J 32 - J 44

Publié le 1 avril 2022 à 23:00

J 32

 

10h : Ce matin Carrie chante pour l’usine de production de sirop d’érable de la ville d’à coté. Bryan m’emmène et comme à son habitude il ne tient pas en place. Plutôt en opposition avec mon tempérament calme, ce genre de personne à tendance à me mettre un peu mal à l’aise. Il a pourtant l’air gentil même s’il semble difficile à canaliser. En bon canadien il mâche ses mots, et même s’il a l’air de faire des efforts je peine à saisir tout ce qu’il me dit. J’aurais bien le temps de trouver le décodeur pendant le mois d’avril. 

10h30 : L’endroit est charmant. On boit un cidre chaud au milieu du cliché américain : la plupart des voitures garées dehors sont des pick-up, les gens portent presque tous des santiags (quelle idée de mettre des chaussures blanches Thaïs ?) et une forêt de hauts érables nous entourent. Carrie chante sur une scène au milieu de ce décor et les enfants, qui ne connaissent pas encore cette idée débile que les adultes appellent la pudeur, dansent.

11h : La fabrique de sirop d’érable organise cet événement tous les samedis pour faire fonctionner un peu plus leur commerce. Ils proposent l’accès au public aux divers procédés de production ainsi que les explications qui vont avec. Un petit retour dans le temps nous montre aussi comment était faite cette délicieuse bombe de sucre avant l’industrialisation : avec de grandes marmites, au dessus d’un feu de camp. 

11h15 : La pile électrique veut déjà rentrer, il me dépose à la ferme Morganston et repart aussitôt. 

 

J 33

 

10h : La journée commence par un nettoyage approfondi de la bergerie. Comme il n’y a presque plus de neige la brouette est remplacée par un mini tracteur avec sa petite benne. Je fourche le tout avant d’embarquer tout ça plus loin sur mon quatre roue de bergère. 

11h : Tout plaquer pour partir tondre des moutons au Canada ? I did it ! Les quatre moutons sont « tondus » une fois par an, et comme la température remonte c’est le moment de s’y mettre. En réalité ici ils ne sont pas tondus à proprement parler puisqu’on emploie deux paires de ciseaux et 1h30 de patience par mouton. Le but étant de couper la laine au plus proche de la peau de notre bête maintenue à l’effort de nos corps, sans pincer celle-ci. Jake, le mâle, ne se laisse pas faire. Seulement attaché par le cou, il a tout le loisir de se débattre dès que nous baissons notre attention. Plusieurs orteils en moins, il a la gentillesse de ne pas me donner de coups de tête ni de me mordre c’est déjà ça. Par contre je m’occupe de l’arrière train et me fait baptiser à plusieurs reprises par son mécontentement. Bienvenue à la ferme ! 

14h30 : 2 moutons plus tard j’ai cru que c’était fini. Non, non, non. Il faut nettoyer la laine d’abord. Bon ok, mais je vais manger d’abord.  

 

J 34

 

11h : Let’s go ! La température a brusquement rechutée et on a dû attendre qu’il fasse un peu plus chaud pour enlever ces gros manteaux à nos protégés. C’est reparti pour les deux derniers moutons. Même si la première, blanche comme la neige est plutôt docile ce n’est pas la cas de Coco, marron comme chocolat, qui est bien connue pour ne pas apprécier du tout cette étape obligatoire. Debout et penchées au dessus du mouton, il nous faut une certaine forme physique pour prendre des positions aussi improbables qu’inconfortables afin de tondre et de maintenir en même temps. La musique classique qui berce la bergerie jour et nuit nous accompagne, parfois Carrie chante, moi j’écoute en réalisant la chance que j’ai. 

 

J 35

9h : Vous pensiez que le plus dur était passé ? Moi aussi ! Mais après cette première étape, la deuxième est encore plus longue et fastidieuse : il faut nettoyer la laine de tout ce qui a été accumulé au cours de l’année. Croyez moi la laine ça accroche tout. Il faut séparer les fils de laine au dessus d’une grille pour en faire tomber la majorité de son contenant de saleté. Après ce premier processus vient le premier lavage, à l’eau chaude et au savon, puis au rinçage, autant de fois que nécéssaire, à l’eau claire cette fois ci. Pour la suite on verra, honnêtement on en est encore très loin. 

13h : L’heure de manger, l’heure d’arrêter. La laine de chaque mouton est traitée séparément et nous n’avons même pas terminé le premier. Les prochains jours risquent d’être longs. Patience et minutie sont au programme. 

 

J 37

 

19h : J’ai beau essayer, la conversation est plus que difficile à tenir pour moi ce soir. Avec Emma en tête à tête au restaurant avant d’aller admirer Carrie sur scène le moment est un peu long. Certaines personnes savent vous mettre à l’aise tout de suite, je crois qu’Emma et moi on pourrait être copines si on parlait à peu près la même langue, mais les échanges sont particulièrement durs depuis le début de la soirée. Je ne trouve pas mes mots, les phrases se mélangent, les conjugaisons ne suivent pas, j’ai honte. Certains jours j’ai l’impression d’être une vrai calamité, de n’avoir rien appris, de perdre mon temps.

20h30 : Heureusement Carrie chante fort et la salle ne s’entend pas parler. L’ambiance est à son comble, les gens chantent, dansent, et notre chanteuse brille. Au premier rang on l’encourage joyeusement à la fin de chacune de ses prouesses, et la fin de la soirée touche vite à sa fin. 

23h : Un peu découragée ce soir, j’ai parfois l’impression que mes progrès sont inexistants, c’est parfois tellement frustrant… Le lendemain tout revient comme si tout avait toujours été facile.

 

J 39

 

13h : De potentiels clients viennent discuter boulot avec John accompagnés de leurs deux magnifiques petites filles de 4 et 6 ans. Un peu timides au début, celles-ci se dévoilent très bavardes une fois que je réussi à gagner leurs confiances. Un petit cheveux sur la langue, la petite dernière se moque bien de mes phrases mal organisées. La candeur et l’impartialité qui en résulte, réservée aux enfants est parfois si précieuse. Oïkia est un ange et redouble de douceur avec chacune d’entre elles, j’apprécie particulièrement sa capacité à adapter son comportement à la vulnérabilité de la personne qui se trouve en face d’elle. Parfois je pense qu’on aurait beaucoup à apprendre de nos enfants et de nos amis les bêtes. 

 

J 43

 

9h : J’ai passé les derniers jours les doigts dans le caca de mouton. Plusieurs heures d’affilées à nettoyer minutieusement la laine de ses plus grosses particules. Les plus fines tomberont lors de la première étape de nettoyage, et les dernières seront éliminées lors de la dernière, avant le tissage, qui consiste à séparer chaque poil avec deux grandes brosses spéciales à tiges fines. 

9h30 : Les laines de seulement deux moutons sur quatre ont été triées mais Carrie souhaite changer de programme pour la journée : cette fois nous planterons de la lavande. Après un mois passé au frigo les minuscules graines sont prêtes à être mises en terre. Elles sont si petite que j’ai du mal à les voir, et pour les saisir n’en parlons pas. J’opte pour une pince à épiler et m’attèle à la tâche pour planter ces 216 futurs plans de lavande. 

 

J 44

 

8h30 : Matin de départ. Mes affaires sont prêtes, la pâte à crêpes aussi. J’ai promis à Carrie de lui apprendre à en faire avant de partir. Je lui ai laissé la recette et j’aime beaucoup l’idée qu’un petit bout de moi restera avec eux, par ce que c’est sûr, je n’oublierais jamais cette famille. Carrie est sans aucun doute la personne la plus emphatique et gentille que j’ai jamais rencontrée. 

9h : D’une main je commence les crêpes, de l’autre le pain perdu. J’enseigne à mon apprenti qui est tout ouïe et qui pour être honnête ne se débrouille pas trop mal pour une première. La poêle une une catastrophe, impossible de les faire sauter c’est dommage. 

9h30 : Petit déjeuner engloutis et avec une demi heure de retard sur le planning nous prenons la route tous ensemble pour rejoindre ma prochaine étape : Toronto. J’avais réservé un poparise pour la trajet en covoiturage mais Carrie a insisté pour m’emmener et toute la famille s’est finalement décidée à venir. Hier soir Bryan, avec qui je vais vivre le prochain mois, nous a appris qu’il avait contracté le Covid, ça m’arrange bien de l’avoir déjà eu en plus de mes 3 doses de vaccins, grâce à ça mes plans ne s’en trouvent pas changés et je pourrais lui rendre service le temps qu’il se remette. 

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