncer et à l’instant où nous refaisons le point sur ses traitements (qu’elle m’a dit avoir pris comme il faut) je m’aperçois qu’elle m’a mené en bateau et qu’elle n’a aucun médicament avec elle. Subitement la nouvelle maman qui parlait suffisamment français pour interagir avec moi ne parle plus un mot de ma langue et fait mine de ne rien comprendre. Elle nous a menti pour pouvoir rester sur petite terre, et se moque de nous en faisant semblant de ne pas comprendre pour jouer son dernier coup. Carline perd patience, moi je réussis à garder mon calme mais reste scandalisée par ce jeu malsain et égoïste.
14h30 : Les ambulanciers plaisantent avec nous, puis les pompiers, qui nous amènent une patiente, font de même. Les équipes sont plus petites ici, chaque tête est reconnue.
16h : Un bon nombre de dysfonctionnements essentiels soulèvent de sérieux problèmes : il n’y a pas de sonnette devant la porte (fermée la nuit) de notre belle maternité. Résultat une patiente a accouché devant la porte il y a deux jours, alors que la sage-femme et l’aide soignante étaient occupées en salle d’accouchement. Pour résoudre ce problème 2 aides soignantes sont de garde chaque nuit pour que l’une d’entre elles puisse simplement surveiller une porte. Quelle perte de temps et d’argent, la plupart du temps l’activité bien moindre de cette maternité permet même aux équipes de dormir la nuit.
Les téléphones ne fonctionnent pas (des portables nous ont été délivrés en attendant), les imprimantes ne sont pas réglées, mais par dessus tout les rythmes des petits coeurs enregistrés et si précieux ne sont pas retransmis, même en salle d’accouchement. Quel danger !
17h : L’heure de faire les guthries des bébés, ensuite on m’appelle à la rescousse pour une autre prise de sang que je réussis pas peu fière (elle a de la gueule la nouvelle hein?), puis quelques vaccins contre le BCG (quand je pense qu’en ce moment on se bat pour convaincre les gens de se vacciner alors qu’ils se trouvent déjà piqués de pas moins de 10 vaccins avant même d’avoir 10 ans, en maternité les mamans ne se posent pas de telles questions, et la plupart du temps ne cherche même pas à savoir qu’est ce qui est inoculé à leur bébé, ni pourquoi…). Je demande à Aloua d’effectuer les tests d’auditions plusieurs fois jusqu’à ce que j’essuie tout bonnement un refus de sa part alors qu’elle ne fait rien, sous prétexte que “les OEA c’est fait la nuit, veille de départ des bébés” c’est complètement con quand on pense que certains d’entre eux vont échouer à ce moment là et qu’on devra leur donner un rendez-vous inutile auquel leur mère ne les emmènera pas -faute de moyens ou d’estime pour le monde médical- en prenant la place de patients qui, eux, en ont réellement besoin.
19h : Pour la fin de la journée j’ai vérifié les dossiers. L’heure des transmission est déjà là.
19h30 : On papote avant de partir et je fais un bout du court chemin qui me ramène à la maison avec Carline. Une fois chaleureusement remerciée je la salut et rejoins mon chez moi.
20h30 : J’ai une soirée ce soir, encore un peu embrouillée dans les horaires de barge je me suis dépêchée pour rien puisque la suivante est à 21h.
21h : Assise sur la barge, 5 militaires choisissent mon endroit pour s’assoir. L’un d’eux engage la discussion, il est mignon et je crois que je lui plais. On discute moto (facile celle là!) et j’hésite à prendre son contact avant de partir. J’y vais, j’y vais pas, j’y vais, j’y vais pas : tant pis, le bateau accoste et je m’en vais. Quelques instants plus tard il me rattrape, me demande maladroitement mon nom sur les réseaux sociaux et je lui donne avant de m’en aller la tête haute.
21h40 : L’heure est à la séduction. Bien décidée à relever la tête et à arrêter de me morfondre j’ai bien envie de m’amuser ce soir. On passe une très bonne soirée, et j’ai déjà jeté mon dévolu sur le beau, grand et musclé Romain.
2h : Accoudée au comptoir, au beau milieu d’une discussion enflammée avec Ella, l’une des sages-femmes, elle lâche une bombe sans réfléchir : “Mais tu t’en fou de Théo, c’est un abruti ! Je l’ai vu grimper sur une fille au milieu du Barak y a deux jours, t’as rien perdu”. Tout s’écroule une deuxième fois. Coup de poing dans le coeur, je m’en vais dans la salle de bain avant que les larmes ne débordent. Quelques instants plus tard, entourée de deux de mes piliers - Hérine et Alice - je me relève en douceur après crise d’angoisse et tout ce qui s’en suit.
4h : On fini la soirée dehors. Tout le monde va se coucher, moi je m’assoupie sur le canapé. Je me réveille dans le bras de Romain (mission abandonnée du coup) qui me porte pour me mettre sur l’autre divan, plus confortable. Je lui demande si je peux dormir avec lui. Il accepte et s’excuse, s’il avait su… On discute, il reste gentleman. Confession sur l’oreiller, il a l’air aussi cassé que moi ce gros tas de muscle.
J 185
9h : Au réveil il me dit que j’ai pris toute la place. On discute encore, j’ai sommeil mais je réfléchi trop pour réussir à dormir. J’hésite à rentrer chez moi. Je sens qu’il tente d’apaiser mes maux et qu’il est sincère quand il me demande de quoi j’ai besoin pour aller mieux. Alors, le plus spontanément du monde je répond “d’un câlin”. Il me prend dans ses bras, et je me rendors, en sécurité, loin du monde extérieur.
11h : J’ouvre un oeil, il semble dormir profondément alors j’en profite pour me faufiler sous la moustiquaire pour sortir du lit. Je crois que j’ai raté ma mission, filer a l’anglaise c’est visiblement pas mon truc puisqu’une minute plus tard il me rejoint dans la cuisine. Il m’ouvre la porte, me lance un regard l’air de dire “je suis là si besoin”. J’acquiesce, en répondant avec les yeux, et prends la route.
11h15 : Je suis bien à moto. Je profite de l’attente de la barge pour acheter un jus de fruit frais au camion rouge, juste à coté, ceux au maracuja sont les meilleurs.
12h : Je file faire des courses. Les croquettes d’Oïkia touchent à leur fin. Après quoi je me douche et l’heure passe vite.
15h : Il est temps de dormir encore un peu, je suis de garde cette nuit. Je vis dans mes sacs depuis 2 semaines et demi, il va falloir que je m’installe mais je repousse sans cesse leurs déballage par ce que je cherche à m’occuper en permanence. Demain soir c’est sa soirée de départ par exemple. Tout faire pour ne pas y penser. Et pour le 5 juillet ? Je préfère ne pas y penser. Pour le 6 les filles m’ont convaincues d’un restaurant pour mon anniversaire. Le 7 je serais soulagée, il partira enfin. Mes sacs j’y penserais plus tard, le moment viendra. Je dois dormir.
N 185
18h15 : il est temps de se réveiller. Un câlin à ma louve et je me prépare pour aller prendre ma garde. Cette nuit je suis de nouveau doublée par Carline.
19h : 4 dames dans le service. Rien qui chauffe en salle. Vraiment le jour et la nuit entre Mamoudzou et Pamandzi. On commence par faire le tour de nos vérifications bi-hebdomadaires en prenant notre temps et on en profite pour essayer de résoudre quelques dysfonctionnement. Après ça une pause s’impose et j’accompagne Carline pour son énième clope de la nuit. On papote quand une accompagnante se présente avec sa fille pour voir la fraiche accouchée du jour. Les visites à cette heure ne sont plus autorisées mais nous proposons à cette dame d’appeler la patiente pour qu’elle sorte. En attendant sa petite fille haute comme trois pomme s’approche de moi et ne semble pas farouche pour un sous. Un vrai petit phénomène. On entend pas beaucoup sa voix mais j’ai le droit à un câlin, Carline à des fleurs, puis mes cheveux à une queue de cheval. Les petites d’ici aiment tellement ces longs cheveux blonds qui me caractérisent souvent, c’est rare pour elles.
22h : Notre petit bout-en-train est partie et une patiente se présente pour une consultation. Contraction depuis 17h, 2ème bébé, estimé macrocosme (gros), je fais l’examen et retrouve un col dilaté à 2 doigts. Probable début de travail. Mais peut être pas. Transfert ou pas transfert ? C’est là que va être toute la difficulté de mes futures prises en charge. Comme son bébé est trop gros et qu’il présente un risque de dystocie (rester bloqué dans le bassin) son accouchement doit se faire à Mamoudzou. Soit elle est en travail et je dois l’envoyer là-bas. Soit elle ne l’est pas et elle reste ici. Je demande son avis à Carline qui s’amuse à me répondre “fais toi confiance !”. Je lui avoue que j’aimerais voir si les choses évoluent quand j’apprends alors qu’il faut quand même prendre une chose en compte : passées 3h du matin la réquisition de la barge coute 5000 € à l’hôpital. Ouille. Bon, de toute façon je vais faire un promptest (test pour savoir si du liquide amniotique s’écoule). La patiente me dire qu’elle ne perd pas de liquide mais à mon examen j’ai un doute.
22h45 : Verdict : positif ! Mon instinct était bon, et ce résultat conforte mon choix. On transfert. Pour ça j’appelle d’abord le gynécologue de garde, ensuite le 14 (la régulation), qui me dirige vers le médecin du SMUR, et enfin je contacte les urgences obstétricales de Mamoudzou, puis sa salle d’accouchement. Ce casse tête est à répéter chaque fois qu’une patiente est redirigée vers la capitale.
23h : La question maintenant c’est : est ce qu’une sage-femme monte dans l’ambulance ? J’aurais tendance à dire que non, et encore une fois Carline me demande en souriant : “Qu’est ce qui tu ferais toi?”. Si ça avait été une mahoraise j’y serais allée c’est sur. Mais là… Une blanche, deuxième bébé, à 2 doigts, qui sourit entre les contractions : je prends la décision de ne pas y aller.
1h : Des heures qu’on discute et les conversations se font toutes seules. J’ai l’impression qu’on a la même vie, les mêmes histoires, les mêmes peines de coeur. On finit pas tout se déballer comme si on se connaissait depuis des années, c’est agréable de se sentir en confiance aussi vite. Le temps passe et on fait les dossiers en papotant également. Ensuite Carline mange et ne va se coucher qu’à 3h alors qu’elle aurait pu le faire bien avant. Elle a une journée catamaran demain, ça va être dur de ne pas dormir mais on s’est tellement prises à la discussion que l’arrêter n’est pas facile.
4h : Aller, à mon tour d’aller me poser, j’ai réglé deux trois choses avant et je pensais prendre le temps d’écrire mais je n’ai pas le coeur à mes récits ces derniers temps.
5h30 : Premier réveil.
5h40 : C’est dur.
5h45 : Aller, il est temps. Je commence par une prise de sang bébé puis on se divise le 4 dames en deux, on devrait s’en sortir. Ensuite encore un café pour ma collègue et la relève arrive. Les transmissions sont rapides mais je reste pour discuter.
7h45 : Je n’ai pas envie d’aller dormir, j’en profite pour sortir Oïkia qui ne demande que ça. On part marcher sans avoir de destination, et elle gambade une petite heure à la fraicheur du matin.
9h : Il faut fermer les yeux.
J 186
12h : Foutu réveil. Val part aujourd’hui, il faut absolument que je profite de nos derniers instants faute de quoi je le regretterais. Je paierais tellement cher pour qu’elle reste. Cette courgette aussi visiblement, elle prend l’avion à contre cœur, sa demande de prolongation n’a pas été acceptée par ce qu’elle s’est manifestée trop tard. C’est vraiment dommage quand on pense au nombre d’effectif professionnel qu’il nous manque, et au besoin affectif que j’ai aussi, j’avoue. Je l’accompagne jusqu’à l’aéroport, jusqu’à la douane, le plus loin et le plus longtemps possible avant de lui faire un câlin qui veut tout dire. Je crois que jamais personne n’a été aussi présent pour moi, qu’elle, ces deux dernières semaines. Personnes n’a jamais trouvé les mots aussi justes, n’a eu des réactions aussi adaptées et des réflexions aussi pertinentes. Quand je finirais par relever la tête je lui devrais beaucoup.
14h30 : Il est temps de se quitter. Pas besoin de longs discours, elle sait. Je rentre en moto après un petit détour, je suis bien à moto. J’hésite à faire le tour de l’île puis me résonne : il est temps d’arrêter de repousser l’échéance et de s’installer. Je vis dans mes sacs non déballés depuis le jour du drame. Je ne dors presque plus, et je n’ai pas mangé depuis 48h, il est temps de se reprendre en main et ça passe aussi par un bon coup de pied au cul et de ménage. Après ça il faut que je me fasse un petit nid douillet pour arrêter d’avoir la boule au ventre à l’idée de rentrer à la maison.
16h : Je prends mon temps, je fais les choses bien, je m’installe. Décors un peu, adapte, et fais même un panier à ma louve, qui, la connaissant, ne se couchera jamais dedans.
18h15 : Je suis épuisée. Une petite sieste s’offre à moi. Il faudrait que j’écrive, mais ça attendra demain.
19h : Mon réveil n’a pas encore sonné mais si je me lève maintenant je vais avoir le temps de repromener Oïkia. Je lui enfile son harnais et pars me perdre dans les rues avec elle. Pas besoin de laisse, elle m’écoute bien et à cette heure il n’y a pas grand monde. Sans le vouloir je fais le tour de Pamandzi et dois me presser sur la fin pour ne pas rater ma barge. La pepette est fatiguée, je la presse pour rentrer à l’heure, embarque mon sac, lui offre une caresse, et prends la route de la barge pour aller sur Passam ce soir. Les copains m’y attendent pour une soirée pizza/film.
22h45 : Le film n’est toujours pas installé et je pense qu’il ne le sera pas. Je sens que tout le monde est fatiguée et Hérine lutte par peur de me laisser avec mes idées noires. Ce soir Théo fais sa fête de départ dans ma propre maison, avec nos amis, et la moitié de l’île je suppose puisqu’il a eu le manque de délicatesse d’en faire un évènement public. Quand je pense que la seule chose que je lui ai demandé c’est d’être discret…
23h : Tout le monde bat en retraite, moi j’opte pour le canapé. Romain me couvre d’un drap, et m’enverra un message plus tard pour me proposer de dormir dans son lit si le canapé est trop inconfortable. J’hésite : il est soit très gentil, soit complètement naïf, soit totalement ininterressé. Peut être un peu des trois.
J 187
5h30 : J’entends Romain se lever. C’est lointain. Encore un peu dans mes rêves je crois me rendormir.
6h05 : J’ouvre les yeux. Et si j’en profitais pour prendre la barge ? 2 secondes plus tard je suis assise sur le bord du canapé qui m’a servi de lit. J’ai bien dormi. Romain me tend un verre de jus en guide de bonjour. Je le bois par politesse, je sens qu’il n’a pas le temps ni l’envie de négocier.
6h13 : J’y avais pas pensé mais la barge est assez loin d’ici, il faut se presser. 10 minutes plus tard je suis à l’entrée de la barge qui nous offrira un beau lever de soleil sur le lagon.
7h : Je suis chez moi. Je salut la femme de ménage, et retrouve Oïkia qui a sa tête du matin. J’irais la promener plus tard, la connaissant elle est encore toute endormie et moi aussi. J’en profite pour étendre le linge, écrire un peu, et je referme les yeux.
11h : Je traine dans mon lit, sur mon téléphone et je nous trouve un restau pour ce midi. Romain travaille sur petite terre en ce moment et m’a proposé d’aller manger tous les deux au Faré mais celui-ci est fermé. Je trouve autre chose, saute dans un short, enfile sa laisse à Oïkia et c’est parti.
14h15 : Il a raté les deux dernières barges. A force de discussion le temps passe tout seul. C’est agréable de voir que rien n’est calculé. Je crois qu’il n’y a pas de jeu. Pas de jeu déplaisant en tout cas. En discutant j’en apprends plus sur lui, les affaires sans attaches c’est pas son truc. Son petit coeur semble aussi brisé que le mien pourtant.
14h30 : Je passe le reste de la journée à écrire.
19h30 : Ce soir c’est repas chez Mélanie et Dante. Je prends la barge pour rejoindre toute la petite troupe chez eux et rencontre les deux petits frères des deux amoureux qui sont venus pour les vacances.
23h : Après une bonne soirée tout le monde prend la route du retour. Pour ma part je décide de dormir sur le canapé d’Hérine. Décidément en ce moment je fais presque partie de la coloc. J’allais fermer les yeux sur le canapé quand mon téléphone s’est mis à vibrer : “La proposition d’hier tiens toujours. Tu peux dormir dans mon lit si tu veux”. Un bon lit me tend les bras. Avec un beau garçon dedans pourquoi dire non ? On s’endort rapidement, dans les bras l’un de l’autre et se tourne et détourne toute la nuit sans qu’il ne se passe quoi que ce soit.
J 188
5h30 : Les heures de sommeils se font beaucoup trop rares en ce moment. Aujourd’hui j’ai 25 ans. Et je suis ravie d’aller passer mon quart de siècle en garde à Mamoudzou. Pour ce qui est d’une journée sans réfléchir ni trop penser c’est parfait.
6h : Romain se trouve à quelques centimètres de moi. Il se s’est encore rien passé quand dans un souffle il me demande : “Est ce que c’est une bonne idée ?”. Je réponds en lui donnant le bout de mes lèvres : “Certainement pas”. Avec ce baiser il est le premier à me souhaiter mon anniversaire, et nous ne tardons pas à nous lever avant d’arriver en retard.
7h : Cette fois je suis de césarienne programmée. 9 étaient au programme. Heureusement l’une d’entre elle a été annulée, et une autre ne s’est pas présentée hier soir. Pas moins de 7 naissances m’attendent tout de même aujourd’hui. Avant de commencer le ballet je prépare mon matériel et vérifie ma table de réanimation néonatale. Première surprise du jour : le mélangeur des fluides d’air ne fonctionne plus. J’en réfère à ma cadre et me rapatrie sur celle de secours.
7h15 : Avant de monter au bloc je sors toutes les victuailles que j’ai acheté pour l’occasion : bonbons à gogo, boissons et gâteaux au chocolat pour le goûter. Les filles se régaleront sans moi, je pense que je ne vais pas avoir le temps.
7h50 : Première naissance de la journée. Un petit bisous à maman avant que je l’embarque pour le mettre au chaud et faire ses premiers soins. Après quoi je descends en salle de naissance donner la main aux aides-soignantes qui l’habilleront et feront ses mensurations pendant que je m’occupe de créer son identité d’hôpital, et appose son nom sur le cahier d’accouchement. Un vaccin contre l’hépatite B et il est déjà temps que je remonte pour le deuxième bébé de la journée.
8h41 : Deuxième petit être qui a le même anniversaire que moi. La procédure est la même, un bisous, des soins, un examen, je descends, vaccin, papiers, et je remonte.
9h15 : Dr Siala, le chef de service qui opère avec moi aujourd’hui, m’appelle. Nous toute jeune nouvelle maman vient de faire une embolie amniotique (conséquence du passage dans la circulation maternelle de liquide amniotique lors de l’accouchement. Cela touche entre 2 et 6 grossesses sur 100 000). Elle n’a pas fait d’arrêt cardiaque mais ils l’intubent avant qu’elle ne parte en service de réanimation. Je suis sur le cul. Les embolies amniotiques on nous en parle, mais vous savez c’est comme ces légendes dont on entend parler sans qu’elles n’arrivent jamais. Ou une fois dans une carrière. Je me blinde : il ne faut pas trop penser. Si je commence à réfléchir à ce petit bout qui vient de naitre et qui risque de perdre sa mère je vais me laisser submerger. Je ne peux pas. 5 autres naissances m’attendent.
10h16 : N°3. A cette allure je ne saurais jamais me rappeler de tout. Les dossiers s’empilent sans que je n’ai le temps de les toucher et encore moins de les remplir. Je ne prends que les informations principales : présentation foetale (par la tête ou par les fesses ?), localisation du placenta, antécédents de césarienne, terme, et pathologie de la grossesse (comme le diabète). Ma prise en charge est à adapter en permanence en fonction de ses informations. J’essaie de ne rien oublier. Prends des notes sur une feuilles, et croise les doigts pour avoir le temps de faire mes papiers correctement.
11h10 : n°4. Cette fois le doc me rappelle pour m’informer que notre petite patiente a fait une inversion utérine (l’utérus se retourne comme une chaussette par effet ventouse, au cours d’un accouchement sur 3000). Après ses 30 ans de carrières ce n’est que sa deuxième, c’est également le genre de pathologie qu’on ne rencontre que quelques rares fois au cours de son exercice professionnel. Décidément aujourd’hui… Les conséquences ici sont moins catastrophiques, une bonne petite hémorragie et les choses rentrent dans l’ordre. Enfin j’espère. Ma patiente viens d’être mise sous nalador.
12h10 : Personne ne m’a rappelée pour la prochaine césarienne. Je trouve ça bizarre et décide de monter pour m’informer par moi même. Visiblement la personne en charge de me tenir au courant a oublié son job. La césarienne est en cours, je ne sais même pas qui est cette dame et j’ai à peine le temps d’enfiler mes gants pour récupérer mon 5ème bébé de la journée. Je peste : le pédiatre n’est même pas prévenu. Je ne connais absolument pas mon dossier. En plus de ça l’obstétricien trouve des difficultés à faire sortir la tête de son incision. Il décide de faire une ventouse et je n’ai pas eu le temps de prendre mon téléphone. Jackpot si j’ai une réa.
12h16 : Comme prévu le bébé n’est pas au mieux de sa forme. Je l’emmène rapidos et me retrouve seule dans une salle isolée, sans téléphone, avec seulement mes deux mains et un cerveau qui tourne à plein régime pour faire au mieux. Je prends des notes sur l’alèse pour tracer ma réanimation. Je sèche, je stimule, je scope, lance un apgar, aspire, ventile et 10 minutes plus tard tout le monde va bien. Je n’ai pas paniqué, je n’ai pas appelé le pédiatre. Un p’tit coup de pouce c’est tout ce dont il avait besoin pour aller mieux ce bébé.
13h14 : 6ème bébé, et deuxième ventouse. Encore une réa. Cette fois j’ai mon téléphone mais je ne l’utilise toujours pas. Les bébés qui naissent pas césarienne n’ont pas eu le temps de résorber le liquide par la pression exercée dans le canal vaginal. Pour cette raison ils sont souvent “étonnés” à la naissance et rencontrent quelques difficultés d’adaptation à la vie extra-utérine. Souvent un petit peu d’aide suffit à les relancer sur la bonne voie.
14h10 : Je n’en peux plus. J’ai mal aux jambes, au dos, j’ai faim, soif, et je récupère un 7ème bébé. Le dernier enfin. Cette fois il se présente les fesses en bas. Aujourd’hui le thème était variété visiblement. Et la bonne humeur. Malgré les rebondissements j’avais décidé de faire de cette journée une belle journée. L’équipe du bloc a été géniale, ils ont même mis de la musique en salle de césarienne. Le chef de service est un as qui exerce l’obstétrique comme un art, et j’ai choisis le luxe de prendre le temps avec les mamans, de leurs ramener leurs petits bouts pour un derniers baiser avant de descendre en nurserie. C’est ce genre de sage-femme que je veux être.
15h : Pour remercier tout le monde je remonte au bloc pour leur apporter un des paquets de bonbons prévus pour l’occasion. Je les remercie pour cette belle journée, et m’éclipse pour enfin aller manger.
15h45 : Les filles de salle de naissance ont mangé depuis bien longtemps. Je mange seule à table, en salle de pause, et profite d’un cours répit pour répondre aux messages qui s’accumulent sur mon téléphone. Ma petite maman m’a envoyé un vocal que j’écoute en laissant s’échapper quelques larmes. Je vais mieux. Mais les miens me manquent, surtout pendant cette période difficile. Dans quelques jours je les retrouverais enfin, “plus que 6 dodos” elle m’a dit.
16h15 : Après avoir fait le tour de la maternité pour offrir un bout de gâteau au chocolat à tout le monde je me remets au travail pour avoir le temps de tout faire. J’ai 7 dossiers à boucler. Un dossier c’est 45 minutes à 1 heure de papiers. D’après mes calculs c’est impossible mais c’était sans penser à mes super collègues qui ont pris de leur temps pour me donner un coup de main.
19h10 : Après un coup de speed je remercie chaudement les filles sans qui je n’aurais jamais réussi à tout finir à temps. Je me suis mal débrouillée, et heureusement elles ont pu m’aider. La fin de la garde est déjà là. Je papote, me change et embarque un test PCR à faire dans quelques jours pour mon vol qui approche. Après ça je file au restau pour ne pas être en retard à mon propre repas d’anniversaire.
20h : Personne. Je suis la première arrivée alors j’en profite pour aider à l’installation de la table. Quelques minutes plus tard la Coloni débarque suivit du reste de la troupe. Pour l’occasion nous seront un peu plus d’une dizaine, pour une soirée tout en simplicité à la table du sénat. Un monsieur qui cuisine chez lui, et qui nous offre de ramener nous même à boire et le dessert. Vraiment l’idéal pour un repas entre nous, sans fioriture.
23h : J’ai passé une excellente soirée. Je remercie tout le monde pour le collier qu’ils m’ont offert et que je trouve parfait. “Ça nous a fait penser à toi” m’ont-ils dit en m’offrant ce pendentif représentant une map monde. Ensuite chacun prend sa route et moi je me dirige vers la barge. Je travaille aussi demain, mais cette fois sur petite terre.
23h30 : Après un peu d’attente il est temps de monter sur la barge. Je mets le contact, passe la première et ma roue bloque. Une fois, deux fois. Je descends pour vérifier : non, je n’ai pas mis l’antivol et ne me trouve pas dans un trou. Visiblement je peux aller en arrière mais pas en avant. C’est problématique tiens. Je dois réfléchir vite : je n’ai plus de batterie. Je travaille demain. Tant pis, je la laisse ici et monte sur la barge. Je croise les doigts pour que quelques taxis soient encore là à l’arrivée pour m’emmener jusque chez moi. Pendant la traversée je contemple les étoiles. Et lutte pour ne pas penser aux messages de Théo auxquels je n’ai pas répondu. Il m’a supplié de réfléchir, pour qu’il puisse venir me dire au revoir. J’ai refusé, puis j’ai simplement arrêté de répondre, pour me protéger, pour arrêter de fléchir et pour en finir avec ce ventre qui se retourne à chaque fois que je pense à lui. Ce n’est pas la journée. C’est une belle journée, c’est ce que j’avais décidé. Et tant pis si c’est sa dernière sur l’île. A l’origine, il était resté un peu plus longtemps pour mon anniversaire, mais il a tout gâché, en m’écrasant au passage. Aller on pense à autre chose.
23h50 : Les taxis sont là : “Pamandzi, pamandzi”. Parfait. Je monte dans l’un d’eux et le temps que les quelques autres passagers se joignent à nous je relève la tête et mon coeur s’arrête. Il est là. Devant. Il a l’air fatigué et a perdu du poids. Je me vois descendre sans pouvoir me retenir, comme si mes jambes ne répondaient plus à ma raison. Mon coeur cri de courir vers lui, mon égo de lui cracher dessus. Je reste tétanisée, devant le taxi, les bras ballants et le coeur qui tape. Il enlace nos amis à qui il semble dire au revoir, et s’arrête net, bloqué, quand il m’aperçoit. On reste là, à 10 mètres l’un de l’autre sans pouvoir bouger. De la douleur dans les yeux de chacun, ça fait mal ces histoires. Le temps de me retourner et mon taxi n’est plus là. Il m’offre de me ramener chez moi, j’accepte dans un hochement de tête et monte de façon mécanique dans sa voiture de location. L’habitacle est silencieux pendant toute la route. Il me demande si j’ai passé une bonne soirée mais aucun son ne semble vouloir sortir de ma bouche. J’ai le coeur qui tape si fort que j’ai du mal à entendre mes pensées. Elles se bousculent dans ma tête et m’empêchent d’aligner une réflexion cohérente. Je suis presque déçue de l’avoir croisé, ça aurait été plus facile de ne pas lui dire au revoir. Il ne le mérite même pas. Et pourtant je lutte pour ne pas lui ouvrir ma porte et lui proposer de rester. A l’arrivée je reste figée dans la voiture quelques secondes qui semblent interminables. Je suis en plombs, j’ai du mal à bouger mais je finis par y parvenir dans un élan de courage. Il descend en même temps. Pourquoi ? J’ai envi de le frapper et de l’embrasser, de pleurer et de célébrer. Il me manque et je le déteste. Il pleur à quelques mètres de moi, et fini par franchir les quelques pas qui nous séparent pour me prendre dans ses bras. Je reste de marbre, totalement perdue entre le coeur et la raison. Quelques sanglots s’échappent, je m’éloigne et le vois regagner sa voiture. Aucun de nous ne veut franchir le cap de partir. La main sur la poignée du portail, à deux doigts d’y arriver je lâche mon sac, ouvre sa portière à la volée et l’embrasse une dernière fois au milieu des larmes. Des siennes, des miennes et de tous nos regrets. Aussi brutalement je m’arrête, et pars sans me retourner. Je reste dehors, le souffle coupé, en priant pour qu’il parte, ou qu’il descende. Mais surtout pour qu’il parte, c’est la bonne décision. J’entends le moteur vrombir, et Théo sors de ma vie une bonne fois pour toute.
J 189
6h15 : J’ouvre les yeux pour commencer une nouvelle journée. Cette fois je vole en solo, c’est ma première garde non doublée à l’hôpital de Pamandzi. C’est aussi le jour du départ de Théo. Je suis soulagée qu’il s’en aille, comme si je me sentais plus légère de ne plus avoir ce risque de le croiser, de ne plus fréquenter les mêmes personnes, de ne plus partager ma vie. C’est un nouveau départ.
6h40 : Je sors avec un peu d’avance pour qu’Oïkia puisse faire ses besoins avant ma journée de 12 heures. Je sais que les colocs la sortiront dans la journée, mais c’est toujours ça de pris. Je la sens s’activer plus que d’habitude devant le portail. Elle à l’air contente et remue la queue comme si elle retrouvait quelqu’un. Je m’approche à l’instant où Théo se dévoile derrière la porte de fer. Fait chier :
- Qu’est ce que tu fais là ?
- Je pouvais pas partir sans te dire au revoir.
Son discours a bien changé en quelques jours. Je suppose qu’il s’est blindé, qu’il réalise enfin. Peut être qu’il s’en mord les doigts. J’espère que c’est le cas.
A force de rester figés je vais être en retard. Je lui demande de me déposer au travail après avoir remis ma louve (un peu trop contente de le voir) dans la maison. Le trajet est aussi silencieux que la veille. Il pleur, j’ai du mal à rester de marbre, mais j’ai autant de peine à sortir de ma torpeur également. Comme si j’étais bloquée, tétanisée. Il s’excuse, me dis qu’il ne voulait pas me donner l’impression que ça lui était égal, mais qu’il a fait ce qu’il a pu. Je le salut, le laisse partir, et regarde la voiture s’éloigner après avoir fait quelques pas sans me retourner. C’est terminé, enfin.
7h : La garde commence. J’évite de trop cogiter et me concentre sur ce que j’ai a faire même si la charge de travail n’est pas la même que d’habitude. Je prends le temps de bien faire les choses. Profite du calme de la maternité pour faire la vérification des salles en bonnes et dues formes. J’ai même le temps de déjeuner avec Claire qui est de garde avec moi aujourd’hui (une nouvelle Claire !).
8h : Une patiente se présente pour un motif inhabituel pour moi : une échographie de vacuité. Elle consiste à vérifier qu’il n’y a plus de matériel foetal dans l’utérus après un avortement ou une fausse couche, à distance de ceux-ci. Je n’ai déjà pas l’habitude des échographie obstétricales (avec un foetus), alors encore moins avec celles qui ne concernent que la gynécologie. Je reçoit la dame un peu hésitante et lui précise que je ne suis pas habituée à manipuler cet appareil. Que ça prendra peut être un petit peu plus de temps. Claire est là pour me seconder. Elle n’a pas non plus son diplôme d’échographie mais a déjà un peu plus de bouteille concernant cette pratique. Je peine a trouver l’utérus. Pour ne rien arranger celui-ci est dit “latéro-dévié”, sur le coté quoi. Si en plus on chamboule tous mes repères j’y arriverais jamais ! Claire reprend la main, j’ai l’air d’une gourde et ça m’énerve, j’ai hâte de savoir manier un minimum cet engin de malheur. Les échographies sont tellement difficiles à réaliser pour quelqu’un de profane. Les visualisations, coupes, orientations, repères dimensionnelles, c’est un véritable casse tête alors que ça paraît si simple.
10h : Après les premiers résultats de prise de sang que j’attendais depuis ce matin (puisqu’il faut attendre l’acheminement de ces derniers jusqu’à Mamoudzou par notre coursier), je peux enfin faire mes vaccins et mes sorties qui n’attendaient que ça. Je libère une de mes dames après avoir pris le temps de bien tout lui expliquer avec la traduction shimaoré qui va avec.
12h : Le pédiatre est de passage aujourd’hui. C’est un autre calcul ici également puisque celui-ci ne passe que 3 fois par semaines contrairement au CHM où il effectue ses visites chaque jour. Dr Andoi, au détour d’un couloir, me demande comment je me prénomme. Je l’ai déjà croisé plusieurs fois mais dans les dizaines de sages-femmes présentent à Mamoudzou j’ai du me perdre. Il affirme qu’ici il connait chacune des filles, et qu’il s’est rendu compte de cette manière que j’étais nouvelle ici. C’est sur que les relations ne sont pas les mêmes entre l’usine colossale que représente la maternité de la capitale et le dispensaire familiale de petite terre. Je crois que cette proximité peut être à la fois une force et un handicap. Les équipes se connaissent bien, et sont de la sorte plus soudées. Par contre en cas de conflit on peut difficilement faire abstraction.
16h30 : Ici l’avantage c’est qu’on mange à l’heure. On peut se permettre de prendre une pause, et même parfois un gouter. J’ai quand même pris le temps de bien vérifier tous mes dossiers et c’est agréable de le faire bien. J’ai été occupée toute la journée, sans courir partout. Il est temps de faire mon tour de l’après-midi. Je prends le temps avec chacune de mes patientes, réponds à leurs questions, anticipe leurs douleurs et leurs hésitations puis l’heure ne tarde pas à venir.
19h05 : Que c’est agréable de partir à l’heure. Je me presse dans l’espoir de réussir à chopper la barge de 20h.
19h40 : Je pars de la maison, ma moto est toujours à la barge et je dois me débrouiller pour me rendre jusque là-bas avec un taxi. Après quelques pas je me rends compte que j’ai oublié ma monnaie, je fais demi tour et décide de prendre la barge suivante, je culpabilise trop de voir la petite truffe d’Oïkia qui n’a pas pu se dégourdir les pattes aujourd’hui. On prends un petit moment toutes les deux, rien que nous.
20h30 : Un peu tôt pour chercher un taxi visiblement. Il passe tous en sens inverse pour ramener du monde vers la barge plusieurs minutes plus tard. Je réussi à en chopper un que je paye 1,6€.
21h25 : Le temps de traverser et Romain passe me prendre sur sa toute nouvelle moto pour m’emmener au Barakili. Il est fière comme un paon et je ris de sa maladresse. Il n’a pas l’air du tout à l’aise avec un monstre pareil. Il est passé d’une 125 cm3 à une 750 juste après avoir passé son permis. A l’arrivée devant nos copains, assis au bar, il cale. J’éclate de rire, et le charrie encore un peu, mais pas trop pour que ça ne soit pas méchant. Les mâles et leurs égos…
00h30 : Il est temps de rentrer. Après une excellente soirée, plutôt arrosée j’apprécie de me faire ramener pour une fois. Les filles nous suivent de quelques instants, et toute la maison s’endort à Passamainty. Demain je m’occupe de ma moto, rester sur grande terre me facilitera la tâche pour organiser la réparation de l’engin.
J 190
9h45 : Romain est parti au travail depuis un moment. Moi j’ai traîné un peu au lit mais je me lève enfin pour accéder à mon téléphone et réfléchir à mon organisation de la journée : comment je vais m’y prendre avec cette moto qui ne bouge pas ? Aude, une copine de la bande qui habite à deux pas, a dormi là visiblement. On se met en boule sur le canapé en laissant passer ces minutes matinales.
10h15 : Hérine se lève, suivit de Martin, son amoureux. Cécile ne tarde pas à suivre et toute la maison est éveillée pour trainer ensemble. Je décide d’appeler le garage pour avoir un avis sur ma panne. S’il faut appeler un dépanneur autant que je sache maintenant. En décrivant ma panne le mécanicien que j’ai à l’appareil me dis qu’il envoie quelqu’un sur place, que j’attends d’avoir de ses nouvelles avant de faire quoi que ce soit. J’obtempère. 30 minutes plus tard ce même monsieur me rappelle : “C’est réglé, votre moto est réparée.” Génial ! Une des visses avait mal été serrée lors du changement de plaquettes il y a deux semaines. Je dois simplement venir régler 20 euros pour le déplacement. Ça me semble correct, même si c’est de leur faute ils se sont quand même déplacés. Je profite du convoi d’Hérine et Martin partant faire les courses pour me rapprocher un peu de ma moto. A peine descendue de la voiture, je tends le pouce pour faire du stop. 3 voitures plus tard quelqu’un s’arrête et m’y dépose. La conversation s’engage toute seule. Mon chauffeur est père de deux enfants et a fait ses études en métropole. Il me demande mon numéro, je refuse poliment et le salut avant de reprendre ma route.
13h : Un aller retour au garage pour régler ma dette et je rentre à la maison.
16h30 : Je suis fatiguée ces derniers temps, ça n’arrête plus. Une bonne petite sieste me semble méritée.
19h : J’avais dis “petite”. Tant pis, je me lève groggy pour sortir promener Oïkia. Corentin, un copain de fac de passage sur Mayotte arrive à cet instant. Il dors à la maison ce soir pour pouvoir prendre son avion de demain matin. Lui et Lili s’empresse de venir avec moi pour faire un tour.
19h45 : Pour l’occasion nous mangeons au restaurant du Moya ce soir. Salade de papaye pour certains, camembert rôti pour moi. Tant pis pour le local. La coloc est au grand complet, je crois que c’est la première fois depuis mon arrivée, et la dernière puisque Jeanne & François rentrent demain direction Brest.
23h30 : Après une soirée sans fioriture, je propose mon lit à Corentin, qui semble ravie de l’aubaine.
J 191
8h15 : J’ai dormi 5h. J’hésite à rester au lit mais me fout un coup de pied aux fesses en me disant que je me recoucherais après avoir déjeuné avec Lili et Corentin.
9h30 : J’enlace ce dernier en lui souhaitant bon voyage. Après ça je regagne mon lit en cherchant ma motivation pour rattraper mon retard d’écriture.
14h : C’est plus une sieste c’est un coma. Il est temps que je reprenne un rythme plus sain, une vie plus cadrée. Mais pas pour l’instant, pour l’instant je guéris. Et me connaissant ça passe par tout ça. Je sors de mon lit pour aller comater avec le reste des colocs. Lili regarde une série en VO, sous-titrée en anglais. Ça va trop vite pour moi.
14h30 : Finalement je m’en sors plutôt bien. Je comprends la plupart des dialogues. Dans leurs globalités en tout cas. L’étape de l’Australie l’année prochaine me semble indispensable vu mon niveau actuel, si je veux pouvoir partir avec médecin sans frontière comme prévu. Je grignote, puis vais écrire encore un peu. La fin de l’après-midi arrive vite.
17h30 : Il faut que je me bouge si je veux avoir le temps de profiter du coucher de soleil sur la berge. Oïkia n’a pas besoin de sollicitation de ma part pour courir sur la véranda en attendant sa laisse. Ou du moins son harnais, j’avoue que la laisse en s’en passe un peu ici. Sans trainer j’enfile mes tongs et prends la direction de la plage. La marée est haute, tans pis pour sa course sur le sable. Je marche sans réfléchir, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, les pensées envolées dans ma tête. La couleur du ciel s’est déjà assombrit quand j’arrive assez proche pour entendre le bruit des vagues percutant la digue. Je ne me lasserais jamais de ce spectacle, la sérénité qui se dégage de cette île par moment est unique. Malgré toutes mes mauvaise aventures, bien que j’ai dû m’accrocher par moment, je réalise la chance que j’ai d’être sur ce cailloux, bien loin de chez moi. Je ne peux pas résister à prendre en photo les trois enfants qui jouent nus dans l’eau, dans ce décor de nuages parsemés de nuit, et de vagues habillées de pirogues. Le temps est suspendu, je l’immortalise avec un cliché qui ne sera jamais aussi beau que ce que j’ai devant les yeux puis reprends ma route.
19h40 : De retour à la maison, j’ai juste le temps de prendre une douche et de me changer avant de repartir pour barger sur grande terre. Cette-fois ma pepette fait partie du voyage puisque je suis en garde les deux prochains jours et que mon départ se fera le jour d’après. Ses tatas d’adoption m’ont demandé si elles pouvaient la garder pendant mes vacances. Je leurs aurait certainement demandé ce service à un moment où à un autre donc ça m’arrange bien. Oïkia bien installée dans son sac sur mon dos je roule prudemment et fais tourner toutes les têtes. Les gens s’en amusent, j’avoue qu’il y a de quoi mais elle est sacrément lourde.
20h : Comme une petite fille bien élevée je me dirige à l’arrière de la barge avant que quelqu’un ne me le demande. Les chiens ne sont pas acceptés sur la barge, je sais. Je pense que certaines personnes m’ont déjà remarqués, il faut dire qu’un chien à moto ne doit pas être très courant en métropole, alors ici n’en parlons pas.
20h45 : Ce soir c’est Nathan qui fête son départ. Je l’embrasse, salut tout le monde et commande de quoi manger avant de tourner un peu pour discuter avec tout le monde. Oïkia fait sa vie, et fait chavirer tout le monde surtout. Je la surveille du coin de l’œil quand je vois un chien sortir de nulle part pour lui sauter dessus et la mordre au niveau des fesses. Je crie pour le faire fuir comme une lionne protégeant son petit. Sans réfléchir je tape du pied par terre, juste à coté de son museau et m’apprête à lui en coller une s’il ne dégage pas rapidement. J’ai agis par instinct et j’ai certainement dû attirer l’attention mais peut importe, j’ai eu peur et ma louve aussi. Elle se range derrière moi, elle sait que je ne suis pas du genre à intervenir, d’habitude je les laisse gérer ce genre de chose. Quelques secondes plus tard l’un des serveurs vient s’en prendre à moi. Il me dit que mon chien va poser problème, que c’était un chien d’ici et que ça ne va pas être possible. Je prends sur moi pour ne pas lui faire savoir que la mienne est bien élevée et qu’elle ne mord pas à tout va, contrairement au sien visiblement. Je choisi l’intelligence et répond froidement que je vais l’attacher. Pas du tout ravie de faire passer ce genre de message à ma chienne, qui est très bien codée, elle.
21h30 : La plupart de la troupe habituelle est là. Je me sens à ma place, j’apprécie la soirée et me fais violence pour ne pas rentrer trop tard. Paul est arrivé ce soir en plus. C’est un copain de la réunion que j’attends de voir depuis un moment. Mais si je me laisse embarquer je ne serais jamais d’attaque pour aller travailler demain.
22h50 : Il est temps de prendre le chemin retour. J’ai déjà dis au revoir à la chose la plus précieuse qui partage ma vie actuellement : Alice et Louise sont parties en voiture avec Oïkia il y a quelques minutes, j’espère que les filles en prendront soin, c’est l’un de mes piliers maintenant. Et ça me fais tout vide quand je rentre à la maison et qu’elle n’est pas là pour me souhaiter bonne nuit.
00h : Mon réveil sonne dans 6 heures.
J 192
6h15 : C’est dur. Je calcule les prochains jours : je ne suis pas prête de dormir mais tant pis, mes vacances serviront à ça. Quoi que, connaissant la chose, je me doute que mon passage en métropole ne va pas être de tout repos.
7h : 3 dames dans le service. J’attends les résultats d’un bilan et en fait sortir une d’ici le milieu de la matinée. Je vérifie mes dossiers, prépare mes transmissions, fais les ouvertures de salle, mais rien de subjuguant pour une journée de travail. Comme je ne déborde pas d’occupation j’en profite pour gérer mon vol qui approche, et le test PCR qui va avec. 8ème test, 8ème ! Je crois que c’est le plus douloureux d’entre eux. J’ai fais la bêtise de demander à Ruben de me le faire, disons que la douceur c’est pas son truc visiblement.
14h : La journée passe lentement mais c’est agréable. J’ai le temps de faire les choses bien, ça change de la course constante de Mamoudzou.
19h : 3 dames me sont transférées de la capitale justement. Le temps de faire quelques dossiers, les examens cliniques de la journée et ma relève arrive. Ce soir je retrouve Paul pour une soirée tranquille, il a un peu trop fait la fête hier soir et la journée a été difficile.
Je me presse pour prendre la barge de 19h30.
19h45 : Finalement Paul me lâche. Il est trop fatigué. Tant pis pour lui, je n’ai aucune envie de rester à la maison alors je prends la direction d’Iloni pour une soirée entre copain dans mon ancienne coloc.
20h45 : C’est vraiment par ce que je les aime. J’en ai pour autant de temps de trajet que de temps passé sur place. Mais ma venue fait plaisir à tout le monde visiblement, et en prime je peux profiter d’une dernière caresse à ma louve.
J 193
7h : Une nouvelle garde sur petite terre commence. J’écoute les transmissions attentivement et me retrouve seule rapidement puisque Carline, qui est de garde avec moi aujourd’hui, est partie en transfert pour amener une dame de notre maternité à celle de Mamoudzou. Selon nous pas la peine de faire déplacer une sage-femme pour cette situation mais le médecin (exécrable au passage) a exigé que l’une d’entre nous parte. Soit. Je prends donc en charge la personne qui se présente pour saignements sur un début de grossesse. Les saignements ont eu lieu hier, mais cette petite dame ne se présente devant moi qu’aujourd’hui. A mon examen pas de saignement, pas de défense abdominale, les constantes sont normales. Bon, on passe à l’échographie. Je précise une fois encore à cette dame que je n’ai pas l’habitude d’un tel appareil, et que l’examen peut prendre un peu de temps. Une fois bien installée je commence mon exploration. D’après mes mesures la grossesse date de 6 semaines, 8 semaines d’aménorrhées donc (sans menstruations). Premier hic : selon elle, les datent ne correspondent pas, pourtant ses cycles sont réglés comme du papier à musique. Deuxième chose qu’il est important de trouver pour moi dorénavant c’est un petit coeur qui bat. Je cherche, je cherche. En vain. Je tourne ma sonde dans tous les sens, j’essaie d’écouter, c’est silencieux. Je me retrouve maintenant dans une situation délicate : je n’ai pas assez d’expérience pour annoncer à cette dame que la grossesse n’aboutira pas puisqu’elle s’est arrêtée. Et en même temps aucun élément ne me rassure quant à la viabilité de la situation. Seule solution : lui demander de patienter jusqu’au retour de ma consoeur. Je lis l’inquiétude dans ses yeux et je ne peux même pas la rassurer. Je ne peux pas lui dire que tout ira bien, si je ne me trompe pas, c’est faux. Et je ne peux pas détruire ses espoirs d’avoir un nouvel enfant si c’est juste une erreur de ma part. Je la laisse patienter devant “en salle d’attente” qui est en réalité le parvis de l’hôpital, des larmes au bord des yeux. A cet instant une autre patiente se présente devant moi :
- Bonjour buéni, pourquoi tu viens me voir ?
- Je viens par ce que j’ai un retard de règle.
- Ah ? (J’attends la suite)
- J’aimerais savoir… Je ne veux pas le garder si c’est le cas.
Je suis profondément ennuyée quand le résultat du test se révèle positif. Quand je pense à cette petite dame qui espérais tant de sa grossesse il y a quelques minutes, et à la détresse de ma nouvelle patiente quand je lui annonce qu’effectivement, il va falloir procéder à une interruption de grossesse si elle ne veut pas la mener à terme. Cette fois l’échographie est plus probante. J’arrive tout aussi bien à dater la grossesse, et cette fois un petit clignotant affiche une activité cardiaque sur mon écran. Je ne cherche pas à en écouter les bruits, et je m’assure du souhait de ma patiente : regarder les images du foetus en même temps que moi, ou tourner l’écran pour qu’elle ne voit rien ? Elle choisit de regarder, certaines personnes en ont besoin pour réaliser ce qu’il arrive.
9h : Carline est de retour. Elle confirme mon premier diagnostic et m’accompagne pour annoncer à notre première patiente que sa grossesse s’est arrêtée. Qu’elle doit se rendre à l’hôpital de Mamoudzou demain, pour la suite de la prise en charge, puisque visiblement son corps ne s’est pas décidé à l’expulser de façon autonome.
10h : J’effectue une sortie, vérifie mes dossiers, le reste de la journée est calme. Je prends le temps.
17h : 2 transferts arrivent. Après que l’aide-soignant les ai installées je m’apprête à aller les voir pour un tour du soir quand je me rends compte que la commande de pharmacie (normalement effectuée le week-end) n’avait pas été faite. J’ai mal compris les transmissions d’hier (à Mamoudzou ça n’est pas aux sages-femmes de gérer ça !) et ma boulette va nous foutre dans la merde si l’activité s’emballe tout à coup. Il faut absolument commander avant demain matin. Je commence donc la besogne et c’est sacrément chiant tous ces noms de médicaments plus chinois les uns que les autres, sous pleins de formes différentes, et rangés à divers endroits.
17h30 : Il faut que je commence mon tour si je ne veux pas être en retard pour la relève. A cet instant deux dames se présentent simultanément aux urgences obstétricales. J’en vois une pendant que Carline gère l’autre mais ça ne m’arrange pas du tout. Je jongle entre mon tour et cette dame. C’est un premier bébé, la personne est jeune, elle n’est dilatée qu’à 2 doigts mais semble avoir du mal à gérer la douleur. En plus de ça le rythme du coeur de son bébé est loin d’être parfait. J’essaye de tout faire à la fois mais visiblement la pharmacie ça devra attendre un peu. 2 autres patientes se présentent : une pour saignement peu abondants depuis 2 heures en début de grossesse, et l’autre, pour contraction à terme de sa grossesse. Je fais patienter la première et tente de jauger l’urgence de la situation pour la deuxième :
- Buéni, c’est ton premier bébé ?
Son rictus me fait clairement comprendre que non. Son mari, à ses cotés me gratifie d’un “On vient pas des Comores nous.” Sans comprendre où est le lien, je lui réponds que peu importe, je ne fais aucune différence. J’en reviens à ma dame : “C’est quoi ce sourire ? Ça veut dire combien ?” Dis-je le sourire dans les yeux à ma patiente, en ignorant son conjoint. Elle me répond avec ses doigts : C’est le 7ème. Vu comme elle se dandine je vais devoir l’examiner. Aller madame vient par là, on va vite être fixées. Tu as perdu du liquide ? Ah oui, un flot de couleur teinté se déverse sur le sol de la salle d’examen. Oui. Dilatée à deux doigts, sauf que dans ce cas-ci les choses peuvent aller très vite. Je connais leurs mimiques quand le travail avance à grand pas. Et une patiente qui se tortille de la sorte, en gérant la douleur comme elle peut le faire, ça ne va pas tenir bien longtemps. A peine mes doigts ne touchent-il plus la dame que Carline passe une tête dans la pièce pour me solliciter. Elle aimerait que je confirme son diagnostic échographie : “C’est comme toi ce matin” me précise-elle pour garder le secret médical tout en me faisant comprendre l'importance de la situation. J’y vais.
18h45 : En effet, pas de coeur non plus. Ma patiente pleure. Je la laisse quelques minutes réaliser ce qu’il se passe avant de lui faire une prise de sang et d’appeler le médecin pour l’en avertir. Seule différence, cette fois ma patiente a de la fièvre. Je lui prescris des antibiotiques et lui indique qu'il faut absolument qu'elle se présente demain matin aux urgences du CHM. Qu'il faut aussi recontrôler sa température dans une heure, pour s’assurer que tout va bien, et qu'elle ne présente pas d’infection urgente à traiter. Elle souffle, visiblement excédée de devoir attendre quelques dizaines de minutes. Si elle savait qu’à Mamoudzou la même prise en charge aurait pris des heures…
19h : Claire est là pour sa nuit. Je commence mes transmissions du service et lui assure que je vais rester un peu plus pour la commande de pharmacie. Mon erreur, c’est à moi d’assumer. Elle me rassure : pas de quoi s’inquiéter, elle aura le temps dans la nuit. Elle m'interdit de tout faire, mais j’insiste pour finir au moins la commande en cours. Après quoi je propose plusieurs fois de rester, les filles refusent. Elles me souhaitent bonnes vacances, et je rentre à la maison pour enfin profiter d’un peu de repos dans les 2 semaines à venir.
19h50 : Je suis partie en retard cette fois-ci. Pas de chance, j’étais un peu pressée, mais c’est le jeu. Je passe une tête dans la chambre de Lili qui est malade aujourd’hui. J’insiste pour qu'elle prenne sa température : 38,8°. Je me tiens à l’écart, avec un masque mais lui offre de rester m'occuper d'elle. Elle refuse. Je lui apporte de l'eau, des médicaments, lui fait un bisous de loin et prends la route de la barge. Ce soir les copains se retrouvent au 5/5 pour la finale du foot qui ne m’intéresse absolument pas. Mais au moins je passe récupérer Paul, et on ira boire un verre avec tout le monde.
21h15 : Dans la file d’attente un jeune s’appuie sur ma moto en discutant avec un ami. Je le regarde une première fois pour lui signaler mon mécontentement. Il recommence, 2 fois, puis 3. Je m’agace et lui demande clairement de s’éloigner, que c’est désagréable et que ça ne se fait pas. Il sourit et engage la conversation. Visiblement c'était fait exprès pour attirer mon attention. Il s’appelle Awad et est professeur des écoles. Je fais la connaissance de Marie-Sophie, jeune entrepreneuse et de leur copain prof de sport.
21h45 : La barge a près d'une heure de retard. Sans aucune raison apparente, mais il faut s'en contenter c’est notre seul moyen de rejoindre grande terre.
22h20 : Ça fait tard mais tant pis, je passe prendre Paul à Majicavo et on file au 5/5 pour embrasser tout le monde. A notre arrivée ils sont tous captivés par le match. Aucun intérêt. On s'assoit à l'écart pour pouvoir discuter. Paul est un bon copain, la conversation est facile. On ne réussit jamais à être sur le même continent au même moment mais sinon on est toujours contents de se voir.
23h30 : La barge du retour est là. Je fais un bisous à ceux de la troupe que je ne verrais pas avant mon départ en vacances demain.
00h30 : Paul s’est endormi à mon retour de la douche. Il dort à la maison par ce qu’on pars tôt demain matin pour une journée bateau. Je me couche discrètement contre lui pour ne pas le réveiller. Il est bouillant, je me demande s'il n’a pas de la fièvre lui aussi. En me prenant la main pour que je l’enlace je sens son coeur cogner. Visiblement il ne dort pas. Moi je ne tarde pas à fermer les yeux.
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5h15 : Aïe. Ça pique mais je dormirais plus tard, ce matin ça vaut le détour. Tous les deux un peu dans le brouillard on se dirige machinalement vers notre point de rendez-vous. Arrivés sur le ponton, le jour n’est pas levé et le silence se fait entendre. Il s’assoit tout près de moi, et m’offre la chaleur de ses bras. Je profite d’un petit moment privilégié pour plaisanter sur sa fièvre d’hier soir : “Ça c’est quand mon corps veux quelque chose et que ma tête dit non”. Au moins les choses sont claires. Il précise que j’ai les idées trop embrouillées et qu’il ne voulait pas profiter de la situation. Que s’il devait se passer quelque chose entre nous un jour, il veut que je soit limpide dans ma tête. Je le remercie, touchée de l’intention.
5h45 : Les copains sont là. On salut notre capitaine avant de monter sur le bateau et de commencer notre voyage du jour. La nuit est encore noir, et notre habitacle se déplace avec le seul bruit de son moteur sur une mer huileuse. Chacun est respectueux du silence matinal, ou alors a encore les yeux trop collés pour lancer la première vanne. Je suis contente d’avoir pris mon gilet, à cette heure-ci et sans soleil il ne fait pas chaud.
6h05 : Celui-ci ne tarde pas à se lever. Le spectacle est aussi beau que dans mes souvenirs. J’adore ces moments suspendus en dehors du temps, et les dauphins viennent s’ajouter à la vision idyllique de cette grosse boule de feu qui s’élance des les airs. On ne sait plus ou donner de la tête : les mammifères à gauche, le jour qui se lève à droite. Je me colle à Paul et lance un “Alors ? Ça valait le coup pas vrai ?” Il acquiesce silencieux, le sourire aux lèvres, je sais qu’il est comme moi. Baroudeur dans l’âme il sait apprécié ce genre de privilège à sa juste valeur.
8h : On est partis en quête de baleine mais pour l’instant la chasse n’a pas été fructueuse alors on s’accorde une pause petit déjeuner. Les trois assiettes gargantuesques hautes en couleurs qui se présentent devant moi me donne l’eau à la bouche. Banane, ananas, passions, dattes, cocos, papaye, orange, autant de sucre que de fraicheur accompagné d’un thé à l’ylang et d’un bon pain au chocolat. C’est parfait pour se remplir la panse et se mettre à l’eau avec nos amis les dauphins quelques dizaines de minutes plus tard. On pourrait presque s’y habituer. Les tursiops sont des animaux curieux, à notre mise à l’eau ils s’approchent et s’amusent de notre présence. Je mets un point d’honneur à tenter de ne pas les suivre, s’ils veulent être avec nous ils viendront, et c’est ce qu’ils font.
10h30 : Le reste du programme de la matinée consiste à chercher des baleines qui ne daignent pas se montrer et à errer d’îlot en îlot pour profiter du sable blanc. On se chamaille, on se pousse, on se lance du sable. De vrais gamins. Et qu’est ce que ça fait du bien un peu d’insouciance.
11h : L’apéro ne tarde pas ! Chacun son verre de punch, je passe mon tour, je n’en ai pas envie. Pas contre pour les accras de légume je prends ma part ! Paul goute au “poutou” traditionnel (sauce pimentée) et garde toute sa dignité en ne montrant pas à quel point la grosse dose qu’il vient de prendre a du lui arracher la langue.
12h : Malheureusement l’un des deux moteurs nous a lâché. Comme on avance deux fois moins vite on va devoir prendre le chemin du retour et nous n’aurons pas vu les raies et requins que j’espérais apercevoir. Une prochaine fois ! Au beau milieu de la route (de la mer plutôt) celui-ci redémarre sans plus de préambule et notre destination est atteinte plus vite que prévu.
13h : Comme nous avons un peu d’avance le pilote nous dépose directement sur petite terre. Je l’en remercie chaleureusement et embrasse mes amis que je ne vais pas voir avant un bon petit moment. C’était bien de savoir que j’ai pu compter sur eux ces derniers temps, l’ambiance est légère, je me sens bien auprès d’eux.
13h05 : Le bateau à quitté le quai depuis quelques secondes quand je réalise que mon blouson de moto est resté à bord. Je fais de grands signes pour leur intimer de faire demi tour : sans succès, ils me font de grand coucou l’air de dire “au revoir” sans comprendre que je leurs demande de revenir. J’appelle tout le monde, évidement personne ne répond.
13h15 : Enfin Dante décroche. De toute façon le capitaine devait revenir faire le plein sur petite terre donc nous n’avons plus qu’à attendre. De toute façon mes clés sont dans la poche de ma veste.
13h30 : Alice a profité de l’aubaine pour venir avec nous sur petite terre. Ses parents débarquent sur l’île ce soir pour 2 semaines de vacances et je la sens impatiente. Pour la faire attendre je profite d’un petit moment à leur faire visiter la nouvelle maternité de Pamandzi. Ensuite on rentre à la maison, je prends une bonne douche et prépare enfin mon sac. Il est temps, mon avion décolle dans quelques heures. Lili est là, on papote. Tout le monde est un peu ko, on reste au calme, entre nous puis Alice part, enfin c’est le tour de mon ami, puis le mien.
18h45 : Je pars vers l’aéroport. Je rentre enfin retrouver les miens et me ressourcer, il était temps. J’ai hâte de retrouver les bras de ma petite maman.
20h : Les contrôles de routine sont effectués. A ceux-là s’ajoute ceux du Covid. J’ai passé la douane et je mange un encas avant de rentrer pour une pause bien méritée.
21h10 : Retour aux sources entamé. Les roues quittent le sol, et je m’envole vers de nouvelles aventures.
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